République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 55e séance
PL 8390
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique Modifications
La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976, est modifiée comme suit :
Art. 10, al. 3 (nouveau)
3 Toutefois, la demande de classement n'est pas recevable lorsqu'elle porte sur un immeuble dont la démolition ou la transformation est prévue, soit par une autorisation de construire ou de démolir en force, soit par un plan localisé de quartier ou un plan de site entré en force depuis moins de cinq ans, et n'a pas suscité d'objection de la commission des monuments, de la nature et des sites dans le cadre des procédures y relatives.
Art. 13, al. 1 (nouvelle teneur)
1 A compter de l'ouverture de la procédure de classement et jusqu'à l'issue définitive de celle-ci, y compris d'éventuels recours, mais au maximum pendant un délai de 3 ans, le propriétaire ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans autorisation de l'autorité compétente.
En matière de protection du patrimoine, c'est souvent lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une demande d'autorisation de démolition ou de transformation que se pose avec acuité la question de la valeur exacte de ce bâtiment et, si l'objet s'avère digne de protection, celle des mesures de protection à adopter concrètement.
La protection du patrimoine est fréquemment prise entre deux exigences fondamentales, a priori contradictoires : la capacité de prendre rapidement les mesures de protection qui s'imposent, en regard du caractère digne d'intérêt des immeubles dignes de protection, d'une part, et la sécurité du droit d'autre part, qui veut que des autorisations de démolir ou des plans d'affectation du sol en force depuis peu ne puissent, en principe, plus être remis en question.
Le conflit entre sécurité du droit, d'une part, et dynamisme et efficacité de la protection du patrimoine d'autre part, est inévitable. Il doit cependant être réglé précisément, par des dispositions claires, l'insécurité juridique pour le propriétaire ou le requérant dans la procédure d'autorisation de construire, qui résulte de la possibilité de prendre des mesures de protection, devant être clairement circonscrite.
S'agissant en particulier de la question des mesures de classement, la pratique a montré que le droit cantonal genevois comporte quelques regrettables lacunes en la matière.
En effet, le simple dépôt d'une demande de classement a pour le propriétaire des conséquences importantes, puisqu'il « ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans l'autorisation de l'autorité compétente ». La possibilité de déposer une demande de classement ne fait cependant l'objet d'aucune restriction particulière. Des autorisations de démolir ou des plans d'affectation du sol récemment entrés en force, portant sur des immeubles dignes de protection et ayant fait l'objet d'un préavis de la Commission des monuments, de la nature et des sites, peuvent ainsi sans autre être remis en cause, ce qui n'apparaît pas acceptable.
Dès lors, le présent projet de loi propose d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la demande de classement n'est pas recevable lorsqu'elle porte sur un immeuble dont la démolition ou la transformation est prévue, soit par une autorisation de construire ou de démolir en force, soit par un plan localisé de quartier ou un plan de site entrés en force depuis moins de cinq ans, et a spécifiquement fait l'objet, dans le cadre des procédures y relatives, d'un préavis de la Commission des monuments, de la nature et des sites qui ne soit pas défavorable (nouvel art. 10, al. 3). A noter que le délai de 5 ans prévu par cette disposition est identique à celui retenu pour le règlement des cas de concours entre les plans localisés en force depuis moins de 5 ans et les plans de site (art. 40, al. 12 et 13 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976, ci-après : LPMNS) ou les plans d'utilisation du sol (art. 15G de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929, ci-après : LEXT).
Parallèlement, il apparaît que l'article 13 LPMNS, qui règle les effets d'une demande de classement, n'est pas rédigé de façon satisfaisante.
Pour mémoire, le premier alinéa de cette disposition est ainsi libellé :
« Pendant un délai de 6 mois, à compter de la communication de l'avis de la procédure de classement, le propriétaire ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans l'autorisation de l'autorité compétente. Ce délai est prolongé d'une nouvelle durée de 6 mois en cas de recours au Tribunal administratif contre l'arrêté du Conseil d'Etat. ».
Dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat ne serait pas en mesure de respecter le délai d'ordre de 6 mois et, en cas de classement, puis de recours, dans celle où il en irait de même pour le Tribunal administratif, l'immeuble objet d'une demande de classement, voire d'un arrêté de classement contesté auprès dudit Tribunal administratif n'est alors plus protégé. Ledit immeuble peut ainsi se retrouver légalement protégé pendant 6 mois à compter de l'ouverture de la procédure de classement, puis plus protégé jusqu'à ce que le Conseil d'Etat statue, puis à nouveau protégé pendant 6 mois en cas de recours, ensuite plus protégé jusqu'à l'arrêt du Tribunal administratif, puis à nouveau protégé en cas de jugement favorable à la mesure de classement et ainsi de suite en cas de recours au Tribunal fédéral.
Cette situation est également insatisfaisante. A l'évidence, il convient de faire coïncider la durée de la protection conférée par l'article 13 LPMNS avec la durée réelle du traitement complet d'une demande de classement. Tel est l'objet de la nouvelle rédaction de cette disposition, qui stipule qu'à compter de l'ouverture de la procédure de classement et jusqu'à l'issue définitive de celle-ci, y compris en cas de recours, mais au maximum pendant 3 ans, le propriétaire ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans autorisation de l'autorité compétente. Le délai de 3 ans devrait être suffisant pour permettre au Conseil d'Etat de statuer (6 mois en vertu de l'art. 12, al. 4) et aux tribunaux concernés de faire de même. Il est bien entendu que l'autorisation visée par l'article 13 LPMNS ne peut qu'être subséquente à l'ouverture de la procédure de classement et ne saurait donc être confondue avec une autorisation de construire ou de démolir ou un plan d'affectation spécial antérieur à la demande de classement.
En conclusion, le présent projet de loi devrait contribuer à une certaine rationalisation des procédures. La précision des dispositions, leur cohérence et leur lisibilité - en d'autres termes la clarté des règles du jeu - est un élément de nature à améliorer la bonne marche des procédures et à éviter les dysfonctionnements et les malentendus qui peuvent s'ensuivre.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons ce projet loi à votre bienveillante attention.
Ce projet est renvoyé à la commission du logement sans débat de préconsultation.