République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7992-A
9. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Louiza Mottaz, David Hiler, Jean-Pierre Restellini, Esther Alder, Caroline Dallèves-Romaneschi, Antonio Hodgers, Chaïm Nissim, Anne Briol et Georges Krebs modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01). ( -) PL7992Rapport de minorité de M. Michel Halpérin (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Mémorial 1999 : Projet, 865. Renvoi en commission, 879.
Rapport de majorité de M. Alain Charbonnier (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Jacques Béné (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur: M. Alain Charbonnier

C'est sous la présidence de Mme Micheline Spoerri que la Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie les 16 février, les 1er, 15, 22, 29 mars, le 5 avril, le 10 mai et les 21, 28 juin 2000.

Le projet de loi 7992 (annexe 1) a permis à la commission de débattre sur l'opportunité de créer des commissions d'enquêtes parlementaires et de l'inscrire ainsi dans le règlement du Grand Conseil.

M. le président du DIAE, Robert Cramer, ainsi que le directeur de l'Administration des communes, M. René Kronstein ont assisté à toutes les séances de la commission. M. Bernard Bertossa, procureur général et Mme Maria Anna Hutter, sautier du Grand Conseil ont été auditionnés par la commission. Les excellents procès-verbaux sont l'oeuvre de Mme Pauline Schaefer et de M. Carlos Orjales. Que toutes ces personnes soient chaleureusement remerciées pour leur aide indispensable aux travaux de la commission.

Préambule

Ces dernières années, deux commissions d'enquête parlementaire ont été mises en place par le Grand Conseil. L'une concernait les violences commises en marge de la Conférence ministérielle de l'OMC en mai 1998 et l'autre la Banque Cantonale de Genève en 1999. Dans ces deux cas, les résultats obtenus n'ont satisfait personne et ont démontré une déficience d'efficacité totale.

La raison en est simple, le pouvoir du Grand Conseil est inexistant quant à sa possibilité d'enquêter sur des faits relatifs aux affaires de l'Etat. En effet, actuellement le Grand Conseil dépend de la volonté de collaboration du Conseil d'Etat pour pouvoir par exemple auditionner telle personne employée de l'Etat.

Il est donc temps que le Grand Conseil se dote, dans le cadre de son règlement, de la possibilité de constituer des commissions d'enquête parlementaire. La loi devra préciser l'étendue de la possibilité d'enquête, ainsi que le secret qui devra régner lors de telles commissions.

La volonté des auteurs de ce projet de loi est très claire. Il ne s'agit pas pour le Grand Conseil de se substituer au Pouvoir judiciaire, mais de confier un mandat politique à ces commissions.

Auditions

M. .

L'audition du procureur général a eu lieu avant l'entrée en matière du projet de loi par la Commission des droits politiques et du règlement.

M. Bertossa nous exprime d'emblée son avis favorable à la création d'une législation réglant le fonctionnement des commissions d'enquêtes parlementaires du Grand Conseil.

Pour lui, les points de frictions possibles avec d'autres pouvoirs, judiciaire ou exécutif, se situent au niveau des objets et non dans les moyens de cette commission. La question délicate est de savoir si les compétences de celle-ci doivent être étendues, si elles le peuvent et jusqu'où.

M. Bertossa fait la proposition de se restreindre aux domaines que le Grand Conseil aborde déjà. La Commission de gestion possède des moyens propres et la Commission des visiteurs officiels a également des compétences définies dans la loi. Il faut donc exclure ce qui relève de la compétence d'autres commissions, de même que les investigations concernant directement le Pouvoir judiciaire (ex. règlement de litiges civils).

Deux autres thèmes peuvent poser des problèmes. Le premier concerne le secret de fonction qui n'est pas réglé par la proposition qui est faite et le second le secret d'enquête. L'efficacité des commissions va dépendre de leur capacité de levée de ces secrets.

Enfin, pour M. Bertossa, il convient de décider si les commissaires seront liés par le secret ou si le contenu de l'enquête sera publique.

Certains députés se demandent si la Commission de contrôle de gestion ne pourrait pas remplir ce rôle. M. Bertossa répond que cette commission, selon la volonté du législateur, doit se restreindre à la gestion des deniers publics. Ce serait triturer le texte que de lui donner des compétences autres. Selon lui, il est important que le Parlement ne se sente pas frustré d'enquêter sur des domaines qui ne sont pas couverts par d'autres pouvoirs.

Audition de Mme Maria Anna Hutter, sautier du Grand Conseil

L'audition de Mme Hutter a lieu après l'entrée en matière du projet de loi. Cette audition était désirée par la commission, car Mme Hutter a longtemps officié dans les Chambres fédérales. Ces dernières disposent d'une Commission de gestion et d'une Commission d'enquête parlementaire (annexe 2).

Mme Hutter précise que la Commission de gestion au niveau fédéral, siège de façon permanente tandis que la Commission d'enquête est prévue pour un cas précis. Une fois le sujet traité, elle ne peut plus rien faire. Il s'agit donc d'un instrument plus politique que la Commission de gestion.

Mme Hutter souligne que depuis 1965, trois commissions d'enquête parlementaire seulement ont été instituées. Elles concernaient l'affaire Kopp, les P26/27 et la Caisse fédérale de pensions. La Commission d'enquête est avant tout un moyen de pression important dont disposent les Chambres fédérales.

Mme Hutter s'est entretenue avec un collègue qui a participé aux travaux de la Commission d'enquête sur la Caisse fédérale de pensions. Celle-ci a effectivement de grands pouvoirs d'investigation, proches de ceux d'une commission judiciaire. Lorsqu'il est procédé à une audition, le procès-verbal reste sur place et doit être contresigné à chaque consultation. Les personnes convoquées sont auditionnées en présence de leurs avocats et l'accès au dossier est garanti. Mme Hutter note également que les possibilités dilatoires sont moins présentes que dans la Commission de contrôle de gestion. Par ailleurs, les autres commissions suspendent leurs travaux lorsque la Commission d'enquête aborde un sujet qu'elles traitent. La Commission d'enquête a donc un effet suspensif sur toutes les autres.

Un commissaire constate que la Commission de contrôle de gestion peut aller aussi loin que la Commission d'enquête, mais avec une connotation moins politique.

Mme Hutter indique que la Commission de contrôle de gestion peut se saisir des mêmes affaires, mais les réserves sont plus nombreuses. Dans une affaire où une personne physique est très impliquée, le Conseil fédéral peut refuser l'audition à la Commission de contrôle de gestion et remettre un rapport sur le sujet. La Commission d'enquête, en revanche, peut exiger ce témoignage.

Les travaux de la commission

La première réunion de la commission sur ce projet de loi 7992 a mis en exergue 3 groupes d'opinions différentes.

Un premier groupe est opposé à ce genre de commission. Le deuxième ne l'est pas, mais pense que la Commission de gestion peut tout à fait remplir ce rôle. Le troisième, composé des partis de l'alternative, est favorable à ce projet de loi.

Les trois groupes concluent que le projet de loi 7992 n'est pas bien rédigé et que de nombreuses corrections s'imposent.

En effet, tout en faisant référence à la loi sur la procédure administrative (LPA) (annexe 3), le projet de loi 7992 en exclut les articles 25, alinéas 3 à 5, et 26. M. le président Cramer explique qu'une loi dont le but préconise l'audition des fonctionnaires exclut en fait de son champ d'application les dispositions qui pourraient justement les faire témoigner. Il pense que si la commission souhaite donner les compétences adéquates à une commission afin d'auditionner les fonctionnaires, il faut dès lors cadrer les circonstances dans lesquelles ils peuvent être entendus si on veut éviter de faire double emploi avec le travail d'une juridiction. Il convient, en outre, de se pencher sur la question du secret de fonction, plus particulièrement quand il s'agit de le lever.

La commission décide d'inviter la députée Mme Fabienne Bugnon, qui a présidé la commission sur l'OMC et qui est, de plus, une des auteurs du projet de loi.

Elle vient en tant que remplaçante d'un membre de son groupe. Elle nous indique, que lors de sa présidence de la commission sur l'OMC, le Pouvoir d'enquête a été nul. Aux problèmes financiers s'est ajoutée la difficulté pour la commission d'obtenir les autorisations du Conseil d'Etat, d'auditionner certaines personnes. Mme Bugnon constate que les limites de la commission proviennent de l'absence de base légale. Ce qui explique le dépôt par son groupe de ce projet de loi 7992.

Elle précise que si la commission pense que l'exclusion des art. 25, al. 3 à 5, et 26 de la LPA n'est pas souhaitable, elle ne s'oppose pas à leur introduction dans ce projet de loi.

Elle réfute l'argument de doublon entre la Commission de gestion et une Commission d'enquête, qui aurait des pouvoirs plus étendus, particulièrement dans la possibilité d'interroger d'éventuels témoins.

Après l'audition de M. Bertossa, procureur général, et les différentes remarques, Mme Bugnon est revenue avec un nouveau projet (annexe 4) basé sur les Commissions d'enquête fédérale. Il se réfère uniquement au droit fédéral, les références à la LPA étant complètement supprimées. Le projet de base a été entièrement conservé. Les éléments nouveaux concernent le secret de fonction, la présence du Conseil d'Etat, le huis clos, les résultats des travaux et les personnes susceptibles d'être poursuivies après un témoignage.

Après un parcours rapide des articles, le vote d'entrée en matière du projet de loi 7992 ainsi amendé est accepté par 10 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve, 2 R) et 5 abstentions (2 DC, 3 L).

A ce moment des travaux, à la demande de la commission, le Conseil d'Etat, prend position sur le projet de loi 7992 et ses amendements.

Le Conseil d'Etat est prêt à entrer en matière, mais il se réserve le droit et la possibilité de l'assortir d'amendements.

Dans les faits, la Chancellerie et les services du président Cramer ont rédigé un nouveau projet de loi (annexe 5), qui se trouve être très proche de celui de la version de Mme Bugnon, avec à nouveau la référence à la LPA, mais cette fois, sans exclusion. Ils se sont fondés sur la législation fédérale en la matière et ils ont cherché à la transposer au plan cantonal. La démarche adoptée est similaire à la version déposée par Mme Bugnon. Ce projet de loi proposé par le Conseil d'Etat prévoit donc le fonctionnement d'une nouvelle commission dans le cadre de la loi portant sur le règlement du Grand Conseil.

Sous le chapitre III du titre IV, il est instauré une série de nouvelles dispositions quant à l'organisation des Commissions d'enquête parlementaire. De plus, il s'est avéré nécessaire de modifier deux autres dispositions de cette loi portant règlement du Grand Conseil.

La commission a donc entrepris le travail de correction de cette nouvelle version du projet de loi 7992, pour terminer ses travaux le 28 juin 2000.

C'est cette version définitive qui vous est présentée ci-dessous, assortie de commentaires concernant certains changements apportés par la commission au projet de loi du Conseil d'Etat.

Projet de loi 7992 amendé par le Conseil d'Etat et la commission article par article

Art. 1 Modifications

Art. 143, let. b, ch. 4° (nouveau)

Art. 182, al. 1, let. c (nouvelle)

Chapitre III du titre IV Commission d'enquête parlementaire (nouveau)

Art. 230D Principe (nouveau)

Art. 230E Fonctionnement (nouveau)

Art. 230F Etablissement des faits (nouveau)

Art. 230G Liens avec d'autres commissions et procédures ( nouveau)

Art. 230H Rapport de la Commission d'enquête parlementaire (nouveau)

Art. 230I Détermination du Grand Conseil (nouveau)

Conclusion

Ce projet de loi 7992 ainsi rédigé, amendé et voté par la Commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil se trouve être assez éloigné du projet de loi d'origine, déposé par les Verts le 22 janvier 1999. Certains commissaires s'en sont émus.

S'il est vrai que la rédaction en est fondamentalement transformée, le contenu est resté le même.

La volonté des auteurs du projet était de donner une base législative solide à l'existence de commissions d'enquête parlementaire. Le projet de loi corrigé et amendé, en accord et sur proposition des auteurs, renforce cette volonté sans la trahir, bien au contraire.

Le Grand Conseil bénéficiera grâce à cet outil de la possibilité de mener une enquête sérieuse et approfondie lorsque « des faits d'une gravité particulière » surviendront. Les députés faisant partie d'une commission d'enquête parlementaire pourront obtenir des auditions de témoins, des documents leur permettant de rédiger un rapport exhaustif. Les frustrations, l'impression de perte de temps ne seront plus de rigueur à l'avenir au sein de ces commissions.

Nous ne pouvons qu'en féliciter les auteurs du projet de loi 7992, les membres du DIAE et leur président, la Chancellerie ainsi que tous les membres de la commission qui ont participé aux débats.

La majorité de la commission vous encourage vivement à accepter ce projet de loi, ainsi amendé.

Vote

Le projet de loi 7992 ainsi amendé a été accepté par 7 oui (3 AdG, 2 S, 2 Ve) contre 3 non (3 L) et 2 abstentions (1 DC, 1 R).

ANNEXE 1

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 230D  Commissions d'enquête parlementaire (nouveau)

1 Lorsque le Grand Conseil estime que des faits relatifs aux affaires de l'Etat, et particulièrement aux agissements de l'administration cantonale ou d'un établissement public autonome, nécessitent des investigations du Grand Conseil , celui-ci peut instituer une commission d'enquête parlementaire.

2 Le Grand Conseil fixe, par voie de résolution, la mission de la commission.

3 Les membres de la commission sont nommés par le Grand Conseil. Ils siègent à huis clos et sont tenus au secret quant à la teneur des débats qui se déroulent en son sein.

4 Les membres de la commission ne peuvent pas être remplacés, à moins que le Grand Conseil n'ait désigné un nouveau titulaire en lieu et place d'un membre démissionnaire.

5 La commission est dotée, quant à l'établissement des faits, des moyens prévus par le chapitre 3 de la loi sur la procédure administrative (art. 18 à 40), à l'exception des articles 25, al. 3 à 5 et 26 LPA qui ne sont pas applicables devant les commissions d'enquête parlementaire.

6 La commission fait rapport au Grand Conseil et décide à cette occasion des faits qui seront rendus publics.

7 A cet effet, la commission nomme une délégation composée du (de la) Président(e) et du (de la) rapporteur(euse) de la commission. Cette délégation aura seule le pouvoir de rendre publiques les conclusions de l'enquête.

8 Le Conseil d'Etat peut présenter un rapport complémentaire.

ANNEXE 2

1920212223242526272829ANNEXE 3

3132333435ANNEXE 4

37383940ANNEXE 542

43

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: M. Jacques Béné

Le projet de loi qui vous est soumis fait suite aux affaires OMC et BCGe. Il a été généré par certains esprits navrés de ne pas avoir pu accuser publiquement les responsables des décisions ayant causé les troubles que l'on connaît.

On nous a ressassé que cette commission d'enquête parlementaire ne devait en aucun cas se substituer au Pouvoir judiciaire et qu'elle ne serait constituée que dans des cas exceptionnels. Il est intéressant de constater qu'au niveau fédéral depuis la création de ce type de commission d'enquête parlementaire seuls trois dossiers lui ont été soumis en 35 ans d'« activités » (Affaire Kopp, les P26 et P27, la Caisse fédérale de pensions).

Dans notre canton, si cette commission avait été instituée au début de cette législature on lui aurait déjà renvoyé les deux dossiers cités : l'OMC et la BCGe. Soit, en 3 ans, 8 fois plus qu'au niveau fédéral, dont la commission bénéficie de moyens logistiques et administratifs importants, ce que n'a pas vraiment prévu ce projet de loi. Il est en effet plus facile de réclamer des moyens quand on est devant le fait accompli. Nous sommes persuadés que cette commission aura besoin de moyens considérables pour accomplir les multiples tâches que l'alternative voudra lui voir confier. Comme cela a été relevé, les différents départements mettront à disposition ces moyens, qui seront de fait noyés dans la masse budgétaire. Aucune ligne budgétaire n'est prévue dans le projet, les coûts ne seront pas identifiables.

D'autre part l'instrument souhaité est trop politique pour être efficace. Pourquoi ne pas étendre les pouvoirs de la commission de contrôle de gestion qui fonctionne depuis plus d'une année sans que l'on ait ressenti le poids de la politique partisane qui ne manquera pas de s'exprimer dans cette nouvelle forme de commission d'enquête. Celle-ci fera double emploi et aura moins d'efficacité car trop politisée.

Malgré les différents amendements qui ont été adoptés et qui ont considérablement modifié le projet initial, la commission n'a pas abouti au consensus souhaité.

Notre Parlement n'est pas apte, dans sa composition actuelle, à gérer avec sérieux le risque de débordement d'une telle commission d'enquête parlementaire. Si le principe est en définitive admis, avec des pouvoirs d'investigation très étendus, comme cela est souhaité, il y a fort à craindre que cette institution ne se bornera pas à traiter que les cas exceptionnels et qu'elle veuille rapidement se substituer aux pouvoirs et devoirs de surveillance du Conseil d'Etat dans bien des cas, ce qui serait, vous en conviendrez, dommageable pour notre démocratie.

Dès lors, dans l'état actuel de ce projet de loi, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à en refuser l'entrée en matière.

Premier débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce soir nous allons donc débattre et voter sur la création d'une base légale pour les éventuelles enquêtes parlementaires que notre Grand Conseil, par voie de motion, instituerait.

J'aurais voulu commencer par tenter de rassurer M. Béné, rapporteur de minorité, qui n'est malheureusement pas présent, remplacé par M. le député Halpérin... L'Alternative, contrairement à ce que pense et écrit M. Béné, sait lire et respecter les lois. La commission a prévu, à l'article 230D, que le Grand Conseil peut créer une commission d'enquête parlementaire, «si des faits d'une gravité particulière» sont survenus. Ce principe n'a pas été adopté à la légère et je trouve navrant que M. Béné, dans son rapport, mette en doute l'intention des partis de l'Alternative sur ce point. En commission, nous n'avons jamais remis en question ce principe, bien au contraire, et il le sait très bien, je l'espère du moins ! Contrairement à ce que vous pensez et insinuez, les partis de l'Alternative sont composés de députés responsables.

La demande des députés libéraux de rattacher cette commission à la commission de gestion a été étudiée avec soin. Les auditions du procureur général et de Mme Hutter, notre sautier, ont été très claires sur ce sujet. M. Bertossa, pour sa part, pense qu'il faudrait beaucoup trop triturer le texte des articles de loi concernant la commission de gestion, qui, selon la volonté de ce Grand Conseil, doit se restreindre à la gestion des deniers publics. Mme Hutter, elle, comparant ce qui se pratique au niveau fédéral, où les deux commissions existent, remarque que la principale et très importante différence porte sur le pouvoir unique de la commission d'enquête parlementaire d'interroger des témoins. C'est sur ce point que l'exposé des motifs des auteurs du PL 7992 insiste particulièrement. Les deux commissions parlementaires créées durant cette législature sur les violences lors de la réunion de l'OMC et sur la BCG ont toutes les deux souffert de l'absence de cette base légale. Que vaut une enquête parlementaire sans le témoignage des principaux acteurs ? N'est-ce pas une perte de temps et un affaiblissement de la démocratie.

Dans son rapport, M. Béné relève qu'aucune ligne budgétaire n'est prévue. Je lui demande comment nous pourrions créer une ligne budgétaire pour ce genre de commission qui n'est pas permanente, du moins dans notre intention. Au niveau fédéral en tout cas, une telle ligne n'existe pas. J'en ai terminé pour l'instant.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le rapporteur de majorité, cher collègue, je ne sais pas si vous auriez rassuré M. Béné, mais je dois dire que vous ne m'avez, quant à moi, pas complètement rassuré. Vous me pardonnerez de traiter de ce sujet en manifestant une forme d'irrespect - très limité, rassurez-vous à votre tour - envers notre fonctionnement parlementaire. Je dis «notre», car je ne nous exclus pas des défauts de notre fonctionnement parlementaire ; je ne pense pas que vous soyez seuls responsables de ce qui me semble être un certain nombre de dysfonctionnements.

Nous sommes une instance politique, nous avons naturellement vocation à connaître tout ce qui concerne la vie de la République, nous avons aussi vocation à enquêter sur les sujets qui nous paraissent préoccupants. Comment avons-nous fait jusqu'à maintenant ? Nous avons fait comme nous avons pu ! A cet égard, il est vrai que les propositions émanant des auteurs du projet de loi, puis les amendements adoptés en commission, sur proposition du Conseil d'Etat, apportent des moyens supplémentaires aux députés commissaires qui seraient en charge de cette commission d'enquête. Mais croyez-vous vraiment que nous allons, à l'avenir, nous transformer en une sorte de juridiction d'exception, chargée des cas graves au sens où vous l'avez précisé tout à l'heure, et de ceux-là seulement ? Mesdames et Messieurs les députés, n'est-il pas dans l'ordre des choses que la majorité de cette instance décide, au coup par coup, de ce qui est grave et de ce qui ne l'est pas ? Et que ce qui sera grave dépendra donc exclusivement de la sensibilité de la majorité de ce Conseil, quelle que soit d'ailleurs cette majorité ?

En d'autres termes, il n'est absolument pas certain que nous trouvions, de part et d'autre du parlement, le même degré de gravité aux mêmes choses. Nous décréterons grave ce que nous serons majoritaires à trouver grave, ceci en fonction de ce qui nous intéresse politiquement. Par conséquent, pour cette raison-là, nous ne sommes déjà pas en train de créer une commission objective ; au contraire, ce sera une commission politique. A ce titre, elle sera partiale dans le choix des sujets qu'elle décidera être d'intérêt et de gravité suffisants, et elle sera partiale, comme toutes les commissions parlementaires, dans le déroulement de ses travaux.

Le fait de lui donner des moyens coercitifs plus importants sur l'administration est sans doute un bien. Pourquoi, en effet, permettre au Conseil d'Etat de dresser l'obstacle du secret professionnel ou du secret de fonction, alors que nous avons naturellement vocation à contrôler ce qui se fait, au nom du Conseil d'Etat, au sein de l'administration ? Cela dit, lorsque vous aurez contraint, au besoin par des gendarmes, un témoin à se présenter devant vous pour l'entendre s'exprimer sur les sujets qui vous intéressent ; lorsque vous l'aurez menacé d'amende - puisque vous ne pouvez plus le menacer de lui passer les pieds au fer rouge - pour qu'il s'exprime sur les sujets qui vous intéressent, aurons-nous vraiment progressé ? Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous aurons décidé de fonctionner comme le Sénat ou la Chambre des représentants américaine, à coup de commissions d'enquête, lorsque, pour des raisons graves, sérieuses, importantes, politiques, nous aurons décidé de fonctionner sous le regard des caméras, afin que la population puisse voir, par Léman Bleu interposé, comment nous savons cuisiner les témoins et nous faire une opinion nécessairement superficielle - sans les garanties judiciaires qui sont de rigueur dans les palais de justice où ce sont des professionnels qui officient - croyez-vous que la démocratie et ce parlement auront fait des progrès ? Poser la question, c'est y répondre !

Il est vrai, Monsieur Charbonnier, que M. le procureur général, bon lecteur de nos textes légaux et chargé d'ailleurs de les mettre en oeuvre, trouve que la formulation des compétences de notre commission de contrôle de gestion ne permet pas aujourd'hui, sans triturer le texte, de lui octroyer des compétences nouvelles. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas besoin, nous qui sommes législateurs, de triturer : il nous suffit de légiférer ! Modifions quelque peu l'étendue des compétences de la commission de contrôle de gestion et le tour sera joué : il n'y aura pas de manoeuvre, il n'y aura pas d'élasticité abusive de nos textes légaux. En l'état, je nous vois déjà, enfin quelques-uns d'entre nous - comme je suis d'humeur bénigne ce soir, je ne donnerai pas de noms - je devine déjà quelques-uns d'entre nous transformés, à l'occasion des travaux de ces commissions d'enquête, en grands inquisiteurs de la République... Qui sait, nous mettrons des chapeaux pointus pour être plus crédibles... Ce sera dérisoire et ce sera mauvais pour le fonctionnement de la République !

Enfin, j'observe que l'argument selon lequel les échecs, en particulier celui de la commission OMC, sont dus au manque de moyens de la députation, est de très mauvaise tenue. J'ai participé, temporairement il est vrai, aux travaux de la commission d'enquête OMC. Les raisons pour lesquelles elle n'a pas fonctionné sont dans cette salle, elles avaient un nom : M. Pagani ! Elles ont provoqué des débats entre nous, parce qu'on ne peut pas être juge et partie : M. Pagani ne le savait pas, maintenant il le sait ! Or, le projet que vous nous soumettez revient à donner, peut-être à M. Pagani, les moyens supplémentaires que nous ne voulions pas lui donner à l'époque. C'est la raison de l'échec de la commission OMC et je m'étonne qu'on ait utilisé un si mauvais argument pour soutenir un projet que M. Charbonnier croit si bon !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, quelle envolée lyrique ! Nous n'aurions pas pu nous attendre à cela de la part de M. Béné... (Exclamations.) Permettez-moi, Monsieur Halpérin, de coiffer mon chapeau pointu pour vous dire que nous n'allons pas nous transformer en juridiction d'exception, puisque c'est ce que vous craignez, mais que nous allons voter ce soir, je l'espère, un outil parlementaire favorable à la transparence. En tout cas, c'est ainsi que nous l'avons imaginé, en votre absence regrettée à la commission des droits politiques !

En janvier 1999, le groupe des Verts a déposé un projet pour la création d'une commission d'enquête parlementaire, en réaction à l'échec des commissions parlementaires de l'OMC et de la Banque cantonale. La commission OMC, que certains d'entre vous ont qualifiée de mascarade, n'a eu accès à aucun document et a surtout enregistré des refus réitérés du Conseil d'Etat s'agissant d'auditionner des fonctionnaires. Je ne m'étendrai pas là-dessus, nous en avons assez parlé, et je ne pense pas que la provocation inutile de M. Halpérin fasse avancer le débat.

Ensuite, nous avons créé la commission de la Banque cantonale. Inutile également de s'étendre sur les pouvoirs de cette commission ; la situation actuelle de la banque montre à quel point il était légitime d'investiguer à ce moment-là.

Ce soir, ce que les Verts demandent, ce n'est pas de pouvoir nous substituer à la justice, comme vous dites, mais c'est de pouvoir instituer une commission d'enquête lorsque des faits d'une grande portée surviennent au sein des autorités cantonales, d'un établissement ou d'une corporation de droit public. Cette commission ad hoc, je le rappelle, doit pouvoir bénéficier de pouvoirs étendus et compter sur la collaboration active et transparente des services de l'Etat et des communes.

Nous avions déposé à l'époque un projet peu formulé et peu détaillé, souhaitant, dans un premier temps, poser le principe. La commission des droits politiques a travaillé avec intelligence et en excellente collaboration avec le Conseil d'Etat. L'accueil plutôt froid que notre projet a reçu dans un premier temps a contraint le groupe des Verts, en particulier moi-même, à reformuler tout le projet, sur la base de l'expérience du Conseil national et en reprenant largement la formulation fédérale. Les auditions m'ont d'ailleurs confirmée dans ce choix, d'abord celle du procureur général, puis celle de notre sautière, Mme Hutter, qui, sans prendre parti pour une telle commission, nous a expliqué en détail son fonctionnement sur le plan fédéral.

Ensuite, tant la commission que le Conseil d'Etat se sont appliqués à rendre ce projet compatible avec le fonctionnement genevois et je dois dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le résultat est à la hauteur de nos attentes. C'est une réelle commission d'enquête parlementaire qui, si vous la votez ce soir, fera son entrée dans le règlement du Grand Conseil, ne vous en déplaise, Monsieur Halpérin.

Les principales critiques contre ce projet figurent dans le rapport de minorité de M. Béné, qui estime que le Grand Conseil est doté de suffisamment de moyens grâce à la commission de contrôle de gestion - vous l'avez dit également, Monsieur Halpérin. J'ai essayé de démontrer à M. Béné tout au long des travaux, mais visiblement avec assez peu de succès, que le risque de doublon pouvait être exclu. En effet, la commission de contrôle de gestion est une commission permanente qui a pour but de contrôler le fonctionnement de l'administration. La commission d'enquête, quant à elle, est une commission ad hoc, qui ne sera activée que lorsque l'actualité l'y contraindra. Vous parlez d'un instrument politique : bien sûr que ce sera un instrument politique, sinon il n'aurait pas sa place dans le règlement du Grand Conseil ! Mais ce que vous omettez de dire, c'est que cet instrument politique est un instrument de démocratie et qu'il sera utile à l'ensemble de ce parlement. En effet, et vous me corrigerez si je me trompe, il n'y a pas que la gauche et les Verts qui souhaitent vivre dans un Etat de droit. Les deux fois où une telle commission a vu le jour, vous aussi aviez intérêt à comprendre pourquoi Genève s'était enflammée lors de la conférence de l'OMC, ou comment la banque instituée par ce parlement courait à la faillite.

A cette époque-là, tous les moyens d'enquête nous ont été refusés. Aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous les obtenons. C'est un pas vers la transparence que nous faisons, conjointement avec le Conseil d'Etat, puisqu'il s'y est déclaré favorable en commission, après avoir, il est vrai, fait quelques corrections lui permettant de garder sa place et surtout de se justifier si des faits étaient reprochés à l'Etat. J'espère, Monsieur Béné, vous avoir convaincu, ainsi que votre remplaçant, M. Halpérin. J'espère que ce parlement, qui se plaint toujours de ne pas avoir assez de moyens en regard de ceux du Conseil d'Etat, votera ce projet dans l'enthousiasme !

M. Bernard Clerc (AdG). Je suis parfaitement d'accord avec M. Halpérin sur le fait qu'il y aura des appréciations politiques sur la nature des faits, graves ou pas graves, qui pourront justifier la mise sur pied de commissions d'enquête. Et je crois comprendre la réticence de M. Halpérin, puisque lui-même et son parti ont refusé la création d'une commission d'enquête sur la Banque cantonale. J'en déduis que M. Halpérin et son parti, comme les autres partis de l'Entente d'ailleurs, considéraient que les faits survenus à la Banque cantonale n'étaient pas graves et ne justifiaient pas la création d'une commission d'enquête... Je vous laisse, Mesdames et Messieurs les députés, avec deux ans de recul, apprécier le jugement politique porté par les partis de l'Entente à l'époque. Je vous laisse apprécier la responsabilité qu'ils ont prise, sachant que le fait d'attendre n'a pu qu'aggraver la situation. Pour M. Halpérin, pour le parti libéral, le parti démocrate-chrétien, le parti radical, 5 milliards de créances douteuses ne constituent pas des faits graves !

Ce projet de loi est destiné à donner des moyens au parlement pour faire son travail de contrôle de l'exécutif, c'est un minimum que nous devons avoir. Il n'y a là, d'ailleurs, rien de révolutionnaire, puisque, chacun le sait, de telles commissions d'enquête existent au niveau fédéral. Je n'irai pas plus loin ce soir. Ceux qui refuseront ce projet de loi ne le feront pas pour des questions d'appréciation, plus ou moins juridiques, plus ou moins fantaisistes : ceux qui refuseront ce projet refuseront la transparence et manifesteront ainsi, qu'ils le veuillent ou non, leur volonté de couvrir des actes inadmissibles ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Sur le fond, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit M. Clerc. Cela dit, je trouve un peu fort de café que M. Halpérin me reproche d'être à la fois juge et partie, alors qu'il sait très bien que je n'étais que le bouc émissaire dans cette affaire de commission d'enquête sur l'OMC, puisque la majorité de la commission - la majorité de gauche - avait participé à cette manifestation. Dire que nous serions à la fois juge et partie montre qu'il n'a rien compris à ce qu'était une commission d'enquête. Comme l'a dit M. Clerc, dans une telle commission, il y a l'aspect contrôle, mais il y a aussi l'aspect compréhension. A mon sens, le rôle du parlement, c'est de connaître, de comprendre, puis d'agir politiquement, pour ne pas se retrouver dans des situations analogues.

En l'occurrence, vous l'avez constaté comme nous, il y a eu un important phénomène de violence au sein de la jeune génération, que nous voulions comprendre ; dans ce sens, ce projet de loi va nous donner enfin les moyens d'agir, en termes politiques et non en qualité d'inquisiteurs ! Nous voulions comprendre les raisons de cette violence qui a surgi parmi la jeunesse et qui se répand d'ailleurs un peu partout dans notre société. Malheureusement, M. Ramseyer nous en a empêchés et je le regrette. Je crois, et c'est pourquoi je soutiens ce projet de loi, que nous avons un rôle de contrôle, mais aussi un rôle de compréhension de la situation sociale dans laquelle nous vivons ; ce n'est qu'en les comprenant que nous pourrons agir sur les phénomènes qui mettent en danger notre société.

M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. En effet, Mme Bugnon l'a rappelé : elle n'a pas réussi à convaincre notre bord de voter ce projet de loi tel qu'il est présenté. Ce qui m'inquiète, c'est justement le fait que cette commission d'enquête parlementaire soit à ce point politisée... (Exclamations. Le président agite la cloche.) Je l'ai écrit dans mon rapport : la commission d'enquête parlementaire fédérale a traité trois dossiers en trente-cinq ans ; vous, en trois ans, vous auriez déjà voulu enquêter sur la Banque cantonale et sur les manifestations contre l'OMC, non pas parce qu'il s'agit de faits inadmissibles, mais parce que vous voulez mettre en vitrine politique et médiatique certains événements qui vous déplaisent fortement.

En dehors de la gravité de certaines actions qui ont été commises dans le cadre de la BCG, en dehors de la gravité des débordements que l'on a pu constater lors des manifestations contre l'OMC, je ne suis pas d'accord qu'on mette en place une commission d'enquête parlementaire, simplement parce que vous êtes contre la Banque cantonale... (Protestations et brouhaha.) ... ou une commission d'enquête sur l'OMC, parce que vous êtes contre l'OMC !

Pour moi, une commission d'enquête parlementaire n'a qu'un seul objectif, celui de critiquer et de démontrer les dysfonctionnements qui touchent directement le coeur de l'Etat. C'était effectivement le cas de l'affaire Kopp, c'était le cas de la P26 ou de la P27, c'était le cas de la Caisse fédérale de pension. En revanche, je ne vois ni la Banque cantonale, qui est une société anonyme indépendante de l'Etat, ni la problématique de l'OMC en tant que telle, faire l'objet d'une commission d'enquête parlementaire. Si vous trouvez d'autres arguments, d'autres sujets qui concernent directement le coeur de l'Etat, je suis prêt à discuter de la création d'une telle commission. Mais, en l'état, vous souhaitez plus clouer au pilori certains problèmes de société, contre lesquels vous vous élevez politiquement, que traiter réellement des problèmes de fonctionnement que nous pourrions rencontrer au sein de l'Etat, Etat que nous souhaitons, nous aussi, démocratique et de droit !

M. Albert Rodrik (S). Lors du débat de préconsultation, j'avais exprimé les remerciements du groupe socialiste à l'égard de nos amis les Verts, pour avoir déposé ce projet de loi. Nous sommes d'autant plus pleins de gratitude ce soir que, revenant de commission, il a fait de réels progrès, grâce à l'aide du Conseil d'Etat et au travail de la commission - que j'ai quittée entre-temps.

Ces remerciements étant faits, il faut reprendre les arguments des opposants. Nous sommes un parlement très imparfait, nous sommes probablement des parlementaires très approximatifs. Des années durant, il y a eu des gens de tous les métiers qui lâchaient l'outil et qui continuent à lâcher l'outil à 17 h, pour venir s'occuper ici de tas de choses qui ne sont pas leur métier. Nous sommes donc tous, probablement, de bien piètres parlementaires. Mais nous avons une chose en commun, et c'est pour cela que nous avons été élus : tous, selon nos propres convictions politiques, éthiques, nous sommes au service de ce que nous estimons être le bien de la collectivité, et la démocratie veut que nous cohabitions, parce que de nos divergences à propos de ce bien commun naît un bien supérieur qui est l'essence même de la démocratie. Effectivement, les enceintes politiques - Grand Conseil et Conseil d'Etat - contrairement au pouvoir judiciaire, statuent en opportunité et c'est ce qu'on appelle la politique : ceci n'est pas sale, ceci n'est pas une chose dont on ait à se cacher. Bien évidemment, la gravité, l'urgence, l'importance découlent de la perception que nous avons, non pas, Monsieur Halpérin, d'une perception égoïste, mais de la perception que vous avez ou que j'ai, dans le cadre de cette recherche, de l'intérêt public. Dans cet ordre d'idées, les majorités que le peuple voudra bien envoyer dans cette enceinte décideront en effet de l'urgence, de l'importance et de la gravité ; ceci, nous l'assumons parfaitement, tous les jours, à toutes les heures, sauf quand nous perdons notre temps à ne pas travailler !

Ensuite, s'agissant de commissions d'enquête, ce parlement en a fait, a essayé d'en faire, comme M. Jourdain, et a toujours buté sur les mêmes sujets. Il en a fait une presque vraie, au milieu des années 80, à propos de l'hôpital cantonal et de ses «carnets de laitier», pot aux roses découvert et dénoncé par Aloys Werner, à qui il convient de rendre hommage. Cette commission d'enquête parlementaire a sacrément et sérieusement travaillé, grâce à l'attitude du magistrat libéral de l'époque, Jaques Vernet. Mais il ne s'en est fallu que de ça, à savoir qu'il veuille bien mettre en avant un intérêt collectif à la transparence et à la recherche de la vérité.

Tout à l'heure, ma collègue parlera de son expérience de présidente de la commission de la Banque cantonale. Nous avons eu, au début de nos travaux, une petite querelle avec nos collègues de l'Entente : avait-on le droit de l'appeler commission d'enquête ? Ma collègue vous parlera de la bagarre des libellés des convocations ! A cette occasion, Mesdames et Messieurs, nous avions été très étonnés de voir que le parlement valaisan, bien avant nous, s'était doté de l'instrument juridique permettant d'instituer une commission d'enquête, une vraie ! Celle-ci se confond-elle avec une commission de gestion ? Ciel, non ! Sachant ce qu'il faut faire à propos des offices des poursuites et des faillites, vous n'allez pas mélanger les choses. Je ne crois pas que vous le voudriez.

En l'occurrence, Mesdames et Messieurs, il s'agit de se doter de l'instrument. Je reconnais que nous serons jugés sur notre capacité à en user avec parcimonie, sans jouer au loup et à l'agneau et sans crier à la gravité, à l'urgence, au scandale à tout bout de champ, pour en constituer une. C'est vrai que, majorité et minorité d'aujourd'hui ou de demain, nous devrons nous dire tous les jours que transformer cet instrument en petit joujou, en hochet, serait le tuer et serait nous démentir nous-mêmes.

Aussi, Mesdames et Messieurs, grâce au travail fait par la commission, avec l'aide du Conseil d'Etat, nous avons aujourd'hui la possibilité de doter ce parlement d'un instrument pour l'avenir, d'un instrument en cas de nécessité, en ayant apprécié en conscience et avec nos critères politiques l'urgence et la gravité d'une situation. Je vous remercie d'apporter à cette base légale un appui qui, si possible, enjambe cette salle, parce que le besoin de vérité, le besoin de transparence, le besoin peut-être de passer outre l'opacité naturelle de toute administration, - permettez que ce soit moi qui vous le dise - est légitime de la part du pouvoir législatif !

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité ad interim. Il y a des choses importantes et des choses moins importantes dans ce qui vient de nous être objecté, mais même dans les choses peu importantes - au rang desquelles les remarques que je viens d'essuyer de mes collègues Pagani et Clerc - il y a des signes qui ne trompent pas. Quand M. Clerc conclut son intervention en disant que ceux qui s'opposent aux commissions d'enquête sont ceux qui soutiennent les malfrats, les malversations, qui refusent la transparence, qui protègent l'opacité, il fait très exactement ce que fera la commission d'enquête que vous appelez de vos voeux : il cloue au pilori, il jette l'anathème ! Il ne se contente pas d'un raisonnement politique : il profite de son raisonnement politique pour épingler l'adversaire en passant. C'est de très bonne guerre rhétorique, c'est tout à fait acceptable dans un débat politique antagoniste, mais ce serait rigoureusement inacceptable de la part d'une commission d'enquête dont la mission serait, si j'en crois les propos tenus par M. Rodrik, la découverte de la vérité.

En effet, Mesdames et Messieurs, créer des commissions d'enquête pour découvrir la vérité, c'est utile, précieux, important et indispensable, même si cela évoque diablement une commission à caractère judiciaire - puisque, au fond, c'est le travail de la justice de trouver la vérité - mais après tout rien n'interdit au pouvoir législatif de faire aussi sa recherche de la vérité et de s'intéresser de plus près au fonctionnement des établissements et autres institutions qui dépendent directement de la vie politique. Mais alors, qu'on nous propose d'en user avec parcimonie, et c'est très exactement ce dont je vous parlais tout à l'heure, quand je demandais à quoi nous jouerions plus tard, lorsque cette commission existerait. On peut ici reprendre les exemples donnés par M. Rodrik. Il est vrai que la commission du Grand Conseil au sujet de l'hôpital et de l'affaire Medenica a fait du bon travail, mais il oublie une autre commission d'enquête ad hoc qui, avec les moyens que vous trouvez aujourd'hui insuffisants, a fait un travail tout à fait remarquable à propos de l'affaire Gelli, travail dont je rappelle qu'il a abouti ici même, il y a deux ou trois ans, soit dix ans plus tard, à des réformes substantielles du système judiciaire et des responsabilités au sein dudit système. Nous avons donc fait oeuvre louable sans avoir eu besoin d'un arsenal juridique particulier : nous avons eu besoin de bonne volonté, et de talent dans la bonne volonté.

En revanche, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le dis comme je le pense : au cours de ces dernières années, nous avons fait preuve de beaucoup de talent, mais de très peu de bonne volonté ! Et si un bilan devait être tiré de cette législature - mais il est un an trop tôt - nous devrions considérer qu'elle est cacophonique, qu'on tire de tous les côtés la couverture à soi et que les propositions de commission d'enquête faites au long de ces quelques années - et de quelques-unes des précédentes aussi - ne présentaient aucun caractère d'importance, aucun caractère de sérieux, ne dénotaient aucune volonté de recherche de la vérité, ni d'éthique. Elles visaient simplement à se donner les occasions que certains d'entre nous autour de cette table - je dis «nous» à dessein, parce que je ne m'exclus pas davantage du lot - cherchent à saisir pour clouer l'adversaire sur le mur d'en face !

Enfin, vos arguments sur la BCG n'emporteront la conviction de personne, non pas parce que l'affaire n'était pas grave, mais parce qu'elle a d'abord été empoignée comme un règlement de comptes avant d'être empoignée comme une affaire grave, et ensuite, et surtout, parce qu'une commission d'enquête ne fera pas disparaître le nécessaire secret bancaire, qui est un problème particulier.

Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, il y a aujourd'hui dans ce projet de loi un mélange de bonnes intentions et de camouflage. Il me semble, au risque de vous chagriner une fois de plus, mais j'en ai pris l'habitude, que le camouflage l'emporte un peu sur les bonnes intentions. D'ailleurs, l'enfer n'est pavé que de bonnes intentions : j'espère que nous ne sommes pas ici l'antichambre de l'enfer !

M. Pierre Meyll (AdG). Monsieur le président, veuillez excuser mon coup de colère tout à l'heure, mais en tant qu'impulsif, tel qu'on me connaît, j'ai de la peine à résister au mensonge, à l'ignominie ! Lorsque M. Béné prend la parole concernant la Banque cantonale, il faut rappeler qu'il a été partie prenante de cette catastrophe, que le peuple va devoir assumer en payant les frais des conneries qui ont été faites dans cette banque ! Ce monsieur a participé à des sociétés de portage et maintenant il vient nous faire la leçon : pour moi, c'est inadmissible et absolument honteux !

Mme Christine Sayegh (S). La commission d'enquête qui avait été votée par le parlement pour étudier les relations entre deux dossiers chauds et la Banque cantonale a démontré, dès le début de ses travaux, les limites qui étaient les siennes, si elle n'avait pas de base légale. A l'unanimité, tous les commissaires de cette commission ad hoc ont pris la décision d'évaluer d'abord la sphère de compétences et les limites de ces compétences. A cette occasion, nous avons entendu le président de la commission d'enquête valaisanne. Les Valaisans ont une base légale et nous avons pu comprendre l'utilité de cet instrument.

N'oublions pas que nous sommes des politiques, évidemment, mais que nous sommes aussi la haute surveillance de l'application des lois, si bien qu'il nous faut un instrument, non pour sanctionner, mais pour surveiller. D'ailleurs, à l'issue d'une enquête, nous ne sanctionnons pas : nous faisons une proposition, c'est ce qui est inscrit dans la loi. Faire l'amalgame entre enquête parlementaire et judiciaire est une erreur. Ne confondons pas les rôles : nous ne sommes pas là pour sanctionner, nous sommes là pour révéler des dysfonctionnements. Dans notre République, il y a de temps en temps des faits graves, des dysfonctionnements graves qu'il faut absolument pouvoir éclaircir.

La collaboration du Conseil d'Etat dans une enquête est importante, nous l'avons vu avec la BCG. A l'époque, nous n'avons bénéficié d'aucune collaboration, puisque les conseillers d'Etat en place à l'époque n'étaient plus en fonctions ; nous n'avons jamais reçu de rapport sur l'activité de la BCG pour pouvoir évaluer si le but poursuivi, le but que nous avions souhaité et inscrit dans la constitution, était respecté. Il ne l'était pas, cela s'est révélé plus tard. La commission d'enquête est donc, en soi, un bon moteur pour éclairer certains dysfonctionnements et je vous invite à voter cette base légale, importante pour notre canton.

M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité ad interim. Ce n'est pas parce que le règlement du Grand Conseil prévoit l'immunité, s'agissant de nos propos, que n'importe lequel d'entre nous peut se permettre d'injurier les autres, en les traitant comme M. Meyll vient de traiter M. Béné. On ne peut pas interpeller un de ses collègues du Grand Conseil au motif que l'on a le sang chaud, en le traitant d'ignominieux, de menteur, etc. C'est tout à fait insupportable ! Et c'est deux fois insupportable, d'abord parce qu'en soi ce comportement n'est pas acceptable, quel que soit le tempérament dont on se vante ; ensuite, parce que, couvert par cette immunité, c'est une lâcheté. J'ajoute que les leçons que M. Meyll pourrait nous donner, aux uns ou aux autres, en matière d'article 24 ne sont pas recevables, parce que jusqu'à maintenant vous n'avez pas, de votre côté de la salle, donné l'exemple du respect, de la décence, de la réserve qui nous est imposée à tous par notre règlement ! (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de calme ! Je donne la parole à M. Béné.

M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je vais réagir plus calmement que M. Meyll. Vous jetez le soupçon sur mon activité dans le cadre des sociétés de portage, Monsieur Meyll : en l'occurrence, je n'ai fait que mettre à disposition, par l'intermédiaire de la société qui m'emploie, les compétences professionnelles nécessaires à la Banque cantonale pour lui permettre de gérer certains biens immobiliers pendant les années où elle a souhaité les conserver. Je n'ai fait que cela, Monsieur Meyll, et je vous mets au défi de démontrer que j'en ai retiré un quelconque avantage à titre personnel. La seule chose que j'ai faite, c'est de mettre à disposition de la banque et des anciens débiteurs de certains crédits hypothécaires les compétences professionnelles nécessaires, dans la mesure de mes moyens, et cette mise à disposition n'a jamais été critiquée, Monsieur Meyll !

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, vous me permettrez de ne pas m'exprimer sur l'objet des derniers propos qui viennent d'être tenus et d'en revenir au projet de loi.

Le Conseil d'Etat, que je représente devant la commission des droits politiques, a décidé, après en avoir discuté à quelques reprises, de ne pas s'opposer à ce projet de loi, qui propose d'instituer des commissions d'enquête parlementaire et au fond - il faut dire les choses comme elles sont - d'enquêter, pour l'essentiel, sur la façon dont le Conseil d'Etat dirige l'administration et sur les actes de l'administration. En effet, l'article 230D évoque plus particulièrement «des faits d'une gravité particulière survenus au sein des autorités cantonales, d'un établissement ou d'une corporation de droit public cantonal ou de leurs administrations». C'est de cela que l'on parle et le Conseil d'Etat a bien voulu ne pas s'y opposer. Pour ma part, je m'en félicite.

J'étais député à l'époque de la première commission d'enquête Gelli. Je participais à cette commission, faussement appelée commission d'enquête, puisqu'il ne s'agissait guère que de la commission judiciaire qui s'était consacrée pendant quelques mois à cette affaire. A l'époque, nous étions, avec quelques autres collègues, très soucieux de voir progresser cette enquête, mais nous avons dû finalement nous rendre à l'évidence, à savoir que les limites du mode de fonctionnement habituel d'une commission parlementaire faisaient qu'un certain nombre de faits seraient définitivement tus. Nous avons eu à certains moments la conviction que l'on nous mentait, mais nous avons dû en rester là, parce que nous n'avions pas les moyens d'aller plus loin.

Il est vrai que les travaux de cette commission, s'ils n'ont pu faire toute la lumière sur l'affaire Gelli, ont à tout le moins débouché sur une motion sur la séparation des pouvoirs, motion qui a porté de beaux fruits, M. Halpérin l'a rappelé tout à l'heure. En effet, c'est très largement à cette motion que le Grand Conseil doit aujourd'hui d'être indépendant du pouvoir exécutif, en ayant les moyens administratifs de cette indépendance, et que le pouvoir judiciaire doit les moyens administratifs de la nécessaire séparation des pouvoirs.

Le Conseil d'Etat est donc entré en matière sur ce projet de loi, mais il a voulu avoir la garantie que la procédure mise en place ne serait pas une originalité genevoise et qu'elle se calquerait le plus possible sur le droit fédéral. C'est ainsi que l'on en est arrivé à ce texte, proposé par le Conseil d'Etat et que la commission a bien voulu reprendre très largement. Du reste, il était très proche d'une seconde mouture proposée à la commission par Mme Bugnon. En l'occurrence, nous avons été attentifs à deux points. Le premier, c'est que la commission d'enquête puisse disposer des moyens dont elle a besoin, qu'elle ait la possibilité de convoquer des témoins, de procéder à leur audition et que ceux-ci ne puissent pas se prévaloir d'un secret de fonction. Mais, dans le même temps, nous avons voulu nous assurer - et vous comprendrez notre souci - que la commission d'enquête n'ait pas un caractère par trop inquisitorial. Nous nous sommes ainsi assurés que, comme en droit fédéral, la commission réserve un débat contradictoire et qu'à côté des personnes qui seraient amenées à déposer devant elle, le Conseil d'Etat, garant du bon fonctionnement de l'administration, puisse faire valoir sa position et s'assurer que cette position a été entendue et justement retranscrite dans le rapport. C'est dire que le Conseil d'Etat peut se rallier au projet de loi tel qu'il est aujourd'hui rédigé.

Je tiens encore à attirer l'attention du Grand Conseil sur une nouveauté contenue dans ce projet de loi qui me semble également bienvenue : la modification de l'article 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil, laquelle permet dorénavant que, lorsqu'une motion est totalement traitée en commission, celle-ci puisse faire rapport sur cette motion et que ce rapport puisse être approuvé par le Grand Conseil, qui prend ainsi acte de la motion. Cela évitera que les motions soient toujours et inévitablement renvoyées au Conseil d'Etat, qui se voit ainsi saisi de textes sur lesquels il ne peut faire que des redites, s'il a déjà pu s'exprimer lors des travaux en commission. Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter. Il me semblait nécessaire d'attirer votre attention sur cette nouvelle disposition introduite par ce projet de loi.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 143, let. b, ch. 4° (nouveau)

Art. 182, al. 1, let. c (nouvelle)

Art. 230D Principe (nouveau)

1 Si des faits d'une gravité particulière survenus au sein des autorités cantonales, d'un établissement ou d'une corporation de droit public cantonal ou de leurs administrations le justifient, le Grand Conseil peut nommer une commission d'enquête parlementaire, composée de 15 membres, dotée de larges pouvoirs d'investigation, aux fins de clarifier la situation et de formuler des propositions.

2 Dans le même temps qu'il désigne les membres de la commission d'enquête parlementaire, le Grand Conseil désigne un membre suppléant par groupe.

3 La commission d'enquête parlementaire est instituée par une motion, qui en précise la mission.

Art. 230E Fonctionnement (nouveau)

1 Une commission d'enquête parlementaire peut solliciter du Conseil d'Etat la mise à disposition du personnel nécessaire ou faire procéder à son engagement par le bureau du Grand Conseil.

2 Les autorités cantonales et communales ainsi que les établissements et corporations de droit public cantonal sont tenus de lui prêter l'assistance juridique et administrative dont elle a besoin.

3 Le personnel et les assistants d'une commission d'enquête parlementaire sont soumis au secret de fonction sur tous les faits portés à la connaissance de la commission, de même que les membres des autorités concernées et leurs agents ainsi que les personnes dont l'aide ou l'audition sont sollicitées par la commission. Ils le restent après la dissolution de la commission.

4 Tant que la commission d'enquête parlementaire n'a pas rendu son rapport final au Grand Conseil, seul son président est en droit de donner des informations sur l'accomplissement de sa mission; il ne peut s'exprimer que dans les limites tracées par la commission.

Art. 230F Etablissement des faits (nouveau)

1 Sauf qu'elle ne constitue pas elle-même une autorité administrative habilitée à rendre des décisions finales sur les faits faisant l'objet de sa mission, une commission d'enquête parlementaire établit les faits et procède en appliquant par analogie la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

2 Elle commence ses travaux par l'audition du Conseil d'Etat.

3 Sur requête, les autorités et leurs agents sont tenus de transmettre à la commission d'enquête parlementaire les pièces en leur possession et de lui fournir tous renseignements en rapport avec sa mission, sans pouvoir lui opposer le secret de fonction. Le droit fédéral reste réservé.

4 Les tiers sont soumis aux mêmes obligations et peuvent en particulier être entendus à titre de renseignements ou comme témoins, dans la mesure où ils ne sont pas en droit de refuser de témoigner.

5 La qualité en laquelle toute personne appelée à donner suite à la requête d'une commission d'enquête parlementaire doit lui être précisée, avec l'indication de ses droits et obligations.

6 Le Conseil d'Etat est habilité à présenter en tout temps à la commission d'enquête parlementaire ses arguments et objections à propos des actes d'instruction qu'elle-même ou l'une de ses sous-commissions entend accomplir. La commission d'enquête parlementaire prend alors position à ce sujet.

Art. 230G Liens avec d'autres commissions et procédures (nouveau)

1 Lorsqu'une commission d'enquête parlementaire est désignée, les autres commissions parlementaires, permanentes ou non, qui s'occuperaient déjà des faits qu'elle est chargée d'établir suspendent leurs travaux à leur propos et communiquent leur dossier à la commission d'enquête parlementaire. Elles ne reprennent leurs travaux au terme de la procédure d'enquête parlementaire que dans la mesure où le Grand Conseil estime qu'ils conservent encore un objet.

2 L'institution d'une commission d'enquête parlementaire n'empêche l'engagement ou la poursuite ni de procédures civiles, ni d'enquêtes ou de procédures pénales, ni, sauf décision contraire de la commission d'enquête parlementaire elle-même, de procédures disciplinaires ou administratives.

Art. 230H Rapport de la commission d'enquête parlementaire (nouveau)

1 Au terme de ses travaux, la commission d'enquête parlementaire établit un projet de rapport, qu'elle doit soumettre avant toute diffusion au Conseil d'Etat ainsi que, dans la mesure où elles seraient mises en cause, aux autres autorités et aux personnes concernées, en leur fixant un délai raisonnable pour se déterminer oralement ou par écrit.

2 Après avoir pris connaissance de la détermination du Conseil d'Etat et, le cas échéant, des autres autorités et personnes concernées, la commission d'enquête parlementaire amende s'il y a lieu son projet de rapport, et adopte un rapport final à l'intention du Grand Conseil.

3 La commission d'enquête parlementaire y rend compte des actes accomplis pour réaliser sa mission, de la position du Conseil d'Etat ainsi que, le cas échéant, des autres autorités et personnes concernées, ainsi que des faits qu'elle a établis, et elle y formule les propositions qu'elle estime devoir faire au regard de la situation.

Art. 230I Détermination du Grand Conseil (nouveau)

1 Le Grand Conseil délibère sur le rapport de la commission d'enquête parlementaire et prend position sur les propositions formulées.

2 Il peut charger la commission d'enquête parlementaire de compléter son instruction et son rapport.

3 A défaut de décision contraire, la commission d'enquête parlementaire est réputée dissoute dès le vote du Grand Conseil sur son rapport.