République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 1re session - 51e séance
IU 952
M. Pierre Vanek (AdG). Madame la présidente, je présente ma troisième interpellation. Je l'avais différée tout à l'heure, en l'absence du président Cramer. Je ferai court, puisqu'il s'agit aussi des problèmes évoqués à l'instant, concernant la politique de l'énergie.
Certains en ont peut-être entendu parler : un spectre hante, depuis quelques mois, la politique énergétique de ce canton, celui de l'expansion explosive de la consommation électrique qui serait induite par l'implantation d'un certain nombre d'opérateurs télécom sur notre territoire.
Notre collègue a évoqué les quatre ou cinq mégawatts de puissance que représenterait la seule climatisation d'une de ces installations. La consommation globale prévue pour une de ces installations est, elle, de l'ordre de dix fois plus, soit de 40 mégawatts. Ainsi, des demandes auraient été faites conduisant à une augmentation de la puissance électrique installée dans ce canton se montant à 200 mégawatts. C'est le chiffre que nous avons entendu. Pour imaginer ce que cela représente, il faut savoir qu'en pointe Genève consomme environ 400 mégawatts de puissance. C'est dire que, si toute cette puissance était installée, elle pourrait se traduire par une augmentation de 50% de la consommation.
M. Cramer a dit tout à l'heure qu'il ferait appliquer avec vigueur notre constitution, en répondant à un député envisageant un acte de braconnage. Ici, nous sommes face à quelque chose de plus grave, puisque l'article 160 C, alinéa 1, de la même constitution dit que «la politique cantonale en matière d'approvisionnement, de transformation, de distribution et d'utilisation de l'énergie est fondée sur la conservation de l'énergie». Or, nous ne savons pas si les installations en question ont été optimisées et sont conformes à la politique cantonale de l'énergie. Personne - ni vous non plus, Monsieur Cramer - n'est en mesure de nous le dire dans cette salle.
Nous autres, députés de la commission de l'énergie, n'avons pas été absents de cette problématique. En effet, nous avions eu vent de cette affaire au mois de juin et, à fin septembre, la commission de l'énergie s'est réunie pour auditionner la commission cantonale de climatisation, qui était le verrou qui permettait de bloquer ces projets, le temps de les examiner sous l'angle de la politique de l'énergie, de faire des recommandations et des demandes. Nous avons donc entendu cette commission. Nous avons formulé des revendications, tous partis confondus, en demandant qu'il y ait un suivi de cette affaire et que nous en soyons informés, de façon qu'on sache si ces installations étaient optimisées, s'il était vraiment indispensable de consommer autant d'énergie, si on avait des garanties que la source de cette énergie était renouvelable, bref pour que l'affaire se passe dans la transparence.
Or, nous avons appris récemment que, le 23 octobre, le département de M. Moutinot octroyait une autorisation à une de ces sociétés - celle qui s'installe à Meyrin dans les anciens bâtiments de Filinter - pour faire les travaux nécessaires, fondée sur un préavis de la commission cantonale de climatisation, chapeautée par le DIAE et que nous avions auditionnée. Ainsi, cette commission a communiqué au DAEL un préavis favorable en date du 10 octobre, préavis qu'elle n'aurait jamais dû délivrer avant que nous ayons l'assurance et les garanties que cette affaire était conforme à la politique de l'énergie, avant qu'il y ait une information transparente permettant d'être convaincu que l'on a raison d'autoriser cette entreprise à aller de l'avant.
Il est tout de même paradoxal que cette autorisation soit délivrée par une commission présidée par quelqu'un qui fait partie de l'office cantonal de l'énergie, qui est censé appliquer la constitution, mais aussi la conception cantonale de l'énergie, qui demande qu'on applique une politique forte au sujet de ce qu'on appelle le Demand Side Management. C'est inscrit dans la conception que j'ai ici, dont j'ai eu le plaisir d'être rapporteur : «Programme de DSM visant à diminuer la quantité et à accroître la qualité de la consommation de l'électricité». On est censé faire cela et on fait tout autre chose ! On laisse faire, par inconséquence, par légèreté, par dysfonctionnement, pour Dieu sait quelles raisons, des choses qui ne devraient pas exister dans cette République.
Le lendemain pourtant, le Conseil d'Etat donnait une conférence de presse, annonçant le dépôt de son projet de loi sur le développement durable, dont l'objectif, en tout cas selon la pré-étude qui a été demandée par le département de M. Segond, est «de mettre en oeuvre des politiques fortes de gestion rationnelle de l'énergie et de développer les énergies renouvelables»...
La présidente. Monsieur le député, veuillez poser votre question !
M. Pierre Vanek. J'y viens ! Comment se fait-il qu'un dysfonctionnement aussi grave ait eu lieu dans cette République ? Je veux bien, comme vous l'avez dit la dernière fois, Monsieur le président, lors de notre débat sur le préavis genevois sur la loi nucléaire de Moritz Leuenberger, que Genève ne soit pas un canton de combat anti-nucléaire sur le plan politique, mais enfin, sur le plan de l'utilisation rationnelle de l'énergie, il devrait quand même être à la pointe du combat et il ne l'est pas aujourd'hui ! (Brouhaha, protestations.)
La présidente. Monsieur le député, veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Deuxième question, qui sera brève, Messieurs les radicaux ! Pour pallier cette carence de l'autorité publique, une association qui m'est chère, ContrAtom, a adressé à cette compagnie Digiplex SA qui va s'installer à Meyrin, une lettre très aimable, très polie, très modérée, que j'ai ici et dont aussi bien le président du Conseil d'Etat que MM. Cramer et Moutinot ont reçu copie. Cette lettre demande très gentiment à cette compagnie si elle serait d'accord d'accepter les trois conditions suivantes, pour éviter qu'il y ait opposition à son installation :
Premièrement, que les choses se passent sous le signe de la Glasnost, de la transparence et que l'ensemble des plans soient du domaine public pour que des experts indépendants puissent s'y pencher.
Deuxièmement, qu'au moins une étude indépendante visant à maximiser l'utilisation rationnelle de l'énergie dans cette installation soit effectuée.
Troisièmement, que les dirigeants de cette compagnie s'engagent, comme l'a d'ailleurs fait, je crois, la compagnie LDCom, qui s'est installée aux Acacias dans les anciens locaux de la BAT, à ne s'approvisionner et ceci sur le long terme - qu'avec de l'énergie renouvelable, par hypothèse de l'énergie hydraulique.
Je pose donc la question à M. Cramer, chef du département chargé de l'énergie : dans les grandes lignes, adhère-t-il à ces orientations qui ont été données par une association qui a confirmé ici son rôle d'utilité publique. J'ai terminé ! (Exclamations.)