République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 octobre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 11e session - 49e séance
PL 8216-A
Introduction
C'est lors de la séance du Grand Conseil du 13 avril 2000 que le projet de loi 8216 ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire a été renvoyé, sans débat, à la Commission des finances.
Celle-ci a étudié ce projet de loi lors de sa séance du 14 juin 2000. Auparavant, la sous-commission informatique de la Commission des finances avait déjà traité ce même projet de loi, lors de sa séance du 31 mai 2000.
MM. Raphaël Mahler, administrateur du Palais de Justice, Laurent Quennoz, directeur des systèmes d'information du Palais de Justice, Jean-Claude Mercier, directeur du CTI (Centre de technologies informatiques), Denis Mouthon, consultant, et Bernard Taschini, secrétaire du CATI (Conseil d'administration des technologies de l'information), assistaient aux travaux.
Que ces différentes personnes trouvent ici le témoignage de notre reconnaissance pour leur participation au bon déroulement des travaux.
Objet du projet de loi
Ce projet de loi s'intègre dans toute une série de projets de loi informatiques visant la modernisation et la mise à niveau des systèmes informatiques des différents services de l'Etat. Celui-ci concerne plus particulièrement le Pouvoir judiciaire.
Suite aux multiples et sévères remarques des députés de la commission - notamment dans le cadre du train de crédits d'investissement informatique présenté à l'occasion du budget 2000 ! - l'administration et plus particulièrement le CTI et le CATI ont soigné la présentation de leurs demandes de crédits.
L'exposé des motifs du projet de loi 8216 (IJUGE-2001) est particulièrement étayé et complet. Cela mérite largement d'être relevé !
Aussi, j'invite vivement les députés plus particulièrement intéressés à s'y référer et à y retrouver les informations chiffrées et détaillées sur la problématique de ce projet de loi.
IJUGE-2001
En préambule, il est nécessaire de rappeler que l'appellation IJUGE-2001 est liée au délai initialement prévu pour terminer le projet du système informatique judiciaire genevois. En 2001, tout devait être terminé.
En fait, même si ce projet est prêt et « mûr » depuis quelque temps déjà, il n'a réellement démarré que tout récemment, notamment pour des raisons de contraintes budgétaires, mais également à cause de priorités liées à l'échéance du passage à l'an 2000 !
Le Palais de Justice en chiffres
Le Pouvoir judiciaire est composé d'une vingtaine de juridictions qui regroupent 71 magistrats de carrière, plus de 100 magistrats suppléants, assesseurs, juges à la Cour de cassation et juges prud'hommes.
En réalité, le Palais de Justice compte 215 collaborateurs et avec les avocats stagiaires, les apprentis, les chômeurs en fin de droit et les collaborateurs auxiliaires, ce sont environ 300 collaborateurs permanents et non permanents qui travaillent au Palais de Justice. Et ceci pour une population de quelque 400 000 habitants et un barreau de plus de 1000 avocats.
Le Palais de Justice est le lieu quotidien de travail de 500 à 600 personnes. Il s'y traite plus de 100 000 dossiers par année et plus de 200 000 personnes y sont convoquées. Ainsi, le Palais de Justice travaille avec des données concernant des échéances et des convocations pour pratiquement un demi-million de personnes morales ou physiques. Le système d'information du Pouvoir judiciaire est donc devenu l'un des systèmes d'information qui détient un nombre très important de données concernant les justiciables.
Enfin, rappelons qu'au 31 décembre 1999, il y avait à Genève un avocat pour 294 habitants et un juge pour 5834 habitants.
La modernisation
Les applications informatiques du Palais de Justice sont obsolètes. Elles ont plus de 10 ans et sont basées sur des technologies qui sont aujourd'hui dépassées. En outre, il n'y a plus la certitude que certains des produits sur lesquels s'appuient ces applications seront encore sur le marché, maintenus par les firmes qui les représentent, d'ici 5 années. Il faut donc moderniser le système dans ce laps de temps.
A l'heure actuelle, il n'y a pas de véritables passerelles entre les applications métiers et la bureautique. Il faut ressaisir les données. Le Palais de Justice souhaite aussi améliorer l'accès à l'information et à la communication, c'est-à-dire s'ouvrir sur l'extérieur. Pour l'instant, il fonctionne encore en circuit fermé, notamment au niveau des justiciables et surtout de leur mandataires qui sont des avocats, voire d'autres administrations.
Le projet IJUGE-2001 vise donc à mieux répondre aux besoins métiers du Palais, en particulier aux besoins des greffes. Il a également pour objectif d'apporter des outils aux magistrats et aux secrétaires-juristes qui rendent des décisions de justice dans le but d'accélérer le processus judiciaire.
Les objectifs
Le projet IJUGE-2001 entend atteindre les objectifs suivants :
une plus grande flexibilité du système d'information du Pouvoir judiciaire qui permettra une meilleure communication ou coopération avec d'autres systèmes d'information (SIPG (Système d'information de la population genevoise), SIEG (Système d'information des entreprises genevoises), Police, Ministère public de la Confédération, OPF (Office des poursuites et faillites), etc.) et évitera les doubles saisies d'informations ;
une meilleure ergonomie et l'intégration des applications informatiques et bureautiques qui permettront une amélioration de la productivité des greffes dans l'administration des procédures judiciaires ;
un accès rapide et aisé par les magistrats et les secrétaires-juristes à l'ensemble des informations et des sources documentaires (recueils de jurisprudence, doctrine, jugements types, catalogues des bibliothèques, etc.), ces différents documents étant nécessaires à la prise de décisions de justice ;
une rationalisation du mode de transmission des informations qui entraînera une diminution des frais de port et de communication (poste, téléphone et fax) ;
une amélioration de la communication entre les justiciables et le Palais de Justice, en donnant un accès sécurisé aux avocats et notaires, pour certaines données judiciaires ;
une amélioration quantitative et qualitative du traitement administratif des procédures judiciaires ;
une plus grande garantie de la confidentialité et de la sécurité des données traitées et transmises.
Pour faire face à la problématique générale de ces objectifs, le Pouvoir judiciaire estime que la refonte et la modernisation de son système d'information est l'une de ses priorités ; les magistrats sont notamment convaincus que l'adéquation du système d'information aux besoins et son bon fonctionnement sont nécessaires à la bonne marche de la justice.
Une étude préalable a été menée en 1998 : son but était de mieux préciser les besoins, de proposer une solution technologique et d'estimer ses coûts de réalisation. Sur la base des résultats de cette étude, la Commission de gestion du Pouvoir judiciaire a déposé un projet au CATI, le Conseil d'administration des technologies de l'information ; sur la base des critères d'évaluation stratégiques et financiers du CATI, ce projet a été retenu comme un projet « clef ».
Il s'agit donc d'une proposition de grande envergure, pour laquelle le Conseil d'Etat et le Pouvoir judiciaire sollicitent du Grand Conseil un crédit de 7 650 000 F. Ce crédit est réparti en quatre tranches annuelles inscrites aux budgets d'investissement 2000 (1 400 000 F), 2001 (2 500 000 F), 2002 (2 500 000 F) et 2003 (1 250 000 F).
Lors de la présentation de ce projet, les collaborateurs du Palais de Justice, du CTI et du CATI se sont basés sur un support visuel très performant ; il a été transmis sous forme de dossier papier aux députés (cf. annexe).
Discussion de la commission
Suite aux discussions, les commissaires comprennent que le Palais de Justice souhaiterait aller dans le sens du dossier virtuel de justice, ce qui faciliterait la consultation et l'aide à la décision. Ce dossier contiendrait l'ensemble des informations utiles sur une procédure et son déroulement au travers de la chaîne judiciaire.
En plus des informations que l'on trouve déjà aujourd'hui sur les bases de données pénales, civiles et administratives, ce dossier serait enrichi des données financières concernant la procédure, de l'ensemble des actes produits par les outils informatiques (procès-verbaux, jugements, ordonnances, etc.) et de certaines pièces versées au dossier qui pourraient être numérisées.
Malgré tout, il reste évident que le dossier virtuel n'engendrera pas l'abandon complet du papier. Il permettra très certainement un gain de temps appréciable. En effet, le fait d'avoir une image virtuelle évite de rechercher les éléments dans un dossier.
D'une manière générale, il s'agit surtout de diminuer l'énorme manipulation de papier qui a lieu au Palais de Justice. Toutefois, pour l'instant, la loi sur les archives et les procédures ne permet pas de suppressions importantes de dossiers ! En revanche, dans la vie d'un dossier, un CD-Rom évitera de faire des photocopies et de déplacer un nombre important de classeurs fédéraux dans certaines affaires...
Contrairement à ce qui semble se passer au niveau de la législation fédérale - qui a adopté la suprématie de l'électronique sur le papier ! -, le Palais de Justice genevois ne se trouve pas encore dans cette situation, où en termes de procédure, la signature électronique est suffisamment intégrée pour qu'il soit possible de se passer du document écrit.
Les différentes propositions contenues dans le projet IJUGE-2001 permettront toutefois d'y parvenir. Pour l'instant, ce sont plutôt des contraintes de procédures existantes que des contraintes techniques qui empêchent ce passage au document électronique.
Les commissaires approuvent la mise en oeuvre des outils de messagerie, d'agenda, de stockage de l'information et, enfin, une communication facilitée avec les autres administrations. Ce projet s'appuie sur des méthodes de développement modernes, en faisant appel aux technologies à base d'Internet et d'Intranet.
L'idée est de créer un Intranet judiciaire pour permettre une meilleure circulation de l'information au sein du Palais et progressivement d'ouvrir cet Intranet vers l'extérieur et d'autres offices judiciaires.
Cette accessibilité à l'information est conçue dans le strict respect de la confidentialité et des règles de procédure pour les magistrats et fonctionnaires du Palais, mais également pour le justiciable et ses mandataires.
Enfin, les députés s'inquiètent du montant du projet. Il leur est répondu que le Palais de Justice a recensé ses besoins, établi un cahier des charges et chiffré le coût du projet, pour arriver aux 7 650 000 F. Il a été prévu un planning étalé dans le temps, une analyse technique, le choix des prestataires et des produits qui seront mis en oeuvre dans le cadre du projet.
La phase 1 prévoit la mise en place d'un Intranet judiciaire (2000-2001) ainsi que la gestion électronique des documents et des outils facilitant le travail de groupe. La phase 2 comporte la gestion des procédures judiciaires, le développement et la mise en oeuvre de la nouvelle application. La phase 3 concrétisera l'abandon de la base de données actuelles et la migration vers celle qui est le standard de l'Etat.
Il est encore précisé que la phase 1 prévoit un montant d'investissement de l'ordre de 1 million, dont 350 000 F destinés à l'acquisition de matériel. En ce qui concerne la phase 2, il est prévu 5 200 000 F, dont 900 000 F pour le matériel. Quant à la phase 3, les 900 000 F représentent uniquement du temps de travail.
L'impact du projet se mesurera au gain de productivité et à une plus grande polyvalence du personnel, ce qui devrait favoriser le travail au sein du Palais. Ce projet fournira également des moyens informatiques à l'usage des magistrats.
Les commissaires apprennent encore que ce projet devrait permettre de gagner 10 minutes sur le traitement d'un dossier. Sur les 100 000 dossiers traités par année, cela représente un gain potentiel de 2083 jours de travail, estimés à un montant d'environ 1 million de francs.
En dissertant sur cette « rentabilité », il est précisé qu'avec ce gain de temps, il ne s'agit pas toujours d'économies, mais souvent de dépenses évitées. En fait, même si ce projet n'engendre pas automatiquement des diminutions de dépenses, il devrait permettre d'augmenter et d'améliorer les prestations.
Les députés s'inquiètent de la sécurité des données : il ne faudrait pas mettre l'information à la portée de tout le monde. Dans ce projet, au plan de la sécurité, le but est de mettre en place les mêmes outils que le CTI a installé pour protéger la police.
Il s'agit en fait de dédoubler ces sécurités pour protéger le Palais de Justice et mettre en place des communications privées, soit avec d'autres administrations, la police par exemple, soit avec des études d'avocats pour garantir la confidentialité des données échangées. Le projet ne vise donc pas à ouvrir tous azimuts les informations du Palais de Justice et à permettre à n'importe qui d'accéder aux données sensibles du Palais.
L'idée est de faire progressivement en sorte qu'une partie de l'information qui n'est pas sensible soit accessible aux justiciables. La première étape du projet est donc liée à des clients bien identifiés, auxquels on peut assurer la sécurité au travers des techniques existantes.
Alors que le Palais de Justice ne maîtrise pas les différents aspects techniques, le CTI reste la référence en la matière ; il gère cette problématique. Le Palais de Justice garde ses exigences à l'égard du CTI, non seulement sur des problèmes de sécurité vis-à-vis de l'extérieur, mais aussi sur la gestion de ces données en interne.
D'une manière générale, les commissaires reconnaissent la nécessité de ce projet. Ils apprécient la garantie qui leur a été donnée que cette proposition est bien préparée et que son utilité est avérée, ce qui découle indéniablement de la bonne collaboration entre le Palais de Justice et l'équipe du CTI. Finalement, les députés apprécient de retrouver une logique identique et cohérente entre les différents projets informatiques présentés. IJUGE-2001 ne fait pas exception à cette logique.
Vote final
Après ces différentes explications, le projet de loi 8216 ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information des pouvoirs judiciaires est accepté avec ses différents articles, à l'unanimité des commissaires présents au moment du vote (2 AdG, 2 S, 2 R, 1 L, 1 DC).
En conséquence, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre ce vote positif de la Commission des finances et à accepter ce projet de loi.
ANNEXE
111213141516171819202122
Premier débat
M. Roger Beer (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure tardive, je serai extrêmement bref. Il s'agit ici d'un crédit de 7,65 millions pour moderniser le Palais de justice, précisément pour mettre son système informatique à niveau. Ce projet était prêt il y a deux, voire trois ans déjà. Le passage de l'an 2000 et des questions budgétaires ont fait que nous ne votons qu'aujourd'hui le projet définitif. La sous-commission informatique de la commission des finances, puis la commission des finances ont étudié de près ce projet. Ce soir, j'aimerais dire, au nom de mes collègues, que nous avons notamment été impressionnés par la qualité de la présentation qui nous a été faite. C'est donc sans aucune arrière-pensée et sans aucun souci que je vous invite à voter ce projet de loi.
M. Gérard Ramseyer. Ce crédit d'investissement vient à son heure pour permettre une modernisation réelle du système d'information du pouvoir judiciaire. Le projet a été conduit en parfaite collaboration avec le CTI, il permettra au pouvoir judiciaire de gagner un temps précieux et, surtout, il permettra de faire des économies importantes. En effet, si vous faites le calcul : dix minutes par dossier multipliées par 100 000 dossiers par année, vous constaterez que cela correspond grosso modo à une petite dizaine de postes de travail, ce qui n'est pas négligeable. C'est la raison pour laquelle j'aimerais remercier très sincèrement la commission des finances pour sa collaboration, en souhaitant bien sûr que ce projet de loi soit voté dans l'enthousiasme.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8216)
ouvrant un crédit d'investissement de 7 650 000 F pour le projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
1 Un crédit de 7 650 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition du matériel, de logiciels et de services nécessaires au projet IJUGE-2001 de modernisation du système d'information du Pouvoir judiciaire.
2 Il se décompose de la manière suivante :
Matériel et logiciel de base
1 200 000 F
Prestation de service (5000j / h)
6 450 000 F
Total
7 650 000 F
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2000 sous la rubrique 17.00.00.506.16.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est, au besoin, assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.