République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7654-A
8. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de MM. René Koechlin et Olivier Lorenzini modifiant la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités (L 1 40). ( -) PL7654
 Mémorial 1997 : Projet, 4268. Renvoi en commission, 4276.
Rapport de majorité de M. Alain Etienne (S), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Olivier Vaucher (L), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur: M. Alain Etienne

Ce projet de loi, déposé le 13 mai 1997, a été envoyé à la Commission de l'aménagement du canton le 12 juin 1997. Cette dernière l'a traité lors de sa séance du 7 juin 2000 sous la présidence de M. Rémy Pagani, en présence de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du DAEL et de M. Gilles Gardet, directeur et urbaniste.

Ce projet de loi 7654 est étudié avec les projets de loi 7597 et 7598 - modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - ainsi que le projet de loi 7226 - modifiant la loi générale sur les zones de développement.

Il faut rappeler que le projet de loi 7692 relatif à la simplification et à l'accélération des procédures a été retiré par le Conseil d'Etat. Suite à ce retrait, le président Moutinot s'est engagé à faire des propositions de réformes sectorielles. Ces propositions, exprimées dans un courrier daté du 17 mai 2000, portent sur cinq domaines : équipement des terrains, plan de zone élargi, coordination aménagement-transports, zone villas, protection du patrimoine.

Malgré cet engagement, les auteurs ne désirent pas retirer leurs projets de loi. La commission décide alors de traiter uniquement le projet de loi 7654 et de laisser en suspens les autres projets de loi dans l'attente de ceux qui seront présentés par le Conseil d'Etat.

Rappel

En substance, les plans d'utilisation du sol (PUS) sont élaborés par les communes, en collaboration avec l'Etat, afin de maintenir et de rétablir l'habitat dans les quatre premières zones de construction et d'y favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée.

Les PUS ont pour but de donner une ligne directrice quant à l'affectation du territoire communal en répartissant notamment les terrains à bâtir et les espaces verts. Ils doivent tenir compte également des lignes directrices en matière de transports, voies de communication, équipement et distribution d'énergie.

Les règlements d'application des PUS définissent les indices d'utilisation du sol et les taux de répartition dans les différents secteurs, afin d'assurer notamment un équilibre entre l'habitat et l'artisanat, le commerce, l'administration et les secteurs de détente.

Les PUS sont, à l'évidence, un outil précieux au service des communes et plus particulièrement de la Ville de Genève. C'est un instrument de planification important en matière d'aménagement du territoire. Et faut-il le rappeler ? L'origine et la raison d'être des PUS est d'éviter la tertiairisation du centre-ville.

Discussion de la commission

La proposition de supprimer les PUS est ressentie comme une véritable provocation par un certain nombre de députés. En effet, une majorité de la commission considère que ce projet de loi va à l'encontre de la volonté populaire qui s'est exprimée en 1983, soucieuse de préserver de l'habitat au centre-ville. Ce projet de loi semble également aller à l'inverse des discussions actuelles qui ont lieu dans diverses commissions du Grand Conseil. Elle estime, en définitive, que c'est aux instances concernées, particulièrement à la Ville de Genève, de dire si elle veut supprimer les PUS ou non.

En outre, la majorité de la commission considère que les principes de base des PUS sont encore valables aujourd'hui, à savoir : maintenir les logements en ville, rétablir un équilibre avec les diverses activités et assurer la création d'espaces verts et de détente en nombre suffisant. La situation actuelle plaide pour le renforcement de la lutte pour le maintien de la mixité et du logement au centre-ville.

Ainsi, l'abrogation demandée n'est pas souhaitable. Cette mesure « d'allégement » des procédures telle que proposée ici est particulièrement radicale et tout simplement inacceptable. La prétendue contradiction entre normes cantonales et PUS n'existe pas puisque - faut-il le rappeler ? - le droit cantonal prime sur le droit communal. De plus, la sécurité juridique sera renforcée avec l'entrée en vigueur du règlement définitif des PUS de la Ville de Genève. Celui-ci permettra une meilleure prévisibilité des règles applicables sur l'ensemble du territoire communal.

En conséquence, une majorité de la commission ne désire pas entrer en matière sur un tel projet.

Vote d'entrée en matière

Quatre personnes acceptent l'entrée en matière (3 L, 1 DC) contre huit personnes qui la refusent (3 S, 2 Ve, 3 AdG).

Pour ces raisons, je vous prie de suivre, Mesdames et Messieurs les députés, les conclusions de la majorité de la commission, à savoir refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

45Projet de loimodifiant la loi sur l'extension des voies de communicationet l'aménagement des quartiers ou localités (L 1 40)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929, est modifiée comme suit:

Art. 15A à 15G (abrogés)

Article 2

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984 (B 6 05), est modifiée comme suit:

Art. 30, al. 1, lettre p (abrogée)

Art. 70, al. 1, lettre h (abrogée)

Article 3

La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970 (E 5 05), est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 1, 87° (abrogé)

Extrait de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités (L 1 40)

Chapitre IIA(14) Plans d'utilisation du sol et règlements d'application(15)

Art. 15A(15)

1 Afin de maintenir et de rétablir l'habitat dans les 4 premières zones de construction au sens de l'article 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, et dans leurs zones de développement, d'y favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée, tout en garantissant le mieux possible l'espace habitable et en limitant les nuisances qui pourraient résulter de l'activité économique, les communes élaborent en collaboration avec l'Etat et adoptent des plans d'utilisation du sol approuvés par leur conseil municipal.

2 Le Conseil d'Etat peut imposer aux communes un délai jusqu'à 5 ans pour qu'elles adoptent leurs plans d'utilisation du sol et leurs règlements d'application. Elles rendent public l'engagement d'une étude d'élaboration d'un plan d'utilisation du sol.

3 Les présentes dispositions ne s'appliquent pas à la construction et à la transformation de bâtiments destinés principalement à un équipement public de la Confédération, de l'Etat de Genève, de la Ville de Genève et d'établissements ou de fondations de droit public. De même, la construction de bâtiments destinés aux organisations intergouvernementales, au bénéfice d'un accord de siège, sur des terrains propriété de la Confédération, de l'Etat de Genève ou de la Ville de Genève, n'est pas soumise aux plans d'utilisation du sol.(25)

Art. 15B(14)

1 Les plans d'utilisation du sol ont pour but de donner une ligne directrice quant à l'affectation du territoire communal en le répartissant notamment en :

a) terrains à bâtir ;

b) espaces verts, privés ou publics, y compris les secteurs de détente en nombre et surface suffisants ;

2 Les terrains à bâtir sont répartis dans des secteurs aux prépondérances suivantes :

a) secteur d'intérêt public ;

b) secteur d'habitation ou de logements ;

c) secteur de travail ou d'emplois.

3 Les plans d'utilisation du sol doivent tenir compte des lignes directrices en matière de transport, voies de communication, équipement, distribution d'énergie.

Art. 15C(15)

Les règlements d'application définissent les indices d'utilisation du sol et les taux de répartition dans les différents secteurs, afin d'assurer notamment un équilibre entre l'habitat et l'artisanat, le commerce, l'administration, tant publique que privée, et les secteurs de détente.

Art. 15D(20)

Tout projet de plan d'utilisation du sol et son règlement d'application doivent obligatoirement être soumis :

a) à une enquête publique aussi large que possible menée conformément à l'article 5, alinéas 1 à 3 ;

b) à l'approbation du conseil municipal de la commune intéressée ;

c) à l'approbation du Conseil d'Etat, qui vérifie notamment leur conformité aux plans de zones ainsi qu'au plan directeur cantonal.

Art. 15E(14)

1 Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans prévus aux articles 15B et 15C font l'objet des adaptations nécessaires.

2 Toute modification proposée par la commune ou le Conseil d'Etat est soumise à la même procédure que celle prévue à l'article 15D.

Art. 15F(15)

1 Les plans d'utilisation du sol et leurs règlements d'application sont susceptibles d'un recours dans les 30 jours, dès la publication de l'arrêté d'approbation du Conseil d'Etat dans la Feuille d'avis officielle, auprès du Tribunal administratif.(19)

2 A qualité pour recourir quiconque est atteint par le plan ou le règlement d'application et a un intérêt digne de protection à ce qu'il soit annulé ou modifié. Les communes et les associations d'importance cantonale qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement, des monuments, de la nature et des sites ont qualité pour recourir. Ont également qualité pour recourir les associations qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal au moins depuis 3 ans à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement, des monuments, de la nature et des sites.(24)

Art. 15G(15)

1 Lorsque l'élaboration d'un plan localisé de quartier au sens de l'article 5, alinéa 1, a été engagée, à la suite de la délivrance d'une autorisation préalable de construire, aucun autre plan dont le périmètre couvrirait, en tout ou partie, celui du plan localisé de quartier ne peut être élaboré avant son adoption.

2 Lorsqu'un plan localisé de quartier a été approuvé en application de l'article 5, il ne peut s'écouler moins de 5 ans entre la date de son adoption et la mise à l'enquête publique d'un projet de plan d'utilisation du sol dont le périmètre recouvrirait, en tout ou partie, celui du plan localisé de quartier.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: M. Olivier Vaucher

En date du 26 juin 1983, le peuple genevois, en même temps qu'il acceptait la LDTR, adoptait les articles 15A à F de la LExt, instituant les plans d'utilisation du sol (PUS). Ceux-ci s'inscrivent dans un courant favorable à l'accroissement de l'autonomie des communes en matière d'aménagement du territoire.

Dans les autres cantons qui ont adopté ces dispositions, les PUS constituaient, à l'époque de leur adoption, le seul outil permettant de maîtriser les affectations et les taux d'occupation de biens-fonds, ce qui n'est absolument pas le cas à Genève où la législation en la matière est plus abondante que lacunaire.

Les plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève, entrés en vigueur le 1er septembre 1988, posent de nombreux problèmes de compatibilité et de conformité avec le droit cantonal applicable. En effet, les PUS concurrencent directement et parfois contredisent certaines règles ou normes cantonales telles que la LDTR, ainsi que les PLQ.

L'insécurité juridique créée par cette juxtaposition de règles complexes est flagrante. Outre l'incertitude qu'elle implique pour les administrés, elle risque encore de provoquer autant de conflits que de contestations.

Pressentant ces écueils, aucune commune n'a élaboré ces derniers depuis 1983.

Par ailleurs, le 29 avril 1993, le Grand Conseil modifiait la législation genevoise dans le but de conférer le droit d'initiative aux communes en matière d'aménagement du territoire (projets de loi 6705, 6709 et 6740).

Depuis lors, ces dernières ont le pouvoir d'élaborer et de proposer directement la modification de plans de zones et l'adoption, la modification ou l'abrogation de plans localisés de quartiers et de plans de sites.

Ces nouvelles compétences relèguent au second plan le droit des communes d'élaborer des PUS. L'on peut même dire que cette dernière prérogative est devenue sans objet.

C'est donc en fonction de ce qui précède, que le projet de loi 7654 a été élaboré et présenté à votre bienveillance.

Est-il nécessaire de vous rappeler que la collectivité doit porter ses efforts sur le développement des activités en leur offrant une grande liberté de s'installer à l'endroit le plus adéquat ou le mieux adapté. Cela signifie que les entraves, telles celles que les PUS ont pour vocation de promouvoir, doivent être abolies.

La majorité actuelle a donc décidé de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Devons-nous en conclure qu'elle préfère des lois inapplicables et inutilisables, puisque après 17 ans d'existence, quasiment aucun PUS n'a abouti, et en conséquence la majorité montre son opposition à tout développement intelligent de notre canton…

En fonction de ce que je viens de rappeler, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à réfuter le rapport de la majorité, et à accepter le projet de loi  7654 tel que présenté.

Premier débat

M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Le projet de loi qui nous est proposé vise en fait à abroger purement et simplement une partie importante de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, soit les plans d'utilisation du sol, les fameux PUS.

En fait, Monsieur Vaucher, vous nous dites dans votre rapport que vous voulez toujours plus de liberté pour le développement des activités et, si je vous comprends bien, peu importe la qualité de vie des habitants. Nous avons vu ce que cela a donné au centre-ville de Genève, dans des secteurs où les promoteurs immobiliers ont eu toute la liberté pour construire des immeubles uniquement dévolus à des bureaux. Pour notre part, nous ne voulons pas des quartiers sans vie dès la fermeture des bureaux. Nous voulons une ville animée !

Les PUS permettent justement de planifier la répartition entre logements et activités commerciales. Par ce refus d'entrer en matière, nous marquons notre volonté de défendre le logement en ville, de garantir la réalisation d'espaces verts tout en assurant un développement économique durable. Ces principes, je vous le rappelle, ont été réaffirmés dans le concept de l'aménagement cantonal voté par le Grand Conseil.

Les PUS posent des règles plus claires et les promoteurs immobiliers savent exactement ce qu'ils peuvent faire. Ils ont ainsi une meilleure garantie de voir aboutir leurs projets. Contrairement à ce que vous affirmez, les PUS ne sont pas des entraves, mais un outil précieux pour mener un aménagement intelligent du territoire communal. De plus, faut-il le rappeler, le conseiller d'Etat Laurent Moutinot est venu devant la commission de l'aménagement pour discuter des propositions de réformes sectorielles à apporter à la législation actuelle. Malgré ses engagements, les déposants ont maintenu leur projet de loi.

Pour l'heure, les PUS restent un instrument de planification important en matière d'aménagement du territoire communal. La protection du logement en centre-ville reste d'actualité. Ainsi, la majorité de la commission de l'aménagement vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre ses conclusions et de ne pas entrer en matière sur ce projet. 

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Je souhaite tout d'abord préciser, lorsqu'on parle de la commission de l'aménagement, qu'il s'agit de la majorité actuelle de la commission et pas de la commission unanime !

D'autre part, M. Etienne affirme en préambule de son intervention que la qualité de vie des habitants m'importe peu. Si celui-ci peut me dire, Madame la présidente, où ceci est écrit dans mon rapport de minorité, j'en serai fort aise, car loin de moi cette pensée, qui ne m'a d'ailleurs jamais effleuré, Monsieur le rapporteur de majorité !

Je me donne en général la peine de lire, avant de venir à la table des rapporteurs, les différents aspects contenus dans les rapports de majorité et de minorité. Soit M. Etienne n'a pas lu mon rapport, soit il l'a lu, mais d'une façon telle qu'il n'a pas pu enregistrer ce qui y était écrit ! Lorsque vous dites, Monsieur le rapporteur de majorité, que les PUS sont un outil précieux et utile, je rappelle, en page 2 de mon rapport, que si ces PUS ont été utilisés une dizaine de fois en dix-sept ans d'existence, il s'agit là d'un grand maximum... Dans ces conditions, dire qu'il s'agit d'un outil précieux et utile, alors qu'il n'a quasiment jamais été utilisé... Et pour cause ! Je rappelle un peu plus haut dans mon rapport, Monsieur le rapporteur de majorité, que le Grand Conseil a modifié, en 1993, la législation genevoise en octroyant un droit d'initiative aux communes en matière d'aménagement du territoire. Les communes n'ont toutefois pas jugé nécessaire d'utiliser cette loi devenue pour le moins obsolète et inutile !

C'est pour cela que je regrette que la majorité actuelle n'ait pas daigné, ce qui est une manière de bafouer la démocratie, entrer en matière sur ce projet de loi. On peut entrer en matière et discuter par la suite. Ne pas entrer en matière sur un projet de loi est une manière très unilatérale et étroite d'aborder les problèmes qui touchent notre République ! 

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne peux pas laisser passer n'importe quoi, Monsieur Vaucher ! Vous parlez de bafouer la démocratie parce que l'on n'entre pas en matière sur votre projet de loi. Mais c'est vous qui bafouez la démocratie en ne tenant pas compte des décisions du souverain ! Si vous aviez lu le rapport de M. Etienne, vous vous seriez aperçu que les plans d'utilisation du sol, s'ils existent, c'est grâce à une votation populaire de 1983. Ce que vous nous proposez aujourd'hui, ce n'est ni plus ni moins que de rayer d'un trait de plume une décision voulue par le souverain. Alors, en matière de leçon de démocratie, Monsieur Vaucher, vous pouvez toujours repasser !

Deuxièmement, il faudrait quand même vous souvenir que la Ville de Genève a adopté, en juin 1988, un règlement transitoire sur les plans d'utilisation du sol. Vous êtes rapidement passé sur cet exemple-là, mais il devrait vous permettre de constater toute l'utilité de ces plans d'affectation. Vous dites en effet en substance que le Grand Conseil a donné en 1993 un certain nombre de droits d'initiative aux communes et que ces droits nouveaux devraient en conséquence être suffisants pour calmer la volonté d'autonomie communale. Il s'agit là aussi d'un paradoxe, non des moindres, de vos formations politiques qui, à l'occasion des campagnes électorales, nous tiennent de longs discours sur la nécessité d'augmenter l'autonomie communale. Mais chaque fois qu'un projet de loi permet de concrétiser ces grandes déclarations, le parti de M. Vaucher s'oppose, comme par hasard, toujours à ces projets de lois. Lorsque nous avons, dans la loi, quelques dispositions qui permettent à l'autonomie communale d'avoir une certaine vie, le parti de M. Vaucher nous propose ni plus ni moins de rayer ces dispositions législatives. Ce sont les articles 15A et suivants de la loi sur l'extension.

Il faut faire une différence, Monsieur Vaucher, entre le droit d'initiative, conféré depuis 1993 aux communes, qui leur permet d'initier des propositions, que ce soit en matière de plans de zones ou de plans d'affectation du sol, et les PUS, véritable instrument en matière d'urbanisme, qui leur permettent de fixer les relations entre habitat et logement, de fixer la densité de cet habitat - et Dieu sait si ces questions-là sont des questions sensibles - et également de réserver des surfaces pour des espaces de verdure - et Dieu sait si cet élément-là tient également à coeur de certaines communes, dont celle que je représente, Monsieur Vaucher ! Il est donc parfaitement légitime... Cela fait peut-être rire M. Ducrest, mais il est parfaitement légitime que les communes puissent disposer de cet outil précieux en matière d'urbanisme pour s'assurer un aménagement cohérent de leur territoire.

Il me semble inutile d'allonger. On aura en effet tous compris que M. Vaucher et le parti libéral nous proposent ni plus ni moins d'abroger ces plans d'utilisation du sol, afin de permettre simplement à l'économie privée de pouvoir aménager en toute liberté et en fonction de ses besoins du moment. Pour nous, Monsieur Vaucher, ce n'est pas le gage d'un aménagement cohérent. Nous pensons au contraire qu'il est nécessaire de donner des moyens aux communes qui souhaitent en faire usage. Ce n'est pas une obligation, vous l'avez relevé, c'est une faculté. Je vous rappelle que la Ville de Genève a usé de cette faculté pour son règlement transitoire, qu'elle est en train de préparer - celui qui vous parle participe activement à ces travaux - un règlement définitif que vos amis ont fait retarder pendant des années dans les commissions ad hoc du Conseil municipal. Nous nous efforçons de faire en sorte que ce règlement définitif puisse être adopté le plus rapidement possible par la Ville de Genève, qui peut en tout cas se féliciter aujourd'hui d'avoir un règlement transitoire pour ces plans d'utilisation du sol qui, encore une fois, sont le gage d'un urbanisme cohérent et qui nous permettent d'éviter des décisions qui seraient dictées par des intérêts d'ordre économique, particuliers, individuels et qui ne tiendraient pas suffisamment compte de l'intérêt général.

Voilà, je crois que la démonstration est faite de la nécessité de maintenir cet instrument qui a déjà fait ses preuves ! 

M. René Koechlin (L). Je voudrais d'abord rassurer M. le rapporteur de majorité. Il n'est pas question d'offrir aux constructeurs toute la liberté qu'ils pourraient souhaiter. Tant s'en faut ! Il y a longtemps que l'on a réduit cette liberté, souvent avec raison, je dois dire, par des mesures d'aménagement qui se sont cumulées au cours des années et des décennies. Mais ces règles d'aménagement sont aujourd'hui, à Genève, plus pléthoriques que rares. Lorsque les PUS ont été introduits, il y a dix-sept ans comme le relevait tout à l'heure notre excellent collègue M. Ferrazino, les communes ne disposaient d'aucun instrument d'aménagement. Ceux qui existaient étaient tous du ressort du canton. Depuis, les choses ont changé. On a attribué aux communes le pouvoir d'initier des plans localisés de quartiers, des plans de sites et même des déclassements de zones. Autrement dit, tous les instruments dont se servent les autorités cantonales sont également à la disposition des communes depuis huit ans. Et elles en font usage. Ce qui ne fonctionne pas bien avec les PUS - les plans d'utilisation du sol - c'est qu'ils font, dans la plupart des cas observés, double usage avec d'autres instruments qui l'emportent, parce qu'ils sont généralement antérieurs. Ils sont d'ailleurs forcément antérieurs, puisqu'à ce jour, après dix-sept ans, pas un seul PUS n'a abouti. Il y a un règlement provisoire en Ville de Genève. Ce n'est pas ce que nous appelons l'aboutissement d'un PUS, parce qu'il devrait, au sens de la loi, être ratifié par le Conseil municipal sous forme de délibération, si je ne fais erreur, soumise à référendum municipal et confirmé ensuite par le Conseil d'Etat.

Jusqu'à maintenant, les PUS de la Ville de Genève n'ont pas abouti quant à leur procédure. On s'est contenté d'un règlement provisoire. Ce règlement provisoire n'a bien évidemment qu'une force très relative, puisqu'il ne résulte pas d'une procédure prévue par la loi. En revanche, tous les plans localisés de quartier, les déclassements et les plans de site ont, eux, force de règlement ou de lois selon les cas. C'est la raison pour laquelle les communes, comme le canton du reste, ont recours à ces outils-là parce qu'ils ont fait leurs preuves. Actuellement, l'instrument des plans localisés de quartiers se substitue totalement à celui des PUS depuis que ce Grand Conseil a introduit dans la loi la possibilité de les appliquer à toutes les zones de construction et pas seulement aux zones de développement, comme c'était le cas précédemment. Ce qui fait que ce canton dispose des instruments d'aménagement largement suffisants et qui sont, je tiens à rassurer tant M. Ferrazino que ses collègues, largement suffisants pour limiter la liberté des constructeurs qu'ils semblent tant redouter. Les constructeurs ne disposent aujourd'hui pas de cette liberté. Je dirais que c'est malheureusement plutôt le contraire. Lorsqu'on cherche à construire quoi que ce soit à Genève, au lieu de la grande liberté à laquelle il a été fait allusion tout à l'heure, c'est plutôt une course d'obstacles sans précédent, à laquelle tout constructeur ou toute personne qui entreprend est confrontée.

C'est la raison pour laquelle ces PUS nous paraissent obsolètes. C'est une loi qui n'a plus sa raison d'être. Sur 45 communes, Mesdames et Messieurs, il n'y a que la Ville de Genève qui a élaboré quelque chose, mais cela n'a même pas encore abouti. Aucune des 44 autres communes n'a seulement fait le geste d'amorcer l'élaboration d'un PUS pour son territoire. C'est une preuve par l'absurde que cette loi est absurde et inutile. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est sain de la supprimer. Mais si vous la maintenez, cela ne changera pas grand-chose. Je ne vois pas beaucoup de communes qui, parce qu'elle est maintenue, prendront l'initiative d'élaborer des PUS pour leur territoire. Je crois que j'en ai assez dit et je vous invite à accepter ce projet de loi qui assainit simplement la législation genevoise déjà bien assez pléthorique. 

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Je rebondis sur les paroles de mon préopinant qui relève, c'est ce que je voulais dire à M. le député Ferrazino, que seule la Ville de Genève a utilisé à ce jour une ébauche de ces PUS. Je veux aussi vous rappeler, Monsieur Ferrazino, qui prétendez que je bafoue ou que les partis de l'Entente bafouent la démocratie, que bon nombre d'interventions de l'Alternative ont utilisé l'autonomie communale dans certains cas et l'ont bafouée dans d'autres cas de façon extraordinaire. Lorsque cela vous arrange, vous voulez la défendre. Lorsque cela ne vous arrange pas, vous lui marchez dessus, pour ne pas dire autre chose, Monsieur le député ! Je me demande finalement, Monsieur le député Ferrazino, si vous ne pensez pas qu'il n'existe qu'une seule commune à Genève, à savoir la vôtre, Monsieur le conseiller administratif, car on ne parle trop souvent que de celle-ci, alors que les 44 autres communes existent bel et bien. M. le député Koechlin l'a rappelé, aucune d'entre elles n'a utilisé ce procédé. C'est pour cela que nous pouvions à juste titre penser que ces PUS étaient devenus, pour les raisons que nous avons évoquées, obsolètes. 

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Beaucoup de choses ont été dites, notamment par M. Ferrazino et par le rapporteur de majorité. Mais, Monsieur Vaucher, c'est précisément pour la Ville de Genève que ces PUS peuvent avoir une certaine utilité, puisqu'ils permettent de maintenir une certaine mixité des activités et surtout des logements en ville pour une meilleure qualité de vie des habitants.

Si ces PUS sont vraiment inutiles, Monsieur Koechlin, pourquoi tant d'acharnement à vouloir abroger cette loi ? Je crois que cela a été dit, mais je pense que l'on peut le répéter. C'est bien dans une intention de déréglementation que les partis de l'Entente veulent abroger ce projet de loi. Une fois de plus, c'est pour donner le champ libre aux promoteurs, afin qu'ils puissent construire ce qu'ils veulent avec les conséquences décrites.

En conclusion, je pense qu'il faut effectivement refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi. N'en déplaise à M. Vaucher, rapporteur de minorité, que ces PUS démangent à tel point qu'il en vient à chercher des poux dans les rangs de l'Alternative ! 

M. Christian Ferrazino (AdG). Très brièvement, deux mots pour rappeler à M. Vaucher que s'il existe effectivement 45 communes, il en est une qui, au niveau de sa population, accueille de jour à peu près la moitié de la population du canton par les activités professionnelles qui s'y déroulent. Vous arriverez à faire cet exercice vous-même, Monsieur Vaucher, pour vous rendre compte que les particularités en matière d'aménagement sont bien différentes en Ville de Genève que dans d'autres communes.

Je constate, Monsieur Vaucher et Monsieur Koechlin, que votre proposition n'aura pas été inutile. C'est peut-être l'aspect positif de tout ce débat. J'en ai bien entendu parlé à mes collègues du Conseil administratif, puisque cette proposition vise directement les intérêts de la Ville. Ils m'ont indiqué que je pouvais vous préciser qu'il était peut-être temps de vous montrer la nécessité de procéder à l'adoption d'un règlement définitif. J'ai par conséquence pour mission de saisir le Conseil municipal, dès le printemps prochain, d'un projet de règlement définitif. C'est vous dire que vous avez finalement permis de réactiver ce dossier et on ne peut que vous en remercier ! 

M. René Koechlin (L). Je voudrais simplement demander à Mme Fehlmann Rielle de me citer un seul cas d'abus d'un quelconque constructeur dans l'une des 44 communes dépourvues de PUS. Qu'elle m'en cite un seul... Il n'en existe pas ! Je voudrais donc bien qu'elle m'en cite un, dans l'une des 44 communes sur 45 dépourvues de PUS bienfaiteurs. J'attends sa réponse. 

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.