République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1299-A
13. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Nuisances parvis Uni-Mail. ( -)P1299
Rapport de M. Louis Serex (R), commission des pétitions

La pétition « Nuisances parvis Uni-Mail » a été déposée le 13 avril 2000 au secrétariat du Grand Conseil, munie de 8 signatures. Elle concerne les nuisances provoquées par la discothèque Jackfil (située sous Uni-Mail).

Les membres de la Commission des pétitions ont examiné la présente pétition lors de leurs séances des 8, 15 et 29 mai ainsi que du 19 juin 2000, sous la présidence de Mme Louiza Mottaz.

Les procès-verbaux des séances ont été rédigés avec compétence par Mme Pauline Schaefer que nous remercions.

Audition de Mme J. Gay-Balmaz, pétitionnaire (8 mai 2000)

Mme Mme J. Gay-Balmaz explique tout d'abord à la commission qu'elle souhaite que la discothèque Jackfil déménage en zone industrielle, la situation étant devenue intenable.

Mme Mme J. Gay-Balmaz a pu constater que la discothèque n'était pas très grande ; lorsqu'elle est complète, on ne laisse plus entrer personne, ce qui donne lieu à des « bagarres et hurlements ». Mme J. Gay-Balmaz observe encore que la sortie de secours de la discothèque sert au trafic de drogue.

Mme Mme J. Gay-Balmaz constate qu'il ne se passe aucun week-end sans un « scandale » (événements divers - bruyants ! - sur le parvis). Elle préconise le regroupement de deux ou trois discothèques en zone industrielle, afin que les jeunes aient le choix. Elle estime que cela ferait baisser la violence.

Mme Mme J. Gay-Balmaz signale encore d'autres nuisances : le chemin reliant le parking vélo au quai Ernest-Ansermet est emprunté par des motos bruyantes, nuisances presque tous les soirs...

Mme Mme J. Gay-Balmaz explique encore qu'elle a écrit au procureur général afin de l'informer de la situation, sans cependant déposer formellement une plainte. Pour elle, les lieux sont devenus si dangereux que les jeunes Genevois ne fréquentent plus Jackfil, le prix d'entrée étant par ailleurs dissuasif.

Audition de MM. Simon Trottet et Philippe Ecuyer, Jackfil (15 mai 2000)

M. Simon Trottet s'occupe de la technique de Jackfil, M. Philippe Ecuyer de la technique et de l'administration (employé et actionnaire de Prospectacles SA). Ils expliquent à la commission qu'ils reconnaissent volontiers que leur établissement provoque quelques nuisances, mais considèrent que l'essentiel de celles-ci provient de la boulangerie-croissanterie située au boulevard du Pont d'Arve et ouverte jour et nuit !

M. Simon Trottet relève que six agents de sécurité ont été engagés par Jackfil, avec pour mission de surveiller l'endroit, d'éviter les nuisances et d'observer tout ce qui s'y passe. Les agents de sécurité travaillent depuis début mai.

A la demande d'un commissaire, M. Simon Trottet indique que la moyenne d'âge des clients de la discothèque est de 18 / 20 ans. Il relève encore que la moyenne d'âge va baisser, car des soirées pour les moins de 16 ans seront organisées dès le mois de juin ! Jackfil a même des projets de thés dansants ouverts aux jeunes dès 15 ans.

Au sujet du trafic de drogue, M. Simon Trottet explique aux commissaires que Jackfil n'a rien à se reprocher (ce qui lui a été confirmé par la Brigade des stupéfiants), le trafic ayant lieu dans le parc voisin.

A la suite de plusieurs questions, M. Simon Trottet informe les commissaires que la discothèque est ouverte les vendredis et samedis soirs jusqu'à 5h00. Pour les soirées supplémentaires organisées la semaine, cela dépend…

Un commissaire demande qui est responsable de la discothèque : M. Simon Trottet répond que c'est la société Jackfil. Il précise également que M. Philippe Ecuyer fait partie de Prospectacles SA. Il distingue cependant cette société de Jackfil.

Un commissaire a entendu que le prix d'entrée était de Fr. 25.- et celui de la location de la salle Fr. 4000.-. M. Simon Trottet explique alors que la salle ne peut pas être louée et que le prix d'entrée dépend de nombreux paramètres. Ce dernier peut aller de Fr. 5.- (dimanche après-midi) à plus de Fr. 30.-.

Audition de M. Christophe Friederich, secrétaire adjoint DJPT (29 mai 2000)

M. Christophe Friederich expose que ce ne sont pas les établissements en tant que tels qui posent problème, mais tout ce qui est en relation avec eux, comme les allées et venues, discussions et autres altercations.

Audition de MM. Peter Gautschi, directeur du Service des autorisations et patentes, et Walter Neuenschwander, premier-lieutenant de gendarmerie (19 juin 2000)

M. Peter Gautschi explique tout d'abord aux commissaires que Jackfil est soumis à la loi sur les spectacles et divertissements. L'établissement fonctionne en fait comme une salle communale et loue ses locaux à divers organisateurs. Dans le bail conclu avec le DAEL, il est prévu que MM. Philippe Ecuyer, Claude Moppert et Simon Trottet sont chargés de l'organisation des événements. Il est également prévu que des soirées jeunes (à partir de 16 ans) soient organisées une fois par mois, comme cela se fait à l'Undertown de Meyrin… mais Jackfil n'en a jamais organisées directement.

Au sujet des horaires, M. Peter Gautschi précise que Jackfil est autorisé à ouvrir jusqu'à 5h00 du matin, alors qu'il est normalement prévu de fermer ce type d'établissement à 2h00 dans les communes. A la suite d'une question, M. Peter Gautschi explique que l'heure de fermeture est en principe 2h00 du matin, mais que des dérogations sont données par le Service des loisirs de la jeunesse pour des soirées destinées aux jeunes à partir de 15 ans. Des autorisations doivent en principe également être demandées pour les soirées organisées pour les jeunes dès 16 ans lorsqu'elles dépassent une certaine heure (variable selon les types de divertissement).

M. Peter Gautschi relève encore que le nom « Jackfil » n'existe en fait plus et que cette dénomination a été remplacée par celle de Prospectacles SA, du moins dans les relations avec les autorités.

Il explique encore que Jackfil / Prospectacles SA loue sa salle à d'autres sociétés (ce qui a été admis par M. Trottet lors d'une séance tenue avec le DAEL et le SAP) et que des autorisations n'ont pas été demandées pour des soirées destinées aux jeunes dès 16 ans.

M. Peter Gautschi confirme encore qu'il a été demandé à Jackfil d'organiser elle-même des soirées, mais cela n'a donné aucun effet, malgré les menaces de fermeture du DAEL.

M. Peter Gautschi signale enfin que Prospectacles SA paie un loyer annuel de Fr. 200 000.- au DAEL.

M. Walter Neuenschwander présente un certain nombre d'éléments importants concernant Jackfil. Au sujet de l'insonorisation, l'installation respecte les normes en vigueur : le bruit à l'intérieur de la discothèque ne perturbe pas le voisinage.

Les locaux ne posent aucun problème pour accueillir 400 personnes. Les sorties de secours ont également été conçues pour pouvoir évacuer, cas échéant, toutes ces personnes… sauf si des adolescents sont massés dans la cage d'escalier qui fait office de sortie de secours pour se livrer à divers trafics.

La sécurité, ensuite, pose d'importants problèmes : elle n'est pas fiable. M. Walter Neuenschwander reconnaît que les six agents de sécurité privé engagés par Jackfil ont amélioré quelque peu la situation à l'extérieur… même si les abords de la discothèque (périmètre Pont d'Arve - Ecole-de-Médecine) sont peu fréquentables à certaines heures.

Par rapport à la gestion de Jackfil, M. Walter Neuenschwander indique que les responsables ne remplissent pas leur mission et ne respectent pas les consignes, car ils n'organisent pas eux-mêmes les événements, ils ne sont pas présents sur les lieux et ne fonctionnent pas en qualité de répondants auprès du DAEL.

Il signale à la commission qu'il a été dénombré jusqu'à 600 personnes dans la salle, alors que la capacité maximale est de 400 personnes.

Au sujet des heures d'ouverture, M. Walter Neuenschwander relève que si l'établissement ferme effectivement ses portes à 5h00 du matin, les gens restent néanmoins à l'intérieur jusqu'à 6h00, car il faut attendre les premiers bus TPG.

Par rapport aux problèmes de stationnement, M. Walter Neuenschwander fait remarquer que les deux-roues sont entreposés sur les trottoirs, car les places qui leur sont réservées sont occupées par des voitures. La gendarmerie est donc intervenue, afin d'infliger des amendes d'ordre (460 en un mois).

M. Walter Neuenschwander fait encore des remarques concernant la fréquentation du Jackfil. Des soirées pour les jeunes de 14 ans ne sont pas organisées, car non rentables. En effet, l'entrée coûte en moyenne Fr. 25.- et une boisson Fr. 7.-.

En conclusion, M. Walter Neuenschwander estime qu'il serait tout à fait possible de gérer correctement la discothèque, sans la déplacer ailleurs. Sur le même sujet, M. Peter Gautschi fait remarquer que si Jackfil fonctionnait selon les principes en vigueur à l'Undertown de Meyrin, tout irait parfaitement bien.

La fermeture de la discothèque n'est pas demandée par les deux intervenants : ces derniers souhaitent en revanche un horaire et des prix raisonnables, ainsi qu'une gestion compétente et honnête… ce qui permettrait aux jeunes de quatorze ans de fréquenter à nouveau l'établissement.

Discussions de la commission (8 et 29 mai, 19 juin 2000)

Plusieurs députés se demandent si le déplacement de la discothèque résoudrait les problèmes d'alcool et de drogue. Ils rappellent l'historique de l'installation de la discothèque sous Uni-Mail, ainsi que la polémique qui avait opposé en 1996 certains habitants et députés au conseiller d'Etat Philippe Joye, partisan de l'implantation d'une discothèque sous Uni-Mail.

Il est cependant relevé qu'à Zurich ou à Lausanne, il existe des discothèques en ville, même si celles-ci sont en général regroupées dans un quartier.

Un commissaire est choqué que les exploitants détournent la vocation première du lieu, en profitant des avantages, sans respecter le cahier des charges.

Les commissaires se posent diverses questions concernant la vente d'alcool et de tabac aux mineurs. La problématique est complexe, car des lois fédérales et cantonales interviennent.

Il est encore constaté que des autorisations d'ouverture jusqu'à 5h00 du matin sont accordées, alors même que plusieurs clauses contractuelles ne sont pas respectées. A ce sujet, le DJPT a envoyé en date du 29 mai un courrier à M. Philippe Ecuyer pour lui signaler que toute nouvelle autorisation serait refusée si les instructions du DAEL n'étaient pas suivies ou si des plaintes motivées par des problèmes de voisinage devaient encore être déposées.

Certains députés s'étonnent que seule la discothèque Jackfil crée des problèmes, car tout semble bien fonctionner à Weetamix, à l'Undertown ou au Arthur's.

Il est relevé que si les exploitants actuels restent en place, la situation ne s'améliorera guère.

Plusieurs députés évoquent l'idée de dénoncer le contrat liant le DAEL à Jackfil / Prospectacles SA.

Un commissaire souhaite renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat le plus vite possible, tout en déplorant que le délai de dépôt des textes pour la deuxième session de juin soit dépassé. L'idée de présenter un rapport oral est écartée ; la commission décide néanmoins d'informer par écrit les conseillers d'Etat en charge du DJPT et du DAEL de la position de la commission, afin que des mesures immédiates puissent être prises.

Les commissaires insistent sur la fermeté dont les autorités doivent maintenant faire preuve à l'égard des exploitants actuels… mais aussi sur la nécessité de garder des lieux d'animation pour les jeunes en ville !

Un commissaire relève encore que Jackfil réaliserait un chiffre d'affaires annuel de plus de 3,5 millions de francs !

Vote de la commission (19 juin 2000)

La Commission des pétitions se rallie à l'idée d'une lettre adressée, dès que possible, aux conseillers d'Etat DJPT / DAEL, lettre demandant le changement des responsables de la discothèque et une meilleure affectation de la salle pour les jeunes.

La Commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité de ses 7 membres présents (1 AdG, 1 L, 2 R, 2 S, 1 Ve), de renvoyer la présente pétition au Conseil d'Etat.

Pétition(1299)

Nuisances parvis Uni-Mail

Mesdames etMessieurs les députés,

Débat

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Je vais ajouter ce qui suit au rapport de M. Serex.

Il est en effet important de signaler que depuis le dépôt de ce rapport les événements se sont un peu précipités pendant l'été. Les deux départements concernés ont interdit à Prospectacles de se produire, et je crois que pratiquement tous les députés ont reçu les doléances de l'équipe par mail. Toutefois, nous ne pouvons pas accepter leurs remarques, car les promoteurs de concerts n'ont pas respecté ce qui était la vocation première de ce lieu, à savoir une discothèque pour des très jeunes. Or, les soirées organisées visent une clientèle beaucoup plus âgée qui peut payer jusqu'à 30 F le prix d'entrée et des boissons alcoolisées dès 7 F.

Le groupe socialiste a toujours défendu l'existence d'une discothèque pour les plus jeunes du type de Jackfil dans ce quartier, comme il en existait auparavant. Il n'est donc aucunement question pour nous de la déplacer dans une quelconque zone industrielle, encore moins à la campagne comme certains l'ont suggéré. Par contre, nous sommes favorables au fait de confier la gestion de ce lieu à un groupe soucieux d'accueillir des adolescents, comme le fait, par exemple, Underground à Meyrin : non seulement les usagers de ce lieu peuvent écouter leur musique mais encore une équipe de professionnels sont à leur écoute et font un travail de prévention remarquable.

C'est dans ce sens que nous préconisons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. 

M. John Dupraz (R). J'ai eu l'occasion de déposer une motion sur le même sujet qui a été acceptée par ce parlement et qui a été renvoyée au Conseil d'Etat.

Il semble en effet, comme l'a dit Mme Gossauer, que depuis que la commission a déposé le rapport - je remercie à ce propos la commission - qui explique parfaitement bien les nuisances pour l'entourage causées par cette discothèque, les choses ont évolué, et je pense que le Conseil d'Etat pourra nous en dire plus. Il faut absolument trouver une équipe qui gère ce lieu de façon adéquate. Il est vrai que ce n'est pas un endroit pour faire des spectacles nocturnes qui se terminent à 3 ou 4 h du matin : c'est complètement inadapté !

A l'époque, je vous le rappelle, j'avais émis les plus extrêmes réserves - pour ne pas dire plus - par rapport à la construction de cette discothèque au sous-sol de l'université alors que le rectorat y était également opposé. On ne peut que constater que les événements nous ont donné raison. Maintenant, il faut trouver la solution la plus idoine qui permette d'utiliser ces lieux sans que cela porte préjudice à l'entourage.

Je remercie le Conseil d'Etat de prêter attention soit à la motion que j'ai déposée soit au rapport de la commission des pétitions. 

M. Laurent Moutinot. Lors du précédent débat sur cette discothèque, j'avais dit que si l'ordre ne revenait pas le bail serait résilié... Le bail a été résilié le 31 août 2000, puisque manifestement les différentes mesures que nous avions prises, ou tenté de prendre, ou tenter de faire prendre par le promoteur des spectacles ne permettaient pas d'assurer la tranquillité publique !

Parallèlement, le département de justice et police a également retiré des autorisations et n'en délivre plus, mais toutes ces décisions administratives font évidemment l'objet de recours. Dans l'immédiat, le résultat est qu'il n'y a pas de spectacles et que, par conséquent, les lieux sont calmes. Par contre, leur affectation ultérieure dépendra bien sûr en premier lieu du moment où nous pourrons maîtriser à nouveau cette salle puisque le locataire congédié a contesté son congé. Nous n'attendrons toutefois pas ce moment pour réfléchir à ce qu'il peut en être fait, mais il est vrai qu'il va être difficile de trouver une affectation qui soit raisonnablement compatible avec l'importance de l'investissement consenti à l'époque. Alors, je le répète, dans l'immédiat le problème principal qui était la tranquillité est réglé, et, bien entendu, nous traiterons les autres problèmes les uns après les autres. 

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.