République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 55e séance
PL 8389
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modifications
La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (L 1 30), est modifiée comme suit :
Art. 13A Réexamen d'un plan d'affectation du sol (nouveau)
1 Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation sont réexaminés et, si nécessaire, adaptés.
2 Tout propriétaire peut demander au Conseil d'Etat le réexamen d'un plan d'affectation du sol dix ans au moins après son entrée en vigueur, une nouvelle demande ne pouvant être présentée, cas échéant, que dix ans après le rejet de la précédente. La demande doit être accompagnée de la réponse du département à une demande de renseignement au sens de l'article 5, alinéa 4, de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
3 Le Conseil d'Etat dispose d'un délai de 3 mois pour rendre sa décision. Dans l'hypothèse où il décide d'entrer en matière, il dispose d'un nouveau délai de 6 mois pour mettre à l'enquête publique un avant-projet de plan d'affectation du sol modifiant ou abrogeant celui qui doit être adapté.
Art. 13B Sauvegarde des objectifs (nouveau)
1 Lorsque l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol paraît nécessaire, à l'effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics, le département peut refuser une autorisation de construire prescrite par l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
2 Il ne peut s'écouler plus de 3 années entre la décision de refus et l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol, la mise à l'enquête du projet devant intervenir dans les 12 mois à compter de la décision de refus. A défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d‘affectation du sol en vigueur, soit, dans les zones de développement, selon les normes de la zone ordinaire ou selon le plan d'affectation spécial en force.
3 Le délai cité à l'alinéa 2 est suspendu en cas de recours contre une décision prise dans le cadre de la procédure d'adoption du plan d'affectation; il en est de même en cas de référendum municipal ou cantonal.
4 En zone de développement affectée à l'équipement public, le délai à l'échéance duquel le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain selon les normes de la zone de fonds est fixé par l'article 30A, alinéa 3, aux conditions fixées par cette disposition.
Art. 17 (abrogé)
Art. 34 Recours contre les décisions du département (nouvelle teneur)
Les modalités de recours prévues aux articles 145 à 150 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, sont applicables aux décisions du département prises en vertu des articles 13B, ainsi que 18 à 29 de la présente loi.
Article 2 Modifications d'autre lois
1 La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (L 5 05), est modifiée comme suit :
Art. 5, al. 4 Demandes de renseignement (nouvelle teneur)
4 Toutefois, si le département en est requis expressément, la demande préalable n'est pas publiée, à moins qu'elle ne vise à l'élaboration d'un projet de plan d'affectation du sol. Dans ce cas, elle fait l'objet d'une publication spéciale dans la Feuille d'avis officielle. L'avis mentionne que le projet peut être consulté pour information pendant un délai de 30 jours à compter de la publication, en précisant que cette dernière n'ouvre pas de voie d'oppositions. La réponse à une demande non publiée ainsi qu'à une demande portant sur un périmètre soumis ou destiné à l'adoption du plan d'affectation du sol intervient dans le délai fixé par l'article 4, alinéas 1 à 3, applicable par analogie. Elle constitue un simple renseignement sans portée juridique, ce qui est mentionné dans la Feuille d'avis officielle.
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2 La loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (L 1 35), est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 2 Conditions de l'autorisation (nouvelle teneur)
2 En dérogation à l'alinéa 1, lettre a, le Conseil d'Etat peut renoncer à l'établissement d'un plan localisé de quartier dans les périmètres de développement de la 5e zone résidentielle ou en zone de développement affectée à l'équipement public.
Art. 2A (abrogé)
Art. 6, al. 13 Adoption (nouvelle teneur)
13 Le plan fait règle tant qu'il n'a pas été abrogé ou modifié par une décision subséquente du Conseil d'Etat. L'article 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est toutefois réservé.
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3 La loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929 (L 1 40), est modifiée comme suit :
Art. 2 (abrogé)
Art. 5, al. 11 (nouvelle teneur)
11 Le plan fait règle tant qu'il n'a pas été abrogé ou modifié par une décision subséquente du Conseil d'Etat. L'article 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est toutefois réservé.
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4 La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976 (L 4 05), est modifiée comme suit :
Art. 39 Mesures conservatoires (nouvelle teneur)
Lorsque l'adoption d'un plan de site paraît désirable, l'autorité compétente peut refuser toute autorisation ou s'opposer à toute division ou morcellement de parcelle contraire à un aménagement adéquat, respectant la qualité du site. L'article 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est au surplus applicable par analogie.
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5 La loi d'application de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre, du 4 décembre 1998 (L 1 60), est modifiée comme suit :
Art. 14, al. 3 Effets juridiques (nouvelle teneur)
3 L'article 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est applicable.
L'aménagement du territoire est tenu de prendre en compte deux exigences fondamentales, a priori contradictoires : la nécessité d'adapter les plans d'affectation du sol aux changements de circonstances, d'une part, et la stabilité de ces plans, pour des raisons de sécurité du droit, d'autre part.
Les dispositions qui régissent le conflit, inévitable, entre stabilité et dynamisme des plans d'affectation doivent être précises, l'insécurité juridique pour le propriétaire ou le requérant dans la procédure d'autorisation de construire, qui résulte de l'adaptation nécessaire des plans d'affectation du sol, devant être clairement circonscrite. Or, il apparaît que le droit cantonal genevois comporte quelques lacunes en la matière.
S'agissant tout d'abord des conditions, tant matérielles que de procédure auxquelles il y a lieu de réexaminer un plan d'affectation du sol, en d'autres termes de l'aspect « dynamique » de ceux-ci, on constate tout d'abord que le droit genevois ne prévoit aucune disposition en la matière. C'est dire que l'article 21 alinéa 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (ci-après : LAT) est directement applicable, lequel n'est pas très clairement rédigé et fait l'objet d'une jurisprudence importante. En effet, la version française de cette disposition n'évoque que les « adaptations nécessaires » de plans en cas de « circonstances sensiblement modifiées » (art. 21, al. 2 LAT), alors que les versions allemande et italienne, plus proches de la volonté du législateur fédéral, évoquent, dans ces cas, une procédure en deux étapes, à savoir le « réexamen » d'une part, seul obligatoire en cas de changement des circonstances, et l'« adaptation » ensuite, « si nécessaire » (überprüft und nötigenfalls angepasst, riesaminati e, se necessario, adattati). Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît au propriétaire, sous certaines conditions, un droit au réexamen des plans d'affectation.
La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (ci-après : LaLAT), ne comportant aucune disposition d'application de l'article 21, alinéa 2, LAT, il y a donc lieu de remédier à cette lacune.
C'est l'objet du nouvel article 13A, alinéa 1, qui précise que lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation sont réexaminés et, si nécessaire, adaptés. Il s'agit là d'un rappel général de l'article 21, alinéa 2, LAT, qui met également en évidence que l'autorité ne peut modifier un plan d'affectation du sol à sa guise.
Quant aux propriétaires, ils doivent donc pouvoir, le cas échéant, demander que l'autorité se prononce sur l'opportunité d'un réexamen des plans d'affectation du sol qui régissent l'utilisation de leurs parcelles. En effet, la jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît à un particulier démontrant que les divers intérêts publics pris en considération à l'occasion de l'adoption de la mesure de planification critiquée ne sont plus prépondérants par rapport à ses intérêts de propriétaire le droit à obtenir le réexamen d'un plan d'affectation en vigueur. Le droit fédéral ne confère, en revanche, aucune prétention juridique à celui qui invoque uniquement un intérêt général à adapter les mesures d'aménagement du territoire à l'évolution des circonstances ou qui se prévaut d'autres motifs sans rapport direct avec les possibilités d'utilisation de sa propriété
ATF 120 Ia 234.
L'article 13A, alinéas 2 et 3, LaLAT se propose dès lors de combler cette lacune en s'inspirant du droit vaudois, qui donne à tout intéressé la possibilité de demander l'abandon ou la révision d'un plan dix ans au moins après son entrée en vigueur
Art. 75 al. 2 LATC vaudoise.
Par ailleurs, la loi sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988 (ci-après : LCI) ne fixe pas au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) de délai pour répondre à une demande de renseignement, alors que celle-ci a souvent pour objet de consulter l'administration sur une proposition d'adoption ou de modification d'un plan d'affectation.
Le présent projet de loi se propose donc de combler cette lacune en se référant aux délais applicables en matière de demande d'autorisation de construire (cf. art. 4, al. 1, LCI). Tel est l'objet de la modification proposée de l'article 5, alinéa 4, LCI.
Quant à l'aspect « statique » des plans d'affectation du sol, il est, de manière générale, bien réglé par le droit genevois. Il n'en va toutefois pas de même en ce qui concerne les mesures conservatoires, qui permettent de « geler » provisoirement le statut d'un terrain en vue d'adapter la planification du sol, permettant de « légaliser » un objectif d'urbanisme ou de protection du patrimoine. Pour mémoire, les mesures conservatoires sont indispensables en vue de rendre effectives les décisions des autorités tendant à une meilleure utilisation du sol. A défaut, des propriétaires pourraient être tentés, dès l'annonce desdits objectifs d'urbanisme, de prendre les autorités de vitesse en faisant adopter au plus vite des projets qui ne seraient peut-être plus compatibles avec la nouvelle réglementation projetée. De telles initiatives, hautement prévisibles, sont de nature à rendre vaine toute tentative de promouvoir une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire (art. 75, al. 1, Cst féd.). L'engagement d'une procédure d'adoption ou de modification d'un plan d'affectation du sol à cette fin serait annihilée de facto et la conduite de toute politique d'aménagement du territoire serait tout simplement impossible. En d'autres termes, l'absence, dans la législation, de toute disposition permettant la prise de mesures conservatoires aboutirait à la négation même de l'aménagement du territoire.
Or, la pratique montre que la cohérence et la lisibilité des dispositions relatives aux mesures conservatoires prévues par la législation genevoise en matière d'aménagement, disséminées dans plusieurs lois, laissent à désirer et méritent d'être améliorées.
Ainsi, la loi générale sur les zones de développement industriel, du 13 décembre 1984, ne comporte aucune disposition prévoyant la prise de mesures conservatoires pour permettre l'élaboration des plans directeurs ou les plans localisés de quartier susceptibles d'y être adoptés. Il en va de même de la LCI, qui ne prévoit aucune mesure conservatoire pour permettre l'élaboration des règlements spéciaux (art. 10 LCI). Enfin, on ne voit pas pour quelle raison objective les délais d'interdiction provisoire de construire diffèrent selon qu'est envisagée l'adoption d'un plan de site (2 ans, en vertu de l'art. 39 de la loi sur la protection des monuments et des sites, du 4 juin 1976; L 4 05, ci-après LPMNS) ou celle d'un plan localisé de quartier (3 ans, en vertu des articles 2A de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 et 2 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929 (ci-après : LGZD et LEXT), ou encore un plan de zone (2 ans, selon l'article 17 LaLAT, ou 3 ans en cas de combinaison avec un plan localisé de quartier).
Le projet de loi qui vous est présenté vise donc à harmoniser les différentes mesures conservatoires pouvant être prises en vue de l'adoption d'un plan d'affectation du sol et à régler clairement le passage d'une réglementation à une autre.
Techniquement, il s'agit, pour l'essentiel, d'inscrire dans la LaLAT une seule et unique disposition (nouvel art. 13B) relative aux mesures conservatoires prises dans l'attente de l'adoption d'un plan d'affectation spécial visé par l'article 13 LaLAT, reprenant en substance le contenu des actuels articles 2A LGZD, 2 LEXT et 17 LaLAT, et d'abroger ceux-ci.
S'agissant des zones de développement affectées à l'équipement public prévues par l'article 30A LaLAT, il est en outre proposé d'inscrire expressément dans la LGZD le principe, qui correspond à la pratique actuelle, selon lequel l'adoption d'un plan localisé de quartier, à l'instar des périmètres de développement de la 5e zone résidentielle, revêt un caractère facultatif. Dans ce type de zone, le délai à l'échéance duquel le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain est fixé par le seul article 30A, alinéa 3 LaLAT, les normes de la zone de développement étant donc applicables, en principe, sans plan localisé de quartier.
En ce qui concerne la protection des sites, il est proposé non seulement d'aligner le délai d'interdiction de bâtir ou de démolir temporaire prévu pour l'adoption d'un plan de site sur celui prévu pour l'adoption d'un plan localisé de quartier, mais aussi d'autoriser la prise de mesures conservatoires non seulement en présence d'un projet de construction susceptible de dénaturer un site, mais également dans certaines hypothèses où le propriétaire se propose de diviser ou morceler son terrain d'une manière telle qu'elle risque de contrecarrer l'objectif de protection recherché.
En conclusion, le présent projet de loi devrait contribuer à une certaine rationalisation des procédures. La précision des dispositions, leur cohérence et leur lisibilité - en d'autres termes la clarté des règles du jeu - sont des éléments de nature à améliorer la bonne marche des procédures et à éviter les malentendus et dysfonctionnements.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons ce projet de loi à votre bienveillante attention.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton sans débat de préconsultation.