République et canton de Genève

Grand Conseil

No 44/VIII

Vendredi 22 septembre 2000,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mme et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Claude Blanc, Juliette Buffat, Régis de Battista, Hervé Dessimoz, René Ecuyer, Philippe Glatz, Alexandra Gobet, Claude Haegi, Yvonne Humbert, Alain-Dominique Mauris et Walter Spinucci, députés.

3. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si nous y arriverons, mais j'aimerais apporter une précision concernant le point 61 de notre ordre du jour. Il s'agit du projet de loi 8301 modifiant le code de procédure pénale, indemnisation des personnes détenues ou poursuivies à tort. Vous avez trouvé sur vos places, pour votre information, le projet de loi 8344, qui a été déposé par le Conseil d'Etat et qui porte le même intitulé. Ce projet de loi 8344 figurera à l'ordre du jour des séances des 26 et 27 octobre, mais si nous abordons le projet de loi 8301 ce soir il était bon que, pour votre information, vous ayez connaissance de ce projet du Conseil d'Etat.

4. Correspondance.

Mme Myriam Sormanni-Lonfat(S). Je reviens sur ma demande d'hier soir : je demande qu'on lise la lettre de Frank Brunner. Merci !

Le président. Cette demande doit être appuyée par neuf députés... C'est le cas : je demande à notre secrétaire, M. Hodgers, de procéder à cette lecture.

Lettre M. Brunner

2

3

M. Jacques Béné (L). Monsieur le président, pour la clarté des débats, au-delà du problème de fond que pose M. Frank Brunner, je voudrais juste savoir si ce M. Brunner est bien l'ami de M. Velasco... (Rires et exclamations.)

Le président. La lecture d'une correspondance ne donne lieu à aucun débat, aucun dialogue, aucune remarque ! Je passe au point suivant de l'ordre du jour !

5. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

Le président. Comme convenu, nous abordons les projets de lois liés à la réforme de l'imposition des personnes physiques, LIPP I, III, IV et V. Nous ferons un seul débat pour les quatre objets ; j'invite les rapporteurs à s'installer à la table centrale.

PL 8152-A
6. a) Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'imposition des personnes physiques (LIPP-I) Objet de l'impôt - Assujettissement à l'impôt (D 3 11). ( -) PL8152
Mémorial 1999 : Projet, 7365. Renvoi en commission, 7387.
Rapport de Mme Mariane Grobet-Wellner (S), commission fiscale
PL 8154-A
b) Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'imposition des personnes physiques (LIPP-III) - Impôt sur la fortune (D 3 14). ( -) PL8154
Mémorial 1999 : Projet, 7402. Renvoi en commission, 7425.
Rapport de Mme Salika Wenger (AG), commission fiscale
PL 8178-A
c) Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'imposition des personnes physiques - (LIPP IV) - Impôt sur le revenu (revenu imposable) (D 3 13). ( -) PL8178
Mémorial 2000 : Projet, 378. Renvoi en commission, 396.
Rapport de Mme Salika Wenger (AG), commission fiscale
PL 8202-A
Projet de loi du Conseil d'Etat sur l'imposition des personnes physiques - (LIPP V) - Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid (D 3 16). ( -) PL8202
 Mémorial 2000 : Projet, 3543. Renvoi en commission, 3582.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale
PL 5169-C
Projet de loi de Mme et M. Anni Stroumza et Bernard Ziegler modifiant la loi générale sur les contributions publiques (imposition séparée des conjoints). ( -) PL5169
 Mémorial 1980 : Projet, 1979. Renvoi en commission, 1996.
 Mémorial 1985 : Rapport, 5148. Renvoi en commission, 5635.
 Mémorial 1987 : Rapport, 2435. Renvoi en commission, 2485.
 Mémorial 1994 : Repris par Mmes Micheline Calmy-Rey et Christine Sayegh, 10.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale
M 153-C
Proposition de motion de MM. Jean-Philippe Maitre, Dominique Ducret et Bernard Dupont concernant l'instauration dans la loi fiscale d'un barème unique avec coefficient familial. ( -) M153
 Mémorial 1981 : Développée, 4720. Renvoi en commission, 4727.
 Mémorial 1985 : Rapport, 5148. Renvoi en commission, 5637.
 Mémorial 1987 : Rapport, 2436. Renvoi en commission, 2485.
 Mémorial 1994 : Reprise par M. Jean Montessuit, 117.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale
P 419-B
Pétition : Taxation séparée de la femme mariée. ( -) P419
 Mémorial 1981 : Renvoi en commission, 4502.
 Mémorial 1985 : Rapport, 5148. Renvoi en commission, 5637.
 Mémorial 1987 : Rapport, 2436. Renvoi en commission, 2485.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale
P 437-C
Pétition concernant une imposition équitable des contribuables. ( -) P437
 Mémorial 1981 : Renvoi en commission, 4502.
 Mémorial 1983 : Rapport, 1435.
 Mémorial 1985 : Rapport, 5148. Renvoi en commission, 5637.
 Mémorial 1987 : Rapport, 2437. Renvoi en commission, 2485.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale
P 1130-A
Pétition : Impôts, déduction des frais de garde. ( -) P1130
 Mémorial 1996 : Renvoi à la commission des pétitions, 5728.
 Renvoi à la commission fiscale, 6287.
Rapport de M. Georges Krebs (Ve), commission fiscale

 d) Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier les objets suivants :

PL-8152-A

Rapport de Mme Mariane Grobet-Wellner

La Commission fiscale a étudié le projet de loi 8152 lors de ses séances des 16, 23 et 30 novembre, 7, 14 et 21 décembre 1999, 11 janvier, 7 et 28 mars 2000, 4 et 11 avril 2000 sous la présidence de Mme Christine Sayegh.

Ont assisté à ces séances :

Les procès-verbaux ont été établis avec grande précision par Mme Eliane Monnin.

Je tiens ici à remercier tout particulièrement M. Stéphane Tanner pour sa grande disponibilité et sa précieuse assistance lors de l'établissement de ce rapport.

Introduction

Le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques (projet de loi 7532; D 3 1,1), émanant du Conseil d'Etat, a été déposé par devant le secrétariat du Grand Conseil en date du 30 septembre 1996.

L'objectif du Conseil d'Etat était alors d'adapter la législation fiscale genevoise, relative aux personnes physiques, à la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID).

Ce projet a été renvoyé à la Commission fiscale du Grand Conseil, en date du 8 novembre 1996 et examiné par celle-ci de janvier à décembre 1997. La première lecture dudit projet a eu lieu durant la période du 22 avril au 19 août 1997.

Au cours de sa séance du 2 septembre 1997, la Commission fiscale a décidé de traiter en priorité, et de manière autonome, les dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition dans le temps des personnes physiques (art. 61 à 66 du projet de loi 7532). Il en est résulté un projet de loi propre, adopté par le Grand Conseil en date du 4 décembre 1997, donnant ainsi naissance à la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques (D 3 12), destiné à être remplacé par le projet de loi 8153 déposé par devant le Grand Conseil le 13 octobre 1999.

Quant au reste des dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition des personnes physiques, elles ont fait l'objet d'un examen approfondi de la part d'une commission d'experts, intitulée « Commission extraparlementaire chargée de procéder à une relecture du projet de loi sur l'imposition des personnes physiques » (ci-après la Commission de relecture) constituée par Mme Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département des finances.

Au cours de sa séance du 31 août 1999, la Commission fiscale a débattu du problème de l'avancement des travaux de la Commission de relecture.

Dans un souci de rationalité, et sur suggestion du président de la Commission fiscale, il a été décidé de présenter en premier lieu les objets de la loi sur l'imposition des personnes physiques qui résultent de questions de principe (cf. exposé des motifs).

Le présent projet, traitant de l'objet de l'impôt et de l'assujettissement à l'impôt, est un des volets issus de la relecture du projet de loi 7532. Par rapport à ce dernier, peu de changements ont été apportés. En outre, il prévoit des règles sur lesquelles la LHID laisse peu de marge d'appréciation.

Présentation du projet

Pour l'essentiel, le présent projet reprend les dispositions prévues par le projet de loi 7532 en matière d'assujettissement à l'impôt et d'objet de l'impôt. Il n'a pas de prise directe sur la détermination de l'assiette fiscale ni sur le calcul de l'impôt, phénomènes qui font l'objet des projets de loi 8154 (impôt sur la fortune), 8178 (impôt sur le revenu) et 8202 (déductions, calcul de l'impôt, compensation des effets de la progression à froid).

Les deux particularités, compatibles avec la LHID, contenues dans le présent projet de loi, tiennent à l'individualisation des contribuables au sein du couple marié et à la disparition, à terme, de la solidarité du paiement de l'impôt entre époux.

Travaux de la commission

Auditions

La commission a auditionné des membres du Groupement des banquiers privés genevois, de la Chambre genevoise immobilière, de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève ainsi que de la Fédération des syndicats patronaux. Des représentants d'autres milieux économiques ont donné leur avis lors d'auditions ayant pour objet les autres projets de lois relatifs à l'harmonisation de la loi fiscale genevoise.

Audition du Groupement des banquiers privés genevois

M. Pierre Cogne, représentant du Groupement des banquiers privés genevois, a fait part, le 7 décembre 1999, de remarques ayant trait à l'imposition des couples mariés.

La notion introduite à la seconde phrase de l'article 8, alinéa 1, selon laquelle « chaque époux est considéré comme un contribuable », est considérée comme étant incompatible avec la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID).

Cette seconde phrase contredit en outre la précédente qui maintient, à juste titre, l'addition du revenu et de la fortune des époux vivant en ménage commun, indépendamment du régime matrimonial.

Il est précisé que le renvoi au rapport de la Commission d'experts fédérale du 12 mars 1999 (voir exposé des motifs page 17) n'éclaire pas le lecteur sur la volonté du législateur. En effet, le rapport en question n'aboutit pas à une conclusion précise. Dix possibilités d'imposition de la famille ont été envisagées par ladite commission. Seules trois ont été retenues comme envisageables. La commission précise dans sa conclusion :

« Toutefois, aucun des modèles dont la Commission propose de poursuivre l'étude n'est en mesure de résoudre tous les problèmes soulevés par l'imposition de la famille. La commission n'a donc pas trouvé de solution idéale, car il n'existe pas de système d'imposition capable de satisfaire toutes les exigences de l'imposition de la famille : chacun possède ses propres avantages et inconvénients que la commission a cherché à mettre en évidence. Reste maintenant à ouvrir le débat politique ».

Le renvoi à ce rapport n'apporte aucun éclaircissement et le débat politique doit précéder l'élaboration de la loi.

Ces raisons devraient suffire à justifier la suppression de la phrase incriminée. Il existe cependant d'autres motifs.

Par exemple, parmi les hypothèses examinées par la Commission d'expert, l'une (la 2e) pourrait entraîner, pour les couples modestes avec un seul revenu, une augmentation d'impôt très importante. C'est ainsi qu'avec l'application des barèmes actuels, un revenu brut de F 50'000.- pour un couple sans enfant serait imposé au taux de 20,4 % contre 11,8 % aujourd'hui, sans compter l'impôt fédéral direct.

En liaison avec ce qui précède, la première phrase de l'article 12, alinéa 1, selon laquelle « chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total » est également considérée comme n'étant pas compatible avec la LHID, respectivement avec son article 40, alinéa 1 qui prévoit que « les époux qui vivent en ménage commun exercent les droits et s'acquittent des obligations qu'ils ont en vertu de la présente loi de manière conjointe ».

Les difficultés d'application de cette notion sont en outre relevées, difficultés qui ne pourraient certainement pas être résolues, nonobstant le renvoi de son entrée en vigueur au 1er janvier 2003 aux termes de l'article 17, alinéa 2 du projet de loi.

En substance, les difficultés mises en évidence tiennent à la répartition des éléments imposables, en matière de revenu et de fortune, entre les époux. Cette répartition ne saurait être déterminée de manière arbitraire, faute d'aboutir à fausser les charges d'impôt respectives à chaque époux.

Audition de la Chambre genevoise immobilière

La Chambre genevoise immobilière, représentée par Mes Mark Muller, Costa Van Berchen et Michel Lambelet, a formulé ses observations lors de son audition du 14 décembre 1999.

Ses remarques étaient, s'agissant des articles 8, alinéa 1 et 12, alinéa 1, de nature identique à celles formulées par le Groupement des banquiers privés genevois.

En outre, est contestée la responsabilité solidaire de l'acheteur et du vendeur d'un immeuble sis dans le canton quant au paiement des impôts dus par le commerçant ou l'intermédiaire auquel ils ont fait appel, si celui-ci n'est pas domicilié en Suisse.

La contestation de cette norme, prévue à l'article 12, alinéa 2 lit. c) du projet de loi, ne tient pas tant au fond, mais davantage à l'ampleur de cette responsabilité solidaire qui est fixée à hauteur d'un maximum de 6 pour cent du prix de vente de l'immeuble.

Enfin, est contestée la responsabilité solidaire de la personne inscrite comme propriétaire d'un immeuble au Registre foncier quant au paiement des impôts perçus auprès de l'usufruitier, telle qu'elle est prévue à l'article 13 du projet de loi.

Audition de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève

M. Gérard Béran, représentant de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, a fait part le 21 décembre 1999 de remarques tenant à la forme et au fond de certaines dispositions du projet de loi.

A l'article 5, alinéa 4, 4e ligne, il serait souhaitable de remplacer le terme de « gains », repris de la Loi sur l'impôt fédéral direct (LIFD), par le terme de « bénéfices » qui semble plus correct en français.

Il est souhaitable de supprimer la responsabilité solidaire de l'acheteur et du vendeur d'un immeuble sis dans le canton quant au paiement des impôts dus par le commerçant ou l'intermédiaire auquel ils ont fait appel, si celui-ci n'est pas domicilié en Suisse, prévue à l'article 12, alinéa 2 lit. c) du projet de loi.

Il est considéré que les commissions sur vente se montent usuellement à 3 % du prix de vente et que l'impôt maximum ne saurait excéder 50 %, l'impôt (tant fédéral que cantonal) ne devrait ainsi pas dépasser 1,5 % du prix de vente, d'une part.

D'autre part, la LIFD prévoit déjà une telle responsabilité solidaire à hauteur d'un montant maximum de 3 % du prix de vente, ce qui devrait suffire largement à ce que les intérêts de l'Etat soient préservés.

S'agissant de la responsabilité solidaire de la personne inscrite comme propriétaire d'un immeuble au Registre foncier quant au paiement des impôts perçus auprès de l'usufruitier, telle qu'elle est prévue à l'article 13 du projet de loi, il conviendrait de remplacer le terme « perçus » par « à percevoir ». En effet, s'ils sont déjà perçus, la solidarité tombe.

Concernant l'article 14, alinéa 4, 2e ligne, prévoyant que le Conseil d'Etat « peut arrêter les bases d'imposition et un mode de calcul de l'impôt... », il s'agit de remplacer « les » bases d'imposition par « des » bases d'imposition.

Enfin, concernant les allégements fiscaux prévus à l'article 15 du projet de loi, il convient de remplacer, au second paragraphe, le terme « Département des finances » par « Conseil d'Etat ». Il appartient en effet au Conseil d'Etat et non au Département des finances de statuer sur les demandes d'allégements fiscaux.

Audition de la Fédération des syndicats patronaux

M. Daniel Delay, représentant de la Fédération des syndicats patronaux, est intervenu le 21 décembre 1999.

Considérant les remarques formulées par d'autres organismes sur le projet de loi, il renonce à en formuler d'autres.

Discussion générale

Au cours des débats menés par la Commission fiscale, différentes explications ont été fournies par l'administration fiscale sur les divers points relevés au cours des auditions.

Concernant l'imposition de la famille

Il a été précisé que la deuxième phrase de l'article 8, alinéa 1, selon laquelle chaque époux est considéré comme un contribuable, n'est pas incompatible avec la LHID, dans la mesure où elle n'emporte pas automatiquement une taxation séparée des époux.

Au contraire, l'imposition des couples mariés demeure globale, en application de la première phrase de la disposition incriminée.

Comme aujourd'hui, l'assiette fiscale des époux vivant en ménage commun sera déterminée par le cumul de tous les éléments imposables et les déductions autorisées du couple. Il en résultera une base d'imposition commune sur laquelle sera appliqué le barème d'imposition propre aux contribuables mariés faisant ménage commun.

En ce sens, les craintes selon lesquelles cette disposition pourrait conduire à un alourdissement de la charge fiscale des couples sont sans objet.

Le fait de considérer chaque époux comme un contribuable trouve sa justification, notamment, en matière de responsabilité du paiement de l'impôt, pour laquelle la solidarité entre époux, connue sous l'empire du droit actuel, disparaîtra, au sens de l'article 12, alinéa 1, du projet de loi.

La disparition de cette solidarité face au paiement de l'impôt, dont l'administration a demandé de repousser l'entrée en vigueur au 1er janvier 2004, nécessite qu'il soit procédé à une ventilation correcte des éléments imposables et des déductions autorisées entre époux.

C'est pour donner à l'administration les moyens de s'organiser en la matière, sur les plans technique et informatique, qu'une entrée en vigueur différée a été demandée.

Concernant la responsabilité solidaire de l'acheteur et du vendeur d'un immeuble quant au paiement des impôts dus par le commerçant ou l'intermédiaire auquel ils ont fait appel

Cette responsabilité, prévue à l'article 12, alinéa 2 lit. c) du projet de loi, n'est pas contestée dans sa forme. Les personnes auditionnées considèrent, soit que le taux de 6 pour cent est trop élevé, soit que le pendant de cette norme dans le droit fédéral (LIFD) suffit à préserver les intérêts de l'Etat.

Pour garantir, par le biais envisagé, les intérêts du canton et des communes genevoises, une base légale interne est nécessaire, d'une part.

D'autre part, le taux de 6 pour cent est justifié par la proportion qui existe entre le poids des impôts cantonal et communal et celui de l'impôt fédéral direct. Cette proportion est généralement admise comme étant de 2/3 - 1/3. Considérant que la LIFD prévoit un taux de 3 %, la proportion précitée justifie un taux de 6 pour cent dans le droit cantonal.

Enfin, l'administration fiscale a précisé que ce taux n'est pas destiné à développer ses pleins effets de façon systématique. En effet, si une garantie de 1 pour cent du prix de vente devait suffire à couvrir la dette fiscale non honorée de l'intermédiaire, seul ce pour cent serait appliqué.

Concernant la responsabilité solidaire du propriétaire d'un immeuble quant au paiement des impôts dus par l'usufruitier

L'administration rappelle que dans le texte du projet de loi 7532 le propriétaire de l'immeuble était considéré comme responsable du paiement des impôts afférents à l'immeuble dans tous les cas (article 13).

Considérant qu'en matière d'usufruit il importait de se retourner avant tout contre l'usufruitier, le texte de l'article 13 du présent projet de loi ne prévoit qu'une responsabilité subsidiaire du propriétaire.

Discussion article par article

Art.1 Compétence cantonale

Pas de remarques.

Art. 2 Rattachement personnel

Pas de remarques.

Art. 3 Rattachement économique

Pas de remarques.

Art.4 Relation avec l'impôt à la source

Pas de remarques.

Art. 5 Etendue de l'assujettissement

Al. 4 : La notion de « gains » que l'on retrouve à deux reprises dans cet alinéa a été remplacée par la notion de « bénéfices », terme qui convient davantage au revenu réalisé par l'exercice d'une activité lucrative indépendante.

Il a en outre été précisé que la teneur de cet alinéa ne contrevenait pas aux dispositions prévues par les traités internationaux destinés à éviter la double imposition.

Art. 5, al. 4, amendement

« Si une entreprise ayant son siège […….] enregistre des « bénéfices » au cours des sept années qui suivent […], le Département doit procéder à une révision de la taxation, à concurrence du montant des « bénéfices » compensés [……….].

Cet amendement est accepté.

Art. 6 Taux de l'impôt

Pas de remarques.

Art. 7 Début, fin et modification de l'assujettissement

Pas de remarques.

Art. 8 Epoux; enfant sous autorité parentale

Al. 1 : La notion de « chaque époux est considéré comme un contribuable » a suscité de nombreux débats.

Il a été précisé que cette distinction n'aboutissait pas nécessairement à une taxation séparée des époux.

L'imposition de la famille est un objet de réflexion actuel au niveau de la Confédération et le présent projet de loi ne saurait anticiper une solution qui pourrait s'écarter de cette retenue à l'issue des travaux au plan national. Cela ressort au reste clairement de la première phrase qui précise que « le revenu et la fortune des époux vivant en ménage commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial ».

Quel que soit le résultat de ces travaux, la teneur de l'article 8, alinéa 1 du présent projet de loi y sera compatible, comme elle l'est du reste avec le mode d'imposition de la famille connu actuellement à Genève, tant sur le plan de l'impôt cantonal et communal que sur le plan de l'impôt fédéral direct.

Enfin, cette distinction entre époux et épouse, est à mettre en regard de l'article 12, alinéa 1 du présent projet de loi qui abolit, à terme, la solidarité du paiement de l'impôt entre époux.

Art. 9 Hoiries et sociétés de personnes

Pas de remarques.

Art. 10 Sociétés commerciales étrangères et autres communautés de personnes sans personnalité juridique

Pas de remarques.

Art. 11 Succession fiscale

Pas de remarques.

Art. 12 Responsabilité des époux et responsabilité solidaire

Al. 1 : La notion de « chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total » est une rupture du système connu actuellement, dans lequel la solidarité du paiement de l'impôt du couple par chacun des époux n'est rompue que dans certains cas particuliers, divorce ou insolvabilité de l'un des conjoints.

Cette adjonction nécessite que des structures particulières de traitement des dossiers des contribuables soient mises en place par l'administration fiscale cantonale; cette mise en place, pour être efficace, demandera un certain temps, raison pour laquelle il est prévu que l'entrée en vigueur de cette disposition soit différée dans le temps (cf. article 17, alinéa 2 du présent projet de loi).

Pour le surplus, l'abandon de la solidarité des conjoints face au paiement des impôts du couple répond à un souci d'équité entre les époux.

Al. 2, lit. c) : La responsabilité de l'acheteur et du vendeur d'un immeuble sis dans le canton pour le paiement des impôts dus par le commerçant ou l'intermédiaire auquel ils ont fait appel, si celui-ci n'est pas domicilié en Suisse, n'est pas contestée sur le fonds.

Son amplitude a toutefois été fixée à 3 pour cent du prix de vente, en lieu et place des 6 pour cent prévus par le texte initial du projet de loi.

Il convient de préciser que les 6 pour cent étaient justifiés par un souci d'harmonisation avec l'impôt fédéral direct (harmonisation verticale), lequel prévoit une solidarité à concurrence de 3 pour cent du prix de vente. La proportion de l'impôt fédéral direct étant communément admise comme représentant un tiers de la charge fiscale totale (en matière internationale en tous les cas), il était logique que, si la garantie est de 3 pour cent en matière d'impôt fédéral direct, elle soit de 6 pour cent en matière d'impôt cantonal et communal.

Enfin, il convient de relever que la taux de garantie est un maximum exigible en cas de défaut de paiement de l'impôt par le débiteur et que seul le montant nécessaire pour couvrir la créance fiscale serait exigible.

Si ce montant ne devait se monter qu'à 1 ou 2 pour cent du prix de vente, le responsable solidaire ne saurait en aucun cas être actionné au-delà de ce montant.

Art. 12, al. 2, let. c), amendement

« L'acheteur et le vendeur [……………..] jusqu'à concurrence de « trois pour cent »

6 Abstentions : (2 S, 3 AdG, 1 Ve)

Cet amendement est accepté.

Art. 13 Présomption de propriété des immeubles

Pas de remarques.

Art. 14 Imposition d'après la dépense

Al. 3 Une adjonction est faite à la dernière phrase, soit «Il ne doit toutefois par être inférieur aux impôts calculés d'après le barème ordinaire sur l'ensemble des éléments bruts suivants : ».

Cette adjonction est conforme au texte de la loi fédérale (LHID) et nécessaire dans la mesure où elle enlève toute ambiguïté à la base légale.

Art. 14, al. 3, amendement

« L'impôt est calculé sur les éléments « bruts » suivants : 

4 Abstentions : (3 L, 1 R)

Cet amendement est accepté.

Al. 4 Le terme « les bases d'imposition » de la deuxième phrase est remplacé par « des bases d'imposition ».

Art. 14, al. 4, amendement

Le Conseil d'Etat [………..]. Il peut arrêter « des » bases d'imposition

13 OUI (3 L, 2 R, 2 DC, 1 Ve, 3 AdG, 2 S)

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 15 Allégements fiscaux

Al. 1 « Le Département des finances » figurant au début de la deuxième phrase est remplacé par « Le Conseil d'Etat ».

Ce remplacement est justifié par le fait qu'il appartient effectivement au Conseil d'Etat - et non au Département des finances qui agit par délégation - de statuer sur les demandes d'allégements fiscaux.

Art. 15, al. 1, deuxième paragraphe, amendement

Le Conseil d'Etat statue sur toute demande d'allégements fiscaux [……]

Unanimité

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 16 Exemptions

Pas de remarques.

Art. 17 Entrée en vigueur

Al. 2 Sur proposition de l'administration fiscale cantonale, l'entrée en vigueur de l'article 12, alinéa 1 est fixée au 1er janvier 2004 en lieu et place du 1er janvier 2003.

Ce report est rendu nécessaire par les structures, organisationnelles et informatiques, à mettre en place pour permettre un calcul exact de la part à l'impôt total du couple due par l'époux, respectivement par l'épouse.

Art. 17 - Entrée en vigueur, amendement

1 La présente loi entre en vigueur au 1er janvier 2004

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 18 Modifications à une autre loi (D3 05)

Art. 10, al. 8 En relation avec l'article 17, alinéa 2 du présent projet de loi, l'abrogation de l'article 10, alinéa 8 de la Loi générale sur les contributions publiques (LCP) doit intervenir le 31 décembre 2003.

Ce report est nécessaire afin de conserver, d'ici au 1er janvier 2004, les bases légales nécessaires à percevoir l'impôt des couples mariés.

Art. 18 - Modification à une autre loi, amendement

Art. 10, al. 8 (abrogé le 31 décembre 2003 )

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Vote final

PL 8152 (LIPP-I) - Imposition des personnes physiques

Objet de l'impôt - assujettissement à l'impôt

Commissaires présents au moment du vote : 13

Conclusion

Les deux particularités, compatibles avec la LHID, contenues dans le présent projet de loi, tiennent à l'individualisation des contribuables au sein du couple marié et à la disparition, à terme, de la solidarité du paiement de l'impôt entre époux.

C'est à l'unanimité moins 7 abstentions que la Commission fiscale vous invite à voter ce projet de loi tel qu'il vous est proposé et amendé.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

décrète ce qui suit :

Art. 1

Le canton perçoit un impôt sur le revenu et un impôt sur la fortune des personnes physiques.

Art. 2 Rattachement personnel

1 Les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison de leur rattachement personnel lorsqu'elles sont domiciliées ou séjournent dans le canton.

2 Une personne a son domicile dans le canton lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement, ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral.

3 Une personne séjourne dans le canton lorsque, sans interruption notable:

4 La personne qui, ayant conservé son domicile hors du canton, réside dans le canton uniquement pour y fréquenter un établissement d'instruction, pour se faire soigner dans un établissement ou pour purger une peine de détention, ne s'y trouve ni domiciliée, ni en séjour.

5 Les personnes physiques domiciliées à l'étranger, qui y sont exonérées totalement ou partiellement des impôts sur le revenu et sur la fortune à raison de leur activité pour le compte de la Confédération ou d'autres corporations ou établissements de droit public suisses, sont assujetties à l'impôt dans leur commune d'origine à raison de leur rattachement personnel. Lorsque le contribuable possède plusieurs droits de cité, il est assujetti à l'impôt dans la commune dont il a acquis le droit de cité en dernier lieu. Si le contribuable n'a pas la nationalité suisse, il est assujetti à l'impôt au domicile ou au siège de son employeur. L'assujettissement s'étend également au conjoint et aux enfants au sens de l'article 8.

Art. 3 Rattachement économique

1 Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées, ni en séjour dans le canton sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsque :

2 Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées, ni en séjour en Suisse sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsque :

3 On entend par établissement stable, toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité d'une entreprise, d'une personne exerçant une activité lucrative indépendante ou une profession libérale. Sont notamment considérés comme établissements stables, les succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d'exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage ouverts pendant douze mois au moins.

Art. 4 Relation avec l'impôt à la source

Demeure réservée la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994.

Art. 5 Etendue de l'assujettissement

1 L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés hors du canton.

2 L'assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité aux parties du revenu et de la fortune, ainsi qu'aux gains immobiliers qui sont imposables dans le canton.

3 L'étendue de l'assujettissement pour une entreprise, un établissement stable ou un immeuble est définie, dans les relations intercantonales et internationales, conformément aux règles du droit fédéral concernant l'interdiction de la double imposition.

4 Si une entreprise ayant son siège ou son administration effective dans le canton compense, sur la base du droit interne, les pertes subies à l'étranger par un établissement stable avec des revenus obtenus dans le canton et que cet établissement stable enregistre des bénéfices au cours des sept années qui suivent, le département doit procéder à une révision de la taxation initiale, à concurrence du montant des bénéfices compensés auprès de l'établissement stable; dans ce cas, la perte subie par l'établissement stable à l'étranger ne devra être prise en considération, a posteriori, que pour déterminer le taux de l'impôt dans le canton. Dans toutes les autres hypothèses, les pertes subies à l'étranger ne doivent être prises en considération dans le canton que lors de la détermination du taux de l'impôt.

5 Les personnes imposables conformément à l'article 2, alinéa 5, doivent l'impôt sur leurs revenus et leur fortune qui sont exonérés à l'étranger en vertu de conventions internationales ou de l'usage.

Art. 6 Taux de l'impôt

1 Pour les personnes qui ne sont imposables dans le canton que sur une partie de leur revenu ou de leur fortune, le taux de l'impôt doit être celui qui serait applicable au revenu total ou à la fortune totale du contribuable.

2 Toutefois, les contribuables domiciliés à l'étranger qui sont imposables en raison d'une entreprise, d'un établissement stable ou d'un immeuble sis dans le canton sont imposables à des taux correspondant au moins au revenu acquis dans le canton et à la fortune qui y est située.

Art. 7 Début, fin et modification de l'assujettissement

1 L'assujettissement débute le jour où le contribuable prend domicile dans le canton ou y commence son séjour au sens de l'article 2 ou encore le jour où il y acquiert un élément imposable au sens de l'article 3.

2 L'assujettissement prend fin le jour du décès du contribuable, de son départ pour l'étranger ou le jour de la disparition de l'élément imposable dans le canton.

3 En cas de changement de domicile au regard du droit fiscal à l'intérieur de la Suisse, le début et la fin de l'assujettissement sont régis par la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes.

Art. 8 Epoux; enfants sous autorité parentale

1 Le revenu et la fortune des époux vivant en ménage commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial. Chaque époux est considéré comme un contribuable.

2 L'enfant mineur, au sens du code civil, est astreint personnellement à l'impôt sur le revenu provenant de son activité lucrative.

3 Les autres revenus et la fortune de l'enfant mineur sont ajoutés, pour la taxation et la perception des impôts, aux revenus et à la fortune du ou des parents qui en ont l'autorité parentale et la garde.

Art. 9 Hoiries et sociétés de personnes

Les hoiries, les sociétés simples, les sociétés en nom collectif et en commandite et autres sociétés n'ayant pas la personnalité juridique ne sont pas imposées comme telles; chacun des hoirs, associés, commanditaires et participants paie les impôts sur la part de capital et de revenu à laquelle il a droit dans ces hoiries et ces sociétés.

Art. 10 Sociétés commerciales étrangères et autres communautés de personnes sans personnalité juridique

Les sociétés commerciales étrangères et autres communautés étrangères de personnes sans personnalité juridique qui sont assujetties à l'impôt en raison d'un rattachement économique sont imposables conformément aux dispositions applicables aux personnes morales.

Art. 11 Succession fiscale

1 Les héritiers d'un contribuable défunt lui succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils répondent solidairement des impôts dus par le défunt jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie.

2 Le conjoint survivant est responsable jusqu'à concurrence de sa part héréditaire et, s'il reçoit, du fait de son régime matrimonial, une part du bénéfice ou de la communauté supérieure à sa part légale selon le droit suisse, jusqu'à concurrence de ce montant supplémentaire.

Art. 12 Responsabilité des époux et responsabilité solidaire

1 Chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total. Les époux sont en revanche solidairement responsables de la part de l'impôt total qui frappe le revenu et la fortune des enfants.

2 Sont solidairement responsables avec le ou les contribuables:

3 L'administrateur d'une succession et l'exécuteur testamentaire répondent solidairement avec les successeurs fiscaux du défunt des impôts dus par celui-ci, jusqu'à concurrence du montant qui doit être affecté au paiement de l'impôt selon l'état de la succession au jour du décès. Dans la mesure où l'administration fiscale ne peut prouver aucune faute à leur encontre, ils sont libérés de toute responsabilité.

Art. 13 Présomption de propriété des immeubles

La personne inscrite comme propriétaire d'un immeuble au registre foncier est responsable des impôts afférents à l'immeuble, respectivement solidairement responsable des impôts perçus auprès de l'usufruitier.

Art. 14 Imposition d'après la dépense

1 Les personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse, sans y exercer d'activité lucrative, ont le droit, jusqu'à la fin de la période de taxation en cours, de payer un impôt sur la dépense, au lieu des impôts sur le revenu et la fortune.

2 Lorsque ces personnes ne sont pas des ressortissants suisses, le droit de payer l'impôt calculé sur la dépense peut être accordé au-delà de cette limite.

3 L'impôt est calculé sur la base de la dépense du contribuable et de sa famille et il est perçu d'après le barème de l'impôt ordinaire. Il ne doit toutefois pas être inférieur aux impôts calculés d'après le barème ordinaire sur l'ensemble des éléments bruts suivants:

4 Le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à la perception de l'impôt sur la dépense. Il peut arrêter des bases d'imposition et un mode de calcul de l'impôt dérogeant au 3ème alinéa, si cela est nécessaire pour permettre aux contribuables mentionnés aux alinéas 1 et 2 d'obtenir le dégrèvement des impôts d'un Etat étranger avec lequel la Suisse a conclu une convention en vue d'éviter les doubles impositions.

Art. 15 Allégements fiscaux

1 Des allégements fiscaux peuvent, après consultation des communes concernées, être accordés à des entreprises nouvellement créées, afin de faciliter leur installation et leur développement s'ils sont dans l'intérêt de l'économie du canton; ces allégements ne peuvent aller au-delà d'une période de dix ans. La modification importante de l'activité de l'entreprise peut être assimilée à une fondation nouvelle.

Le Conseil d'Etat statue sur toute demande d'allégements fiscaux dans un délai de 60 jours à compter de la date d'enregistrement de la demande.

Lorsque des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires à l'instruction de la requête sont sollicités, ce délai est suspendu jusqu'à réception des documents.

2 Si l'entreprise transfère son siège ou une partie prépondérante de son activité hors du canton pendant la durée des allégements ou dans les cinq années qui suivent celle où ils cessent de déployer leurs effets, le montant des impôts qui auraient été perçus sans allégement est exigible en totalité.

3 Les communes concernées sont informées des allégements fiscaux accordés. Le Conseil d'Etat présente un rapport annuel au Grand Conseil, dans le cadre du compte rendu, sur sa politique en matière d'allégements fiscaux.

Art. 16 Exemptions

1 Sont exonérés des impôts sur le revenu et la fortune, dans la mesure où le prévoient les conventions, accords et arrangements avec les organisations internationales publiques:

2 Sont également exonérés les consuls de nationalité étrangère au bénéfice de l'exequatur de Conseil fédéral et les fonctionnaires consulaires de carrière, de nationalité étrangère, nommés par leur gouvernement et qui ont leur poste en Suisse.

3 Cette exonération ne s'étend pas aux personnes, leur conjoint ou leurs enfants mineurs qui remplissent les conditions d'assujettissement prévues à l'article 3.

4 En cas d'assujettissement partiel, l'article 6, alinéa 1, est applicable.

Art. 17  Entrée en vigueur

1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

2 L'article 12, alinéa 1, entre en vigueur le 1er janvier 2004.

Art. 18  Modifications à une autre loi (D 3 05)

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 2 (abrogé)

Art. 3, 3A, 4, 4A, 4B, 5 (abrogés)

Art. 6, 7, 8, 9 (abrogés)

Art. 10, al. 8  (abrogé)

Art. 11 (abrogé)

Art. 13 (abrogé)

Art. 14 et 14A (abrogés)

Art. 15 (abrogé)

PL 8154-A

Rapport de Mme Salika Wenger

La Commission fiscale a étudié le projet de loi 8152 lors de ses séances des 16, 23 et 30 novembre, 14 et 21 décembre 1999, 11 janvier 2000, 28 mars 2000, 4 et 11 avril 2000.

Ont assisté à ces séances :

Les procès-verbaux ont été établis avec grande précision par Mme Eliane Monnin.

Introduction

Le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques (projet de loi 7532; D 3 1,1), émanant du Conseil d'Etat, a été déposé par devant le secrétariat du Grand Conseil, en date du 30 septembre 1996.

L'objectif du Conseil d'Etat était alors d'adapter la législation fiscale genevoise, relative aux personnes physiques, à la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID).

Ce projet a été renvoyé à la Commission fiscale du Grand Conseil, en date du 8 novembre 1996 et examiné par celle-ci de janvier à décembre 1997. La première lecture dudit projet a eu lieu durant la période du 22 avril au 19 août 1997.

Au cours de sa séance du 2 septembre 1997, la Commission fiscale a décidé de traiter en priorité, et de manière autonome, les dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition dans le temps des personnes physiques (articles 61 à 66 du projet de loi 7532). Il en est résulté un projet de loi propre, adopté par le Grand Conseil en date du 4 décembre 1997, donnant ainsi naissance à la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques (D 3 12), destiné à être remplacé par le projet de loi 8153 déposé par devant le Grand Conseil le 13 octobre 1999.

Quant au reste des dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition des personnes physiques, elles ont fait l'objet d'un examen approfondi de la part d'une commission d'experts, intitulée « Commission extraparlementaire chargée de procéder à une relecture du projet de loi sur l'imposition des personnes physiques » (ci-après la Commission de relecture) constituée par Mme Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département des finances.

Au cours de sa séance du 31 août 1999, la Commission fiscale a débattu du problème de l'avancement des travaux de la Commission de relecture.

Dans un souci de rationalité et, sur suggestion du président de la Commission fiscale, il a été décidé de présenter en premier lieu les objets de la loi sur l'imposition des personnes physiques qui résultent de questions de principe (cf. exposé des motifs).

Le présent projet, traitant de l'objet de l'impôt sur la fortune, est un des volets issus de la relecture du projet de loi 7532. Par rapport à ce dernier, peu de changements ont été apportés. En outre, il prévoit des règles sur lesquelles la LHID laisse peu de marge d'appréciation.

Présentation du projet

Pour l'essentiel, le présent projet reprend les dispositions prévues par le projet de loi 7532 en matière de détermination des éléments imposables et de calcul de l'impôt.

Les trois différences, compatibles avec la LHID et respectivement dictées par celle-ci, qu'il convient de relever tiennent à l'exonération des collections artistiques et scientifiques, qui n'est accordée que lorsque ces collections sont assimilables à des meubles meublants, à l'absence d'exonération de la valeur de rachat des assurances de capitaux susceptibles de rachat, exonération accordée partiellement dans le projet de loi 7532, et à l'abandon d'une déduction sociale en relation avec les montants investis dans un outil de travail.

Travaux de la Commission

Auditions

La commission a auditionné des membres du Groupement des banquiers privés genevois, de la Chambre genevoise immobilière, de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève ainsi que de la Fédération des syndicats patronaux. Des représentants d'autres milieux économiques ont donné leur avis lors d'auditions ayant pour objet les autres projets de lois relatifs à l'harmonisation de la loi fiscale genevoise.

Audition du Groupement des banquiers privés genevois

M. Pierre Cogne, représentant du Groupement des banquiers privés genevois, a fait part, le 7 décembre 1999, de ses commentaires concernant certains articles du projet de loi.

A l'article 9, alinéa 4, prévoyant la suspension de l'adaptation de valeur de l'estimation immobilière, lorsque l'aliénation concerne un immeuble agricole ou a pour cause certains cas de succession ou la dissolution du régime matrimonial, il souhaiterait la suppression des termes « pour le reste de la période décennale ».

L'introduction de cette limitation temporelle, qu'on ne retrouve pas dans la Loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP), aggraverait les conséquences financières déjà lourdes que doit assumer un conjoint survivant (le plus souvent une veuve), dans la mesure où cette hausse de la valeur fiscale de son immeuble vient s'ajouter à la disparition du revenu du conjoint décédé, à l'alourdissement de son imposition comme personne seule et aux droits de succession, et entraîne enfin une augmentation de sa fortune imposable ainsi que de son revenu imposable, par le biais de la valeur locative.

Cette aggravation de leur situation pourrait ainsi obliger de nombreuses personnes à quitter le logement dont elles sont propriétaires.

Il estime en outre que le choix de la fin de la période décennale comme date critère est arbitraire, puisqu'elle fait varier la durée de suspension entre un et neuf ans, en fonction de la date du décès au cours de la période décennale.

A l'article 12, lit. a, il propose la suppression de la disposition n'accordant pas l'exonération des collections artistiques et scientifiques si elles ne sont pas accessibles au public. Il précise que ces collections sont, sous le régime de la LCP actuelle, toujours exonérées.

L'imposition des collections artistiques et scientifiques lui semble inopportune, pour les raisons suivantes :

Les dons de collectionneurs représentent une part importante des collections des musées ; ne pas exonérer les collections aurait pour conséquence de tarir cette source d'approvisionnement.

L'imposition de ces collections suppose un travail considérable pour l'administration, qui devra déceler et estimer les biens imposables. Ce travail serait disproportionné par rapport au produit prévisible de l'imposition.

Les riches collectionneurs ne désirant pas s'acquitter d'un tel impôt pourraient quitter le canton, le privant ainsi de recettes fiscales importantes.

Le risque d'abus dans le financement de collections par l'emprunt, dont fait mention l'exposé des motifs, est déjà couvert par les dispositions de la LCP (article 21, lit. e), limitant l'usage abusif de dettes et de leurs intérêts, indépendamment de leur usage.

Enfin, M. Pierre Cogne précise que la France ne soumet pas les objets d'art à l'impôt sur la fortune.

S'agissant des déductions sociales sur la fortune, prévues à l'article 15, alinéa 1, lit. c et d, reprenant la structure de l'article 50, alinéa 1. lit. b LCP, M. Pierre Cogne considère qu'elles sont attribuées de manière inéquitable.

En effet, les contribuables qui ne sont pas en situation de bénéficier de prestations de l'AVS ou de l'AI ont droit à une déduction de 50'000 F par personne ou 100'000 F par couple. Par contre, au-delà de 65 ans, tous les contribuables ont droit à une déduction de 150'000 F, qu'ils soient mariés ou célibataires.

Il propose donc de fixer la déduction sociale au-delà de 65 ans à 100'000 F ou 150'000 F par personne.

M. Pierre Cogne suggère également de réintroduire la déduction de 500'000 F maximum sur les éléments de fortune investis dans les exploitations commerciales, artisanales ou industrielles du contribuable, soit dans l'outil de travail, telle qu'elle était prévue à l'article 59 du projet de loi 7532.

Il regrette que cette déduction, destinée à favoriser les PME, ait disparu et signale que, dans le même but, les Chambres fédérales ont adopté le 8 octobre 1999, la Loi fédérale sur le capital-risque qui prévoit des allégements fiscaux sur les prêts issus de la fortune privée.

Bien que ces allégements concernent l'imposition du revenu, il est regrettable que des allégements soient prévus pour les créanciers et qu'il soit impossible de les accorder aux entrepreneurs, lorsqu'il s'agit d'encourager la création et le développement des PME.

Audition de la Chambre genevoise immobilière

La Commission fiscale a auditionné Mes Marc Muller, Michel Lambelet et Costin Van Berchem, représentants de la Chambre genevoise immobilière, le 14 décembre 1999. Ils ont exprimé leurs regrets de ne pas avoir été associés à la Commission de relecture d'une part, et, d'autre part, du fractionnement du projet initial unitaire en cinq projets distincts.

Cette dernière remarque fait d'ailleurs l'objet d'un courrier adressé à Mme Micheline Calmy-Rey, en date du 9 décembre 1999, par l'ensemble des groupements représentant les milieux économiques, demandant à ce que l'ensemble des projets de loi soient regroupés en un seul.

Par son courrier du 9 mai 2000, la Chambre genevoise immobilière a formalisé les remarques qu'elle a faites lors de son audition du 14 décembre 1999.

S'agissant de l'estimation des titres de sociétés immobilières, prévue à l'article 5, alinéa 3, elle relève qu'elle n'est fondée que sur la valeur intrinsèque de la société, à savoir la différence entre la valeur des actifs et des passifs. Ce mode d'estimation ne correspond pas à la teneur de l'exposé des motifs, qui pouvait laisser supposer que la charge fiscale latente pour l'actionnaire, qui deviendra effective lors de la liquidation de la société, soit prise en compte.

La Chambre genevoise immobilière se réjouit par ailleurs de ce que la valeur fiscale d'un immeuble locatif puisse être déterminée par l'application d'un taux de capitalisation de l'état locatif variable en fonction de la nature de l'immeuble, ce qui constitue une innovation dans la mesure où le droit actuel ne prévoit qu'un seul taux de capitalisation.

Enfin, elle estime que d'ajouter la donation à la liste des événements pouvant donner lieu à une réévaluation d'un immeuble, telle qu'elle est prévue à l'article 7, lit. d et e), pourrait entraîner une diminution de la fréquence de ces donations et, partant, des recettes fiscales liées à ces actes.

Audition de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève

M. .

Concernant la déduction sociale pour couple marié dont un des deux conjoints au moins est en situation de bénéficier de prestations de l'AVS ou de l'AI, prévue à l'article 15, alinéa 1, lit. c, devrait idéalement correspondre au double de celle accordée par la lit. d, au contribuable célibataire dans la même situation.

Elle est, de plus, justifiée par le fait que l'article 6 ne reprend pas la déduction prévue en matière de rentes viagères par l'article 47, alinéa 2 LCP, ce qui peut générer, pour un couple âgé ayant acheté une rente viagère, une augmentation de leur fortune imposable de l'ordre de 100'000 F.

Le but de cette modification est de rétablir une certaine égalité de traitement entre les couples qui bénéficient de rentes du 2e pilier (ou du 3e pilier provenant d'une assurance), qui échappent donc à l'impôt sur la fortune, et ceux qui ont organisé leur prévoyance d'une autre manière, par exemple par l'acquisition d'une rente viagère ou d'un portefeuille de valeurs mobilières et subissent l'imposition de leur fortune.

Elle est, de plus, justifiée par le fait que l'article 6 ne reprend pas la déduction prévue en matière de rentes viagères par l'article 47, alinéa 2 LCP, ce qui peut générer, pour un couple âgé ayant acheté une rente viagère, une augmentation de leur fortune imposable de l'ordre de 100'000 F.

Il faut enfin prendre en compte le fait que de nombreux retraités n'ont que très peu bénéficié des normes de prévoyance instaurées par la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (LPP) et qui ont donc organisé leur prévoyance par leurs propres moyens.

Il regrette enfin que la déduction de la moitié de la fortune investie dans l'entreprise du contribuable, à concurrence de 500'000 F, n'ait pas été reprise de l'ancien projet LIPP, car il voyait là une mesure propre à favoriser les PME et, par là, l'emploi et l'essor économique du canton. Il ajoute que le champ d'application de cette déduction devrait s'étendre également à ceux qui exercent des professions libérales.

M. Gérard Béran fait également référence, à l'instar de M. Pierre Cogne, à la Loi fédérale sur les sociétés de capital-risque adoptée par les Chambres fédérales le 8 octobre 1999.

Audition de la Fédération des syndicats patronaux

M. .

M. Daniel Delay regrette que soit prévue l'imposition des collections artistiques et scientifiques qui ne sont pas mises à disposition du public, contrairement à ce que proposait le projet de loi 7532. De son point de vue, la spéculation est rare dans ce domaine et il serait plus facile pour l'administration de taxer les opérations immobilières et sur titres.

De plus, l'attitude de Genève, jusque-là favorable aux collectionneurs d'art, représente un avantage dans la concurrence fiscale avec le canton de Vaud, ce qui fait que cette imposition risque de coûter plus cher qu'elle ne rapporterait.

Enfin, il remarque que la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID), en-dehors de ce qu'elle cite nommément, n'est pas des plus claires dans sa définition des éléments de la fortune imposable.

Audition de la Chambre genevoise d'agriculture

MM. Neil Ankers et Edouard Jaquenoud, au nom de la Chambre genevoise d'agriculture, ont été auditionnés le 16 mai 2000 et ont pu, à cette occasion, formuler leurs commentaires s'agissant de l'évaluation des immeubles servant à l'exploitation agricole et sylvicole, prévue à l'article 7, lit. c) du projet.

Ils proposent la suppression de l'imposition à la valeur vénale des parties du logement qui ne sont pas nécessaires à l'exploitant ou sa famille active dans l'exploitation, en adoptant la formulation suivante : « Les immeubles servant à l'exploitation agricole ou sylvicole assujettis à la loi sur le droit foncier rural sont évalués à la valeur de rendement calculée selon l'Ordonnance fédérale d'application et son guide d'estimation. »

Les motivations de cette demande sont que, d'une part, les emprunts de l'exploitant destinés à développer son entreprise ne peuvent être garantis que sur la valeur de rendement et qu'il serait donc injuste qu'il subisse, d'autre part, une imposition sur la valeur vénale d'une partie de son immeuble.

De plus, il serait peu justifiable que le fait de loger dans l'immeuble servant à l'exploitation les agriculteurs retraités, qui y ont travaillé toute leur vie, entrave le développement de l'entreprise par une imposition fondée sur la valeur vénale.

Les éventuels abus, par la location de logements à des tiers, sont limités par la sévérité des règles fédérales et il ne se justifie guère d'instaurer une procédure d'estimation cantonale qui ferait double emploi avec l'estimation fédérale et créerait une insécurité propre au seul canton de Genève.

Discussion générale

Au cours des débats menés par la Commission fiscale, différentes explications ont été fournies par l'administration fiscale sur les différents points relevés au cours des auditions.

Concernant la période d'estimation de la valeur des immeubles

Les termes contestés de l'article 9, alinéa 4, « pour le reste de la période décennale » fixent bien une limite à la durée de la suspension de l'adaptation de la valeur d'estimation. Ils signifient qu'une nouvelle estimation intervient à la réalisation des événements cités, et qu'elle ne sera pas revue à l'échéance de la période décennale alors en cours mais bien à la fin de la période décennale suivante. La durée de la suspension varie donc entre 11 et 19 ans.

Concernant les conséquences négatives que devrait supporter le conjoint survivant, l'administration n'a jamais connu de réclamation sur les estimations intervenues dans de telles circonstances, du fait que les valeurs successorales sont généralement très pondérées et sont arrêtées avec l'accord du contribuable. Le service des successions n'a pas pour politique de pousser les valeurs à la hausse.

Concernant l'article 9, alinéa. 3, qui range les donations dans la liste des événements entraînant une réestimation de l'immeuble, il a été allégué que cela supprimait les avantages de faire une donation, entraînant une diminution de la fréquence de ces actes. Il convient de répondre à cela que des considérations fiscales ne devraient pas être la motivation de procéder à une donation.

Par ailleurs, l'idéal serait de procéder chaque année à une nouvelle évaluation de tous les immeubles, ce que le manque de moyens rend impossible, à tel point que les réévaluations décennales ont dû être remplacées par une simple augmentation générale de valeur, à hauteur de 20 % tous les dix ans, depuis 1964. L'administration se doit donc de saisir chaque occasion où la valeur réelle d'un bien immobilier apparaît pour en adapter l'estimation.

Concernant l'imposition des collections artistiques et scientifiques

Prenant en compte les arguments développés lors des auditions et des débats, il a été convenu d'étendre l'exonération des collections artistiques et scientifiques non seulement à celles qui étaient mises à disposition du public, mais également à celles pouvant être assimilées à des meubles meublants.

La notion de meubles meublants doit être prise dans son sens large, c'est-à-dire comme comprenant les collections privées dont le contribuable a l'usage, soit celles détenues au domicile du contribuable comme celles qui sont mises à disposition du public.

Demeurent par contre imposables les collections dont le contribuable n'aurait pas d'autre utilité qu'un placement spéculatif. Entrent en particulier dans cette catégorie les oeuvres entreposées dans des coffres ou au port franc.

Concernant la déduction de la valeur de l'outil de travail sur la fortune

L'administration fiscale a précisé que la déduction généralisée d'une partie des investissements commerciaux présente davantage le caractère d'une exonération que d'une déduction sociale, et qu'à ce titre était contraire à la LHID.

Par ailleurs, s'il s'agissait de réintroduire cette déduction, à concurrence de 500'000 F telle qu'elle était prévue par le projet 7532, les calculs effectués par l'administration fiscale aboutissent à une diminution des recettes fiscales de l'ordre de 2'500'000 F, pour les investissements faits dans les seules entreprises exploitées en nom et imposées dans le chef de leurs exploitants personnes physiques (raisons individuelles et sociétés de personnes).

Pour autant, une telle déduction ne saurait s'appliquer qu'aux capitaux investis dans les entreprises exploitées en nom, et il serait nécessaire de l'étendre à ceux investis dans les petites sociétés de capitaux, à plus forte raison dans la mesure où la société de capitaux est synonyme de double imposition économique. Une simulation chiffrée étendue à ce cadre est rendue difficile du fait que l'outil de travail n'apparaît pas clairement dans les déclarations fiscales des contribuables.

Il est toutefois raisonnable de tabler sur une baisse des recettes fiscales de l'ordre de 3'000'000 F.

Concernant l'estimation de la valeur des titres de sociétés immobilières

L'exposé des motifs à propos de l'article 5, alinéa 3 ne peut absolument pas être compris dans le sens où il permettrait de tenir compte, dans l'estimation des participations à des sociétés immobilières, de la charge latente d'impôt en tant que dépréciation liée au mode de propriété.

En effet, cette charge latente, qui deviendra effective au moment de la liquidation, est en fait l'accumulation d'économies d'impôts réalisées pendant toute la durée de la société, dont les actifs sont évalués à leur valeur comptable, bien inférieure généralement à leur valeur réelle, du fait des amortissements.

Une prise en compte de cette charge d'impôt latente comme facteur de dépréciation reviendrait donc à ajouter un privilège, supplémentaire à celui de pouvoir différer l'imposition des bénéfices de la société, par une réduction de la fortune imposable de l'actionnaire jusqu'au moment de la liquidation.

Concernant l'estimation de la valeur des immeubles agricoles

La portée de la notion de « partie de logement nécessaire au propriétaire et à sa famille » fondant une évaluation du bien immobilier à sa valeur de rendement a suscité des discussions, sur lesquelles l'administration a pu apporter des éclaircissements.

Il a ainsi été confirmé que les enfants qui vivent sur le domaine agricole, notamment, doivent s'occuper de l'exploitation. Il ne serait pas tenu compte de villas occupées par des membres de la famille exerçant une activité libérale ailleurs que sur le lieu de l'exploitation.

S'agissant de l'adjonction de précisions dans le texte de loi, l'administration a précisé que le canton compte environ 600 contribuables agriculteurs. De telles précisions sont donc superflues, dans la mesure ou d'éventuels abus sont facilement repérés.

Discussion article par article

Art. 1 Fortune imposable; en général

Pas de remarques.

Art. 2 Fortune imposable

Pas de remarques.

Art. 3 Fortune soumise à un usufruit

Pas de remarques.

Art. 4 Règles d'évaluation

Pas de remarques.

Art. 5 Fortune mobilière

Des discussions ont eu lieu sur la disparité qui peut être constatée entre la teneur de l'article 4, alinéa 1, selon lequel l'état de la fortune mobilière est établi au 31 décembre, et le texte de l'article 5, alinéa 1 qui précise que, pour les titres cotés en bourse, l'évaluation se fait selon le cours moyen du mois de décembre.

L'administration fiscale a expliqué que l'évaluation des titres cotés en bourse était faite par les autorités fédérales, lesquelles publient chaque année un recueil recensant les titres cotés et leur valeur fiscalement déterminante (liste des cours). L'estimation fédérale est fondée sur le cours moyen du mois de décembre, et déroge ainsi à la règle générale fixée à l'article 4.

L'article 5, alinéa 1 a ainsi pour but de formaliser la pratique en la matière.

L'article 5 n'apporte finalement pas de remarques lors du vote.

Art. 6 Rentes viagères : taux de capitalisation

Alors que l'échelle des taux de capitalisation figure dans le texte même de l'article 47 de la Loi générale sur les contributions publiques (LCP), le projet de loi prévoit que cette échelle soit dorénavant établie par le Conseil d'Etat.

La Commission accepte la suppression de l'échelle des taux de capitalisation, au profit de la voie réglementaire, pour répondre à la souplesse nécessaire en la matière.

Art. 7 Immeubles ; I. Principe d'estimation ; II. Expertises

S'agissant de la problématique de l'évaluation des immeubles agricoles et sylvicoles, et en fonction des discussions relatées plus avant, il a été proposé l'amendement suivant :

Art. 7, let. c), amendement

« les immeubles servant à l'exploitation agricole et sylvicole y compris la partie de logement nécessaire aux personnes travaillant dans l'exploitation sont évalués à leur valeur de rendement.....».

Cet amendement est refusé.

Le reste de l'article 7 est adopté.

Art. 8 III. Déclarations de nouvelles constructions

La formulation du second alinéa n'est pas très heureuse. Il est proposé la reformulation suivante :

Art. 8, al. 2, amendement

« Le coût de ces constructions et travaux est intégré à la valeur fiscale. »

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Le reste de l'article 8 est adopté.

Art. 9 IV. Procédure d'estimation

Il est précisé la signification du 4e alinéa, dans le même sens que les discussions relatées ci-dessus. La suspension de l'adaptation de la valeur d'estimation court jusqu'au terme de la période décennale, et pas au-delà.

Certains députés considérant que la mention même des termes « Pour le reste de la période décennale » dans le texte de l'article 9, alinéa 4, porte à confusion, il est proposé l'amendement suivant :

Art. 9, al. 4, amendement

Suppression des termes « Pour le reste de la période décennale, ...... »

Cet amendement est refusé.

Le reste de l'article 9 est accepté dans sa totalité.

Art. 10 

Pas de remarques.

Art. 11 V. Notification de l'estimation

Pas de remarques.

Art. 12 Exonérations

Let. a) : L'exonération des collections artistiques et scientifiques n'est prévue que dans la situation où elles sont accessibles au public, ce qui est considéré par trop restrictif. Il est suggéré d'exonérer non seulement les collections artistiques ou scientifiques qui sont mises à disposition du public, mais également celles dont le contribuable a l'usage.

Il s'agit ainsi d'étendre l'exonération des collections artistiques et scientifiques à celles qui peuvent être assimilées à des meubles meublants, eux-mêmes exonérés.

Il est précisé que cette exonération ne s'étend pas aux collections artistiques et scientifiques faisant partie du patrimoine commercial, lesquelles sont soumises à l'impôt à l'instar de tout élément d'un tel patrimoine.

Art. 12, let. a), amendement

« les meubles meublants, y compris les collections artistiques et scientifiques qui peuvent être considérées comme telles, les vêtements, ustensiles de ménage et les livres servant à l'usage du contribuable et de sa famille; »

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 13 Déduction des dettes ; cautionnement

Pas de remarques.

Art. 14 Répartition du passif

Pas de remarques.

Art. 15 Déductions sociales

Des modifications de forme sont proposées, de sorte à rendre plus clair le texte de loi, sans que cela ne change rien sur le fonds. Il s'agit donc de remplacer la notion de « contribuables mariés » par celle de « les époux », jugée plus conforme.

Art. 15, al. 1, let. c), amendement

« [.....] 150'000 francs pour les époux vivant en ménage commun [.....].

Les époux vivant en ménage commun bénéficiant [.....].

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 16 Taux de l'impôt sur la fortune

Dans le même souci de clarté, il est proposé de modifier le texte de cet article, lequel s'applique indépendamment à la fortune imposable des contribuables célibataires, veufs, séparés de corps ou de fait et divorcés qu'à celle des époux vivant en ménage commun.

Il est en outre précisé qu'il n'est pas possible d'opérer une confusion entre les barèmes de l'impôt sur la fortune et de l'impôt supplémentaire sur la fortune (pour n'en faire qu'un seul), dans la mesure où le premier, contrairement au second, fait l'objet d'une perception de centimes additionnels cantonaux et communaux.

Art. 16, al. 1, amendement

« La fortune de chaque contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé est divisée en tranches taxées conformément au tableau suivant. Il en est de même de la fortune des époux vivant en ménage commun. »

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 16, al. 2, amendement

« La fortune de chaque contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé est en outre divisée en tranches soumises à un impôt supplémentaire, conformément au tableau suivant. Il en est de même de la fortune des époux vivant en ménage commun. »

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Art. 17 Modification à une autre loi

Pas de remarques.

Art. 18 Entrée en vigueur

Pas de remarques.

Vote final

PL 8154 (LIPP III) - Imposition des personnes physiques

Impôt sur la fortune

Commissaires présents au moment du vote : 15

Adoption à l'unanimité.

Conclusion

Les différences en matière d'exonération d'éléments de fortune par rapport au projet de loi 7532 sont dictées par la LHID, qui fixe de manière exhaustive les éléments pouvant être exonérés, sans qu'il n'existe de marge de manoeuvre.

C'est à l'unanimité que la Commission fiscale vous invite à voter ce projet de loi tel qu'il vous est proposé et amendé.

PL 8178-A

Rapport de Mme Salika Wenger

Le Conseil d'Etat a déposé le 23 octobre 1999 le projet de loi 8178 qui a été étudié par la Commission fiscale lors de ses séances des 1er janvier 2000, 1er et 8 février 2000, 2, 9, 16, 23 et 30 mai 2000 et 27 juin 2000, sous la présidence de Mme Christine Sayegh.

Ont assisté à ces séances :

Les procès-verbaux ont été établis avec grande précision par Mme Eliane Monnin.

Introduction

Le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques (projet de loi 7532; D 3 1,1), émanant du Conseil d'Etat, a été déposé par devant le Secrétariat du Grand Conseil, en date du 30 septembre 1996.

L'objectif du Conseil d'Etat était alors d'adapter la législation fiscale genevoise, relative aux personnes physiques, à la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID).

Ce projet a été renvoyé à la Commission fiscale du Grand Conseil, en date du 8 novembre 1996 et examiné par celle-ci de janvier à décembre 1997. La première lecture dudit projet a eu lieu durant la période du 22 avril au 19 août 1997.

Au cours de sa séance du 2 septembre 1997, la Commission fiscale a décidé de traiter en priorité, et de manière autonome, les dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition dans le temps des personnes physiques (articles 61 à 66 du projet de loi 7532). Il en est résulté un projet de loi propre, adopté par le Grand Conseil en date du 4 décembre 1997, donnant ainsi naissance à la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques (D 3 12), destiné à être remplacé par le projet de loi 8153 déposé par devant le Grand Conseil le 13 octobre 1999.

Quant au reste des dispositions du projet de loi 7532 relatives à l'imposition des personnes physiques, elles ont fait l'objet d'un examen approfondi de la part d'une commission d'experts, intitulée « Commission extraparlementaire chargée de procéder à une relecture du projet de loi sur l'imposition des personnes physiques » (ci-après la Commission de relecture) constituée par Mme Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département des finances.

Au cours de sa séance du 31 août 1999, la Commission fiscale a débattu du problème de l'avancement des travaux de la Commission de relecture.

Dans un souci de rationalité et, sur suggestion du président de la Commission fiscale, il a été décidé de présenter en premier lieu les objets de la loi sur l'imposition des personnes physiques qui résultent de questions de principe (cf. exposé des motifs).

Le présent projet, ayant pour objet l'impôt sur le revenu (revenu imposable), est un des volets issus de la relecture du projet de loi 7532. Par rapport à ce dernier, peu de changements ont été apportés, et ceux qui l'ont été sont principalement le fruit des modifications apportées, entre-temps, à la LHID, suite, notamment, à l'adoption par les Chambres fédérales, en date du 19 mars 1999, de la Loi fédérale sur le programme de stabilisation.

Présentation du projet

Pour l'essentiel, le présent projet reprend les dispositions prévues par le projet de loi 7532 en matière de détermination des éléments imposables. Au-delà de différences de forme, sans influence sur le fond, ce projet comprend néanmoins quelques nouveautés par rapport au projet 7532. Ces nouveautés résultent pour la plupart des changements intervenus au niveau législatif, en matière de LHID, mais également d'une modification apportée à la Loi générale sur les contributions publiques (obligations à intérêt unique prépondérant), entre les dates de dépôt du projet 7532 et du présent projet.

Ces changements peuvent être présentés de la manière suivante :

Produit de l'activité lucrative indépendante

a) Commerce professionnel

Lors des débats menés par les Chambres fédérales dans le cadre du programme de stabilisation 1998, il était envisagé de formaliser dans les textes de loi la notion de commerçants professionnels d'immeubles et de titres, notions jusqu'à présent développées par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Au cours des débats menés par la Commission de relecture au sujet du projet de loi genevois, cette formalisation a été proposée.

Bien qu'en finalité cette notion n'ait pas été retenue dans le programme de stabilisation 1998, notamment du fait que l'application de la jurisprudence du Tribunal fédéral ait été confirmée dans l'intervalle, elle a été laissée dans le projet genevois. Il faut préciser que cette notion, même formalisée, n'apportera pas de changement de fond et n'est pas susceptible de donner lieu à des traitements différents de ceux déterminés par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

b) Bénéfices en capital sur participations

Les bénéfices en capital réalisés sur des éléments du patrimoine commercial sont des revenus imposables (contrairement aux gains en capital réalisés sur des éléments de la fortune privée qui sont exonérés de l'impôt, sous réserve des bénéfices immobiliers).

Peuvent être dorénavant considérés comme éléments du patrimoine commercial, sur demande du contribuable, les participations d'au moins 20 % au capital-actions ou au capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative.

Cette possibilité d'annoncer une telle participation comme appartenant au patrimoine commercial est une conséquence du programme de stabilisation 1998, et trouve sa justification dans les déductions admises sur le revenu.

En effet, si la LHID prévoit que les intérêts des dettes commerciales resteront totalement déductibles après le 1er janvier 2001, il n'en ira pas de même des intérêts des dettes privées qui ne seront plus déductibles qu'à concurrence du rendement de fortune augmenté de 50'000 francs. Considérant que des personnes physiques sont susceptibles d'acquérir tout ou partie d'une entreprise, dans laquelle ils peuvent occuper par ailleurs un emploi, et que cette acquisition peut être financée par l'emprunt, il est apparu au législateur fédéral que les intérêts sur ce financement devaient pouvoir être déduits du revenu de manière illimitée.

L'imposition des bénéfices en capital pouvant être réalisés sur ces participations annoncées comme faisant partie de la fortune commerciale est ainsi le corollaire à la déduction pleine et entière des intérêts des dettes liées au financement de ces participations.

c) Transformations, concentrations, scissions

Le projet prévoit qu'en cas de transformation d'une entreprise de personnes en une personne morale, et toutes autres conditions remplies par ailleurs, les réserves latentes ne sont pas soumises à l'impôt si les participations issues de l'opération ne sont pas aliénées avant un délai de cinq ans.

Il s'agit là de la formalisation du délai usuel déjà appliqué, reconnu et confirmé par le Tribunal fédéral.

Rendement de la fortune mobilière

a) Rendements d'obligations à intérêt unique prépondérant

Sont imposables les revenus résultant de l'aliénation ou du remboursement d'obligations à intérêt unique prépondérant qui échoient au porteur. S'il s'agit d'une nouveauté par rapport au projet 7532, il faut relever que de tels rendements sont déjà soumis à l'impôt cantonal et communal genevois, depuis le 1er janvier 1998 (article 16, alinéa 2, lettre l LCP).

L'imposition de tels rendements sur le plan genevois a été introduite dans la LCP postérieurement au dépôt du projet 7532, ce qui explique qu'elle n'y figurait pas.

b) Imposition des actions gratuites

Alors que le projet 7532 prévoyait, à certaines conditions, l'exonération des revenus provenant de la distribution d'actions gratuites, le présent projet en prévoit l'imposition pleine et entière.

Il faut relever d'une part que l'exonération de tels rendements est contraire à la LHID et que, d'autre part, ils sont soumis à l'impôt cantonal et communal genevois depuis l'année fiscale 1999 (Information aux associations professionnelles n° 7/98, du 18 mars 1998).

Le présent projet de loi concrétise ainsi la pratique de l'administration fiscale en la matière.

Revenus provenant de rentes viagères

Pour tenir compte des contraintes fixées par la LHID, respectivement du programme de stabilisation 1998, les rentes viagères reçues ne seront plus dorénavant imposées qu'à hauteur de 40 %.

Travaux de la Commission

Auditions

La commission a auditionné des membres du Groupement des banquiers privés genevois, de la Chambre genevoise immobilière, de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, de La Genevoise Assurance, de la Chambre genevoise des agents généraux d'assurance, ainsi que de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire. Des représentants d'autres milieux économiques ont donné leur avis lors d'auditions ayant pour objet les autres projets de lois relatifs à l'harmonisation de la loi fiscale genevoise.

Audition de la Chambre genevoise immobilière

La Commission fiscale a auditionné Mes Marc Muller, Michel Lambelet et Costin Van Berchem, représentants de la Chambre genevoise immobilière, le 9 mai 2000. Au cours de cette audition, ils ont soulevé les points suivants :

La Chambre genevoise immobilière s'interroge sur la nécessité de changer le mode de détermination de la valeur locative imposable, respectivement de passer à une valeur locative dite objective tel que prévu à l'article 7, alinéa 2, du fait que, selon eux, la valeur locative serait en passe, dans un délai de deux à trois ans, de ne plus faire partie des revenus imposables, que ce soit au niveau de l'impôt fédéral direct (LIFD) ou de celui des impôts cantonaux et communaux (LHID).

Par ailleurs, ils considèrent qu'un changement de système prétériterait les anciens propriétaires, du fait que la valeur locative envisagée, semblable à celle connue au niveau de l'impôt fédéral direct, ne prend en compte que des éléments objectifs relatifs à l'immeuble en cause, et non plus à son propriétaire.

Dans le système actuel, la valeur locative dépend de la valeur fiscale de l'immeuble. Cette valeur dépendant du prix d'acquisition, la valeur locative n'est pas répartie de manière uniforme, puisque dépendant des dates et prix d'acquisition des immeubles.

En passant au système de la valeur objective, les anciens propriétaires, souvent des gens à la retraite qui n'ont pas d'autres revenus que leurs rentes, subiraient les plus fortes hausses de la valeur locative.

Si le système de la valeur locative objective devait malgré tout être maintenu, la Chambre genevoise immobilière demande que soit réintroduite dans la loi la limitation prévue dans le projet 7532, sous la forme d'un taux d'effort de 20 %.

Audition de La Genevoise Assurance et de la Chambre genevoise des agents généraux d'assurance

Me Michel Chuard, s'exprimant en qualité de représentant de la Commission fiscale ad hoc en matière d'assurances et de la Chambre genevoise des agents généraux, regrette tout d'abord le retard pris dans le traitement de ces projets et la lenteur de la transmission des informations, entraînant notamment des difficultés dans le calcul de leurs conséquences financières. Il note ensuite, à titre de remarque générale, que toutes les réformes fiscales récentes et actuelles entraînent une péjoration sensible du traitement fiscal de la prévoyance. Il exprime donc le souhait que cette réforme cantonale ne contribue pas à renforcer cette tendance. Plus précisément il relève les points suivants :

L'article 12, alinéa 3 limite l'exonération des rendements d'assurances de capitaux susceptibles de rachat, acquittées au moyen d'une prime unique et conclues avant le 1er janvier 1999 au cas où le rapport contractuel a duré 5 ans au moins et que l'assuré a au moins 60 ans au moment où il perçoit la prestation.

Me Michel Chuard rappelle qu'il n'y a aucune restriction concernant les assurances de capitaux susceptibles de rachat, financées par prime unique dans le droit fiscal cantonal actuel. Les rendements de tels produits sont exonérés de l'impôt sur le revenu.

Si le droit fédéral oblige les cantons à imposer dorénavant, si certaines conditions ne sont pas remplies, les rendements de tels produits, cela n'est vrai que pour les contrats conclus après le 1er janvier 1999. La formulation de l'article 12, alinéa 3, en ce sens qu'elle soumet à l'impôt des rendements provenant de contrats conclus avant le 1er janvier 1999, mettrait donc les contribuables ayant conclu leur contrat avant cette date dans une situation nettement moins favorable que celle à laquelle ils pouvaient légitimement s'attendre, ce qui n'est pas compatible avec le droit fédéral.

Il propose donc de supprimer cette limitation.

Audition de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire genevoise

Mme Myriam Nicolazzi et M. Dominique Rivollet, représentants de l'Ordre romand des f et de la Chambre fiduciaire genevoise, ont été auditionnés le 9 mai 2000.

Ils regrettent tout d'abord que certaines parties des projets de loi n'atteignent pas entièrement les buts de simplification et de clarification qui leur avaient été assignés. En particulier, ils font part des observations suivantes :

En premier lieu, ils regrettent la formalisation, prévue à l'article 3, alinéa 1 de la notion de commerçants professionnels de titres ou d'immeubles. Ils considèrent que cet ajout est tout à fait superflu, dans la mesure où il s'agit de définir des principes généraux qui sont clairement reconnus et appliqués à ce jour et dont les détails sont consignés dans la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Ils recommandent ainsi la suppression de cet adjonction à la définition de l'activité lucrative indépendante.

Par ailleurs, le délai de blocage de cinq ans prévu à l'article 4, alinéa 2 pour les cas de transformation d'une entreprise de personnes en une personne morale, leur semble trop restrictif.

Ils relèvent que cette notion de délai de blocage a été développée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que ce délai peut être inférieur à cinq ans pour les « cas de force majeur », notamment la maladie ou le décès.

Il n'y a pas lieu de prévoir dans la loi des pratiques ressortant de la jurisprudence actuelle, qui peuvent dans le futur évoluer vers un durcissement ou un assouplissement. Ce délai de cinq ans n'est en outre pas mentionné dans la LIFD.

Il serait donc préférable de ne pas cristalliser cette pratique jurisprudentielle dans la loi, afin de continuer à prendre en compte les circonstances subjectives de chaque cas et de conserver ainsi le caractère « anti-abus » de cette norme.

Audition de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève

M. Gérard Béran, représentant la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, a été auditionné le 16 mai 2000.

Pour l'essentiel, M. Gérard Béran fait état des mêmes remarques que celles formulées par les représentants de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire genevoise, soit en matière de définition de l'activité lucrative indépendante et de délai de blocage lors de transformation d'une entreprise de personnes en une personne morale.

Audition du Groupement des banquiers privés genevois

M. Pierre Cogne, représentant du Groupement des banquiers privés genevois, a été auditionné le 23 mai 2000.

Il a exprimé les mêmes préoccupations que la Chambre de commerce et d'industrie et la Chambre fiduciaire genevoise et émet l'observation suivante au nom du Groupement des banquiers privés genevois :

L'article 3, alinéa 1 précise, à la suite de l'énumération exemplative de divers types d'activité indépendante, que les opérations sur des éléments de fortune dépassant la simple administration de fortune y sont assimilées, assimilation établie solidement et en détails par la jurisprudence fédérale.

La cristallisation dans la loi d'une définition établie par la jurisprudence ne lui paraît pas judicieuse. En effet, elle est déjà appliquée, aux niveaux fédéral et cantonal, sans qu'elle figure dans la loi et un tel texte ne laisse aucune possibilité au juge d'en adapter l'interprétation. Il en résulterait donc une distorsion entre les droits fédéral et cantonal si la jurisprudence du Tribunal fédéral venait à évoluer sur l'interprétation de la Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD).

Discussion générale

Au cours des débats menés par la Commission fiscale, différentes explications ont été fournies par l'administration fiscale sur les différents points relevés au cours des auditions.

Concernant la définition de l'activité lucrative indépendante

La Commission fiscale a décidé de maintenir la formulation critiquée de l'article 3, alinéa 1, assimilant à une activité lucrative indépendante les opérations portant sur des éléments de la fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elle dépasse la simple administration de la fortune.

Cette décision repose sur les informations données pas l'administration fiscale selon laquelle la jurisprudence du Tribunal fédéral, abondante, détaillée et solidement établie, au sujet de la délimitation entre administration de la fortune et activité lucrative indépendante, ne montre pas de signes d'un revirement prochain et ne risque ainsi pas d'être en contradiction avec la disposition légale proposée.

Du reste, le texte du projet ne pose que des principes larges qui permettent d'en moduler l'interprétation pour l'adapter à celle du Tribunal fédéral.

L'administration ne décide donc d'imposer de telles activités que sur la base d'indices concrets et sérieux, touchant notamment au lien des opérations effectuées avec l'activité principale du contribuable, à leur caractère systématique et à leur fréquence, à l'utilisation de connaissances spéciales, au mode de gestion analogue à celui d'une entreprise, à l'intention de réaliser un profit, au recours à un financement extérieur ou à l'existence d'une société simple.

On notera par ailleurs que dès qu'une personne se voit imposer sur les plus-values réalisées parce qu'elle est considérée comme exerçant une activité lucrative indépendante, elle bénéficie également de la défalcation, sur son revenu imposable, des éventuelles pertes subies.

Enfin, le but principal de ce texte est de donner connaissance au contribuable de cette pratique qui, faute de mention dans une disposition légale, suscite aujourd'hui souvent l'incompréhension.

Concernant le calcul objectif de la valeur locative des immeubles

En premier lieu, il faut relever que, si les autorités fédérales ont mis sur pied un groupe de travail et procèdent à des consultations sur le devenir de l'imposition de la valeur locative, il n'est de loin pas certain que l'issue soit une abolition de cette imposition.

Par ailleurs, l'introduction d'une valeur locative calculée selon la méthode objective, profitant par ailleurs d'un abattement en fonction des années d'occupation, est plus apte à répondre aux critères fixés par le Tribunal fédéral qu'une valeur locative calculée par application d'un « coefficient de rentabilité » comme c'est le cas aujourd'hui.

La jurisprudence du Tribunal fédéral fixe en effet un plancher à la valeur locative, laquelle ne doit se situer en-deça de 60 à 70 % de la valeur du marché.

Au vu des commentaires suscités par l'introduction d'une méthode de calcul purement objective de la valeur locative, et pour ne pas défavoriser les propriétaires disposant de peu de revenus, la Commission fiscale a néanmoins réintroduit la limitation de cette valeur à un taux d'effort de 20 % des revenus bruts imposables.

Il a été question des éventuelles possibilités d'abus, auxquelles il était toutefois difficile de remédier par un ajout de conditions à l'application du taux d'effort. Les complications qui en résulteraientt seraient bien trop importantes pour des effets très limités.

Les seules contraintes apportées au taux d'effort consistent à le calculer au moins sur un montant correspondant à celui déterminant pour le rabais d'impôt (voir LIPP V) d'une part et, d'autre part, à en limiter l'application au cas où les intérêts liés au financement de l'immeuble ne dépassent pas ce montant.

Ces limites ont pour effet d'empêcher que le contribuable qui ne déclarerait aucun revenu (indépendant avec perte commerciale par exemple) ne bénéficie d'une valeur locative nulle, et que le propriétaire fortement endetté ne porte en déduction de ses autres revenus la part des intérêts hypothécaires qui ne serait pas absorbée par la valeur locative limitée au taux d'effort de 20 %.

On notera en outre, au sujet des inégalités entre propriétaires, que les propriétaires qui ont acquis des immeubles récemment à des prix élevés, voire surfaits, ne sont finalement que rarement désavantagés par ce calcul objectif, car ils peuvent déduire de la valeur locative élevée qu'ils doivent supporter, des intérêts hypothécaires généralement fort importants. Les calculs de simulation effectués par l'administration fiscale démontrent d'ailleurs que, de manière générale, cette méthode de calcul amène la valeur locative à se rapprocher de la réalité, en abaissant quelque peu celles qui sont basées sur des prix d'acquisition surfaits et en augmentant légèrement celles qui sont clairement sous-évaluées.

Concernant le délai de blocage de cinq ans après la transformation d'une entreprise de personnes en une personne morale

Le dernier arrêt du Tribunal fédéral en la matière a non seulement confirmé la jurisprudence reprise par le texte de l'article 4, alinéa 2, prévoyant qu'en cas de transformation d'une entreprise de personnes en une personne morale les réserves latentes sont imposées lorsque les participations sont aliénées avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la transformation, mais a également précisé que ce délai trouvait son fondement non pas dans une évasion fiscale, mais dans l'imposition égale devant la loi d'états de faits économiquement comparables (réalité économique).

Le principe de l'imposition des réserves latentes lors de la réalisation d'actions d'une société anonyme née il y a moins de cinq ans de la transformation d'une entreprise de personnes est confirmé.

Le but de cette pratique est de traiter de façon égale des situations économiques comparables et non de limiter les abus. Il serait en effet choquant que l'aliénation d'une raison individuelle entraîne l'imposition des réserves latentes alors qu'on l'éviterait entièrement par sa transformation préalable en personne morale.

Enfin, d'éventuels cas de force majeure ne sauraient être traités autrement que sous l'angle de la remise d'impôt.

Concernant l'exonération des prestations des assurances de capitaux acquittées au moyen d'une prime unique, conclues avant le 1er janvier 1999

Afin de se conformer aux exigences de la LHID telle que modifiée par la loi sur le programme de stabilisation 1998, et pour éviter l'introduction d'une disposition aboutissant à conférer un effet rétroactif à la loi, la Commission fiscale a suivi les recommandations des milieux auditionnés en modifiant le texte de l'article 12 qui laisse dorénavant clairement hors du champ de l'impôt les rendements d'assurances de capitaux susceptibles de rachat financées au moyen d'une prime unique conclues avant le 1er janvier 1999.

L'imposition de tels rendements n'est dorénavant prévue que pour ceux résultant de contrats conclus après le 1er janvier 1999 et est ainsi totalement compatible avec la LHID.

Discussion article par article

Art. 1 En général

Pas de remarques.

Art. 2 Produit de l'activité lucrative dépendante

Pas de remarques.

Art. 3 Produit de l'activité lucrative indépendante ; I. Principe

Alinéa 1 : La teneur de la fin de l'alinéa, selon laquelle sont assimilées à une activité lucrative indépendante les opérations portant sur des éléments de fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune, est contestée. Il est fait référence aux différentes voix qui se sont élevées contre ce texte lors des auditions.

Certains commissaires considèrent que l'adjonction des termes « dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune » figeait un élément de la jurisprudence et ne correspondait pas, contrairement à ce qui était dit dans l'exposé des motifs, à une reprise textuelle de l'article 18, alinéa 1 LIFD.

De plus, cela ne changeait en rien la manière dont seraient taxées ce genre d'opérations, comme l'a rappelé l'administration fiscale qui a simplement souhaité mettre une précision dans la loi, de sorte à formaliser la pratique et la jurisprudence. L'administration fiscale ne voit du reste aucun inconvénient à ce que cette adjonction soit supprimée.

Art. 3, al. 2, amendement

Suppression de la fin du paragraphe « [.. ..] dans la mesure où elle dépasse la simple administration de la fortune. »

Cet amendement est refusé.

Le reste de l'article 3 n'appelle pas de remarques.

Art. 4 II. Transformations, concentrations, scissions

Alinéa 2 : La condition de ne pas vendre les participations dans un délai de cinq ans pour que les réserves latentes d'une entreprise de personnes ne soient pas imposées à l'occasion d'une transformation en une personne morale est contestée.

Il est rappelé que des remarques ont été faites à plusieurs reprises et que le texte de loi s'écartait de la jurisprudence, dans la mesure ou cette dernière admettait que dans des cas de force majeure le délai de cinq ans soit réduit.

L'administration a précisé que si elle est revenue parfois sur une taxation, par exemple dans un cas où la personne avait vendu ses actions trois ans après avoir transformé sa raison individuelle en société anonyme, ce n'était pas au motif de la vente elle-même, mais parce que la personne se trouvait en difficulté et ne pouvait pas s'acquitter des impôts dus. La même démarche aurait été suivie s'il s'était agit de la vente d'une raison individuelle. Cela n'est pas assimilable à une réduction du délai de blocage.

Le délai de blocage ne trouve pas son fondement dans l'abus mais dans le respect de la réalité économique, en ce sens que la réalisation dans les cinq ans qui suivent la transformation ne doit pas se faire à meilleur compte que pour celui qui n'aura pas transformé son entreprise en personne morale.

Alinéa 4 : La notion d'entreprises exploitées en main commune est à rapprocher de la notion civile de la société simple, de la société en nom collectif et de la société en commandite des articles 652 à 654 CO, par opposition à la notion de copropriété des articles 646 à 651 CCS.

L'article 4 est finalement adopté en l'état.

Art. 5 III. Remploi

La notion de « délai raisonnable » est tirée de l'article 8, alinéa 4 LHID qui a volontairement renoncé à en fixer la durée. La doctrine fixe un tel délai en général à cinq ans au maximum, bien qu'il soit en pratique plutôt de 2 ou 3 ans.

L'article 5 est adopté en l'état.

Art. 6 Rendement de la fortune mobilière

Alinéa 1, let. c) : L'imposition des actions gratuites est rendue obligatoire par la LHID qui n'en autorise pas l'exonération.

Art. 6, al. 1, let. c), amendement

« Les dividendes [.....] provenant de participations de tout genre (notamment les actions gratuites et les augmentations gratuites de la valeur nominale)) [.....] ».

Cet amendement est adopté.

Art. 6, al. 1, let. e), amendement

« [.....] ne provient pas d'immeubles en propriété directe du fonds. »

Cet amendement est adopté.

Le reste de l'article 6 n'appelle pas de remarques.

Art. 7 Rendement de la fortune immobilière

Alinéa 2 : Cette disposition diffère de celle correspondante dans le projet 7532 en ce sens qu'elle ne limite pas la valeur locative en fonction d'un taux d'effort. Ce choix était fondé par la volonté de respecter l'égalité de traitement qui doit exister entre locataires et propriétaires. En outre un taux d'effort fondé sur les revenus bruts imposables n'est pas nécessairement objectif, dans la mesure où tous les revenus ne sont pas soumis à l'impôt.

Les débats ont néanmoins abouti à ce que la notion de taux d'effort soit réintroduite, sous une forme toutefois plus limitée que dans le projet 7532.

Il est précisé que l'introduction de conditions particulières, en matière d'application du taux d'effort, voire autres que ledit taux d'effort, mènerait à un système compliqué pour peu d'effets. D'autre part, la loi n'a pas été faite pour corriger un certain type d'abus, ces abus peuvent se produire mais il appartiendra à l'administration fiscale d'intervenir. Elle tentera notamment d'examiner de façon plus approfondie la comptabilité des indépendants lorsqu'ils déclarent zéro franc de revenus.

Art. 7, al. 2, amendement

« [.....] des immeubles situés dans le canton. Il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 %. Ce taux d'effort est calculé sur les revenus bruts totaux, mais au minimum sur le montant déterminant pour le calcul du rabais d'impôt. La valeur locative limitée à ce taux d'effort n'est toutefois prise en compte qu'à la condition que les intérêts sur le financement de l'immeuble ne soient pas supérieurs à son montant. »

Cet amendement est adopté.

Le reste de l'article 7 n'appelle pas de remarques.

Art. 8 Prestations provenant de la prévoyance et d'assurances, autres revenus périodiques

Alinéa 2 : L'imposition des rentes viagères à hauteur de 40 % est une conséquence obligatoire du programme de stabilisation 1998. Il n'y a pas de conditions à remplir quant au financement de ces rentes viagères.

La deuxième partie du paragraphe est ainsi devenue sans objet, et il convient de la supprimer.

Art. 8, al. 2, amendement

Suppression de la fin du paragraphe, lequel doit avoir la teneur suivante : « Les revenus provenant de rentes viagères et les autres revenus périodiques provenant de contrats d'entretien viager sont imposables à raison de 40 pour cent. »

Cet amendement est adopté.

Le reste de l'article 8 n'appelle pas de remarques.

Art. 9 Autres revenus

La let. e) de cet article prévoit que sont également imposables les gains de loteries et d'autres institutions semblables.

Lors des débats s'est posée la question du traitement fiscal des gains réalisés dans les casinos.

Il appert que les Chambres fédérales ont adopté le 18 décembre 1998 la Loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (Loi sur les maisons de jeu, LMJ). Cette loi apportera des modifications importantes tant à la LIFD qu'à la LHID et, par voie de conséquence, à la LIPP qu'il conviendra d'adapter en temps utiles.

Ces modifications consistent en l'exonération, par le biais de dispositions légales idoines, des gains provenant des jeux de hasard exploités dans les maisons de jeu.

Le pendant de cette exonération devrait consister en une imposition, à la source et libératoire, de tels gains.

En définitive, si les gains réalisés dans les casinos sont aujourd'hui soumis aux impôts directs sur le revenu dans le chef des bénéficiaires, ils ne le seront prochainement plus, à tous le moins s'agissant des gains réalisés en Suisse.

Pour les gains réalisés à l'étranger, une imposition devrait rester envisageable, sous réserve de dispositions expresses prévues par les traités internationaux en vue d'éviter la double imposition.

Dans ce dernier cas, le problème lié à l'imposition de tels gains restant la connaissance que peut en avoir l'administration fiscale.

L'article 9 est adopté en l'état.

Art. 10 Revenus exonérés

La let. d) prévoit que sont exonérés les subsides provenant de fonds publics ou privés. Pour l'essentiel, cette disposition n'implique pas de changement par rapport au régime légal actuel (LCP). Il convient toutefois de citer que si les allocations de naissance, les allocations familiales et les secours versés par l'Hospice général sont actuellement, en tout ou partie, exonérés, ils seront dorénavant imposables.

L'imposition des allocations familiales et de naissance trouve cependant une contrepartie dans le rabais d'impôt prévu par la LIPP V.

La let. h) prévoit quant à elle l'exonération des revenus perçus en vertu des législations fédérale et cantonale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité.

Cette exonération, compatible avec la LHID qui prévoit l'exonération de ces prestations lorsqu'elles sont perçues en vertu de la législation fédérale, se distingue du droit cantonal actuel qui soumet ces revenus à l'impôt.

L'article 10 est adopté.

Art. 11 Entrée en vigueur

Pas de remarques.

Art. 12 Dispositions transitoires

La commission se rallie à la position des personnes auditionnées concernant l'effet rétroactif de la loi quant à l'imposition, à certaines conditions, des rendements d'assurances de capitaux susceptibles de rachat financés au moyen d'une prime unique pour les contrats conclu avant le 1er janvier 1999.

Art. 12, al. 3, amendement

« Les rendements des assurances de capitaux susceptibles de rachat acquittées au moyen d'une prime unique, au sens de l'article 6, lettre a), et conclues avant le 1er janvier 1999, demeurent exonérées de l'impôt sur le revenu. »

La fin de l'alinéa est supprimée.

Cet amendement est adopté.

Art. 13 Modifications à une autre loi

Pas de remarques.

Vote final

PL 8178 (LIPP IV) - Imposition des personnes physiques

Impôt sur le revenu (revenu imposable)

Commissaires présents au moment du vote : 15

Adoption à l'unanimité.

Conclusion

Ce projet est pleinement compatible avec la LHID. Les différences qu'il comporte avec le projet 7532 sont pour l'essentiel dictées par le programme de stabilisation 1998.

Les débats qui ont été menés s'agissant de la détermination de la valeur locative imposable ont permis d'aboutir à une solution permettant d'éviter que l'impôt qui sera perçu auprès des anciens propriétaires ne croisse trop sensiblement par rapport à celui qui est perçu actuellement.

C'est à l'unanimité que la Commission fiscale vous invite à voter ce projet de loi tel qu'il vous est proposé et amendé.

PL 8202-A, PL 5169-C, M 153-C, P 419-B, 437-C, P 1130-A

Rapport de M. Georges Krebs

La Commission fiscale, présidée par Mme Christine Sayegh, s'est réunie à 11 reprises pour étudier ce projet de loi. Afin de respecter les délais imposés pour l'application de la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID), les débats en commission devaient impérativement s'achever à fin juin.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Département des finances, a assisté aux séances, entourée de MM. Georges Adamina, Stéphane Tanner de la direction des affaires fiscales de l'administration fiscale cantonale, de M. David Miceli, économètre, ainsi que de M. le professeur Fabrizio Carlevaro et des membres de la Commission de relecture de la loi sur l'imposition des personnes physiques.

Que toutes ces personnes soient remerciées pour le travail considérable accompli et pour toute l'aide apportée à nos travaux. Merci également à Mme Eliane Monin, procès-verbaliste.

Introduction

Il est d'emblée apparu aux commissaires que l'application pure et dure de la LHID serait inacceptable pour certaines catégories de contribuables, notamment pour les rentiers. Le système fiscal genevois présentait la particularité de prévoir une multitude de déductions.

Afin de juger de l'effet des différentes options, de nombreuses variantes préparées par l'administration fiscale ont été étudiées.

Le but recherché étant de respecter la neutralité fiscale de la réforme imposée par la loi fédérale, il aurait été en effet inacceptable de saisir l'occasion pour alourdir ou éventuellement alléger la charge fiscale.

La loi proposée par le Conseil d'Etat (PL 8202) prévoyait de conserver le système des déductions sur le revenu brut dans les limites admises par la LHID.

Le Département des finances avait toutefois étudié préalablement une variante basée sur le rabais d'impôt.

Avec le système du rabais d'impôt, la réduction de l'impôt est égale pour chaque catégorie de contribuables alors qu'avec le système des déductions, les contribuables aisés bénéficient d'une réduction du montant de leurs impôts plus importante que celle des personnes de condition modeste.

Les commissaires, après avoir auditionné les milieux professionnels et économiques concernés, ainsi que la Commission de relecture, ont souhaité pouvoir comparer l'incidence sur chaque catégorie de contribuables des modifications de la loi selon la variante déduction fiscale et selon la variante rabais d'impôt.

De nombreuses remarques ou amendements pertinents des auditionnés ont été intégrés au texte de la loi.

La variante adoptée finalement par les commissaires est basée sur le rabais d'impôt. Les simulations présentées par le Département des finances ont pris en compte tous les amendements votés. Ils sont basés sur les données IAO 1999 et sur le plein effet de l'initiative 111 (12 % de rabais).

La perte théorique de recettes pour l'Etat, selon les tableaux de l'annexe 1, serait de l'ordre de 16 millions, soit environ 0,6 % du produit des impôts. Cet écart est largement inférieur à la marge d'erreur.

Il convient de relever que l'administration fédérale des contributions a été consultée tout au long des travaux sur les LIPP I à V. Les experts fiscaux fédéraux n'ont pas relevé d'incompatibilité par rapport à la LHID.

Les annexes 2 et 3 résument les principaux changements prévus dans la LIPP V par rapport à la LCP actuellement en vigueur ainsi que le principe de fonctionnement du rabais d'impôt.

L'annexe 4 donne, quant à elle, une image de la systématique de la LIPP V et l'annexe 5 démontre les effets globaux de la LIPP par une quinzaine de cas pratiques.

Enfin, l'annexe 6 dresse une comparaison de l'imposition selon les systèmes LCP et LIPP, par tranches de revenus.

Les débats en commission, en particulier ceux de la dernière séance, se sont déroulés dans un climat serein et l'on peut se féliciter que sur un objet aussi sensible et important que représente celui de la fiscalité, une unanimité ait pu être trouvée.

Présentation du projet

Le projet de loi LIPP V est le dernier volet de la seconde étape de l'harmonisation des lois fiscales du canton de Genève. La première étape a d'ores et déjà eu lieu en 1995, par l'adoption de la Loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 15) et de la Loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales (D 3 20).

En matière de déductions sur le revenu, le droit fédéral (LHID) est très contraignant, et un certain nombre de déductions accordées actuellement sous l'empire de la LCP ne peuvent plus l'être. Cela a posé certains problèmes, notamment s'agissant des retraités qui peuvent aujourd'hui, sous certaines conditions, déduire une partie des rentes qu'ils perçoivent.

Il a fallu ainsi trouver des solutions pour éviter que certaines catégories de contribuables ne voient pas leur situation fiscale se dégrader du seul fait de l'harmonisation.

Principe

La marge de manoeuvre laissée au canton ne se situe guère qu'au niveau du montant des déductions accordées et sur la politique tarifaire (mode de calcul de l'impôt et barèmes). Un des principes adoptés pour exercer cette marge de manoeuvre a été guidé par la neutralité financière.

La loi ne vise pas à augmenter les recettes fiscales de quelque manière que ce soit, bien que certaines dispositions fédérales mènent à péjorer le système actuel de la LCP. Au contraire, l'administration a cherché à corriger les effets de la loi fédérale sur les différentes catégories de contribuables ; exercice difficile au vu de la batterie d'instruments à disposition, rabais d'impôt, déductions, baisse des barèmes. Le rabais d'impôt en particulier a permis de tenir compte des prestations AVS-AI, des allocations familiales, des droits de garde pour les enfants et de toutes les possibilités offertes actuellement au niveau de la fiscalité des familles.

Un second principe repose sur le fait de garder la même charge fiscale par catégorie de contribuables. Or, en essayant de modifier un effet de la loi fédérale sur une catégorie de contribuables, il arrive que se produisent des effets en cascade sur d'autres catégories, provoquant d'autres inégalités. Il est toutefois possible de neutraliser le système.

Les simulations chiffrées qui ont eu lieu au cours de l'élaboration du projet ont eu pour but d'harmoniser la loi cantonale à la loi fédérale et de respecter la neutralité financière, tout en conservant les avantages de la LCP et la répartition actuelle de la charge fiscale.

Le rabais d'impôt

Le système des déductions sur le revenu brut a un désavantage, soit un effet arrosoir dans la mesure où il touche toutes les catégories de contribuables, quelle que soit l'importance de leurs revenus. En effet, compte tenu de la progressivité des taux d'impôt, une déduction donnée procurera un avantage fiscal croissant à mesure que les revenus imposables augmentent.

A cet avantage progressif, le rabais d'impôt substitue un avantage constant pour tous les contribuables d'une même catégorie, indépendamment du niveau des revenus imposables. Il est calculé sur un montant déterminant, identique pour tous les contribuables appartenant à une même catégorie, auquel est appliqué le taux d'imposition correspondant.

Il est apparu que ce changement de mode de calcul de l'impôt aboutissait, sans autres corrections, à des écarts d'impôts sensibles par rapport à la situation actuelle.

Dans le cadre des objectifs que le Conseil d'Etat s'est fixé, et pour les respecter, il est apparu nécessaire d'opérer une baisse des barèmes.

Toutes les déductions admises sur le revenu n'ont pour autant pas disparu. Un certain nombre d'entre elles, comme les frais d'acquisition du revenu ou les dépenses de santé, doivent demeurer du fait qu'elles sont dictées par la loi fédérale. Le rabais d'impôt ne se substitue en fait qu'aux déductions d'ordre social accordées actuellement, à savoir celles portant sur les rentes AVS-AI, les allocations familiales, les charges de famille et la déduction personnelle. Y ont en outre été ajoutés des montants relatifs aux frais de garde des enfants mineurs.

Travaux de la commission

Auditions

La commission a auditionné des membres du Groupement des banquiers privés genevois, de la Chambre genevoise immobilière, de la Fédération des syndicats patronaux, de La Genevoise Assurance et de la Chambre genevoise des agents généraux d'assurance, ainsi que de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire. Des représentants d'autres milieux économiques ont donné leur avis lors d'auditions ayant eu pour objet les autres projets de lois relatifs à l'harmonisation de la loi fiscale genevoise.

Il est important de noter que, du fait des difficultés rencontrées dans l'avancement de ces travaux législatifs, ces auditions n'ont pu avoir pour objet que la première version du projet LIPP V, conservant l'ancien système des déductions. La Commission fiscale a ensuite porté son choix sur une autre version du projet, instituant le système du rabais d'impôt, dès que cette dernière a pu lui être fournie.

Cela a pour effet de rendre sans objet certaines remarques formulées, mais il convient de souligner que, mis à part le passage d'un système de déductions à celui du rabais d'impôt, qui n'a nécessité la modification que d'un nombre restreint de dispositions, la structure des deux projets est identique et les avis exprimés conservent pour l'essentiel leur pertinence.

Audition de La Genevoise Assurance / Chambre genevoise des agents généraux d'assurance

Me Michel Chuard s'est exprimé le 9 mai 2000 devant la Commission fiscale, au nom de la Commission fiscale genevoise ad hoc en matière d'assurances et de la Chambre genevoise des agents généraux d'assurance.

En ce qui concerne les cotisations versées aux 2e pilier et 3e pilier A durant l'année 2000 (brèche de calcul - LITPP II), il eût été souhaitable qu'elles soient considérées comme des charges extraordinaires déductibles, mais le droit fédéral ne le permet pas.

Ces cotisations ne peuvent donc pas être déduites d'un revenu imposable et seront tout de même imposées au moment du versement de la prestation. Les avantages fiscaux par rapport à l'épargne ordinaire ne suffisent pas à compenser les conséquences de cette impossibilité de déduction, notamment parce que les intérêts sont imposés au versement de la prestation.

Afin d'éviter ces inconvénients, il propose l'adjonction à l'article 18 des termes suivants : « Les primes versées en l'an 2000 qui n'auraient pas pu être déduites, au moment où elles ont été versées, seront portées en déduction du capital imposable à l'échéance du contrat. »

S'agissant des rachats d'années de cotisations dans une institution de prévoyance, Me Michel Chuard relève qu'ils sont entièrement déductibles du revenu au sens de la Loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP). Malgré cela, l'administration fiscale a pour pratique de limiter le rachat annuel déductible à 20 % du salaire assuré, limite qui risque de se perpétuer par une interprétation dans ce sens de l'article 2, chiffre 2 du projet.

Le droit fédéral ne fixe de limite qu'à l'article 79a de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidités (LPP) du 25 juin 1982, introduit par la Loi fédérale sur le programme de stabilisation 1998, du 19 mars 1999, qui tolère un rachat maximum du montant supérieur du salaire coordonné (article 8, alinéa 1 LPP) multiplié par le nombre d'années séparant l'entrée dans l'institution de l'âge réglementaire de la retraite.

Il serait donc souhaitable que l'administration mette fin à cette pratique de limitation à 20 % et qu'il soit précisé que la limite fédérale citée est seule applicable.

Audition de la Chambre genevoise immobilière

Mes Mark Muller, Michel Lambelet et Costin Van Berchem, représentants de la Chambre genevoise immobilière, ont été auditionnés le 9 mai 2000. Ils ont à cette occasion soulevé les points suivants :

En premier lieu, ils considèrent que la disposition de l'article 9, lettre e) du projet, précisant que les impôts directs et indirects de la Confédération, des cantons et des communes, ainsi que les impôts étrangers analogues ne sont pas déductibles, est mal formulée.

En effet, cette définition implique que la TVA ne peut pas être déduite du revenu, ce qui pose un problème quant aux frais d'entretien de nature immobilière. Ces frais, eux-mêmes déductibles, sont souvent grevés de TVA, et l'application de la disposition prévue aboutirait à ce que les contribuables doivent scinder les frais qu'ils ont engagés pour ne pouvoir les déduire qu'abstraction faite de la TVA. Il en résulterait sans doute des difficultés d'application, tant pour l'administration que pour les contribuables concernés.

Ils suggèrent de reformuler cette disposition afin d'éviter les complications qu'ils relèvent.

Par ailleurs, ils soulèvent le problème de la déductibilité des intérêts hypothécaires. Certes, le projet ne la remet pas en cause, mais si elle est mise en lien avec le désir de taxer chaque époux de façon séparée, il pourrait en résulter des incohérences et distorsions.

La séparation des éléments imposables entre époux pourrait aboutir, dans certains cas, à ce que les revenus de l'un ne soient pas suffisants pour couvrir sa part d'intérêts hypothécaires. A l'inverse, celui des époux réalisant les revenus les plus importants ne pourrait déduire que sa part aux intérêts hypothécaires, sans égard à l'excédent constaté chez son conjoint.

Audition de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire genevoise

Mme Myriam Nicolazzi et M. Dominique Rivollet, au nom de l'Ordre romand des experts fiscaux et de la Chambre fiduciaire genevoise, ont été auditionnés le 9 mai 2000.

Ils remarquent tout d'abord, à titre général, que certains points de l'articulation entre les projets de loi LIPP I et LIPP V concernant l'imposition des couples mariés ne leur paraissent pas suffisamment clairs, notamment dans l'utilisation alternative des termes « chaque contribuable » et « les contribuables mariés ». A titre particulier, ils émettent les observations suivantes concernant le projet LIPP V :

Au premier paragraphe de l'article 2, chiffre 4, la répartition des déductions au sein du couple marié n'est pas clairement réglée.

Le dernier paragraphe nécessite en outre une correction grammaticale, car on ne peut pas savoir auquel des paragraphes précédents se réfère le terme « Cette déduction ».

L'alinéa 1er de l'article 4 limite la déductibilité des primes d'assurances maladie et accident à la prime de base. Ils jugent que cette mesure ne tient pas compte de manière adéquate de la capacité contributive. Les contribuables prenant une assurance complémentaire visent en effet à se prémunir contre un risque et non à faire des économies d'impôt. Cet alinéa ne traite en outre pas des personnes bénéficiant de subventions.

Ils doutent par ailleurs de sa compatibilité avec l'article 9, alinéa 2 let. g LHID qui ne cite aucune limitation.

L'alinéa 2 du même article leur semble manquer de clarté, notamment sur l'inclusion ou non des frais dentaires dans les frais de santé, l'éventuelle assimilation des primes d'assurance complémentaire à des frais de santé ou la notion de part des frais supportée par le contribuable, qui nécessite des précisions.

De plus, l'alinéa 2 fixe un plafond à la déductibilité et ne serait donc pas compatible avec l'article 9, alinéa 2 let. h LHID, qui exige la fixation d'une franchise.

En outre, ils relèvent que les déductions pour contribuables mariés et célibataires sont différentes sans justification apparente.

Ils constatent que, concernant la limitation apportée à la déductibilité des frais d'administration de la fortune à un pourcentage de ladite fortune à déterminer par le Conseil d'Etat, une telle limitation n'est prévue ni par la LCP, ni par la LIFD, ni par la LHID mais résulte d'une pratique récente de l'administration visant à éviter la déduction excessive de frais liés à l'obtention de gains en capitaux exonérés, on pourrait donc douter sérieusement de sa compatibilité avec le droit fédéral.

De plus, ils rappellent que l'exonération des gains en capitaux a pour corollaire l'impossibilité de déduire les pertes en capital et les frais y afférents.

Ils proposent donc la suppression pure et simple de ce plafonnement, et s'il devait persister, que sa quotité soit fixée dans la loi et non laissée à l'appréciation du Conseil d'Etat.

Enfin, le texte de l'article 7, alinéa 4, accordant des déductions sociales aux retraités, leur semble manquer de clarté, notamment sur la répartition des revenus entre les époux, et sur les termes nébuleux : « lorsque les autres revenus bruts imposables totaux sont supérieurs à la rente maximum attribuable à la catégorie d'ayants droit à laquelle fait partie le contribuable ».

Audition de la Fédération des syndicats patronaux

M. Daniel Delay, représentant la Fédération des syndicats patronaux, a été auditionné le 16 mai 2000. A cette occasion, il a formulé les remarques suivantes sur le projet dont il craint qu'il ne suppose une hausse généralisée de l'imposition.

S'agissant des déductions de santé prévues à l'article 4, alinéa 2, il relève que leur plafonnement est une excellente illustration du sentiment qu'il perçoit de la volonté du législateur de supprimer toute déduction. Il constate que la LHID prévoit un seuil pour les déductions alors que le canton prévoit un plafond.

Il formule une remarque similaire quant à la limitation qu'il est prévu d'apporter à la déduction des versements bénévoles. S'aligner sur le projet 7532 montrerait un esprit résolument moderne et tourné vers l'encouragement du mécénat.

Enfin, il note que le réexamen général des déductions pour frais professionnels mentionné dans l'exposé des motifs, la réduction systématique des déductions et la non-réadaptation du barème vont immanquablement provoquer une augmentation des impôts pour la majorité de la population genevoise et peut signifier une délocalisation de certains contribuables sur la Côte vaudoise.

Audition du Groupement des banquiers privés genevois

M. Pierre Cogne, représentant du Groupement des banquiers privés genevois, a été auditionné le 23 mai 2000. Il a, à cette occasion, fait part des commentaires suivants :

S'agissant de la déductibilité des primes d'assurances maladie et accident prévue à l'article 4, alinéa 1 du projet, M. Pierre Cogne regrette qu'elle soit limitée aux seules primes de base de l'assurance maladie et de l'assurance accident obligatoires.

Il relève que cette mesure est antisociale, dans la mesure où c'est en premier les contribuables modestes qui, non seulement font déjà de gros efforts pour bénéficier d'une couverture d'assurance confortable, mais qui, en plus, s'en verront refuser la juste déduction par l'administration fiscale.

De plus, la répartition par le contribuable de ses primes d'assurance maladie en une partie déductible et une partie non déductible n'est pas de nature à simplifier sa tâche, ce qui est pourtant un des buts de la Commission de relecture.

M. Pierre Cogne propose de réintroduire la déduction intégrale des primes d'assurance maladie.

En ce qui concerne la déduction des frais provoqués par la maladie, prévue à l'article 4, alinéa 2 du projet, M. Pierre Cogne fait remarquer, d'une part, que son libellé faisant état d'un montant de 5 F par jour est manifestement erroné.

D'autre part, il considère que la fixation d'un plafond de déductibilité est contraire à la LHID qui prévoit la déduction pleine et entière pour la part dépassant un montant plancher à déterminer par le droit cantonal.

M. Pierre Cogne propose que le plafond de déduction soit supprimé.

M. Cogne s'inquiète également du plafond apporté à la déduction des frais d'administration de la fortune mobilière imposable, prévu à l'article 6, alinéa 3 du projet. Il considère que, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, cette limitation ne répond pas à un souci d'harmonisation verticale.

A son avis, ce plafonnement est contraire à la LHID, ne correspond pas à la méthode prévue par la LIFD et est en complète contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral dont la Commission de relecture dit s'être inspirée.

Il convient donc de supprimer ce plafond.

Enfin, M. Pierre Cogne regrette que la déduction des versements bénévoles, prévue à l'article 8 du projet, reprenne le principe contenu dans la LCP, à savoir que seuls sont déductibles les dons pour la partie de leurs montants comprise entre 2 % et 7 % du revenu net (avant déduction du don lui-même).

Le projet 7532, dans un souci de concordance avec le droit fédéral, n'avait pas prévu de plancher à la déductibilité des dons. La réapparition de ce plancher est regrettable pour différentes raisons, et notamment parce que les petits contribuables, par leurs dons modestes bien que généreux, atteignent beaucoup plus difficilement le plancher que les gros contribuables. Il sont donc particulièrement pénalisés.

Il propose que le projet s'aligne sur la moyenne suisse en supprimant le plancher de 2 % et en portant le plafond à 10 %.

Discussion générale

Au cours des débats menés par la Commission fiscale, différentes explications ont été fournies par l'administration fiscale sur les différents points relevés au cours des auditions.

Concernant la limitation de la déductibilité des primes d'assurance maladie

Au vu des remarques suscitées au cours des auditions, la Commission fiscale a finalement décidé de conserver la pratique actuelle, en supprimant la limitation de la déductibilité aux primes obligatoires. Les primes d'assurances maladie et accident demeurent ainsi entièrement déductibles.

Concernant le plafonnement de la déductibilité des frais de santé

Le plafonnement de la déductibilité a été modifié par rapport au projet initial. D'une part, la limite de 5 F par jour, reprise incomplètement de la LCP, n'a plus lieu d'être et a été supprimée.

Après débats, il a été d'autre part admis qu'une différenciation du montant de la déduction par contribuable, selon qu'il soit marié ou personne seule telle qu'elle figure actuellement dans la LCP, ne se justifiait pas.

Le projet amendé prévoit dès lors une déduction de 2'250 F par contribuable et par charges de famille, respectivement 4'500 F par contribuable âgé de plus de 65 ans.

Quant à la délimitation précise des frais de santé déductibles, l'administration n'a pas l'intention de modifier fondamentalement sa pratique actuelle, fondée sur l'article 21 let. k LCP, qui inclut, notamment, les frais dentaires dans les frais déductibles

Enfin, la Commission fiscale insiste pour que l'existence des frais dont la déduction est revendiquée soit attestée par les justificatifs correspondants.

Concernant la limitation de la déductibilité des frais d'administration de la fortune mobilière

Le but de ce plafonnement, dont le principe n'est pas en contradiction formelle avec la LHID, vérification faite auprès des autorités fédérales, est d'éviter que des déductions de frais de gestion liés à la réalisation d'importantes plus-values exonérées de l'impôt permettent de réduire pratiquement à néant le rendement imposable de la fortune mobilière.

En effet, plus la gestion d'un patrimoine est orientée vers la réalisation de plus-values, plus elle génère de frais qui pourraient être portés en diminution du rendement, ce qui est contradictoire avec le but d'une telle déduction qui n'est que d'admettre la défalcation des frais d'acquisition du revenu imposable. Les frais liés à l'obtention de gains en capital exonérés ne doivent ainsi pas pouvoir être déductibles.

Il est du reste relevé que depuis l'année fiscale 2000, la pratique actuelle admet cette déduction à concurrence de 2 pour mille du montant de la fortune mobilière.

Les membres de la Commission fiscale ont finalement adhéré à la nécessité de restreindre la déduction des frais d'administration de la fortune mobilière. Ils ont pourtant jugé préférable que cette limitation soit calculée en fonction du rendement de la fortune plutôt qu'en fonction du montant de la fortune mobilière elle-même.

Ils ont en outre choisi de formaliser le niveau des frais admis dans la loi plutôt que d'en laisser la compétence au Conseil d'Etat.

Le projet amendé prévoit ainsi que les frais effectifs d'administration de la fortune mobilière imposable peuvent être déduit à concurrence de 5 % du rendement de ladite fortune.

Concernant la déductibilité des dons à des organismes d'utilité publique

Le plancher de 2 % du revenu net, en-deça duquel les dons ne sont pas déductibles, prévu dans le projet, avait pour but d'éviter à l'administration d'avoir à traiter une masse de très petits dons et, avant tout, de limiter les diminutions de rentrées fiscales.

Il avait à l'inverse pour effet de pénaliser les contribuables aux revenus modestes, ce dont la Commission fiscale a tenu compte.

Elle a ainsi choisi de supprimer le plancher, tout en faisant passer le plafond de 7 % à 5 % des revenus nets, constatant que la perte des recettes fiscales serait trop importante si elle maintenait le plafond initial, respectivement si elle l'augmentait à 10 % ainsi que cela avait été suggéré lors des auditions.

Concernant la définition des frais et dépenses non déductibles

L'administration a confirmé que la définition des impôts directs et indirects non déductibles de l'article 9, let. c devait être interprétée comme incluant la TVA.

Elle a par ailleurs précisé que le but de cette inclusion était d'éviter que des contribuables ne prétendent à la déduction de la TVA grevant des frais et dépenses non déductibles des revenus imposables (comme des frais de consommation courante), mais que l'esprit dans lequel elle avait été faite n'était pas d'aboutir à ce que la TVA grevant des frais dont la loi prévoit la déductibilité ne soit pas elle-même déductible.

Nonobstant les assurances données, la disposition a été reformulée en s'inspirant de celle existant en matière d'impôt fédéral direct.

Concernant la répartition au sein du couple de la déduction des intérêts hypothécaires

Comme cela a été expliqué lors de la présentation du projet LIPP I, les revenus des époux faisant ménage commun sont additionnés et sont soumis à l'impôt globalement. La distinction prévue dans ce projet, selon laquelle chaque époux est un contribuable, est à mettre en relation principalement avec la disparition, à terme, de la solidarité solidaire des époux face au paiement de l'impôt.

Or, le cumul des revenus des époux a pour corollaire la déduction pleine et entière des déductions auxquelles ils ont droit, même si celles-ci sont, considérées par époux, plus élevées que les revenus de ce même époux.

Un surplus de déductions constaté chez un époux sera donc porté en déduction des revenus imposables de l'autre époux. L'assiette fiscale des couples mariés sera ainsi toujours calculée de façon globale ; seule la répartition entre époux de la créance fiscale exigible devant être influencée par les montants de revenus nets imposables attribuables à chacun d'eux.

Il résulte de la compensation des charges excédentaires de l'un des époux par les revenus nets positifs de l'autre que l'imposition sera effectuée dans le respect de la capacité contributive effective du couple.

Concernant l'exonération des cotisations de prévoyance versées en l'an 2000

La Commission fiscale n'a pas jugé utile d'ajouter une telle exonération au projet de loi, tout d'abord afin de respecter le principe de la réalité économique ; puisque les revenus acquis durant la brèche de calcul ne sont, dans la règle, pas imposés, il est logique que les frais et cotisations qui y sont liés ne fassent pas l'objet d'une déduction ou d'une exonération.

Par ailleurs, l'injustice fiscale invoquée par les personnes auditionnées est toute relative et les calculs prévisionnels, avec une imposition à un cinquième du barème A, confirment la persistance d'un avantage économique par rapport aux déductions opérées.

En outre, s'il pourrait sembler envisageable de réduire une prestation en capital future du montant des cotisations qui n'ont pas pu être déduites durant la brèche de calcul, cela serait impossible pour le cas où les prestations futures seraient versées sous forme de rentes.

C'est du reste pour ces raisons que la plupart des cantons ainsi que la Confédération ont refusé d'entrer en matière sur cette possibilité.

Concernant les corrections grammaticales et formelles

Dans un souci de lisibilité de la loi, et afin de rendre transparente son application, la Commission fiscale a adopté un certain nombre d'amendements proposés par l'administration après consultation de certains représentants des milieux auditionnés.

Concernant le choix du rabais d'impôt plutôt que d'un système de déductions sur le revenu brut

Le système du rabais d'impôt présente l'avantage d'être économiquement plus juste que le système des déductions sur le revenu.

A montant équivalent, l'avantage fiscal est constant; son amplitude ne dépend pas du niveau des revenus imposables.

En outre, il est apparu que les effets négatifs que la LHID exerce sur la situation fiscale des rentiers se circonscrivent de façon plus efficace selon la formule retenue du rabais d'impôt que dans celle des déductions.

Discussion article par article

Titre de la loi, amendement

« Détermination du revenu net - calcul de l'impôt et rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid. »

L'amendement est accepté.

Art. 1 En règle générale

Pas de remarques.

Art. 2 Déductions de prévoyance

Amendements :

Lettres a), b), c), d), au lieu de chiffres 1, 2, 3 et 4

Lettre d) :

Chiffres 1° et 2°

1° « premier paragraphe : les primes d'assurance sur la vie et les intérêts échus [..…] pour chaque époux vivant en ménage commun, respectivement [..…]. »

« deuxième paragraphe : Ces Limites sont portées au double [...] »

2° «premier paragraphe : [...] au sens de l'article 14, alinéa 5, de la présente loi. »

« deuxième paragraphe : [...] au sens de l'article 14, alinéa 5, de la présente loi, [...] »

« dernier paragraphe : La déduction pour charge de famille est portée à 1'125 F […..]. »

Cet amendement est adopté à l'unanimité.

Art. 3 Déductions liées à l'exercice d'une activité lucrative, commentaire

S'agissant des frais de reconversion professionnelle que le contribuable peut faire valoir en déduction de ses revenus imposables, l'administration fiscale confirme qu'ils concernent également les chômeurs.

La mention selon laquelle « Sont notamment considérés comme frais de reconversion, les études ou cours suivis par une mère ou un père de famille en vue de reprendre une activité professionnelle, après une interruption pour des raisons familiales » vise à étendre le champ de la déduction à cette catégorie de contribuables mais ne restreint en aucune façon le droit des chômeurs à la faire valoir.

Amendement : modification de la référence à l'article précédent et correction formelle.

Art. 3, al. 1 : « Les frais professionnels [.….] après les déductions prévues à l'article 2, lettres a) à c), […..], à concurrence […..]. »

Art. 3 al. 3 let. c) : « [...] autres [...] »

Cet amendement est adopté à l'unanimité.

Art. 4 Déductions de santé

Amendements :

Art. 4, al. 1 : « Les primes de l'assurance-maladie et de l'assurance-accident au profit [...]. »

Art. 4, al. 2 : « Les frais dûment justifiés provoqués [……] pour la part supportée par le contribuable, au maximum jusqu'à : »

2'250 F par contribuable et par charge de famille

4'500 F par contribuable âgé de plus de 65 ans. »

et suppression des lettres c), d) et e).

Cet amendement est adopté à l'unanimité.

Art. 5 Contribution d'entretien

Pas de remarques.

Art. 6 Déductions générales ou liées à la fortune

alinéa 3, amendement :

« les frais effectifs d'administration de la fortune mobilière imposable, à concurrence d'un maximum de 5 pour cent du rendement de ladite fortune, ainsi que [....]. »

Cet amendement est adopté à l'unanimité.

Art. 7 Déductions pour frais de garde, commentaire

Suite à la prise en compte de la variante « rabais d'impôt » du projet, le titre de cette disposition a été modifié et les alinéas 1, 3 et 4 ont été supprimés. La contrepartie aux déductions que contenaient ces derniers se retrouvent dans les montants déterminants pour le calcul du rabais d'impôt.

Par contre, une déduction pour frais de garde est maintenue à l'intention des familles monoparentales. Elle s'ajoutera au forfait « frais de garde » figurant dans le montant déterminant pour le calcul du rabais d'impôt pour les contribuables.

Amendement : Adjonction dans le titre de « frais de garde d'enfants. »

Cet amendement est refusé.

Art. 7 amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Art. 8 Versements bénévoles

Amendement :

« […..] utilité publique, jusqu'à cinq pour cent du revenu net (avant déduction [....]. »

Art. 8, amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Art. 9 Frais et dépenses non déductibles

Amendements :

Art. 9, let c) : « les sommes affectées […..]. »

Art. 9, let e) : « les impôts de la Confédération, des cantons et des communes sur le revenu, sur les gains immobiliers et sur la fortune ainsi que les impôts fonciers et les impôts analogues. »

Commentaire du département : cette précision a été apportée à la disposition de manière à exclure la TVA du champ d'application de cet article.

Art. 9, amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Art. 10 Structure de l'impôt (auparavant article 11)

Suite à la prise en compte de la variante « rabais d'impôt » du projet, l'article 10 Déductions personnelles et pour charges de famille a été supprimé, décalant la numérotation des articles d'une unité jusqu'à l'article 15, qui rétablit la concordance de la numérotation des deux versions du projet.

Art. 10, al. 1 : « L'impôt total de base dû sur la totalité du revenu est égal à la somme de l'impôt dû sur chaque franc [….], moins le rabais d'impôt. »

Commentaire du département : suppression de la notion de contribuable, par rapport à la version.

Art. 10, amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Art. 11 Taux de l'impôt, personne seule, barème A (auparavant article 12)

Pas de remarques.

Art. 12 Taux de l'impôt, couple marié ménage indépendant, barème B (auparavant article 13)

Amendements :

Art. 12, al. 1 : « Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable des époux vivant en ménage commun […..]. »

Art. 12, al. 3 : «  [...] famille, au sens de l'article 14, alinéa 5, [...] »

Art. 12, amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Art. 13 Taux de l'impôt, cas spéciaux (auparavant article 14)

Pas de remarques.

Art. 14 Rabais d'impôt (nouveau)

Amendement :

Art. 14 Rabais d'impôt

1 Le rabais d'impôt, au sens de l'article 10, alinéa 1 se calcule par application des barèmes des articles 11 ou 12 aux montants déterminants suivants, au taux applicable à ces seuls montants :

a) 13'750 F pour chacun des époux vivant en ménage commun.

Ce montant est augmenté de 3'500 F pour les époux vivant en ménage commun si les deux époux exercent une activité lucrative ou lorsque l'un des deux époux seconde l'autre de manière importante dans sa profession, son commerce ou son entreprise ; ce montant est porté à 5'000 F si les revenus bruts totaux du couple ne dépassent pas 50'000 F ;

b) 27'500 F par contribuable célibataire, veuf, divorcé, séparé de corps ou de fait et qui tient ménage indépendant avec ses enfants mineurs ou majeurs qui constituent des charges de famille, au sens de l'alinéa 5 ;

c) 15'000 F par contribuable célibataire, veuf, divorcé, séparé de corps ou de fait.

2 Pour les contribuables mariés, célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait, remplissant les conditions exigées pour bénéficier d'une rente au sens de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 et de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, du 19 juin 1959, les montants déterminants sont augmentés de :

a) 50 % du montant maximum de la rente attribuable à la catégorie d'ayants droit à laquelle appartient le contribuable, lorsque les autres revenus bruts imposables totaux ne sont pas supérieurs à une fois et demie le montant de cette rente maximum ;

b) 40 % du montant maximum de la rente attribuable à la catégorie d'ayants droit à laquelle appartient le contribuable, lorsque les autres revenus bruts imposables totaux sont supérieurs à une fois et demie le montant de cette rente maximum sans cependant en atteindre le double ;

c) 30 % du montant maximum de la rente attribuable à la catégorie d'ayants droits à laquelle appartient le contribuable, lorsque les autres revenus bruts imposables totaux sont supérieurs au double de cette rente maximum sans cependant en atteindre le triple.

Dans tous les cas, ces montants additionnels sont limités au montant de la rente imposable.

3 En ce qui concerne les charges de famille, les montants déterminants, au sens de l'alinéa 1, sont les suivants :

2'250 F pour la première demi-charge de famille ;

3'250 F pour la deuxième demi-charge de famille et les suivantes ;

4'500 F pour la première charge de famille ;

6'500 F pour la deuxième charge de famille et les suivantes.

Lorsqu'une personne est à charge de plusieurs contribuables, les montants déterminants sont répartis entre ceux-ci.

4 Pour les contribuables qui tiennent ménage avec un ou des enfants mineurs jusqu'à l'âge de 12 ans, qui constituent des charges de famille au sens de l'alinéa 5, les montants déterminants prévus à l'alinéa 1, lettres a et b, sont augmentés, à titre de frais de garde, de :

a) 1'250 F par époux vivant en ménage commun ;

b) 2'500 F par contribuable célibataire, veuf, divorcé, séparé de corps ou de fait et qui tient ménage avec ses enfants mineurs.

5 Constituent des charges de famille :

Enfants mineurs

a) chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas 6'800 F (charge entière) ou 10'200 F (demi-charge), pour celui des parents qui en a la garde ;

Enfants majeurs

b) chaque enfant majeur, jusqu'à l'âge de 25 ans révolus, qui est apprenti au bénéfice d'un contrat d'apprentissage ou étudiant régulièrement inscrit dans un établissement d'enseignement secondaire ou supérieur, et dont la fortune ne dépasse pas 25'000 F, lorsqu'il n'a pas un revenu supérieur à 6'800 F (charge entière) ou 10'200 F (demi-charge), pour celui des parents qui pourvoit à son entretien ;

Proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins

c) les ascendants et descendants (dans les autres cas que ceux visés aux lettres a à b du présent alinéa), frères, soeurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n'ont pas une fortune supérieure à 10'000 F ni un revenu annuel supérieur à 6'800 F (charge entière), ou qui n'ont pas une fortune supérieure à 20'000 F ni un revenu supérieur à 10'200 F (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien.

6 Le rabais d'impôt est toujours limité à l'impôt dû.

Art. 14, amendé, vote

Adopté à l'unanimité.

Il convient de préciser que l'alinéa 4 fait état des contribuables qui tiennent ménage avec un ou des enfants mineurs ; ce n'est donc pas la notion restrictive de ménage indépendant qui est retenue. Cette notion plus large est volontaire, de sorte à ne pas accorder des frais de garde qu'aux seuls couples mariés ou familles monoparentales, mais également aux concubins qui remplissent les conditions.

Art. 15 Publication des barèmes

Amendement :.

Art. 15 : [...]«  jusqu'à un million de francs, ainsi qu'une illustration [....] taux marginal). »

Cet amendement est adopté.

Art. 16  Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Pas de remarques.

Art. 17 Versement de capitaux remplaçant des prestations périodiques

Pas de remarques.

Art. 18 Prestations en capital provenant de la prévoyance

Amendement :.

Art. 18, al. 2

« [...] à l'article 11 [...] »

Cet amendement est adopté.

Art. 19 Adaptation au renchérissement

Amendements :

Art. 19, al. 2

« Tous les quatre ans, le Conseil d'Etat adapte, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation, les montants prévus aux articles 2, lettre d, 3, lettre a, 4, alinéas 2, 7 et 14. »

Art. 19, al. 3 (nouveau)

« Lorsque la situation économique générale l'exige ou la nature particulière du renchérissement le justifie ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat peut proposer, avec la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève, un projet de loi dérogeant au principe de l'indexation des barèmes, de l'ajustement des déductions et des montants déterminants pour le rabais d'impôt. »

Art. 19, amendé, vote 

Cet amendement est adopté.

Commentaire du département : Indexation

Le projet de loi déposé prévoyait que le montant des déductions soit ajusté automatiquement lorsque l'indice genevois des prix à la consommation avait varié de 10 pour cent au moins par rapport au dernier ajustement.

Dans le souci d'ajuster le montant des déductions, comme celui déterminant pour le calcul du rabais d'impôt, à intervalles réguliers, la Commission fiscale a choisi de fixer dans la loi un ajustement automatique tous les quatre ans.

En outre, considérant que cet ajustement pouvait, comme l'indexation des barèmes, souffrir des exceptions si la situation économique l'exige, la Commission fiscale a décidé de ne faire qu'un des anciens articles 19 et 20.

Dès lors, le Conseil d'Etat peut proposer une dérogation tant à l'indexation des barèmes qu'à l'ajustement des déductions.

Art. 20 Entrée en vigueur

Pas de remarques.

Art. 21 Modification à d'autres lois

Art. 21, al. 1

Amendement :

Art. 88 à 91A (abrogés).

Art. 21, al. 13, second paragraphe, al. 2 : « [...] (impôt sur la fortune) ne sont pas applicables. »

Art. 21, amendé, vote :

Adopté à l'unanimité.

Annexe A

Formule du barème A :

Amendement :

Alinéa 1 : « la formule pour le calcul des taux d'imposition marginaux du barème A comporte deux membres de forme identique dont l'un entre pour 64.7 pour cent et l'autre pour 35.3 pour cent dans la formule.

tA(R) = 64.7 % × t1(R) + 35.3 % × t2(R) »

Alinéa 3 :

a1 6500

a2 350,618

Adopté à l'unanimité.

Annexe B (art. 12)

Amendement :

Alinéa 1 : suppression de la lettre (S) dans la formule

Alinéa 2 : suppression de la définition de la lettre (S) : la différence entre la déduction personnelle pour un couple marié et la déduction personnelle pour une personne seule

Alinéa 3 

b1 24 500

Adopté à l'unanimité.

Annexe C

Amendement :

Article 13 - Annexe C

Calcul de l'adaptation des barèmes au renchérissement

1. La formule pour le calcul de l'adaptation des barèmes A et B au renchérissement devrait être modifiée comme suit :

Ct = C0 x (It / I0).

La valeur du paramètre Ctest arrondie à l'unité.

2. Les lettres et les symboles employés ont la signification suivante :

C0 est la valeur du paramètre d'adaptation des barèmes A et B au renchérissement pour l'année de référence ;

It est un indice du renchérissement pour l'année t d'acquisition du revenu, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre de l'année t - 2 à août de l'année t - 1, arrondie à une décimale ;

I0 est la valeur de l'indice de renchérissement pour l'année de référence, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre 1998 à août 1999.

3. L'année de référence est 2000. Pour cette année :

C0  = 51'818'800

I0  = 105,8

Lors de la séance de la Commission fiscale du 29 août 2000, l'administration fiscale a fait remarquer que l'Annexe C (article 13) était incomplète à son alinéa 3 dans lequel les deux paramètres utiles à l'adaptation des barèmes au renchérissement n'étaient pas référencés.

Elle a ainsi fourni les deux références utiles et a suggéré, dans un souci de cohérence, que l'amendement nécessaire à apporter à l'Annexe C (art. 13) soit adopté par la Commission fiscale plutôt que par la séance plénière du Grand Conseil.

Elle a rappelé également que la fréquence temporelle sur laquelle devait être calculée l'évolution du renchérissement à prendre en compte pour l'adaptation des barèmes n'avait pas été corrigée dans le texte de l'Annexe C, alinéa 2, malgré les débats qui ont été menés à ce sujet devant la Commission fiscale et l'approbation qui en avait résulté.

Dans cette optique, et pour suivre la suggestion formulée par le professeur Carlevaro, l'administration suggère l'adoption d'une nouvelle formulation de l'Annexe C qui non seulement est complète et tient compte des débats menés par la Commission fiscale, mais qui présente l'avantage d'être plus compréhensible que la précédente sans en changer le fond.

Adopté le 5 septembre 2000.

Vote final

Projet de loi 8202 (LIPP V) - Imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid

Commissaires présents au moment du vote : 15

Adoption à l'unanimité.

Conclusion

Le projet de loi amendé, tel qu'il vous est proposé, tient compte dans une large part des remarques formulées. Des concessions ont été faites par chacun des groupes politiques, alors même que les contraintes liées à l'harmonisation fiscale et les objectifs de neutralité financière ont été respectés.

Par rapport à la situation actuelle, les bénéficiaires de la loi seront les contribuables salariés déclarant des revenus jusqu'à 140'000 F, les rentiers célibataires déclarant un revenu jusqu'à 80'000 Fet les couples rentiers avec un revenu jusqu'à 120'000 F.

Pour des revenus de salariés supérieurs à 140'000 F, l'incidence à la hausse de la nouvelle loi sera marginale.

Les plus défavorisés seront les rentiers déclarant un revenu supérieur à 90'000 F pour les personnes seules et 120'000 F pour les couples.

Pour cette catégorie de contribuables, il faut relever qu'une interprétation stricte de la LHID aurait donné lieu à une situation beaucoup plus dommageable, dans la mesure où les rentes reçues auraient été soumises pleinement à l'impôt, sans aménagement.

Le projet amendé a ainsi satisfait l'ensemble des membres de la Commission fiscale qui s'est fondée, en totale confiance, sur les tableaux présentés par le Département des finances.

En outre, lors de sa séance du 5 septembre 2000, la Commission fiscale s'est prononcée sur divers objets en suspens dont les buts et contenus ont été traités dans le cadre des travaux de la LIPP.

Il en va ainsi de la motion 153-C (instauration dans la loi fiscale d'un barème unique avec coefficient familial) qui a trouvé réponse dans la LIPP, du projet de loi 5169-C (imposition séparée des conjoints) qui a été rejeté du fait que la LIPP va, aussi loin que le droit fédéral le permet, dans cette direction, de la pétition 419-B (taxation séparée de la femme mariée), de la pétition 437-C (imposition équitable) et de la pétition 1130 (déduction des frais de garde sur les impôts) qui ont été rejetées à l'unanimité.

La Commission fiscale vous recommande de voter le projet de loi 8202 ainsi amendé, de refuser l'entrée en matière du projet de loi 5169, de refuser la proposition de motion 153 et de classer les pétitions 419, 437 et 1130.

Projet de loi(8202)

sur l'imposition des personnes physiques (LIPP - V) - Détermination du revenu net - calcul de l'impôt et rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid (D 3 16)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

Art. 1 En règle générale

Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux articles 2 à 8.

Art. 2 Déductions de prévoyance

Sont déduits du revenu :

les versements dans un but de prévoyance et les revenus des capitaux d'épargne dans la mesure ci-après :

Art. 3 Déductions liées à l'exercice d'une activité lucrative

Sont déduits du revenu :

1 Les frais professionnels, soit notamment les frais de déplacement, les frais supplémentaires résultant des repas pris hors du domicile, les frais de vêtements spéciaux, fixés forfaitairement à 3 pour cent du revenu de chaque contribuable, correspondant au revenu brut après les déductions prévues à l'article 2, lettres a à c, à concurrence d'un montant minimum de 500 F et d'un maximum de 1'500 F.

2 Les frais de perfectionnement en rapport avec l'activité exercée et les frais de reconversion professionnelle, à concurrence de 5'000 F. Sont notamment considérés comme frais de reconversion, les études ou cours suivis par une mère ou un père de famille en vue de reprendre une activité professionnelle, après une interruption pour des raisons familiales .

3 Les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais :

Art. 4 Déductions de santé

Sont déduits du revenu :

1 Les primes de l'assurance-maladie et de l'assurance-accidents, au profit du contribuable et des personnes à sa charge ;

2 Les frais dûment justifiés provoqués par la maladie, les accidents ou l'invalidité du contribuable ou d'une personne à sa charge, pour la part supportée par le contribuable, au maximum jusqu'à :

Art. 5 Contribution d'entretien

Sont déduits du revenu :

la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

Art. 6 Déductions générales ou liées à la fortune

Sont déduits du revenu :

1 Les intérêts des dettes échus pendant la période déterminante à concurrence du rendement de la fortune augmenté de 50'000 F, à l'exclusion des intérêts des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique la touchant de près ou ayant une participation déterminante à son capital et dont les conditions diffèrent de façon importante des clauses habituellement convenues dans les relations d'affaires entre tiers ; dans ce cas, seule la part excédentaire n'est pas déductible. L'article 3, alinéa 3, lettre j, demeure réservé .

2 Les charges durables et 40 pour cent des rentes viagères versées par le débirentier .

3 Les frais effectifs d'administration de la fortune mobilière imposable, à concurrence d'un maximum de 5 pour cent du rendement de ladite fortune, ainsi que les impôts à la source étrangers qui ne peuvent être ni remboursés ni imputés .

4 Les frais nécessaires à l'entretien des immeubles privés que possède le contribuable, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers. Le département fédéral des finances détermine dans quelle mesure les investissements destinés à économiser l'énergie et à ménager l'environnement peuvent être assimilés aux frais d'entretien.

Pour son propre logement, le contribuable peut faire valoir une déduction forfaitaire au lieu du montant effectif de ces frais et primes. Le Conseil d'Etat arrête ces déductions forfaitaires.

5 Les frais occasionnés par des travaux de restauration de monuments historiques, que le contribuable entreprend en vertu de dispositions légales, en accord avec les autorités ou sur leur ordre, pour autant qu'ils ne soient pas subventionnés par ailleurs.

Art. 7 Déductions pour frais de garde

Les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait et qui tiennent ménage indépendant avec leurs enfants mineurs dont ils ont la garde peuvent déduire, du produit de leur travail, pour chaque enfant jusqu'à l'âge de 12 ans, les frais de garde effectifs et justifiés jusqu'à concurrence de 3'500 F par année, respectivement de 5'000 F par année si le revenu brut total ne dépasse pas 50'000 F.

Art. 8 Versements bénévoles

Sont déduits du revenu :

les versements bénévoles à des personnes morales qui ont leur siège en Suisse et sont exonérées de l'impôt en raison de leurs buts de service public ou de pure utilité publique, jusqu'à cinq pour cent du revenu net (avant déduction du don lui-même).

Art. 9 Frais et dépenses non déductibles

Ne peuvent pas être déduits les autres frais et dépenses, en particulier :

Art. 10 Structure de l'impôt

1 L'impôt total de base dû sur la totalité du revenu est égal à la somme de l'impôt dû sur chaque franc de ce revenu, après les déductions autorisées, moins le rabais d'impôt.

2 L'impôt dû sur chaque franc de revenu imposable est calculé en appliquant un taux d'imposition, appelé taux marginal, qui progresse de façon continue jusqu'à un taux d'imposition maximum.

3 Le taux effectif de l'impôt (appelé également taux réel ou taux moyen) s'obtient en divisant le montant total de l'impôt de base dû par le revenu imposable.

Art. 11 Taux de l'impôt, personne seule, barème A

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable du contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé, est déterminé par le barème A dont la formule mathématique figure à l'annexe A de la présente loi.

2 Le taux marginal minimum est de 0,22 pour cent.

3 Le taux marginal maximum est de 19 pour cent.

Art. 12 Taux de l'impôt, couple marié ménage indépendant, barème B

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable des époux vivant en ménage commun est déterminé par le barème B, dont la formule mathématique figure à l'annexe B de la présente loi.

2 Le taux marginal du barème B est lié au taux marginal du barème A. Il croît entre les valeurs limites du taux marginal du barème A.

3 Les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait et qui tiennent ménage indépendant avec leurs enfants mineurs ou majeurs qui constituent des charges de famille, au sens de l'article 14, alinéa 5, sont imposés selon le barème B.

Art. 13 Taux de l'impôt, cas spéciaux

Lorsque le contribuable n'est imposable dans le canton que sur une partie de son revenu en raison du statut dont il bénéficie ou dont son conjoint bénéficie en vertu de conventions ou accords sur les relations diplomatiques ou consulaires, ou accords de siège d'organisations internationales, les taux d'imposition applicables sont ceux du barème A.

Art. 14 Rabais d'impôt

1 Le rabais d'impôt, au sens de l'article 10, alinéa 1 se calcule par application des barèmes des articles 11 ou 12 aux montants déterminants suivants, au taux applicable à ces seuls montants:

2 Pour les contribuables mariés, célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait, remplissant les conditions exigées pour bénéficier d'une rente au sens de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 et de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, du 19 juin 1959, les montants déterminants sont augmentés de :

Dans tous les cas, ces montants additionnels sont limités au montant de la rente imposable.

3 En ce qui concerne les charges de famille, les montants déterminants, au sens de l'alinéa 1, sont les suivants :

Lorsqu'une personne est à charge de plusieurs contribuables, les montants déterminants sont répartis entre ceux-ci.

4 Pour les contribuables qui tiennent ménage avec un ou des enfants mineurs jusqu'à l'âge de 12 ans, qui constituent des charges de famille au sens de l'alinéa 5, les montants déterminants prévus à l'alinéa 1, lettres a et b, sont augmentés, à titre de frais de garde, de :

5 Constituent des charges de famille :

6 Le rabais d'impôt est toujours limité à l'impôt dû.

Art. 15 Publication des barèmes

Avant la fin de chaque année civile, le Conseil d'Etat publie, dans le règlement, la valeur de l'indice de renchérissement It mentionné à l'annexe C de la présente loi, les barèmes A et B de l'impôt sur le revenu (taux effectifs et impôts de base) pour des montants de revenu imposable jusqu'à un million de francs, ainsi qu'une illustration graphique des barèmes A et B (taux effectif et taux marginal).

Art. 16 Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, perçu en application des articles 80 à 87 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est imputé sur l'impôt sur le revenu ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

Art. 17 Versement de capitaux remplaçant des prestations périodiques

Lorsque le revenu comprend des versements de capitaux remplaçant des prestations périodiques ou des versements en capital à la fin des rapports de service, l'impôt se calcule, compte tenu des autres revenus et des déductions autorisées, au taux qui serait applicable si une prestation annuelle était servie en lieu et place de l'indemnité unique.

Art. 18 Prestations en capital provenant de la prévoyance

1 Les prestations en capital provenant des institutions de prévoyance ainsi que les sommes versées ensuite de décès, de dommages corporels permanents ou d'atteinte durable à la santé sont imposées séparément. Elles sont dans tous les cas soumises à un impôt annuel entier.

2 L'impôt est calculé sur la base du taux représentant le cinquième du barème inscrit à l'article 11 (barème A). Pour déterminer ce taux, les diverses prestations telles que celles mentionnées à l'alinéa 1 sont additionnées.

Art. 19 Adaptation au renchérissement

1 Les barèmes fiscaux A et B sont adaptés, chaque année, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation.

2 Tous les quatre ans, le Conseil d'Etat adapte, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation, les montants prévus aux articles 2, lettre d , 3, lettre a , 4, alinéa 2 , 7 et 14.

3 Lorsque la situation économique générale l'exige ou la nature particulière du renchérissement le justifie ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat peut proposer, avec la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève, un projet de loi dérogeant au principe de l'indexation des barèmes, de l'ajustement des déductions et des montants déterminants pour le rabais d'impôt.

Art. 20 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

Art. 21 Modifications à d'autres lois

1La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887 (D 3 05), est modifiée comme suit :

Art. 21 (abrogé)

Art. 22 et 23 (abrogés)

Art. 30 et 30 B (abrogés)

Art. 31 à 31 C (abrogés)

Art. 32 à 32 C (abrogés)

Art. 33 à 33C (abrogés)

Art. 43, al. 3 (abrogé)

Art. 52 (abrogé)

Art. 57 (abrogé)

Art. 59 (abrogé)

Art. 88 à 91A (abrogés)

2La loi sur les mesures destinées à l'assainissement des finances de l'Etat, du 6 décembre 1996 (B 5 18) , est modifiée comme suit:

Art. 5 et 6 (abrogés )

3 La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989 (C 1 20) , est modifiée comme suit:

Art. 21, al. 2 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la sous-note)

2 Lorsque l'étudiant a un ou plusieurs enfants à charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), la limite du revenu propre déterminant est augmentée de 7 460 F par enfant. Cette somme est répartie entre les deux parents lorsque la situation de l'un et de l'autre est régie par le présent article.

Art. 23, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Par revenu déterminant du couple, il faut entendre le revenu annuel brut, auquel s'ajoute la fortune nette après déduction d'une franchise de 30'000 F par année prévisible de formation. Le nombre des années prises en compte correspond au temps minimal requis pour l'accomplissement du programme de la formation considérée. Chaque enfant à charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), donne droit à une franchise supplémentaire de 30 000 F à déduire de la fortune.

Art. 24, al. 1 et 2 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note et de la sous-note)

1 Pour l'octroi d'une allocation complète, la limite du revenu déterminant d'un couple d'étudiants mariés est fixée à 20 760 F, montant augmenté de

7 460 F pour chaque enfant à charge au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid).

2 Pour l'octroi d'une allocation complète, la limite du revenu déterminant d'un couple, dont un seul conjoint est étudiant, est fixée à 30 970 F, montant augmenté de 7 460 F pour chaque enfant à charge au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid).

Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note)

1 Lorsqu'ils ont une ou plusieurs charges de famille, l'allocataire marié et l'allocataire indépendant qui remplit les conditions posées à l'article 21, alinéa 1, lettre d, peuvent présenter une demande motivée en vue d'une majoration ou en vue d'un prêt complémentaire à leur allocation. Ces prestations supplémentaires peuvent être accordées si les ressources indispensables à l'entretien de leurs enfants ou de tierces personnes à leur charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), sont insuffisantes en raison de circonstances indépendantes de leur volonté.

4 La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985 (C 2 05) , est modifiée comme suit:

Art. 100, lettre c (nouvelle teneur)

Art. 117, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)

5 La loi sur les estimations fiscales de certains immeubles, du 14 janvier 1993 (D 3 10) , est modifiée comme suit:

Art. 1 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

La durée de validité des estimations actuelles de la valeur fiscale des immeubles visés aux articles 7 et suivants de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) est prorogée pour une nouvelle période décennale; la valeur fiscale actuelle de ces immeubles est majorée de 20% et reconduite jusqu'au 31 décembre 2004, sans nouvelle estimation de la commission d'experts.

6 La loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994 (D 3 20) , est modifiée comme suit:

Art. 10, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le taux de l'impôt sur les prestations en capital correspond au 1/5 du taux du barème de l'article 5 (barème A) de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), y compris les centimes additionnels cantonaux et communaux calculés forfaitairement, sous réserve des dispositions transitoires prévues à l'article 12, alinéa 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur le revenu).

Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le taux de l'impôt sur les prestations en capital correspond au 1/5 du taux du barème de l'article 5 (barème A) de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), y compris les centimes additionnels cantonaux et communaux calculés forfaitairement, sous réserve des dispositions transitoires prévues à l'article 12, alinéa 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur le revenu).

7 La loi sur les droits de succession, du 26 novembre 1960 (D 3 25) , est modifiée comme suit:

Art. 5, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Pour la personne qui, au moment de son décès était au bénéfice d'une imposition spéciale selon l'article 14 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Objet de l'impôt - assujettissement à l'impôt), l'activité qu'elle a pu avoir au sein d'une organisation internationale ayant conclu un accord de siège avec la Confédération suisse n'est pas considérée comme activité lucrative exercée en Suisse au sens de l'alinéa 2.

8 La loi sur le tourisme, du 24 juin 1993 (I 1 60) , est modifiée comme suit:

Art. 10, lettre a (nouvelle teneur)

9 La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977 (I 4 05) , est modifiée comme suit:

Art. 31 C, al. 1, lettre a (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note)

10 La loi destinée à assurer la construction de logements salubres et économiques, du 9 novembre 1946 (I 4 25) , est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Pour les immeubles bénéficiant de l'exonération totale ou partielle, les propriétaires restent soumis aux obligations de déclarations, justifications et contrôles institués par la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) et la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887.

11 La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 (J 2 25) ,est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

1 Sous déduction des dettes dûment justifiées, sont notamment considérés comme fortune de l'intéressé les éléments suivants, évalués conformément à la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune):

(Suite de l'alinéa, sans changement)

2 Les diminutions et les déductions prévues aux articles 7, lettre e et 15 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) ne sont pas applicables.

12 La loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997 (J 3 05) , est modifiée comme suit:

Art. 21, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Les lois sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune - détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid) s'appliquent pour le surplus à l'interprétation de la présente disposition.

Art. 27, lettre a (nouvelle teneur)

13 La loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968 (J 7 15) est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

1 Sous déduction des dettes dûment justifiées, sont notamment considérés comme fortune de l'intéressé les éléments suivants, évalués conformément à la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune):

(Suite de l'alinéa, sans changement).

2 Les diminutions et les déductions prévues aux articles 7, lettre e et 15 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) ne sont pas applicables.

Projet de loi D 3 16 (Annexes)

Annexe A (art. 11)

Formule du barème A

1 La formule pour le calcul des taux d'imposition marginaux du barème A comporte deux membres de forme identique dont l'un entre pour 64.7 pour cent et l'autre pour 35.3 pour cent dans la formule.

tA(R) = 64.7 % × t1(R) + 35.3 % × t2(R)

où t1(R) = tmin + (tmax -tmin) × [1 - (1 + R/Ct)-a1]

et t2(R) = tmin + (tmax -tmin) × [1 - (1 + R/Ct)-a2].

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tA(R) désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque franc du revenu imposable (taux marginal du barème A);

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

tmin le taux d'imposition minimum (en %);

tmax le taux d'imposition maximum (en %);

Ct un paramètre destiné à l'adaptation du barème A au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

a1 et a2 deux paramètres de progressivité (nombres purs).

3 Le taux croît entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres, commandant la courbe de progressivité du barème A:

tmin = 0,22 %

tmax = 19,00 %

a1 = 6500

a2 = 350,618

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème A donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour-cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500'000 F.

Annexe B (art. 12)

Formule du barème B

1 Le taux marginal du barème B est basé sur le taux marginal du barème A appliqué à la moitié du revenu imposable du contribuable marié. Ce taux est majoré en proportion de l'écart qui le sépare du taux marginal du barème A appliqué au revenu imposable total du contribuable marié. La proportion dans laquelle cet écart est pris en compte croît, entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres commandant la courbe de progressivité de cette proportion  :

tB(R) = tA(R/2) + q(R) × [tA(R) - tA(R/2)]

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tB(R) désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque franc du revenu imposable (taux marginal du barème B);

tA(R) le taux d'imposition marginal du barème A;

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

q(R) un facteur de pondération croissant en fonction du revenu, assurant la liaison du barème B avec le barème A, dont la valeur est comprise entre deux limites selon la formule suivante  :

q(R) = qmin + (qmax - qmin) × [1 - (1 + R/2Ct)-b1]b2

b1 et b2 désignent deux paramètres de progressivité du facteur de pondération q(R) (nombres purs);

Ct le paramètre technique utilisé dans la formule du barème A pour l'adaptation du barème au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

3 Les paramètres fixes de la formule figurant à l'alinéa 1 ont les valeurs suivantes:

qmin = 0

qmax = 1

b1 = 24 500

b2 = 100 000

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème B donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour-cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500'000 F.

Annexe C (art. 19)

Calcul de l'adaptation des barèmes au renchérissement

La formule pour le calcul de l'adaptation des barèmes A et B au renchérissement devrait être modifiée comme suit :

Ct = C0 x (It / I0).

 La valeur du paramètre Ctest arrondie à l'unité.

Les lettres et les symboles employés ont la signification suivante :

C0 est la valeur du paramètre d'adaptation des barèmes A et B au renchérissement pour l'année de référence;

It est un indice du renchérissement pour l'année t d'acquisition du revenu, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre de l'année t - 2 à août de l'année t - 1, arrondie à une décimale;

I0 est la valeur de l'indice de renchérissement pour l'année de référence, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre 1998 à août 1999.

L'année de référence est 2000. Pour cette année :

C0  = 51'818'800

I0   = 105,8

474849505152535455

5657585960616263646566676869707172737475767778798081828384858687888990919293949596979899100101102103104105106107108109

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Annexe Télécopie

Annexe proposition

Premier débat

Mme Micheline Calmy-Rey. De tout temps, l'impôt a constitué l'une des techniques privilégiées de financement des dépenses publiques. Depuis la seconde dynastie de l'Ancien Empire égyptien jusqu'à nos jours, cette technique a évolué et épousé très étroitement le parcours de la civilisation occidentale. Aujourd'hui, il apparaît indéniable qu'elle est devenue un instrument de politique économique et sociale d'une importance considérable. La justice ou l'injustice d'une politique s'appréhendent souvent à travers sa conception et son utilisation des techniques de l'impôt.

Vous aurez compris de cette introduction que deux préoccupations traversent la nouvelle loi : celle de ne pas augmenter la pression fiscale et celle de la justice fiscale.

Le sujet fiscal, c'est-à-dire le contribuable, souhaite que l'Etat lui épargne des charges financières. Le vote du mois de septembre de l'année dernière sur l'initiative réduisant l'impôt est clair : 57% des Genevoises et des Genevois ont voulu que la charge fiscale sur les revenus diminue. Les différences d'imposition dues à la personnalisation de l'impôt, particulièrement marquées chez nous en raison de la multiplicité des déductions sur le revenu, rendent notre loi complexe, difficilement lisible, faussent les comparaisons intercantonales et provoquent par là même la prise de conscience d'une injustice frappant non seulement un individu, mais des corps de citoyens tout entiers : les salariés, les familles, les rentiers, ou encore les Genevois par opposition aux Vaudois.

Mais si le contribuable désire une charge fiscale aussi allégée que possible, le citoyen, lui, veut accroître les moyens financiers dont l'Etat a besoin pour développer les services publics. Les électrices et les électeurs genevois ont montré à plusieurs reprises leur opposition à des coupes dans les prestations. Il s'agit par conséquent de garantir, au travers des évolutions fiscales actuelles, le financement des prestations publiques, en d'autres termes de poser comme principe et comme cadre de ces évolutions au plan cantonal celui de la neutralité financière.

Aussi, la loi est globalement quasi neutre pour les recettes de l'Etat - en réalité, elle offre un léger avantage pour le contribuable, puisque les simulations faites sur les données 1999 se traduisent par une baisse des recettes fiscales de quelque 16 millions de francs. Mais si le système est neutre pour les recettes de l'Etat, il est aussi quasi neutre en moyenne, sauf dans les marges, pour l'ensemble des contribuables. Cela dit, on ne peut pas affirmer que tel ou tel contribuable ne verra pas sa charge fiscale augmenter. La personnalisation de l'impôt demeure et, en fonction des changements liés à l'adaptation fédérale et de la capacité contributive des uns ou des autres, telle ou telle personne pourrait voir son impôt augmenter ou diminuer, indépendamment de la neutralité du régime LIPP.

J'en viens maintenant à un souci qui m'a beaucoup habitée pendant toute la période d'étude et d'élaboration de la loi, celui de la justice fiscale. L'impact financier des déductions fiscales sur le budget de l'Etat est considérable. En 1997, l'ensemble des déductions admises par l'administration fiscale sur le revenu des personnes physiques a conduit à une diminution des recettes cantonales d'environ 1,5 milliard de francs. Un rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques, publié en décembre 1998, met en évidence un certain nombre de problèmes induits par ce système, dont le principal est qu'en raison de leurs mécanismes l'économie d'impôt qui en résulte est d'autant plus importante que les revenus du contribuable sont élevés. C'est ainsi que le système actuel, mis en place à partir d'une préoccupation sociale, n'atteint pas son but.

Par exemple, l'application concrète de la déduction personnelle sur le revenu brut génère une économie d'impôt supérieure pour les revenus élevés, du fait qu'est exonéré non pas un revenu donné mais une tranche de revenu. En outre, la loi en vigueur traite différemment, à situation économique équivalente, les personnes mariées et les concubins d'une part, et les personnes mariées et les familles monoparentales d'autre part. A ces constats il convient d'ajouter que l'adaptation telle quelle à la loi fédérale aurait été de nature à augmenter très fortement la charge fiscale de certains retraités, dans la mesure de la suppression de la déduction des rentes AVS-AI, qui aujourd'hui peut aller jusqu'à 50% en fonction des autres revenus, et de la suppression de la déduction sur rentes dans le cadre de la prévoyance professionnelle. Elle aurait été aussi de nature à augmenter la charge fiscale des familles, puisque les allocations familiales ne peuvent plus être exonérées.

Afin de remédier autant que possible à ces problèmes, nous avons préconisé un rabais d'impôt. Le rabais d'impôt est une somme fixe, calculée en appliquant un montant déterminant le taux d'impôt correspondant à ce montant, hors progressivité. Ce montant déterminant est composé d'éléments remplaçant les déductions sociales cantonales. Le rabais diminue donc, au même titre que les déductions, le montant d'impôt final à payer, mais il a le mérite d'éviter que, grâce à la progressivité du taux marginal d'imposition, les contribuables aisés bénéficient davantage des déductions de même montant que les contribuables moins aisés. L'avantage est constant.

Ceci étant, ayant opté pour une enveloppe financière neutre et considérant que le rabais d'impôt a pour effet d'accroître la progressivité de l'impôt, nous avons mis en oeuvre un certain nombre de correctifs. Premièrement, une adaptation des montants inclus dans le rabais d'impôt : les charges de famille passent de 2 600 F par enfant à 4 500 F pour le premier enfant et 6 500 F pour chaque enfant suivant. Des frais de garde sont introduits. Le montant déterminant pour le rabais de base, célibataires et mariés, est plus élevé que les montants des déductions personnelles actuelles. Enfin, les rentiers se voient augmenter le montant déterminant jusqu'à presque annuler le désavantage fiscal pour eux de l'harmonisation fédérale. Le deuxième type de correctif porte sur l'indexation des barèmes et des déductions sur la fortune, ce qui n'était pas le cas dans la loi actuelle. Troisième type de correctifs : la baisse générale des barèmes mariés et célibataires.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais pu vous parler encore de la responsabilité du paiement de l'impôt pour les couples mariés. Là aussi, la nouvelle loi innove en cassant la dépendance d'un époux par rapport à l'autre pour le paiement de l'impôt. J'aurais pu vous parler de la prise en compte des charges que constituent des enfants majeurs aux études, ou encore de la volonté d'aider les familles monoparentales. J'aurais pu vous parler du changement de calcul de la valeur locative. La nouvelle loi porte en effet en elle quelques nouveautés, qu'il n'est pas possible d'inventorier ce soir, en tout cas pas dans ce discours d'entrée en matière ; vous me pardonnerez de m'être limitée à mentionner les principaux changements. Mais, en conclusion, sachez simplement que le département des finances et l'administration fiscale ont le souci d'informer et que nous utiliserons tous les moyens à disposition pour le faire.

Sachez aussi combien je suis reconnaissante à la commission de relecture de la loi sur l'imposition des personnes physiques pour la qualité de son travail, et je remercie particulièrement son président, Me Oberson. Merci aussi à la commission fiscale et aux députés, qui ont travaillé pendant de longs mois sur cette loi avec assiduité, malgré la technicité du sujet, et merci à sa présidente, Mme Christine Sayegh, et aux rapporteurs, Mme Grobet-Wellner, M. Krebs et Mme Wenger.

Au-delà, encore une fois, de la difficulté de la loi, vous avez su voir l'enjeu, qui est l'intérêt général, et j'espère que ce soir nous saurons aussi le voir ! (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à entendre la déclaration des trois rapporteurs. Tout d'abord, pour le projet de loi 8152 (LIPP I), je donne la parole à Mme Grobet-Wellner.

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse. Ce projet présente deux particularités, toutes deux compatibles avec la LHID, qui tiennent à l'individualisation des contribuables au sein du couple marié et à la disparition, à terme, de la solidarité du paiement de l'impôt entre époux. Il vous a été distribué une proposition de modification de l'article 8, alinéas 1, 2, 3 et 4, que je vous expliquerai tout à l'heure.

Le président. Pour les projets de lois 8154-A, LIPP III, et 8178-A, LIPP IV, je donne la parole à Mme Salika Wenger.

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Je me limiterai en fait à une petite introduction. Pour adapter la LHID au système genevois, la commission fiscale dans son ensemble s'est attachée à respecter en premier lieu la capacité contributive de chaque citoyen soumis à l'impôt. Il aurait été satisfaisant pour tous que ce calcul de l'impôt fût à la portée de n'importe lequel des contribuables, mais force est de constater que la complexité du système actuel ne le permet toujours pas. Néanmoins, avec l'aide du département, nous avons tenté de le simplifier au maximum.

A cet égard, l'article premier du projet de loi 8178 illustre parfaitement notre propos : «L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions.»

L'impôt sur la fortune comme celui sur le revenu sont trop souvent décrits et perçus comme une sanction. Certains prétendent même abolir l'impôt direct au profit de taxes diverses qui seraient payées par tous... Il est inutile, je pense, de rappeler à chacun ici l'injustice de ce mode de taxation, car nous savons tous que la valeur d'un franc n'est pas la même que l'on en gagne 2000 ou que l'on en gagne 2 millions. C'est pourquoi payer un impôt proportionnel à son revenu devrait être une fierté pour chaque citoyen, car il n'est pas une route, pas un hôpital, pas une école qui n'ait été payée totalement ou en partie avec l'argent des impôts, garantissant ainsi à chaque citoyen le droit absolu d'en user.

J'aimerais conclure en disant que le projet de loi que nous vous présentons ce soir est une étape sur la voie d'un peu plus de justice fiscale. Je dirais que la tâche était difficile, les intérêts en jeu complexes, et, compte tenu de la catastrophe sociale qu'aurait été l'application stricte de la loi fédérale, nous avons tous fait le mieux possible.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter cette loi telle que nous vous la présentons ce soir.

Le président. Je passe la parole à M. Krebs pour le projet de loi 8202-A, LIPP V, ainsi que divers objets qui l'accompagnent et qui sont devenus obsolètes compte tenu de ce projet de loi.

M. Georges Krebs (Ve), rapporteur. Lors de l'étude de ce projet de loi, nous avons dû nous mettre tour à tour dans la peau des riches, dans la peau des pauvres, dans celle des rentiers, des salariés, des valides ou des invalides, des mariés, des concubins ou des célibataires, des propriétaires ou des locataires... Cet exercice était difficile et nous nous sommes aperçus finalement que toutes les catégories sociales, les nantis comme les déshérités, avaient des soucis financiers... (Rires et exclamations.)

Le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat était à l'origine basé, comme c'est le cas actuellement, sur un système de déductions, mais une autre variante, basée sur le crédit d'impôt, avait toutefois été étudiée par le département des finances. Les commissaires ont demandé la présentation de cette variante. De nombreuses simulations ont été analysées par les commissaires et il est rapidement apparu, comme l'a dit Mme Calmy-Rey, que l'application pure et dure de la LHID aurait eu des effets désastreux, notamment pour les rentiers. Avec ce projet, la neutralité fiscale a été plus ou moins respectée. Les auditions ont mis en évidence différentes difficultés d'application et les remarques des personnes auditionnées ont été prises en considération. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un système totalement basé sur le rabais d'impôt, puisque des déductions sont imposées par la LHID. Le système adopté est donc hybride. Les commissaires étaient quasi unanimes à vouloir éviter des variations trop importantes par rapport à la situation actuelle et les barèmes ont donc été adaptés pour limiter ces variations. J'ajoute qu'il y a encore dans la LIPP V une petite modification dans une formule concernant la progression à froid.

Enfin, cette loi, comme l'a dit le président, rend sans objet divers projet de loi, motion et pétitions, qui seront donc classés.

J'aimerais encore remercier le département des finances, Mme Calmy-Rey et toutes les personnes qui nous ont aidés dans nos travaux, pour la clarté et la précision de leurs documents. Qu'ils en soient vivement remerciés !

Mme Christine Sayegh (S). Nous savons toutes et tous que notre système fiscal a des qualités et des faiblesses. Dans les qualités, nous avons une courbe progressive adaptée consensuellement aux réalités sociales, allégeant la charge fiscale pour les bas revenus et tenant compte des conditions personnelles du contribuable. Au titre des faiblesses, la méthode des déductions, comme l'avait d'ailleurs relevé dans une étude le Conseil économique et social, engendre lacunes et inégalités de traitement. La loi sur l'harmonisation des impôts directs, la LHID, en nous obligeant à rendre notre système fiscal cantonal conforme aux directives fédérales, a incité le département des finances, puis la commission fiscale, à ne pas limiter l'exercice à une simple adaptation législative, mais à réfléchir et à proposer une réforme du système, permettant à la fois la mise en conformité de la loi fiscale cantonale avec le droit fédéral et une amélioration de la méthode de calcul et de déduction des charges sociales comprises dans la sphère de compétence cantonale.

La commission fiscale a relevé le défi de rendre sa copie pendant l'été, afin de respecter l'échéance fédérale de décembre 2000. Elle n'aurait pas pu le faire sans l'appui logistique constant de l'administration fiscale, de l'université et de la commission de relecture, et sans le sérieux et l'assiduité de tous les députés. Je tiens, en ma qualité de présidente de la commission, à remercier toutes celles et tous ceux qui ont ainsi contribué à ce qu'aujourd'hui la commission fiscale puisse proposer un ensemble de lois cohérent, voté en commission à l'unanimité.

Lorsqu'en avril dernier la commission a décidé d'étudier non seulement le projet de loi qui nous était soumis et qui avait été retenu par le Conseil d'Etat, soit la version dite des déductions sociales, mais aussi la version non retenue par le Conseil d'Etat, dite du rabais d'impôt, elle avait déjà traité les dispositions communes des deux versions et elle a pu faire la synthèse et les arbitrages nécessités par les remarques critiques et souvent pertinentes, résultant des nombreuses auditions des différents milieux concernés, trouvant ainsi une réponse à chaque critique et permettant une actualisation en douceur de notre fiscalité en matière de taxation des personnes physiques.

Le rabais d'impôt est équitable, il permet de rendre le système des déductions transparent. En effet, il permet de donner aux différentes conditions personnelles à prendre en considération une valeur fixée dans la loi, taxée pour elle-même et dont l'impôt est déduit de la facture fiscale. Le rabais d'impôt est ainsi calculé d'une manière identique pour tous les contribuables. Ce rabais, en l'espèce, englobe tout d'abord des déductions fiscales prévues par notre législation actuelle et non reprises par le droit fédéral, notamment les déductions des rentes AVS et des rentes complémentaires. L'application pure et dure de la LHID aurait généré des recettes complémentaires d'à peu près 60 millions, qui effectivement auraient été prises avant tout sur les bas revenus et sur les taxations des rentiers. Le rabais d'impôt renforce par ailleurs une politique de la famille en introduisant la déduction des frais de garde de l'enfant et allège l'impôt des bas revenus. Comme vous le savez, très souvent les bas revenus sont les revenus des familles monoparentales.

Le dernier défi était la double neutralité, ou en tout cas une neutralité des recettes et des taxations : il est à peu près relevé.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions de la commission fiscale, à ne pas faire d'amendement autre que les deux amendements techniques qui vous ont été distribués et à voter ces projets de lois.

M. Nicolas Brunschwig (L). Le débat que nous avons ce soir devrait conclure un long travail parlementaire, difficile mais ma foi fort intéressant. Le résultat est un compromis sans doute acceptable par chacun de nos partis, même si nous avons tous, et c'est bien normal, certaines réserves. Nous avons fait une grande confiance à l'administration fiscale - nous remercions d'ailleurs les personnes concernées pour le travail qu'elles ont effectué - et les chiffres que l'on nous a donnés ont évidemment constitué un élément de décision très important pour nos différents groupes. Nous espérons que la réalité montrera des chiffres qui se rapprocheront des simulations qui ont été faites. Si tel n'était pas le cas - mais nous n'avons aucune raison de le craindre - il ne serait pas illégitime que le parlement ou le peuple revienne sur l'un ou l'autre des éléments qui ne produirait pas les résultats espérés.

Dans ces différents projets de lois, il y a bien évidemment un certain nombre de choses positives aux yeux du parti libéral et de sa représentation et un certain nombre de choses plus discutables. Parmi les éléments positifs, il faut signaler le maintien d'une charge fiscale quasi équivalente pour l'ensemble des contribuables de ce canton ; le maintien de la déduction intégrale des primes d'assurance-maladie ; un revenu locatif, pour les propriétaires, qui sera limité par un taux d'effort - nous pensons en particulier aux rentiers qui sont propriétaires depuis de nombreuses années de certains biens immobiliers et qui n'ont pas forcément des revenus importants. Enfin, une non-imposition des collections artistiques et scientifiques dans la mesure où ce sont des meubles «meublants», pour reprendre les termes techniques utilisés. Voilà les principaux points de satisfaction pour le parti libéral.

Nous avons en revanche plus de doutes - mais nous avons suivi l'administration fiscale malgré nos doutes - sur deux sujets. Concernant le crédit ou rabais d'impôt, nous ne sommes pas forcément convaincus que celui-ci amènera plus de justice fiscale, sachant que, même avant ce rabais d'impôt, la fiscalité à Genève est la plus sociale de tous les cantons suisses, dans la mesure où les faibles revenus sont les moins taxés de toute la Suisse et où les hauts revenus enregistrent la taxation la plus forte de tous les cantons suisses. Il est clair que ce rabais d'impôt va encore un peu diminuer la fiscalité des très faibles revenus, et même si nous sommes fiers de ces caractéristiques sociales, encore faut-il savoir si ceci est légitime et si cela ne va pas poser des problèmes par rapport aux comparaisons intercantonales. En l'état, les différences sont relativement faibles et les chiffres ne changent pas fondamentalement, même si le nouveau système est tout à fait différent de celui que nous avions auparavant.

Ensuite, s'agissant de la volonté du département, sans doute dans un but d'égalité hommes-femmes, de considérer chaque époux comme un contribuable, nous avons quelques doutes sur la légitimité de cette disposition par rapport au respect du droit fédéral. On nous a rassurés, tant mieux, nous espérons que cela tiendra la route. Mais nous avons aussi quelques doutes, et c'est peut-être un peu plus important, sur la capacité de l'administration fiscale à s'adapter à cette nouvelle situation et à pouvoir dire à chacun d'entre nous quelle est la part d'impôt qui lui reviendrait, mari ou femme. Ceci posera des problèmes administratifs sans doute importants et c'est pourquoi nous avons prévu un délai un peu plus long pour mettre en place cette nouvelle mesure.

Vous savez qu'en termes de fiscalité les marges de manoeuvre sont étroites. Les grandes déclarations sont bien souvent inutiles, car ces grandes déclarations doivent être suivies d'éléments techniques, chiffrés, quantitatifs, qui nous montrent tout de suite les limites, limites imposées soit par les comparaisons intercantonales ou internationales, soit par les choix du peuple en ce domaine. Néanmoins, nous devrions avoir un objectif commun, qui est la maximisation des recettes fiscales, et je dis bien la maximisation des recettes et non pas l'augmentation des taux. Ceci implique au moins trois conditions : une conjoncture favorable, qui ne résulte sans doute pas de l'action politique d'un parti ou d'un autre ; une promotion économique efficace, qui peut s'appuyer sur la qualité de vie que nous connaissons à Genève, avec entre autres des services publics efficaces ; enfin, une fiscalité aussi simple et incitative que possible - je ne dirai pas que nous avons atteint des sommets de facilité pour le contribuable avec cette nouvelle loi, mais je crois que ce n'est pas plus compliqué qu'avant.

Toutes les actions, toutes les initiatives du parti libéral vont dans ce sens-là et nous sommes fiers aujourd'hui, en dehors de toute considération dogmatique ou politique, de voir que, malgré ou à cause de l'initiative 111, nous enregistrons une augmentation considérable des recettes fiscales, augmentation qui bien évidemment résulte de l'ensemble des éléments que j'ai évoqués ci-dessus et pas seulement de notre initiative. Nous sommes absolument convaincus que le fait de donner confiance aux contribuables, d'encourager l'esprit d'initiative et d'entreprise, va dans le sens de la maximisation des recettes fiscales, et ceci passe parfois par des baisses des taux de la fiscalité.

En conclusion, le travail que nous avons effectué en commission nous a convaincus que ce compromis est acceptable, qu'il est bon pour Genève et pour ses habitants. Nous vous recommandons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ces projets de lois sans amendement.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). L'étude des LIPP a été caractérisée par des débuts difficiles et brouillons qui ne laissaient rien présager de bon pour la suite des opérations. Après d'innombrables séances de commission et de non moins nombreuses auditions, on peut dire aujourd'hui que la loi adoptée est bonne - même si à nos yeux elle n'est pas parfaite - et que Genève sera dotée dès l'année prochaine d'une législation compatible avec le droit fédéral.

Comme vous avez déjà eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises, Genève est quelquefois un peu chatouilleuse en matière de fiscalité, plus précisément lorsqu'il s'agit d'en augmenter la pression. C'est sans doute un des éléments qui a conduit la commission fiscale à mettre ses habituelles divergences de côté pour construire une loi globalement satisfaisante.

Pour le groupe démocrate-chrétien, il était des éléments indispensables à l'acceptation de la loi. Il s'agissait en premier lieu de se battre contre toute augmentation d'impôt. La réforme imposée par le droit fédéral devait être neutre pour le contribuable, mais aussi, plus globalement, pour chaque catégorie de contribuables, notamment les rentiers et la famille, à laquelle vous savez le parti démocrate-chrétien très attaché. Après différentes simulations et de nombreuses modifications, on peut aujourd'hui dire que cette neutralité a été préservée. Ainsi, nous sommes particulièrement satisfaits des amendements acceptés dans les domaines suivants : le maintien de la déduction des primes d'assurance-maladie ; le maintien de la non-imposition des collections artistiques et scientifiques dans la mesure où elles ne dorment pas dans des coffres ; ou encore l'inscription d'un taux d'effort maximum de 20% dans la détermination de la valeur locative.

Il s'agissait également, pour la majorité parlementaire, de profiter de cette réforme pour intégrer quelques innovations locales, qui font de Genève une pionnière, si ce n'est une Winkelried en la matière ! Ces innovations n'étaient pas sans danger. Par exemple, le rabais d'impôt, qui s'était arrêté à la porte du Conseil d'Etat pour revenir par la fenêtre de la commission, risquait de conduire à une accentuation de la progressivité de l'impôt qui était à nos yeux inacceptable, compte tenu de la courbe actuelle de la fiscalité à Genève, déjà propre à faire fuir les contribuables ayant les plus hauts revenus. Il en était également ainsi de l'imposition séparée du couple, qui pouvait conduire à une loi incompatible sur le plan fédéral et à une construction difficilement compréhensible des professionnels et, à plus forte raison, des contribuables. Nous devons rappeler à cet égard qu'une loi, qui plus est fiscale, est faite pour durer, et il s'agissait donc de rendre son interprétation la plus aisée possible.

Les longs et consensuels travaux de la commission ont donc permis de préserver l'essentiel et il en ressort aujourd'hui une loi qui recueille l'approbation de l'ensemble des partis.

Je souhaiterais, avant de terminer cette intervention, adresser quelques remerciements aux différents partenaires qui nous ont permis d'aboutir dans nos travaux. Tout d'abord, au département des finances, à Mme Calmy-Rey, qui a su faire preuve dans ce dossier de l'esprit de conciliation nécessaire pour permettre à Genève de se doter d'une nouvelle législation ; à l'administration fiscale, plus particulièrement à MM. Adamina et Tanner, dont les compétences ont permis d'éclairer nos réflexions ; à la procès-verbaliste, Mme Monnin, qui a su traduire de façon très claire nos débats qui ne l'étaient quelquefois pas trop ; enfin, au groupe d'experts que nous avons auditionnés et qui nous ont permis de construire une loi claire, du moins nous l'espérons, et compréhensible pour la plupart d'entre nous.

Vous l'aurez donc compris : le groupe démocrate-chrétien accepte ce paquet de lois et vous propose de faire de même, en les votant sans amendement, si ce n'est les deux amendements techniques.

M. Pierre Froidevaux (R). En préambule, Mme la cheffe du département nous a rappelé l'importance de la loi. En effet, peut-on imaginer voter une loi plus importante, dans notre vie de député, que celle qui porte sur une refonte totale de notre fiscalité ? Toute la fonction de redistribution des richesses aux citoyens de Genève dépend de la loi que nous allons voter ce soir. L'ensemble des commissaires étaient conscients de l'importance de l'enjeu et nous avons réussi à trouver un consensus, malgré la multiplicité - vous avez entendu M. Krebs nous le rappeler - des intérêts des uns et des autres. Nous avons pu appliquer le principe de neutralité fiscale lors de l'étude de chacun des articles et chacun d'entre nous a fait les efforts indispensables pour que la loi qui vous est proposée aujourd'hui soit la plus juste et celle qui assure la meilleure assiette fiscale et des revenus stables pour l'Etat. Pour arriver à un résultat aussi favorable, il a fallu que les dissensions politiques habituelles s'apaisent et qu'un rapport de confiance s'établisse. Par ailleurs, nous avons pu profiter du travail qui avait été fait lors de la précédente législature, puisque la loi que nous votons ce soir avait déjà été élaborée lors de la précédente législature, avec l'autre composition du Grand Conseil. Ce n'est en l'occurrence qu'un remaniement de cette loi qui vous est proposé aujourd'hui.

Nous avons eu quelques difficultés et nous avons dû rappeler à Mme la présidente, lorsque la loi fut saucissonnée, qu'il était difficile de comprendre les tenants et aboutissants, mais nous lui avons fait confiance. Lorsque nous avons dû étudier le problème du rabais d'impôt, versus les déductions sociales, nous lui avons à nouveau fait confiance, et tout particulièrement les radicaux. Nous avons pu ainsi élaborer une loi qui me paraît extrêmement favorable pour l'ensemble de l'Etat, qui me paraît être extrêmement sociale, dans la mesure où c'est un instrument efficace d'une politique familiale et sociale de ce canton.

S'agissant des remarques qui ont été faites par les différents groupes, je ne peux que renchérir, dans la mesure où nous nous sommes souciés des mêmes points. Le groupe radical souhaite donc aussi que ces projets de lois soient acceptés sans aucun amendement, en dehors de ceux qui sont proposés par le département et qui sont effectivement purement techniques.

M. David Hiler (Ve). Nous avons souvent parlé d'impôts, généralement pour parler de leur volume, puisque nous avons connu une longue série de déficits. Les rares fois où nous avons posé le problème de la justice fiscale, qui est au centre de ce débat, c'est à l'occasion de propositions très partielles sur l'imposition des grandes fortunes, soumises notamment au peuple en 1993, sauf erreur.

Or, je crois qu'il était bon de revenir à l'essentiel, c'est-à-dire aux fonctions redistributives de l'impôt au niveau de sa perception. Lors de nos discussions, nous avons appris quelque chose que nous avions oublié et que je suis surpris de ne pas réentendre dans ce débat. S'agissant de la fameuse progressivité de l'impôt à Genève, il est parfaitement vrai que, si on examine les deux extrémités de la courbe, Genève est dans une situation qui paraît très favorable par rapport au reste de la Suisse. Mais ce qui nous a été rappelé, notamment par les experts, c'est que la progressivité de cette courbe est extrêmement rapide. Regardez le graphique qui figure dans le rapport : vous verrez que la courbe monte extrêmement rapidement et que le danger d'une telle courbe, c'est que des gens aux revenus somme toute modestes - je ne pense pas que 60 000 ou 70 000 F de revenu brut par année puisse être considéré comme un revenu de nanti - paient des impôts qui les mettent éventuellement dans une situation difficile. L'offre en services publics, par ailleurs, ne compensant pas forcément la brutalité du prélèvement sur ces classes sociales en particulier. C'était l'occasion d'y remédier et je suis heureux que nous l'ayons fait.

Nous l'avons fait grâce à une proposition extrêmement novatrice en Suisse, à savoir le rabais ou crédit d'impôt, qui nous était recommandé par les experts. Le terrain était bien balisé, les gens de bonne volonté ont réussi à se rallier à ce projet, seul le Conseil d'Etat a, disons, raté le virage dans sa première lecture, mais nous admettrons que son degré d'information n'était peut-être pas tout à fait à la hauteur et que ceci explique cela.

Pour le reste, des efforts particuliers en direction de certains groupes doivent être salués. Monsieur Segond, cela fait dix, quinze ou vingt ans que vous rappelez que le problème de la «nouvelle pauvreté» touche principalement les familles monoparentales. La classe politique - avec le temps de réaction qui lui est habituel ! - réagit à cette nouvelle réalité au niveau fiscal, en faisant des conditions équitables aux personnes, des femmes en particulier, qui vivent des situations particulièrement difficiles et que leur statut même met à la limite de la précarité. Payer ne serait-ce que 400 ou 500 F d'impôt quand on est à la limite de la précarité n'a jamais aidé personne à s'en sortir. C'est donc une mesure très importante, une prise en compte de la réalité et une action sociale. C'est dire qu'on peut faire mener une action sociale par ce biais et pas seulement par la redistribution, il faudra s'en souvenir. Nous avons en fait deux outils à disposition : d'un côté, les allocations, les redistributions, les services que nous pouvons offrir à la population, ou à certains groupes de la population ; de l'autre côté, la prudence dans les prélèvements, pour ne pas mettre certaines personnes en difficulté. Ce problème a été évoqué pour la première fois et il valait la peine de l'expliciter ; en l'occurrence, nous y répondons et nous y répondons bien.

De manière générale et sur un plan plus théorique, il est vrai qu'en passant au rabais ou crédit d'impôt nous limitons les effets des déductions, à savoir que la courbe garde sa progressivité. Celle-ci n'est pas réduite par un flot de déductions dont Mme Calmy-Rey a fort bien rappelé les effets, tels qu'ils ont été étudiés par la commission d'évaluation des politiques publiques, mais tels qu'ils ont aussi été étudiés, de façon plus globale et plus scientifique sans doute, dans le canton du Tessin.

Nous nous retrouvons donc avec une bonne loi, compte tenu des contraintes existantes. Contraintes de l'harmonisation au niveau fédéral, dont nous nous réjouissons par ailleurs. Contraintes aussi du fait qu'il fallait maintenir une neutralité globale avec laquelle tout le monde était d'accord - on ne pouvait pas renverser brusquement le trend pour certaines catégories de contribuables et les charger trop lourdement - et qu'en même temps on souhaitait faire des efforts pour des populations particulières. Moi qui ne suis pas un grand ami des technocrates, je dois reconnaître que dans ce cas-là l'aide des techniciens nous a été indispensable, parce que sans ces stimulations nous ne pouvions rien faire de bon. Bien sûr, comme M. Brunschwig, je me réjouis de voir si elles sont justes, mais a priori j'ai l'impression que ces simulations sont correctes ; je parle ici plus du niveau individuel que du niveau global de l'impôt, dont je crains qu'on ait quelque peine à le discerner, puisque d'autres mouvements que ceux de la loi fiscale influencent le volume global des recettes.

Cela pour dire que nous sommes heureux qu'un consensus s'établisse là-dessus. Aujourd'hui plus qu'hier, nous pouvons nous targuer d'avoir la fiscalité la plus équitable de Suisse. En revanche, je crois qu'à l'avenir nous devrions être plus attentifs aux mutations sociales, de sorte à prendre moins de temps, à une autre occasion, pour réagir aux transformations de la société et pour engager une action ciblée en faveur des groupes les plus démunis.

J'ajouterai enfin, et je le répéterai toujours, que la fonction redistributrice de l'Etat, aussi nécessaire et indispensable soit-elle, ne pourra jamais entièrement remplacer la fonction redistributrice de l'entreprise. Tant qu'une partie aussi forte des revenus des entreprises passeront aux mains des actionnaires, au détriment des gens qui travaillent dans ces entreprises, le fisc continuera à être une sorte de tonneau des Danaïdes. Je me réjouis que la conjoncture économique paraisse favorable pour certains groupes de salariés, parce que manifestement il serait préférable que l'entreprise joue son rôle et que l'Etat n'ait qu'un rôle complémentaire à jouer, ceci non seulement par esprit de justice, mais aussi pour un minimum de stabilité du système dans son ensemble et donc du point de vue de l'intérêt général.

M. Bernard Clerc (AdG). Tout à l'heure, M. Krebs a dit quelque chose de tout à fait juste, à savoir que tous les contribuables avaient des soucis financiers. Mais évidemment, ce sont des soucis qui ne sont pas de même nature, selon que l'on a de petits ou moyens revenus et de la difficulté à payer ses impôts, ou que l'on a de très hauts revenus et que le souci principal est de minimiser la charge fiscale, d'engager des experts fiscaux pour savoir comment payer le moins d'impôts possible. Voilà deux types de soucis très différents !

La révision de la loi fiscale est une longue histoire puisque le premier projet de loi a été déposé en 1996. En fait, cette révision est motivée par l'adaptation au droit fédéral et, comme cela a déjà été dit, l'alignement pur et simple sur le droit fédéral aurait conduit à des hausses d'impôts importantes pour les retraités et pour les familles. Le résultat qui nous est présenté aujourd'hui, s'il n'est pas, disons, enthousiasmant, peut être qualifié de satisfaisant.

Laissez-moi tout d'abord relever deux points négatifs, de notre point de vue. Tout d'abord, le fait que nous n'ayons pas pu introduire l'imposition séparée des conjoints, puisque le droit fédéral ne nous y autorise pas, alors que cela nous semble une direction dans laquelle nous devons aller. Il faut espérer que les discussions qui ont lieu au niveau fédéral nous permettront bientôt d'entrer en matière sur cette imposition séparée. Deuxième point négatif : on parle de neutralité fiscale, mais cette neutralité fiscale est quand même relative puisqu'on prévoit 16 millions de recettes en moins d'après les projections. Nous convenons qu'il n'est pas évident d'arriver à zéro, compte tenu de tous les paramètres, mais il faut quand même relever cette diminution de 16 millions, qui interviendra après les précédentes diminutions de recettes fiscales, soit les 300 millions de diminution des impôts, et par rapport aux autres projets de réduction des impôts qui sont en cours, que ce soit l'impôt sur les successions, voire l'impôt sur les personnes morales.

Parmi les points positifs, il y a évidemment l'introduction du rabais d'impôt, qui permet, contrairement au système actuel des déductions, une déduction constante, quel que soit le revenu imposable. Il y a ensuite l'introduction d'une déduction pour frais de garde pour les familles monoparentales, qui est une vieille revendication des familles monoparentales, comme l'a relevé M. Hiler, ainsi qu'une prise en compte d'une partie des frais de garde pour les couples mariés dans le rabais d'impôt, ce qui est favorable à l'indépendance économique des femmes.

Le quatrième point positif est la non-imposition des prestations complémentaires cantonales aux retraités et aux invalides. Le cinquième point, la correction des barèmes d'imposition, qui conduit à une légère baisse des impôts pour les contribuables disposant d'un revenu brut de 80 000 F lorsqu'il s'agit de contribuables seuls, ou de 140 000 F, lorsqu'il s'agit de contribuables mariés. Enfin, l'imposition fiscale, on ne l'a peut-être pas assez relevé soir, avec le système postnumerando, correspondra enfin à l'année de réalisation des revenus, ce qui, tout le monde l'admet, est beaucoup plus proche de la réalité économique des individus.

Voilà les principales raisons qui nous conduisent aujourd'hui à voter ce projet de loi.

Pour terminer, on a beaucoup parlé ce soir de la fiscalité directe comme moyen de redistribution des revenus. A cet égard, il faut bien dire que cette redistribution est relative et qu'au niveau économique, pas seulement dans notre pays, mais de manière générale, à travers le processus de libéralisation économique, nous assistons fondamentalement aujourd'hui à une redistribution à l'envers des revenus et que de plus en plus de revenus sont concentrés dans les mains d'un nombre restreint d'individus. De ce point de vue, nous souhaitons évidemment, en priorité, favoriser la fiscalité directe et dans ce sens, ce soir, nous pouvons estimer aller vers une tentative de «justice fiscale». Mais il faut bien voir aussi que les tendances dominantes aujourd'hui ne vont pas dans cette direction, y compris dans notre pays. L'histoire de la fiscalité de ces vingt dernières années montre que se développe la fiscalité indirecte, qui fait que le riche et le pauvre paient le même impôt, au niveau de la consommation par exemple, avec la TVA, alors que la fiscalité directe est le seul moyen dont nous disposons pour essayer d'aller vers un tout petit peu plus de justice fiscale.

Le président. La parole n'est plus demandée. Nous passons au vote de chaque projet.

PL 8152-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 7.

Art. 8

Le président. Nous sommes saisis d'amendements présentés par Mme Grobet-Wellner, conformément à la note qui vous a été distribuée. Le premier amendement consiste à ne conserver, à l'aliéna 1, que la phrase suivante :

«1Chaque époux est considéré comme un contribuable.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Le second amendement consiste à créer un nouvel alinéa 2, en reprenant une partie du texte de l'alinéa 1 et en le complétant, je cite :

«2Le revenu et la fortune des époux vivant en ménage commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial. De même, leurs droits aux déductions et aux montants déterminants pour le calcul du rabais d'impôt sont cumulés, quels que soient leurs revenu et fortune respectifs.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Les alinéas 2 et 3 du projet deviennent ainsi les alinéas 3 et 4.

Mis aux voix, l'article 8 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 à 18 (souligné).

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

décrète ce qui suit :

Art. 1

Le canton perçoit un impôt sur le revenu et un impôt sur la fortune des personnes physiques.

Art. 2 Rattachement personnel

1 Les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison de leur rattachement personnel lorsqu'elles sont domiciliées ou séjournent dans le canton.

2 Une personne a son domicile dans le canton lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement, ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral.

3 Une personne séjourne dans le canton lorsque, sans interruption notable:

4 La personne qui, ayant conservé son domicile hors du canton, réside dans le canton uniquement pour y fréquenter un établissement d'instruction, pour se faire soigner dans un établissement ou pour purger une peine de détention, ne s'y trouve ni domiciliée, ni en séjour.

5 Les personnes physiques domiciliées à l'étranger, qui y sont exonérées totalement ou partiellement des impôts sur le revenu et sur la fortune à raison de leur activité pour le compte de la Confédération ou d'autres corporations ou établissements de droit public suisses, sont assujetties à l'impôt dans leur commune d'origine à raison de leur rattachement personnel. Lorsque le contribuable possède plusieurs droits de cité, il est assujetti à l'impôt dans la commune dont il a acquis le droit de cité en dernier lieu. Si le contribuable n'a pas la nationalité suisse, il est assujetti à l'impôt au domicile ou au siège de son employeur. L'assujettissement s'étend également au conjoint et aux enfants au sens de l'article 8.

Art. 3 Rattachement économique

1 Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées, ni en séjour dans le canton sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsque :

2 Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées, ni en séjour en Suisse sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsque :

3 On entend par établissement stable, toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité d'une entreprise, d'une personne exerçant une activité lucrative indépendante ou une profession libérale. Sont notamment considérés comme établissements stables, les succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d'exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage ouverts pendant douze mois au moins.

Art. 4 Relation avec l'impôt à la source

Demeure réservée la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994.

Art. 5 Etendue de l'assujettissement

1 L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés hors du canton.

2 L'assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité aux parties du revenu et de la fortune, ainsi qu'aux gains immobiliers qui sont imposables dans le canton.

3 L'étendue de l'assujettissement pour une entreprise, un établissement stable ou un immeuble est définie, dans les relations intercantonales et internationales, conformément aux règles du droit fédéral concernant l'interdiction de la double imposition.

4 Si une entreprise ayant son siège ou son administration effective dans le canton compense, sur la base du droit interne, les pertes subies à l'étranger par un établissement stable avec des revenus obtenus dans le canton et que cet établissement stable enregistre des bénéfices au cours des sept années qui suivent, le département doit procéder à une révision de la taxation initiale, à concurrence du montant des bénéfices compensés auprès de l'établissement stable; dans ce cas, la perte subie par l'établissement stable à l'étranger ne devra être prise en considération, a posteriori, que pour déterminer le taux de l'impôt dans le canton. Dans toutes les autres hypothèses, les pertes subies à l'étranger ne doivent être prises en considération dans le canton que lors de la détermination du taux de l'impôt.

5 Les personnes imposables conformément à l'article 2, alinéa 5, doivent l'impôt sur leurs revenus et leur fortune qui sont exonérés à l'étranger en vertu de conventions internationales ou de l'usage.

Art. 6 Taux de l'impôt

1 Pour les personnes qui ne sont imposables dans le canton que sur une partie de leur revenu ou de leur fortune, le taux de l'impôt doit être celui qui serait applicable au revenu total ou à la fortune totale du contribuable.

2 Toutefois, les contribuables domiciliés à l'étranger qui sont imposables en raison d'une entreprise, d'un établissement stable ou d'un immeuble sis dans le canton sont imposables à des taux correspondant au moins au revenu acquis dans le canton et à la fortune qui y est située.

Art. 7 Début, fin et modification de l'assujettissement

1 L'assujettissement débute le jour où le contribuable prend domicile dans le canton ou y commence son séjour au sens de l'article 2 ou encore le jour où il y acquiert un élément imposable au sens de l'article 3.

2 L'assujettissement prend fin le jour du décès du contribuable, de son départ pour l'étranger ou le jour de la disparition de l'élément imposable dans le canton.

3 En cas de changement de domicile au regard du droit fiscal à l'intérieur de la Suisse, le début et la fin de l'assujettissement sont régis par la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes.

Art. 8 Epoux; enfants sous autorité parentale

1 Chaque époux est considéré comme un contribuable.

2 Le revenu et la fortune des époux vivant en ménage commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial. De même, leurs droits aux déductions et aux montants déterminants pour le calcul du rabais d'impôt sont cumulés, quels que soient leurs revenu et fortune respectifs.

3 L'enfant mineur, au sens du code civil, est astreint personnellement à l'impôt sur le revenu provenant de son activité lucrative.

4 Les autres revenus et la fortune de l'enfant mineur sont ajoutés, pour la taxation et la perception des impôts, aux revenus et à la fortune du ou des parents qui en ont l'autorité parentale et la garde.

Art. 9 Hoiries et sociétés de personnes

Les hoiries, les sociétés simples, les sociétés en nom collectif et en commandite et autres sociétés n'ayant pas la personnalité juridique ne sont pas imposées comme telles; chacun des hoirs, associés, commanditaires et participants paie les impôts sur la part de capital et de revenu à laquelle il a droit dans ces hoiries et ces sociétés.

Art. 10 Sociétés commerciales étrangères et autres communautés de personnes sans personnalité juridique

Les sociétés commerciales étrangères et autres communautés étrangères de personnes sans personnalité juridique qui sont assujetties à l'impôt en raison d'un rattachement économique sont imposables conformément aux dispositions applicables aux personnes morales.

Art. 11 Succession fiscale

1 Les héritiers d'un contribuable défunt lui succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils répondent solidairement des impôts dus par le défunt jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie.

2 Le conjoint survivant est responsable jusqu'à concurrence de sa part héréditaire et, s'il reçoit, du fait de son régime matrimonial, une part du bénéfice ou de la communauté supérieure à sa part légale selon le droit suisse, jusqu'à concurrence de ce montant supplémentaire.

Art. 12 Responsabilité des époux et responsabilité solidaire

1 Chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total. Les époux sont en revanche solidairement responsables de la part de l'impôt total qui frappe le revenu et la fortune des enfants.

2 Sont solidairement responsables avec le ou les contribuables:

3 L'administrateur d'une succession et l'exécuteur testamentaire répondent solidairement avec les successeurs fiscaux du défunt des impôts dus par celui-ci, jusqu'à concurrence du montant qui doit être affecté au paiement de l'impôt selon l'état de la succession au jour du décès. Dans la mesure où l'administration fiscale ne peut prouver aucune faute à leur encontre, ils sont libérés de toute responsabilité.

Art. 13 Présomption de propriété des immeubles

La personne inscrite comme propriétaire d'un immeuble au registre foncier est responsable des impôts afférents à l'immeuble, respectivement solidairement responsable des impôts perçus auprès de l'usufruitier.

Art. 14 Imposition d'après la dépense

1 Les personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse, sans y exercer d'activité lucrative, ont le droit, jusqu'à la fin de la période de taxation en cours, de payer un impôt sur la dépense, au lieu des impôts sur le revenu et la fortune.

2 Lorsque ces personnes ne sont pas des ressortissants suisses, le droit de payer l'impôt calculé sur la dépense peut être accordé au-delà de cette limite.

3 L'impôt est calculé sur la base de la dépense du contribuable et de sa famille et il est perçu d'après le barème de l'impôt ordinaire. Il ne doit toutefois pas être inférieur aux impôts calculés d'après le barème ordinaire sur l'ensemble des éléments bruts suivants:

4 Le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à la perception de l'impôt sur la dépense. Il peut arrêter des bases d'imposition et un mode de calcul de l'impôt dérogeant au 3ème alinéa, si cela est nécessaire pour permettre aux contribuables mentionnés aux alinéas 1 et 2 d'obtenir le dégrèvement des impôts d'un Etat étranger avec lequel la Suisse a conclu une convention en vue d'éviter les doubles impositions.

Art. 15 Allégements fiscaux

1 Des allégements fiscaux peuvent, après consultation des communes concernées, être accordés à des entreprises nouvellement créées, afin de faciliter leur installation et leur développement s'ils sont dans l'intérêt de l'économie du canton; ces allégements ne peuvent aller au-delà d'une période de dix ans. La modification importante de l'activité de l'entreprise peut être assimilée à une fondation nouvelle.

Le Conseil d'Etat statue sur toute demande d'allégements fiscaux dans un délai de 60 jours à compter de la date d'enregistrement de la demande.

Lorsque des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires à l'instruction de la requête sont sollicités, ce délai est suspendu jusqu'à réception des documents.

2 Si l'entreprise transfère son siège ou une partie prépondérante de son activité hors du canton pendant la durée des allégements ou dans les cinq années qui suivent celle où ils cessent de déployer leurs effets, le montant des impôts qui auraient été perçus sans allégement est exigible en totalité.

3 Les communes concernées sont informées des allégements fiscaux accordés. Le Conseil d'Etat présente un rapport annuel au Grand Conseil, dans le cadre du compte rendu, sur sa politique en matière d'allégements fiscaux.

Art. 16 Exemptions

1 Sont exonérés des impôts sur le revenu et la fortune, dans la mesure où le prévoient les conventions, accords et arrangements avec les organisations internationales publiques:

2 Sont également exonérés les consuls de nationalité étrangère au bénéfice de l'exequatur de Conseil fédéral et les fonctionnaires consulaires de carrière, de nationalité étrangère, nommés par leur gouvernement et qui ont leur poste en Suisse.

3 Cette exonération ne s'étend pas aux personnes, leur conjoint ou leurs enfants mineurs qui remplissent les conditions d'assujettissement prévues à l'article 3.

4 En cas d'assujettissement partiel, l'article 6, alinéa 1, est applicable.

Art. 17  Entrée en vigueur

1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

2 L'article 12, alinéa 1, entre en vigueur le 1er janvier 2004.

Art. 18  Modifications à une autre loi (D 3 05)

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 2 (abrogé)

Art. 3, 3A, 4, 4A, 4B, 5 (abrogés)

Art. 6, 7, 8, 9 (abrogés)

Art. 10, al. 8  (abrogé dès le 1er janvier 2004)

Art. 11 (abrogé)

Art. 13 (abrogé)

Art. 14 et 14A (abrogés)

Art. 15 (abrogé)

PL 8154-A

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8154)

sur l'imposition des personnes physiques (LIPP - III) - Impôt sur la fortune (D 3 14)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

vu la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990,

décrète ce qui suit :

Art. 1 Fortune imposable; en général

L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales.

Art. 2 Fortune imposable

Sont notamment soumis à l'impôt sur la fortune:

Art. 3 Fortune soumise à un usufruit

La fortune grevée d'usufruit est imposable auprès de l'usufruitier.

Art. 4 Règles d'évaluation

1 L'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû.

2 La fortune est estimée, en général, à la valeur vénale.

3 Les biens immatériels et la fortune mobilière (à l'exception des papiers-valeurs) qui font partie de la fortune commerciale du contribuable sont estimés à la valeur déterminante pour l'impôt sur le revenu.

4 Les marchandises sont évaluées à leur coût de revient ou à leur valeur marchande si celle-ci est inférieure au coût de revient.

Art. 5 Fortune mobilière

1 Les titres cotés en bourse sont évalués au cours moyen de décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû.

2 Les actions, parts sociales des sociétés coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse sont évalués en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque.

3 Les titres de sociétés immobilières sont évalués uniquement d'après la valeur intrinsèque des sociétés en prenant en considération l'estimation fiscale des bien-fonds. Pour les immeubles locatifs propriété d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, l'état locatif doit correspondre au loyer qui serait exigé d'un tiers non actionnaire compte tenu des charges qu'il supporte personnellement.

4 Les créances non cotées en bourse, y compris celles qui sont incorporées dans les titres tels que cédules, obligations, bons de caisse, sont estimées à leur valeur nominale. Toutefois, dans l'estimation de ces créances, si elles sont litigieuses ou douteuses, il est tenu compte du degré de probabilité de leur recouvrement.

Art. 6 Rentes viagères : taux de capitalisation

Les rentes viagères touchées par le contribuable en contrepartie d'un versement en capital sont capitalisées d'après l'échelle établie par le Conseil d'Etat.

Art. 7 Immeubles; I. Principe d'estimation; II. Expertises

L'évaluation des immeubles situés dans le canton est faite d'après les principes suivants:

Art. 8 III. Déclarations de nouvelles constructions

1 Tout propriétaire qui fait construire un bâtiment nouveau ou qui, par des travaux quelconques, augmente la valeur d'un bâtiment ou d'une propriété, est tenu de faire au département, dans les 12 mois qui suivent l'achèvement de la construction ou des travaux, une déclaration indiquant la nature, l'importance et la valeur des modifications ou des nouvelles constructions.

2 Le coût de ces constructions et travaux est intégré à la valeur fiscale.

Art. 9 IV. Procédure d'estimation

1 L'évaluation des immeubles locatifs est faite par le contribuable lui-même, dans sa déclaration pour l'impôt.

2 L'évaluation des autres immeubles est faite par des commissions d'experts et vaut pour une période de dix ans appelée période décennale.

3 Lorsque, pendant cette période, un immeuble est aliéné à titre onéreux ou à titre gratuit, ou dévolu pour cause de mort, la valeur d'aliénation ou la valeur de succession retenue par le département pour la perception des droits d'enregistrement et de succession se substitue à la valeur d'estimation pour le reste de la période décennale.

4 Pour le reste de la période décennale, l'adaptation de la valeur d'estimation selon l'alinéa 3 est suspendue:

6 Pendant la période décennale, les nouvelles constructions peuvent être évaluées par experts, tant à la demande du propriétaire qu'à celle du département.

Art. 10

Dans tous les cas où l'estimation est faite sur la base d'une transaction à titre onéreux ou à titre gratuit, le département a le droit de faire procéder à une expertise contradictoire, si la valeur annoncée ne lui paraît pas représenter la valeur réelle de l'immeuble.

Art. 11 V. Notification de l'estimation

En cas d'estimation par experts, le département doit notifier la décision à chaque intéressé, par lettre recommandée. Cette lettre indique le montant de la nouvelle estimation et mentionne qu'une réclamation peut être adressée par écrit au département dans un délai de 30 jours à compter de sa réception.

Art. 12 Exonérations

Ne sont pas soumis à l'impôt sur la fortune:

Art. 13 Déduction des dettes; cautionnement

1 Sont déduites de la fortune brute:

2 Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable. Les cautionnements ne peuvent être déduits qu'en cas d'insolvabilité constatée du débiteur principal.

3 Les cautionnements donnés par plusieurs personnes solvables ne peuvent être déduits que pour la part qui incombe au contribuable.

Art. 14 Répartition du passif

Les personnes qui, outre les biens soumis à l'impôt dans le canton, possèdent hors du canton des biens non soumis à l'impôt cantonal, ne peuvent déduire de l'actif imposable dans le canton qu'une partie du passif proportionnelle à l'actif soumis à l'impôt cantonal par rapport à l'actif total.

Art. 15 Déductions sociales

1 De l'ensemble de la fortune nette déclarée par les contribuables assujettis à l'impôt dans le canton, le département déduit:

2 Pour les contribuables qui, indépendamment des biens soumis à l'impôt dans le canton, possèdent hors du canton des biens non soumis à l'impôt cantonal, le département répartit ces déductions proportionnellement à l'actif soumis à l'impôt cantonal par rapport à l'actif total.

3 Pour l'indexation des déductions sociales, les dispositions qui traitent de l'impôt sur le revenu des personnes physiques s'appliquent par analogie.

Art. 16 Taux de l'impôt sur la fortune

1 La fortune de chaque contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé est divisée en tranches taxées conformément au tableau suivant. Il en est de même de la fortune des époux vivant en ménage commun.

2 La fortune de chaque contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé est en outre divisée en tranches soumises à un impôt supplémentaire, conformément au tableau suivant. Il en est de même de la fortune des époux vivant en ménage commun.

Il n'est perçu aucun centime additionnel sur cet impôt supplémentaire sur la fortune.

3 Pour l'indexation des barèmes figurant dans le présent article, les dispositions qui traitent de l'impôt sur le revenu des personnes physiques s'appliquent par analogie.

Art. 17 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

Art. 18 Modification à une autre loi

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887 (D 3 05), est modifiée comme suit :

Art. 34 à 42  (abrogés)

Art. 43, alinéas 1 et 2  (abrogés)

Art. 44 à 51A  (abrogés)

Art. 53 à 56  (abrogés)

Art. 58  (abrogé)

PL 8178-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 9.

Art. 10

M. Bernard Clerc (AdG). Je voudrais obtenir une précision concernant les subsides provenant de fonds publics ou privés. Lors du travail en commission, les choses étaient précises : nous avons reçu une liste des subsides qui seraient considérés comme revenu exonéré et de ceux qui ne le seraient pas. En revanche, dans le rapport de la commission à la page 16, sous le commentaire de l'article 10, il y a une formulation un peu ambiguë, qui laisse entendre que toutes les prestations de l'Hospice général sont imposables. Je voudrais donc simplement avoir une précision de la part de Mme Calmy-Rey à ce sujet. L'Hospice général verse deux types de prestations : d'une part, le revenu minimum pour les chômeurs en fin de droits, qui est un droit et qui de ce fait est imposable, et d'autre part les prestations d'assistance, qui sont une dette d'assistance et qui ne sont pas imposables. En commission, nous étions très au clair sur le fait qu'il n'y aurait pas de changement de ce point de vue là dans la LIPP, mais j'aimerais une confirmation pour que le commentaire de la page 16 ne crée pas d'éventuelles difficultés.

Mme Micheline Calmy-Rey. La loi sur l'imposition des personnes physiques s'écarte de la théorie des sources au profit de la théorie de l'accroissement du patrimoine, à savoir : tous les revenus sont imposables, ce qui implique quelques différences par rapport à la loi sur les contributions publiques actuelle. Je reconnais qu'effectivement le commentaire figurant à la page 16 du rapport, sous article 10, est peu clair. Pour ce qui concerne le RMCAS, il est aujourd'hui imposable et il restera imposable. Pour ce qui concerne les prestations d'assistance, elles sont exonérées et resteront exonérées dans le régime de la LIPP. Encore une précision : en ce qui concerne les prestations complémentaires cantonales, on s'écarte du régime actuel, puisque ces prestations seront, avec la nouvelle loi, exonérées, tout comme les prestations complémentaires fédérales.

Mis aux voix, l'article 10 est adopté, de même que les articles 11 à 13 (souligné).

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8178)

sur l'imposition des personnes physiques - (LIPP IV) - Impôt sur le revenu (revenu imposable) (D 3 13)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

vu la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990,

décrète ce qui suit :

Art. 1 En général

L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions.

Art. 2 Produit de l'activité lucrative dépendante

Sont imposables tous les revenus et autres avantages appréciables en argent provenant d'une activité exercée dans le cadre d'un rapport de travail.

Art. 3 Produit de l'activité lucrative indépendante; I. Principe

1 Sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante. Sont également considérées comme une activité lucrative indépendante, les opérations portant sur des éléments de la fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune.

2 Les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation, de la réévaluation comptable ou du transfert dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l'étranger d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante.

3 La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'activité indépendante; il en va de même pour les participations d'au moins 20 pour cent au capital-actions ou au capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative, dans la mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale, au moment de leur acquisition.

4 La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales. Les dispositions de la loi sur l'imposition des personnes physiques, relatives aux frais et dépenses non déductibles, demeurent réservées.

5 Les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles et sylvicoles sont soumis à l'impôt sur le revenu pour la part du gain représentée par la différence entre la valeur totale des biens avant amortissements et leur valeur comptable lors de l'aliénation. Le bénéfice constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur totale des investissements est, quant à lui, assujetti à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.

Art. 4 II. Transformations, concentrations, scissions

1 Les réserves latentes d'une entreprise de personnes (raison individuelle, société de personnes) ne sont pas imposées aussi longtemps que dure l'assujettissement à l'impôt en Suisse, qu'il n'y a pas de réévaluation comptable et que les éléments commerciaux sont repris à leur dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le revenu:

2 En cas de transformation en une personne morale, les réserves latentes sont imposées, lorsque les participations sont aliénées avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la transformation.

3 L'imposition des réévaluations comptables et des prestations complémentaires est réservée.

4 Les alinéas 1 et 2 s'appliquent par analogie aux entreprises exploitées en main commune.

Art. 5 III. Remploi

Lorsque des biens immobilisés, nécessaires à l'exploitation, sont remplacés, les réserves latentes inhérentes à ces biens peuvent être reportées, dans un délai raisonnable, sur des éléments acquis en remploi qui remplissent les mêmes fonctions; le report des réserves latentes sur des éléments de la fortune sis hors de Suisse est exclu.

Art. 6 Rendement de la fortune mobilière

Est imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier:

Art. 7 Rendement de la fortune immobilière

1 Le rendement de la fortune immobilière est imposable, en particulier:

2 La valeur locative est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étage occupés par leur propriétaire est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique sera pondéré par la durée d'occupation continue de l'immeuble conformément au barème applicable en matière d'évaluation des immeubles situés dans le canton; il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 pour cent des revenus bruts totaux. Ce taux d'effort est calculé sur les revenus bruts totaux mais au minimum sur le montant déterminant pour le calcul du rabais d'impôt. La valeur locative limitée à ce taux d'effort n'est toutefois prise en compte qu'à la condition que les intérêts sur le financement de l'immeuble ne soient pas supérieurs à son montant.

3 Pour les bâtiments d'habitation des exploitations agricoles, la valeur locative est calculée selon les normes fédérales en matière de valeur de rendement et de bail à ferme.

Art. 8 Prestations provenant de la prévoyance et d'assurances, autres revenus périodiques

1 Sont imposables toutes les prestations provenant de la prévoyance et d'assurances, sous réserve de l'article 6, lettre a.

2 Les revenus provenant de rentes viagères et les autres revenus périodiques provenant de contrats d'entretien viager sont imposables à raison de 40 pour cent.

3 L'article 10, lettres a et b, est réservé.

Art. 9 Autres revenus

Sont également imposables:

Art. 10 Revenus exonérés

Sont seuls exonérés de l'impôt:

Art. 11 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

Art. 12 Dispositions transitoires

a) Rentes et versements de capitaux provenant de la prévoyance professionnelle reçues en 2001

1 Les prestations en capital fondées sur un rapport de prévoyance professionnelle existant déjà au 31 décembre 1986 et qui deviennent exigibles en 2001 sont imposables à raison de 14/15 lorsque le contribuable a 60 ans révolus.

2 Les prestations périodiques provenant de la prévoyance professionnelle reçues jusqu'au 31 décembre 2001 ne sont imposables qu'à concurrence de:

b) Assurances de capitaux financées au moyen d'une prime unique conclues avant le 1er janvier 1999

3 Les rendements des assurances de capitaux susceptibles de rachat acquittées au moyen d'une prime unique, au sens de l'article 6, lettre a), et conclues avant le 1er janvier 1999 demeurent exonérés de l'impôt sur le revenu.

Art. 13 Modification à une autre loi (D 3 05)

La loi générale sur les contributions publiques , du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 16 (abrogé)

Art. 18 à 20 (abrogés)

Art. 21A  (abrogé)

Art. 24 à 29 (abrogés)

PL 8202-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 21 (souligné).

Annexe C - Article 19

Le président. Nous sommes saisis, au point 3 de l'annexe C, d'une nouvelle formule, qui vous a été distribuée et que la commission fiscale a approuvée lors de sa séance du 12 septembre. Soit le rapporteur, M. Krebs, soit la conseillère d'Etat, Mme Calmy-Rey, sont à votre entière disposition pour définir précisément le contenu de cette formule.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble. (Applaudissements.)

La loi est ainsi conçue :

Loi(8202)

sur l'imposition des personnes physiques (LIPP - V) - Détermination du revenu net - calcul de l'impôt et rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid (D 3 16)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

Art. 1 En règle générale

Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux articles 2 à 8.

Art. 2 Déductions de prévoyance

Sont déduits du revenu :

les versements dans un but de prévoyance et les revenus des capitaux d'épargne dans la mesure ci-après :

Art. 3 Déductions liées à l'exercice d'une activité lucrative

Sont déduits du revenu :

1 Les frais professionnels, soit notamment les frais de déplacement, les frais supplémentaires résultant des repas pris hors du domicile, les frais de vêtements spéciaux, fixés forfaitairement à 3 pour cent du revenu de chaque contribuable, correspondant au revenu brut après les déductions prévues à l'article 2, lettres a à c, à concurrence d'un montant minimum de 500 F et d'un maximum de 1'500 F.

2 Les frais de perfectionnement en rapport avec l'activité exercée et les frais de reconversion professionnelle, à concurrence de 5'000 F. Sont notamment considérés comme frais de reconversion, les études ou cours suivis par une mère ou un père de famille en vue de reprendre une activité professionnelle, après une interruption pour des raisons familiales .

3 Les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais :

Art. 4 Déductions de santé

Sont déduits du revenu :

1 Les primes de l'assurance-maladie et de l'assurance-accidents, au profit du contribuable et des personnes à sa charge ;

2 Les frais dûment justifiés provoqués par la maladie, les accidents ou l'invalidité du contribuable ou d'une personne à sa charge, pour la part supportée par le contribuable, au maximum jusqu'à :

Art. 5 Contribution d'entretien

Sont déduits du revenu :

la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

Art. 6 Déductions générales ou liées à la fortune

Sont déduits du revenu :

1 Les intérêts des dettes échus pendant la période déterminante à concurrence du rendement de la fortune augmenté de 50'000 F, à l'exclusion des intérêts des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique la touchant de près ou ayant une participation déterminante à son capital et dont les conditions diffèrent de façon importante des clauses habituellement convenues dans les relations d'affaires entre tiers ; dans ce cas, seule la part excédentaire n'est pas déductible. L'article 3, alinéa 3, lettre j, demeure réservé .

2 Les charges durables et 40 pour cent des rentes viagères versées par le débirentier .

3 Les frais effectifs d'administration de la fortune mobilière imposable, à concurrence d'un maximum de 5 pour cent du rendement de ladite fortune, ainsi que les impôts à la source étrangers qui ne peuvent être ni remboursés ni imputés .

4 Les frais nécessaires à l'entretien des immeubles privés que possède le contribuable, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers. Le département fédéral des finances détermine dans quelle mesure les investissements destinés à économiser l'énergie et à ménager l'environnement peuvent être assimilés aux frais d'entretien.

Pour son propre logement, le contribuable peut faire valoir une déduction forfaitaire au lieu du montant effectif de ces frais et primes. Le Conseil d'Etat arrête ces déductions forfaitaires.

5 Les frais occasionnés par des travaux de restauration de monuments historiques, que le contribuable entreprend en vertu de dispositions légales, en accord avec les autorités ou sur leur ordre, pour autant qu'ils ne soient pas subventionnés par ailleurs.

Art. 7 Déductions pour frais de garde

Les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait et qui tiennent ménage indépendant avec leurs enfants mineurs dont ils ont la garde peuvent déduire, du produit de leur travail, pour chaque enfant jusqu'à l'âge de 12 ans, les frais de garde effectifs et justifiés jusqu'à concurrence de 3'500 F par année, respectivement de 5'000 F par année si le revenu brut total ne dépasse pas 50'000 F.

Art. 8 Versements bénévoles

Sont déduits du revenu :

les versements bénévoles à des personnes morales qui ont leur siège en Suisse et sont exonérées de l'impôt en raison de leurs buts de service public ou de pure utilité publique, jusqu'à cinq pour cent du revenu net (avant déduction du don lui-même).

Art. 9 Frais et dépenses non déductibles

Ne peuvent pas être déduits les autres frais et dépenses, en particulier :

Art. 10 Structure de l'impôt

1 L'impôt total de base dû sur la totalité du revenu est égal à la somme de l'impôt dû sur chaque franc de ce revenu, après les déductions autorisées, moins le rabais d'impôt.

2 L'impôt dû sur chaque franc de revenu imposable est calculé en appliquant un taux d'imposition, appelé taux marginal, qui progresse de façon continue jusqu'à un taux d'imposition maximum.

3 Le taux effectif de l'impôt (appelé également taux réel ou taux moyen) s'obtient en divisant le montant total de l'impôt de base dû par le revenu imposable.

Art. 11 Taux de l'impôt, personne seule, barème A

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable du contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé, est déterminé par le barème A dont la formule mathématique figure à l'annexe A de la présente loi.

2 Le taux marginal minimum est de 0,22 pour cent.

3 Le taux marginal maximum est de 19 pour cent.

Art. 12 Taux de l'impôt, couple marié ménage indépendant, barème B

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable des époux vivant en ménage commun est déterminé par le barème B, dont la formule mathématique figure à l'annexe B de la présente loi.

2 Le taux marginal du barème B est lié au taux marginal du barème A. Il croît entre les valeurs limites du taux marginal du barème A.

3 Les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait et qui tiennent ménage indépendant avec leurs enfants mineurs ou majeurs qui constituent des charges de famille, au sens de l'article 14, alinéa 5, sont imposés selon le barème B.

Art. 13 Taux de l'impôt, cas spéciaux

Lorsque le contribuable n'est imposable dans le canton que sur une partie de son revenu en raison du statut dont il bénéficie ou dont son conjoint bénéficie en vertu de conventions ou accords sur les relations diplomatiques ou consulaires, ou accords de siège d'organisations internationales, les taux d'imposition applicables sont ceux du barème A.

Art. 14 Rabais d'impôt

1 Le rabais d'impôt, au sens de l'article 10, alinéa 1 se calcule par application des barèmes des articles 11 ou 12 aux montants déterminants suivants, au taux applicable à ces seuls montants:

2 Pour les contribuables mariés, célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait, remplissant les conditions exigées pour bénéficier d'une rente au sens de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 et de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, du 19 juin 1959, les montants déterminants sont augmentés de :

Dans tous les cas, ces montants additionnels sont limités au montant de la rente imposable.

3 En ce qui concerne les charges de famille, les montants déterminants, au sens de l'alinéa 1, sont les suivants :

Lorsqu'une personne est à charge de plusieurs contribuables, les montants déterminants sont répartis entre ceux-ci.

4 Pour les contribuables qui tiennent ménage avec un ou des enfants mineurs jusqu'à l'âge de 12 ans, qui constituent des charges de famille au sens de l'alinéa 5, les montants déterminants prévus à l'alinéa 1, lettres a et b, sont augmentés, à titre de frais de garde, de :

5 Constituent des charges de famille :

6 Le rabais d'impôt est toujours limité à l'impôt dû.

Art. 15 Publication des barèmes

Avant la fin de chaque année civile, le Conseil d'Etat publie, dans le règlement, la valeur de l'indice de renchérissement It mentionné à l'annexe C de la présente loi, les barèmes A et B de l'impôt sur le revenu (taux effectifs et impôts de base) pour des montants de revenu imposable jusqu'à un million de francs, ainsi qu'une illustration graphique des barèmes A et B (taux effectif et taux marginal).

Art. 16 Imputation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers

Lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, perçu en application des articles 80 à 87 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est imputé sur l'impôt sur le revenu ou remboursé pour la part qui en excède le montant.

Art. 17 Versement de capitaux remplaçant des prestations périodiques

Lorsque le revenu comprend des versements de capitaux remplaçant des prestations périodiques ou des versements en capital à la fin des rapports de service, l'impôt se calcule, compte tenu des autres revenus et des déductions autorisées, au taux qui serait applicable si une prestation annuelle était servie en lieu et place de l'indemnité unique.

Art. 18 Prestations en capital provenant de la prévoyance

1 Les prestations en capital provenant des institutions de prévoyance ainsi que les sommes versées ensuite de décès, de dommages corporels permanents ou d'atteinte durable à la santé sont imposées séparément. Elles sont dans tous les cas soumises à un impôt annuel entier.

2 L'impôt est calculé sur la base du taux représentant le cinquième du barème inscrit à l'article 11 (barème A). Pour déterminer ce taux, les diverses prestations telles que celles mentionnées à l'alinéa 1 sont additionnées.

Art. 19 Adaptation au renchérissement

1 Les barèmes fiscaux A et B sont adaptés, chaque année, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation.

2 Tous les quatre ans, le Conseil d'Etat adapte, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation, les montants prévus aux articles 2, lettre d , 3, lettre a , 4, alinéa 2 , 7 et 14.

3 Lorsque la situation économique générale l'exige ou la nature particulière du renchérissement le justifie ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat peut proposer, avec la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève, un projet de loi dérogeant au principe de l'indexation des barèmes, de l'ajustement des déductions et des montants déterminants pour le rabais d'impôt.

Art. 20 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

Art. 21 Modifications à d'autres lois

1La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887 (D 3 05), est modifiée comme suit :

Art. 21 (abrogé)

Art. 22 et 23 (abrogés)

Art. 30 et 30 B (abrogés)

Art. 31 à 31 C (abrogés)

Art. 32 à 32 C (abrogés)

Art. 33 à 33C (abrogés)

Art. 43, al. 3 (abrogé)

Art. 52 (abrogé)

Art. 57 (abrogé)

Art. 59 (abrogé)

Art. 88 à 91A (abrogés)

2La loi sur les mesures destinées à l'assainissement des finances de l'Etat, du 6 décembre 1996 (B 5 18) , est modifiée comme suit:

Art. 5 et 6 (abrogés )

3 La loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989 (C 1 20) , est modifiée comme suit:

Art. 21, al. 2 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la sous-note)

2 Lorsque l'étudiant a un ou plusieurs enfants à charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), la limite du revenu propre déterminant est augmentée de 7 460 F par enfant. Cette somme est répartie entre les deux parents lorsque la situation de l'un et de l'autre est régie par le présent article.

Art. 23, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Par revenu déterminant du couple, il faut entendre le revenu annuel brut, auquel s'ajoute la fortune nette après déduction d'une franchise de 30'000 F par année prévisible de formation. Le nombre des années prises en compte correspond au temps minimal requis pour l'accomplissement du programme de la formation considérée. Chaque enfant à charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), donne droit à une franchise supplémentaire de 30 000 F à déduire de la fortune.

Art. 24, al. 1 et 2 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note et de la sous-note)

1 Pour l'octroi d'une allocation complète, la limite du revenu déterminant d'un couple d'étudiants mariés est fixée à 20 760 F, montant augmenté de

7 460 F pour chaque enfant à charge au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid).

2 Pour l'octroi d'une allocation complète, la limite du revenu déterminant d'un couple, dont un seul conjoint est étudiant, est fixée à 30 970 F, montant augmenté de 7 460 F pour chaque enfant à charge au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid).

Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note)

1 Lorsqu'ils ont une ou plusieurs charges de famille, l'allocataire marié et l'allocataire indépendant qui remplit les conditions posées à l'article 21, alinéa 1, lettre d, peuvent présenter une demande motivée en vue d'une majoration ou en vue d'un prêt complémentaire à leur allocation. Ces prestations supplémentaires peuvent être accordées si les ressources indispensables à l'entretien de leurs enfants ou de tierces personnes à leur charge, au sens de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), sont insuffisantes en raison de circonstances indépendantes de leur volonté.

4 La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985 (C 2 05) , est modifiée comme suit:

Art. 100, lettre c (nouvelle teneur)

Art. 117, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)

5 La loi sur les estimations fiscales de certains immeubles, du 14 janvier 1993 (D 3 10) , est modifiée comme suit:

Art. 1 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

La durée de validité des estimations actuelles de la valeur fiscale des immeubles visés aux articles 7 et suivants de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) est prorogée pour une nouvelle période décennale; la valeur fiscale actuelle de ces immeubles est majorée de 20% et reconduite jusqu'au 31 décembre 2004, sans nouvelle estimation de la commission d'experts.

6 La loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994 (D 3 20) , est modifiée comme suit:

Art. 10, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le taux de l'impôt sur les prestations en capital correspond au 1/5 du taux du barème de l'article 5 (barème A) de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), y compris les centimes additionnels cantonaux et communaux calculés forfaitairement, sous réserve des dispositions transitoires prévues à l'article 12, alinéa 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur le revenu).

Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le taux de l'impôt sur les prestations en capital correspond au 1/5 du taux du barème de l'article 5 (barème A) de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid), y compris les centimes additionnels cantonaux et communaux calculés forfaitairement, sous réserve des dispositions transitoires prévues à l'article 12, alinéa 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur le revenu).

7 La loi sur les droits de succession, du 26 novembre 1960 (D 3 25) , est modifiée comme suit:

Art. 5, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Pour la personne qui, au moment de son décès était au bénéfice d'une imposition spéciale selon l'article 14 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Objet de l'impôt - assujettissement à l'impôt), l'activité qu'elle a pu avoir au sein d'une organisation internationale ayant conclu un accord de siège avec la Confédération suisse n'est pas considérée comme activité lucrative exercée en Suisse au sens de l'alinéa 2.

8 La loi sur le tourisme, du 24 juin 1993 (I 1 60) , est modifiée comme suit:

Art. 10, lettre a (nouvelle teneur)

9 La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977 (I 4 05) , est modifiée comme suit:

Art. 31 C, al. 1, lettre a (nouvelle teneur ; sans modification de l'intitulé de la note)

10 La loi destinée à assurer la construction de logements salubres et économiques, du 9 novembre 1946 (I 4 25) , est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Pour les immeubles bénéficiant de l'exonération totale ou partielle, les propriétaires restent soumis aux obligations de déclarations, justifications et contrôles institués par la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) et la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887.

11 La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 (J 2 25) ,est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

1 Sous déduction des dettes dûment justifiées, sont notamment considérés comme fortune de l'intéressé les éléments suivants, évalués conformément à la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune):

(Suite de l'alinéa, sans changement)

2 Les diminutions et les déductions prévues aux articles 7, lettre e et 15 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) ne sont pas applicables.

12 La loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997 (J 3 05) , est modifiée comme suit:

Art. 21, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Les lois sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune - détermination du revenu net - calcul de l'impôt - compensation des effets de la progression à froid) s'appliquent pour le surplus à l'interprétation de la présente disposition.

Art. 27, lettre a (nouvelle teneur)

13 La loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968 (J 7 15) est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

1 Sous déduction des dettes dûment justifiées, sont notamment considérés comme fortune de l'intéressé les éléments suivants, évalués conformément à la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune):

(Suite de l'alinéa, sans changement).

2 Les diminutions et les déductions prévues aux articles 7, lettre e et 15 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (Impôt sur la fortune) ne sont pas applicables.

Projet de loi D 3 16 (Annexes)

Annexe A (art. 11)

Formule du barème A

1 La formule pour le calcul des taux d'imposition marginaux du barème A comporte deux membres de forme identique dont l'un entre pour 64.7 pour cent et l'autre pour 35.3 pour cent dans la formule.

tA(R) = 64.7 % × t1(R) + 35.3 % × t2(R)

où t1(R) = tmin + (tmax -tmin) × [1 - (1 + R/Ct)-a1]

et t2(R) = tmin + (tmax -tmin) × [1 - (1 + R/Ct)-a2].

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tA(R) désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque franc du revenu imposable (taux marginal du barème A);

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

tmin le taux d'imposition minimum (en %);

tmax le taux d'imposition maximum (en %);

Ct un paramètre destiné à l'adaptation du barème A au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

a1 et a2 deux paramètres de progressivité (nombres purs).

3 Le taux croît entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres, commandant la courbe de progressivité du barème A:

tmin = 0,22 %

tmax = 19,00 %

a1 = 6500

a2 = 350,618

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème A donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour-cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500'000 F.

Annexe B (art. 12)

Formule du barème B

1 Le taux marginal du barème B est basé sur le taux marginal du barème A appliqué à la moitié du revenu imposable du contribuable marié. Ce taux est majoré en proportion de l'écart qui le sépare du taux marginal du barème A appliqué au revenu imposable total du contribuable marié. La proportion dans laquelle cet écart est pris en compte croît, entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres commandant la courbe de progressivité de cette proportion  :

tB(R) = tA(R/2) + q(R) × [tA(R) - tA(R/2)]

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tB(R) désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque franc du revenu imposable (taux marginal du barème B);

tA(R) le taux d'imposition marginal du barème A;

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

q(R) un facteur de pondération croissant en fonction du revenu, assurant la liaison du barème B avec le barème A, dont la valeur est comprise entre deux limites selon la formule suivante  :

q(R) = qmin + (qmax - qmin) × [1 - (1 + R/2Ct)-b1]b2

b1 et b2 désignent deux paramètres de progressivité du facteur de pondération q(R) (nombres purs);

Ct le paramètre technique utilisé dans la formule du barème A pour l'adaptation du barème au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

3 Les paramètres fixes de la formule figurant à l'alinéa 1 ont les valeurs suivantes:

qmin = 0

qmax = 1

b1 = 24 500

b2 = 100 000

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème B donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour-cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500'000 F.

Annexe C (art. 19)

Calcul de l'adaptation des barèmes au renchérissement

La formule pour le calcul de l'adaptation des barèmes A et B au renchérissement devrait être modifiée comme suit :

Ct = C0 x (It / I0).

 La valeur du paramètre Ctest arrondie à l'unité.

Les lettres et les symboles employés ont la signification suivante :

C0 est la valeur du paramètre d'adaptation des barèmes A et B au renchérissement pour l'année de référence;

It est un indice du renchérissement pour l'année t d'acquisition du revenu, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre de l'année t - 2 à août de l'année t - 1, arrondie à une décimale;

I0 est la valeur de l'indice de renchérissement pour l'année de référence, correspondant à la moyenne des indices genevois des prix à la consommation de septembre 1998 à août 1999.

L'année de référence est 2000. Pour cette année :

C0  = 54'824'290

I0  = 105,8

Le président. Nous passons au vote des objets qui sont, de fait, devenus obsolètes.

PL 5169-C

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

M 153-C

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

P 419-B, P 437-C, P 1130-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission (classement des pétitions) sont adoptées.

Mme Micheline Calmy-Rey. Je voudrais intervenir au sujet de la motion 352, qui avait été déposée par la commission fiscale en 1985 et qui demandait au Conseil d'Etat de faire rapport sur le système d'imposition des couples.

Cette motion est bien entendu devenue obsolète : il lui a été répondu par l'adoption des différentes lois sur l'imposition des personnes physiques. J'étais à l'époque rapporteuse de majorité de la commission fiscale et si vous considérez que j'ai qualité pour retirer cette motion, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter son retrait.

Le président. Nous prenons acte que la motion 352 sera retirée de la liste des objets en suspens.

PL 7913-A
7. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (faculté donnée aux communes d'accorder le droit de vote aux étrangers). ( -) PL7913
Mémorial 1998 : Projet, 6496. Renvoi en commission, 6525.
Rapport de majorité de M. Antonio Hodgers (Ve), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de première minorité de M. Jacques Béné (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de seconde minorité de M. Pierre Marti (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur: M. Antonio Hodgers

La Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie les 25 novembre 1998, 2 décembre 1998, 9 décembre 1998, 16 décembre 1998, 6 janvier 1999, 13 janvier 1999, 20 janvier 1999, 3 février 1999, 10 mars 1999, 14 avril 1999, 28 avril 1999, 12 mai 1999, 2 juin 1999, 29 septembre 1999, 16 juin 1999, 27 octobre 1999 et le 14 juin 2000, soit 17 séances, pour traiter du projet de loi 7913 déposé par le Conseil d'Etat en date du 5 octobre 1998. Les travaux se sont déroulés sous la présidence bienveillante de M. Pierre Vanek. M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, agriculture, environnement et énergie (DIAE) a participé à presque toutes ces séances. Dans leurs travaux, les commissaires ont été assistés par MM. Patrick Ascheri, chef du Service des votations et élections, et René Kronstein, directeur de l'Administration des communes, qu'ils soient remerciés pour leurs précieux conseils. Mes remerciements vont également à notre procès-verbaliste, Sandrine Baume, qui, en plus d'embellir notre austère salle de commission, a pris d'excellents procès-verbaux.

Table des matières

Préambule

I. La citoyenneté, l'intégration, l'étranger et ses droits

II. Le contexte politique

En Suisse

En Europe

L'Union européenne

Les nations d'Europe

3.  Dans le monde

b) Historique du débat à Genève

III. Travaux et débats de la commission

a) Les auditions

1. Les auditions d'information

Office cantonal de la population, 9 décembre 1998

Service des naturalisations, 16 décembre 1998

La déléguée aux affaires européennes, 6 janvier 1999

La Mission suisse auprès des organisations internationales, 13 janvier 1999

2. Les auditions d'opinion

MondialContact, Culture et Citoyenneté, 13 janvier 1999

Le Centre de contact Suisses-immigrés, 20 janvier 1999

L'Association J'y vis, J'y vote !, 3 février 1999

La Fondation pour l'intégration des immigrés (FINIM), 10 mars 1999

Compte-rendu du débat au Conseil municipal de Lancy, 20 mars 1997

La Communauté genevoise d'action syndicale, 28 avril 1999

L'Union des associations patronales genevoises, 12 mai 1999

b) Les débats politiques

Le débat de préconsultation

L'entrée en matière

La faculté accordée aux communes

Le droit d'éligibilité

Le critère de délai de séjour

Les droits des fonctionnaires internationaux

L'automaticité des droits

Le principe de réciprocité

Conditions précisées dans la Constitution

c) Quelques craintes… et leurs réponses !

« Ils n'ont qu'à se naturaliser… »

« Le vote des étrangers va profiter à la Gauche… »

« De toute façon, les étrangers ne veulent pas de droits politiques… »

d) Vote de la Commission

IV. Conclusion

V. Projet de loi

VI. Annexes

Préambule

S'il est un acte de l'actuel Conseil d'Etat qui fut courageux et original, mais dont on ne releva pas suffisamment l'importance, c'est bien le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle permettant indirectement aux étrangers d'obtenir des droits politiques en matière communale. En effet, le gouvernement fut unanime à décider de cette démarche et pas moins de trois de ses membres (MM. Ramseyer, Lamprecht et Cramer) prirent la peine de l'exposer au public par le biais d'une conférence de presse. Répondant ainsi à la demande des parlements des jeunes et des résolutions communales, relayées par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat démontra sa capacité d'écoute des entités municipales et, surtout, sa conviction que Genève se doit d'être une République ouverte sur l'Europe et le monde qui assume pleinement sa multiculturalité.

L'acte fut courageux, car le gouvernement n'ignore pas que l'acceptation d'une telle proposition par le peuple n'est pas gagnée d'avance. Nombreux furent les refus, parfois très catégoriques, que subit ce type de propositions dans notre canton ou ailleurs en Suisse. De plus, comme l'ont démontré les dernières élections fédérales, il est vrai que le contexte politique résultant de la situation économique et sociale tendue de ces dernières années n'est certainement pas le plus propice à accueillir une telle modification constitutionnelle. Malgré cela, considérant la demande de neuf communes

Vernier, Meyrin, Onex, Plan-les-Ouates, Bardonnex, Genève, Chancy, Versoix et Carouge.

Résultats au questionnaire soumis aux élus communaux et partis politiques, Service des votations et élections, 23.10.97, annexe 2.

Mesdames et Messieurs les députés, l'élargissement des droits politiques est un enjeu fondamental dans toute société démocratique, car ils sont un des ciments de celle-ci. Au fil des siècles, les Genevois ont refusé successivement, puis fini par accepter les droits politiques des catholiques, des pauvres et, enfin, des femmes. A chaque fois, les opposants avaient toutes sortes de bons arguments à faire valoir, mais finalement, une seule vérité s'est imposée : le droit de tout être humain à participer pleinement à la construction de la société dans laquelle il réside.

Le niveau d'élargissement des droits politiques de la population résidente est l'une des mesures du niveau de modernité des sociétés actuelles. Aujourd'hui, à l'aube d'un millénaire où les frontières nationales seront certainement appelées à s'effacer, nous sommes saisis de la possibilité de franchir une étape de plus. Ne la manquons pas.

I. La citoyenneté, l'intégration, l'étranger et ses droits

Une définition moderne de la notion de citoyenneté

Dans le nouvel ouvrage Pratiques citoyennes, distribué à tous les élèves du Cycle d'orientation en remplacement du traditionnel Mémento civique, la notion de citoyenneté est ainsi définie : « ensemble des moyens par lesquels chaque être humain, quel que soit son statut social et juridique, peut agir dans le sens qui lui convient, et avec les moyens de son choix, au sein de la société, pour la défendre ou la transformer, pour la soutenir telle qu'elle est ou pour la contester »

Pratiques citoyennes, De Cuolon P., Heimberg C., Thion F., Tschudi P.-A., Etat de Genève - DIP, Genève, 1999, p. 13.

La citoyenneté cesse d'être un état purement passif avec des droits potentiels (une qualité telle que la nationalité ou le droit de vote) mais devient un état actif (une activité telle que la participation à la vie publique). En ce sens, la citoyenneté n'existe que si on l'exerce. Dès lors, la pratique de la citoyenneté ne peut se réduire à l'exercice des droits politiques, même si ceux-ci en sont un élément important. Elle englobe toute une série d'activités beaucoup plus larges, comme l'engagement dans les domaines associatifs, le sport, la solidarité, la religion ou la culture.

L'étranger

Bien que dans le cadre du projet de loi qui nous occupe, l'étranger désigne clairement le résident non-possesseur d'un passeport suisse, il est intéressant d'élargir la réflexion du sens de ce mot au-delà du simple critère juridique.

La notion d'étranger fait appel à la notion d'altérité. Est étranger ce qui n'est pas nous, dans ce cas, Suisse. Au niveau communal, devrait être étranger celui qui n'est pas de la commune. Reste à définir celui qui est de la commune, lui appartenant, et celui qui ne l'est pas, l'étranger à la commune. Au niveau des droits politiques, les lois actuelles sont ainsi faites que ce n'est pas des critères de niveau communal qui déterminent ce seuil d'appartenance, mais un critère national : la nationalité. Ceux qui ont la nationalité suisse appartiennent politiquement à la commune et les autres pas. Dès lors, le cas suivant peut se produire (il se produit du reste souvent) : un ‘vrai étranger' à la commune, avec un passeport suisse, qui est installé depuis peu, fait partie de la vie politique de la municipalité, alors qu'un ‘vrai habitant' de la commune, sans passeport suisse, mais qui y est installé depuis plusieurs décennies, reste exclu des activités politiques locales. Cet état de fait, où le cercle de ceux qui font vivre la commune ne correspond pas à celui des bénéficiaires des droits politiques, crée à l'évidence un certain déficit démocratique.

La notion d'altérité nous pousse à nous interroger sur ce qu'est l'Autre, mais elle nous oblige aussi à définir le ‘nous', les Suisses. Toujours si l'on va plus loin qu'une simple réponse juridique qui définit le Suisse comme la personne qui en possède la nationalité, une série de questions peuvent être posées : peut-on réellement définir la culture suisse ? « Celle-ci n'est-elle pas un agglomérat de cultures partielles qui se combinent, se confrontent, et se négocient dans l'espace social, tout comme au sein même des individus ? »

Etrangers et droits politiques - L'exercice des droits politiques des étrangers dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, Cueni A., Fleury S., Commission nationale suisse pour l'UNESCO, Berne, 1994, pp. 33-34.

Finalement, au niveau communal, ce n'est pas le fait d'être étranger ou non à la municipalité qui permet de bénéficier de droits politiques. Ce n'est non plus pas le fait d'être très différent ou pas des habitants de la commune qui définit ces droits. En réalité, « c'est moins le fait d'être différent qui crée l'exclusion que la nature de cette différence. Les différentes sortes de différences sont organisées et hiérarchisées au sein d'une échelle d'acceptabilité et de légitimité des altérités »

Ibid. , p. 36.

L'intégration, un processus d'apprentissage partagé

Tous les partis s'entendent pour dire qu'il faut favoriser l'intégration et considèrent donc celle-ci comme un processus positif. Cependant, la définition du terme diffère sensiblement selon les opinions.

Avant tout, il convient de différencier l'intégration de l'assimilation. Cette dernière, longtemps appliquée en matière de naturalisation, implique, pour l'étranger, un rejet de ses racines et de son identité culturelle. Une telle politique entraîne une frustration certaine de la part de l'intéressé, mais, surtout, une perte pour la diversité de notre société. Pour sa part, dans le même sens mais d'une manière plus nuancée, l'intégration est souvent considérée comme un « effort raisonnable » que doit faire l'étranger pour s'insérer dans la communauté locale. De notre avis, une telle définition est incomplète, car un réel processus d'intégration implique un effort des deux parties : celle qui est accueillie (les étrangers) et celle qui accueille (les Suisses). L'intégration est donc « un processus d'apprentissage permanent qui engage et associe les ‘Etrangers' et la société de résidence »

Rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, MondialContact, CCSI, Genève, août 2000, p. 5.

Les droits politiques des étrangers comme instrument d'intégration

Les étrangers de Genève, privés actuellement de tout droit politique au sens strict, bénéficient d'une série d'autres droits fondamentaux qui leur permettent, quand ils s'en servent, de prétendre être des citoyens, selon la définition exposée ci-dessus. En effet, les étrangers possèdent la liberté d'expression complète (depuis peu, puisque le Parlement fédéral a abrogé une loi la limitant l'année passée), la liberté de réunion et d'association, la possibilité de faire des pétitions et d'être reçus par les autorités, de former des partis politiques d'étrangers, d'adhérer à un parti politique suisse et à un syndicat, ainsi que de prendre des charges ecclésiastiques. L'octroi par les Suisses des droits politiques aux étrangers est non seulement un moyen d'enrichir par la diversité la démocratie de leur pays, mais aussi un moyen d'intégration sociale, processus indispensable à la stabilité d'une société composée d'une immigration étrangère importante. Même si cette intégration peut être considérée dans une certaine mesure comme assez bonne en regard d'autres exemples en Europe, elle est loin d'être parfaite et des problèmes sociaux liés à cet état des choses existent. De fait, comme démontré plus haut, accorder des droits politiques aux étrangers est un instrument supplémentaire qui permet d'approfondir et de développer considérablement une meilleure entente entre les nationaux et les résidants étrangers.

Cette analyse est d'ailleurs la principale conclusion d'un travail de recherche édité par la Commission nationale suisse pour l'UNESCO sur les expériences existantes en matière de droits politiques des étrangers dans notre pays : « … le droit de vote communal des étrangers […], ainsi que son élargissement, peut jouer le rôle de détonateur dans l'émergence d'une meilleure entente réciproque entre Suisses et étrangers. Ces derniers, se sentant davantage respectés pour leur contribution à la cité, sont encouragés à s'y engager davantage, à plus s'identifier et à augmenter leur fidélité à la société suisse. Face aux comportements favorables des étrangers vis-à-vis de la société suisse, témoignant de leurs efforts d'intégration, les Suisses peuvent, en réponse, améliorer leurs perceptions et leurs interactions avec les étrangers. Ces derniers deviennent alors de moins en moins identifiés comme étrangers »

Ibid. , p. 102.

II. Le contexte politique

a) Les droits politiques des étrangers

1. En Suisse

Comme pour tout élargissement de droits politiques, la Suisse abrite un cimetière de tentatives d'octroi de droits politiques aux étrangers refusées, soit par le peuple, soit par le parlement. Néanmoins, quelques progrès significatifs et encourageants, notamment à Genève, sont à relever. Une annexe

Etat de la question des droits politiques des étrangers, Service des votations et élections, 23.05.97, annexe 3.

La population du canton de Neuchâtel a refusé d'accorder le droit d'éligibilité au niveau communal en 1990. Dans le canton de Vaud, une initiative populaire visant à accorder droit de vote et d'éligibilité a été rejetée en 1992 par 71,6 % de votants. A Genève, deux initiatives populaires de ce type (l'une donnant des droits complets au niveau cantonal et l'autre ne demandant que le droit de vote à ce même niveau) ont été refusées par 71,3 % des votants en 1993. Même chose pour le canton de Fribourg où 76,17 % des votants ont refusé l'initiative en 1997.

A Zurich, une initiative populaire permettant aux communes d'accorder des droits politiques sur leurs territoires a été largement (74,5 %) refusée en 1993 et une initiative parlementaire visant à accorder des droits politiques aux étrangers en matière scolaire a été rejetée en 1995. A Bâle-Ville, 73,75 % des votants ont refusé une initiative populaire demandant uniquement le droit de vote (et non l'éligibilité) en matière communale et cantonale. Le peuple d'Uri en fit de même (84 %) avec une initiative populaire demandant des droits complets communaux et cantonaux. Le canton de Berne a rejeté en 1994 une initiative populaire demandant des droits complets pour les étrangers au niveau cantonal (77,6 % de non) et son contre-projet du parlement demandant que les communes puissent accorder ces droits à leur niveau (60,5 % de non).

Dans le canton d'Argovie, en 1996, les citoyens ont rejeté à 84,55 % une initiative populaire demandant le droit de vote et d'éligibilité en matière communale. En Appenzell Rhodes-Extérieures, entre 1996 et 1998, deux communes ont refusé d'accorder des droits politiques aux étrangers établis sur leurs territoires. Dans le canton du Jura, une extension des droits politiques des étrangers (éligibilité dans les conseils généraux et exécutifs) votée par le parlement se fit attaquer en référendum. Elle fut finalement rejetée par 52,6 % des votants en 1996. Le canton de Soleure a refusé une initiative populaire visant à donner des droits politiques cantonaux aux étrangers en 1997.

Les parlements des cantons de Nidwald, Zoug, Bâle-Campagne, Saint-Gall, Argovie et Valais ont rejeté des motions demandant d'accorder des droits politiques aux étrangers.

Malgré ces échecs, trois cantons suisses offrent, directement ou indirectement, des droits politiques aux étrangers. Le cas le plus frappant est celui de Neuchâtel, puisque ce canton permet aux étrangers de voter en matière communale depuis 1849 ! Jusqu'en 1988, ils pouvaient même être élus à ce niveau. Le canton du Jura offre, depuis sa constitution, le droit de vote aux étrangers aux niveaux communal et cantonal, sauf en ce qui concerne la matière constitutionnelle. Il y a plus d'un an, le Parlement cantonal a donné la possibilité aux parlements municipaux d'introduire le droit d'éligibilité. Cette option a largement été plébiscitée par les populations de Delémont et de Porrentruy puisqu'en mars de cette année, elles ont accepté cette modification du règlement de leurs conseils généraux. Le dernier cas est celui d'Appenzell Rhodes-Extérieures qui, en 1995, par une révision totale de sa Constitution, a introduit la possibilité pour les communes d'accorder le droit de vote aux étrangers. Deux communes ont tenté sans succès d'introduire ces droits, mais tout récemment, la petite commune de Wald l'a accepté par 71 % de vote favorable. Cette commune entre ainsi dans l'histoire suisse puisqu'elle est la première entité administrative du pays à introduire des droits politiques pour les étrangers dans le cadre d'une votation populaire concernant uniquement ce sujet. De plus, il est aussi important de rappeler que plusieurs cantons offrent aux étrangers des droits politiques en matière ecclésiastique ou paroissiale et la possibilité d'être élus dans les tribunaux des prud'hommes, comme Genève récemment.

Le nombre d'échecs de ce type de proposition en votation populaire est souvent un argument de la minorité pour refuser le présent projet de loi. Certes, nous ne prétendons pas que c'est une proposition évidente pour le souverain genevois, mais plusieurs signes politiques positifs existent :

Après des refus tout le long du siècle, les Genevois ont fini il y a peu par accepter l'éligibilité des fonctionnaires.

Plus récemment, ils ont encore largement plébiscité une réforme de la loi concernant les juges prud'hommes permettant aux étrangers d'y être élus, alors qu'ils avaient refusé cette proposition six ans auparavant.

La série de résolutions envoyées au Conseil d'Etat par les communes, la plupart ayant une majorité de droite, est également un élément qui montre qu'une certaine maturité en la matière a été acquise par un grand nombre de Genevois.

Un peu partout en Suisse romande, malgré les échecs populaires, les autorités cantonales réfléchissent à octroyer ou élargir les droits politiques des étrangers. Dans le cadre de la révision complète de leurs constitutions, les cantons de Vaud et de Fribourg pensent introduire des droits politiques pour les étrangers au niveau communal. Dans le canton de Neuchâtel, des débats sont en cours afin que les étrangers puissent obtenir le droit de vote au niveau cantonal.

2. En Europe

L'Union européenne

Les commissaires ont pu bénéficier d'un exposé très complet en ce qui concerne les droits politiques pour les citoyens de l'Union européenne résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité par Mme Marie-Hélène Dubouloz, déléguée aux affaires européennes. Une note retraçant l'essentiel de cet exposé a été rédigée à cet effet

Point de la situation des droits politiques des résidents communautaires au sein de l'Union européenne, note de la Direction des affaires extérieures, 6.1.98, DEEE, annexe 4.

Avant d'entamer cette présentation, il convient de souligner que l'Europe est engagée dans un processus d'intégration approfondi et l'émergence d'une citoyenneté européenne complète est, à terme, l'objectif final. Dès lors, on ne parle pas de droits politiques des étrangers, car un pays membre ne considère plus les ressortissants d'un autre pays membre comme ‘étrangers', mais bien comme citoyens européens. Genève se trouve dans une autre approche : elle ne désire pas accorder des droits politiques aux étrangers par réciprocité de droits entre Etats dans le cadre de la construction d'une citoyenneté commune, mais pour répondre à une réalité migratoire qui lui est toute particulière et qu'elle doit gérer au mieux. Cependant, il est évident que l'exemple européen représente un intérêt évident pour nos travaux, car comme le projet genevois, il vise une meilleure intégration des résidants non-nationaux.

Le Traité de l'Union européenne prévoit à son article 8 B le droit pour les ressortissants d'un pays de l'Union de pouvoir, s'il réside dans un autre pays de l'Union, bénéficier des droits politiques complets au niveau communal. Les modalités d'application de cette loi sont transcrites dans la directive 94/80/CE du Conseil.

La directive ne cherche pas à harmoniser les systèmes électoraux des Etats membres, mais à introduire des règles de base afin que tous les ressortissants de l'Union aient les mêmes droits que les nationaux en matière de politique communale dans tous les pays membres. Chaque Etat membre garde néanmoins ses dispositions propres quant au système régissant cette politique. Le critère de durée de résidence pour obtenir des droits politiques est lié à la durée des mandats électoraux. Celle-ci ne peut dépasser la durée d'un mandat pour le droit de vote et le double pour le droit d'éligibilité. Comme pour les nationaux, les communautaires doivent s'inscrire sur le rôle électoral. Les Etats membres peuvent restreindre ces droits en ce qui concerne les exécutifs communaux (ce qui est le cas de la France), ainsi que dans l'éventualité que les ressortissants communautaires sur une commune forment plus de 20 % de sa population. La Belgique connaît un régime particulier, elle peut imposer une période minimale supplémentaire. Il faut encore noter que le double vote (dans sa commune d'origine et dans sa commune de résidence) n'est pas proscrit par la directive.

Actuellement, tous les Etats membres, sauf la Belgique, ont transposé la directive dans leurs droits nationaux. Les cas recensés depuis 1995 (Allemagne, Italie, Finlande, Royaume-Uni et Autriche), date de la première élection sur la base de la directive, montre que la participation des non-nationaux est bonne mais néanmoins en dessous des nationaux.

Il est évident que lorsque la Suisse adhérera à l'Union européenne, elle devra intégrer cette directive dans sa législation interne. C'est également pour cela que les députés de la majorité proposent une modalité de droits politiques pour les étrangers à Genève qui est compatible avec ces obligations futures.

Les nations d'Europe

En dehors de la disposition européenne précitée, plusieurs pays européens accordent, de manière nationale et hors du cadre de l'Union européenne, des droits politiques aux étrangers. Ici également, il est fait référence à la note du service des votations et élections

Etat de la question des droits politiques des étrangers, op. cit. , annexe 3.

http://www.europa.eu.int. Voir annexe 5 pour le tableau.

http://users.skynet.be/suffrage-universel/

La Suède, l'Italie, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, l'Irlande et Malte accordent de manière générale le droit de vote en matière communale aux étrangers établis depuis un certain temps, de six mois à cinq ans. L'Islande et la Grande-Bretagne (pour le Commonwealth) et le Portugal (pour ses anciennes colonies) le font également, mais seulement aux ressortissants de certains Etats. L'Espagne accorde des droits politiques aux ressortissants étrangers dont les Etats font de même (la réciprocité). La Slovénie accorde aux étrangers la possibilité de voter, mais pas d'être élu, pour le Conseil national représentant les catégories professionnelles. L'Assemblée nationale française est saisie d'une proposition de la majorité permettant aux étrangers non communautaires de participer politiquement aux élections municipales de 2001. La Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg débattent également de ce sujet au niveau national.

Depuis une décennie, la Suisse débat très fréquemment des droits politiques des étrangers. Son système politique décentralisé a pour conséquence de laisser aux cantons la responsabilité de cette problématique ce qui entraîne une multiplication des débats à l'intérieur du pays. Avec le présent projet de loi, Genève a aujourd'hui l'opportunité de montrer qu'elle est réellement prête à rentrer dans l'Europe en rendant sa Constitution euro-compatible et qu'elle ne reste pas en marge de l'évolution des sociétés qui, de plus en plus, tendent à élargir les droits politiques en fonction du critère de résidence. L'ouverture d'esprit de Genève à cet égard peut montrer à l'Europe et au monde que la politique suisse n'est pas uniquement dominée par le repli et la peur de l'étranger et ainsi tenter d'effacer l'image d'un pays arriéré et conservateur dans lequel, il y a à peine dix ans, certaines Suissesses n'avaient pas de droits politiques complets.

3. Dans le monde

Sans rentrer dans le détail, et de manière non exhaustive, nous pouvons également évoquer plusieurs pays en dehors d'Europe qui offrent des droits politiques communaux aux étrangers résidants sur leur territoire ou qui débattent de la question.

Aux Etats-Unis, certaines municipalités ont permis aux étrangers résidant sur leur territoire de participer à la vie politique de la commune, mais aux niveaux des Etats, le débat n'avance pas encore. Au Japon, le Tribunal suprême a récemment relancé le débat en publiant une interprétation de la Constitution qui permet, si l'autorité politique le décide, d'accorder des droits politiques aux étrangers. Il existe environ mille municipalités à travers l'île qui ont adopté une résolution pour que les étrangers puissent voter. Le Canada permet aux sujets britanniques de voter après un an de résidence et facilite la naturalisation pour les membres du Commonwealth.

En Afrique, le Gabon accorde des droits politiques aux étrangers sous certaines conditions depuis 1986 et la Guinée également sous condition de réciprocité.

Un élément qu'il est important de garder à l'esprit lorsque l'on compare la politique à l'égard des étrangers d'autres pays à celle de la Suisse est celui de la naturalisation. La nationalité suisse reste l'une des plus difficiles à obtenir tant au niveau du délai (12 ans) que de la procédure (beaucoup de frais et d'enquêtes). Ceci a pour conséquence directe d'augmenter, de manière relative, le pourcentage d'étrangers dans notre pays.

b) Historique du débat à Genève

En mars 1996, le Parlement des Jeunes de Meyrin, sur la proposition d'un de ses membres d'origine espagnole

Les Parlements des Jeunes accueillent les membres uniquement en fonction des critères de tranche d'âge et de résidence. Les jeunes étrangers peuvent donc y participer pleinement avec droit de vote et d'éligibilité.

En avril 1996, des conseillers municipaux meyrinois déposent une résolution demandant au Grand Conseil de permettre aux communes d'octroyer le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers résidants depuis plus de 10 ans. Une commission ad hoc, composée de presque tous les membres du Conseil, est formée pour discuter de la question.

Parallèlement, durant une période allant du mois d'avril 1996 au mois de mars 1997, les Parlements des Jeunes de Vernier, Onex, Carouge, Versoix et de la Ville de Genève adoptent tous à l'unanimité une résolution demandant à leur conseils municipaux respectifs de réaliser la même démarche qu'à Meyrin.

Le 18 juin 1996, le Conseil municipal de Vernier adopte ladite résolution sur les droits politiques des étrangers. Le 14 janvier 1997, le Conseil municipal de Meyrin adopte également cette résolution.

Le 4 février 1997, la députée Fabienne Bugnon dépose une motion demandant au Conseil d'Etat quelle suite il entend donner aux résolutions communales.

La commune d'Onex adopte elle aussi la résolution le 4 février 1997, la commune de Plan-les-Ouates le 24 février 1997, Bardonnex le 15 avril 1997, la Ville de Genève le 7 mai 1997, Versoix le 12 mai 1997, Chancy le 23 septembre 1997 et Carouge le 5 février 1998.

Les communes de Troinex, Bernex et Lancy ont refusé la résolution.

Dès septembre 1997, un comité informel se constitue pour discuter de la meilleure façon de donner suite à ce projet pour Genève. Ce comité informel est constitué des représentants des Parlements des Jeunes, des jeunesses de parti, de députés, de conseillers municipaux et d'associations actives dans le domaine des étrangers (notamment le Centre de contact Suisses-immigrés et MondialContact). Ce groupe donnera naissance à l'association J'y vis, J'y vote !, dont le double objectif est de promouvoir les droits politiques des étrangers ainsi que la pratique citoyenne auprès des jeunes.

Le 1er octobre 1998, le Conseil d'Etat dépose un projet de loi (PL 7913) donnant la faculté aux communes d'octroyer le droit de vote aux étrangers. La Commission des droits politiques s'en est saisi le 25 novembre 1998 et a fini ses travaux le 27 octobre 1999.

La genèse du débat ayant mené le Grand Conseil à devoir se prononcer aujourd'hui sur une modification de la Constitution afin d'accorder des droits politiques communaux aux étrangers est intéressante à plusieurs égards.

Premièrement, elle montre que l'intérêt pour ce sujet est clairement issu de la base, c'est-à-dire du niveau communal, et que celui-ci n'a ni été parachuté par les instances politiques cantonales, ni initié par les forces politiques et associatives qui défendent traditionnellement les étrangers.

Deuxièmement, le consensus de la classe politique dans une majorité des communes qui ont voté la résolution montre que - même si le Grand Conseil est actuellement dans cette situation - le débat sur le sujet ne se réduit pas simplement en termes Gauche/Droite

Par exemple, dans la commune d'Onex, c'est le groupe libéral qui a fait la proposition de la résolution. A Lancy, cette même résolution n'a pas obtenu une majorité à cause du vote négatif d'un élu socialiste.

Troisièmement, l'aboutissement en votation populaire d'une idée lancée par les Parlements des Jeunes montre que, par effet boule de neige, les mécanismes de notre démocratie fonctionnent parfois très bien. Ceci pourrait certainement inciter les jeunes, qui verraient ainsi leurs demandes prisent en considération, à davantage d'engagement citoyen.

En votant ce projet de loi constitutionnelle, la majorité parlementaire est persuadée qu'elle répond non seulement à ses principes mais également à une très large volonté d'aller de l'avant en matière de droits politiques des étrangers, exprimée notamment par les jeunes, les communes et le gouvernement.

III. Travaux et débats de la commission

La Commission des droits politiques a tenu à faire un travail de fond sur un sujet qui ne pose pourtant aucune difficulté technique. C'est pourquoi elle y a consacré 17 séances de commission qui sont ici synthétisées à votre attention.

a) Les auditions

1. Les auditions d'information

MM. Claude Albrecht et Yves Rausis, directeurs adjoints de l'Office cantonal de la population, 9 décembre 1998

Le projet de loi du Conseil d'Etat établi comme critère d'obtention du droit de vote par les étrangers qu'ils soient au bénéfice d'un permis d'établissement, autrement dit un permis C. Sur les 151 236 étrangers qui résident à Genève, 101 701 (67 %) ont ce type de permis

Annuaire statistique du canton de Genève, Office cantonale de la statistique, 1999.

D'emblée, les auditionnés remarquent qu'aucune disposition légale n'indique après combien d'années et sous quelles conditions on octroie un permis d'établissement. D'ailleurs, la loi fédérale laisse une grande autonomie en la matière aux autorités cantonales. C'est un règlement d'application qui contient les dispositions de nature quantitative : un étranger doit résider au moins dix années de manière régulière et ininterrompue pour obtenir le permis C. Ce délai est raccourci à cinq ans pour les ressortissants d'Etats qui ont établi un accord d'établissement avec la Suisse

Il s'agit des Etats suivants : Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Saint-Marin, Suède et Vatican.

En règle générale, les années comptent dès l'entrée en Suisse et même si elles ont été passées sans permis B (saisonnier, réfugiés, etc.). Néanmoins, dans plusieurs cas, le décompte commence après l'obtention du permis B ce qui peut pousser l'obtention du permis C à quinze, voire vingt ans de résidence en Suisse (étudiants étrangers, requérants d'asile, enfants des fonctionnaires internationaux, etc.).

Genève emploie une certaine souplesse dans l'application de ce règlement. Par exemple, le canton donne automatiquement l'autorisation d'établissement à l'étranger dès qu'il remplit les critères de résidence alors dans d'autres cantons, l'administration réalise une enquête. Néanmoins, la possibilité d'une exclusion administrative existe en cas de comportement inadéquat - comme un étranger qui subit une expulsion judiciaire -, mal intégré, à la charge de l'assistance publique ou malade mental. Il est en outre important de souligner qu'il n'existe pas de directive d'application précisant ces critères et que leur appréciation est laissée au jugement des fonctionnaires de l'Office fédéral des étrangers. Néanmoins, à la connaissance de M. Rausis, aucun refus d'octroi d'un permis C n'a été formulé pour défaut d'intégration.

Plusieurs commissaires ont eu de vent d'étrangers qui remplissaient les conditions d'acquisition d'un permis d'établissement, notamment au niveau du délai de résidence, mais qui ne l'avaient pas reçu. A ce sujet, MM. Albrecht et Rausis estiment qu'il doit s'agir d'une infime proportion d'étrangers qui sont dans ce cas.

M. .

Plusieurs députés, notamment de l'Entente, lient le débat des droits politiques des étrangers à celui de la naturalisation. C'est pourquoi la commission a tenu à s'informer sur les procédures et les conditions que doivent suivrent et remplir les étrangers pour l'obtenir.

M. .

Plus précisément, l'étranger doit justifier de douze années de séjour en Suisse dont trois ans au cours des cinq années qui précèdent la date du dépôt de la demande.

M. Schoeni précise que les étrangers âgés de moins de vingt-cinq ans ne font l'objet que d'une décision administrative et ne sont pas soumis à la taxe de naturalisation. En outre, à Genève, les années passées en Suisse entre dix et vingt ans comptent double. En ce qui concerne les couples dont un conjoint est Suisse et l'autre étranger, ce dernier peut obtenir la nationalité après cinq ans de résidence en Suisse, dont trois ans de vie commune. Les enfants nés d'un des deux parents suisses obtiennent automatiquement la nationalité.

Si le critère d'obtention des droits politiques par l'étranger était lié à une durée de résidence, certains commissaires ont émis la préoccupation que celle-ci soit difficile à déterminer dans certains cas. A ce sujet, M. Schoeni mentionne que différents documents inscrivent la durée de résidence. Pour tous les étrangers, les certificats de séjour sont à l'Office cantonal de la population. De plus, il est possible d'additionner ces durées à celles réalisées dans d'autres cantons. M. Schoeni ne voit donc aucun problème technique au contrôle de la date d'entrée en Suisse des étrangers.

Au moment de l'audition, le service comptait avec 5500 à 6000 demandes de naturalisation en tout. En 1997, 1560 personnes ont été naturalisées et en 1998, environ 2700. En chiffres purs, Genève est le canton qui naturalise le plus, après Zurich. Les frais actuels liés à la naturalisation sont composés d'un émolument de 550 F et d'une taxe d'admission qui est calculée en fonction du revenu et de la fortune avec un plafond à 100 000 F

Exemples : Avec un revenu net de 69 000 F, la taxe est de 5435 F. Avec 226 000 F, la taxe est de 33 000 F. Avec 1 000 000 F, la taxe devrait être de 172 000 F, mais elle est plafonnée à 100 000 F.

M. Cramer, conseiller d'Etat, fait remarquer que la procédure utilisée à Genève concernant la naturalisation est exceptionnelle, comparativement aux autres cantons suisses. Dans notre république, l'interprétation de la loi fédérale est tirée au maximum. Par exemple, dans le canton de Vaud, les dossiers de naturalisation sont traités par le Grand Conseil avec 20 % à 30 % de refus. A Genève, les motifs de refus sont : ne pas parler le français, chercher à frauder au sujet de sa situation financière, avoir un passé délictuel récent, pratiquer une religion sectaire ou encore manifester des signes de non-intégration évidents. Le taux de refus à Genève ne se monte pas au-dessus de 1 %.

. .

Les forces politiques de notre République sont quasi unanimes à soutenir l'entrée de la Suisse à l'Union européenne. Cette éventuelle adhésion impliquerait, entre autres, que les ressortissants des pays membres obtiennent des droits politiques chez nous. Afin de mieux cerner le cas européen, les commissaires ont souhaité connaître la façon dont les pays européens ont traité le problème et quelle a été la procédure dans l'adoption de la législation. L'exposé de Mme Dubouloz a intégralement été repris antérieurement dans ce rapport (point II.a.2). Je vous invite à vous y référer.

M. .

En liant le droit de vote au critère du permis C, le projet de loi du Conseil d'Etat empêche définitivement les fonctionnaires internationaux d'obtenir ces droits. Les commissaires ont jugé important de mieux comprendre les différentes catégories des personnes travaillant dans les organisations internationales et missions diplomatiques.

M. Perez entame son exposé en expliquant que vingt-deux organisations internationales ont passé un accord avec la Suisse. Les personnes travaillant dans ces organisations, ainsi que leurs familles, sont couvertes par une carte de légitimation. C'est également le cas des personnes travaillant dans les missions permanentes. Les divers statuts de ces employés sont représentés par les diverses couleurs que peut prendre la carte. Genève compte 27 000 personnes travaillant pour les organisations internationales et 5000 pour les missions, soit un total de 33 000. Néanmoins, M. Perez estime que la moitié de ceux-ci résident en France voisine.

M. Perez pense que des obstacles juridiques se poseraient si les fonctionnaires internationaux entraient dans la vie politique, notamment en raison du statut diplomatique qui impose certaines limitations. Néanmoins, il est important de faire la distinction entre les représentants des Etats dans les missions permanentes et les employés des organisations internationales. Les premiers restent en Suisse en moyenne quatre ou cinq ans et s'intègrent peu à la vie locale. Les seconds restent en Suisse beaucoup plus longtemps, s'intègrent à leur commune et aimeraient y participer d'avantage. Cependant, cela lui paraîtrait malvenu d'accorder des droits politiques aux uns et pas aux autres.

En ce qui concerne les enfants des fonctionnaires internationaux, tant qu'ils sont en étude, ils bénéficient d'une carte de légitimation. Dès qu'ils rentrent sur le marché du travail, ils obtiennent normalement un permis.

2. Les auditions d'opinion

Mme Sarah Khalfallah, MM. Boris Drahusak et Patricio Daza, MondialContact, Cultures et Citoyenneté, 13 janvier 1999

Les auditionnés eux-mêmes sont d'origine étrangère et Suisses. Ils ont fondé en 1990 l'association MondialContact, Cultures et Citoyenneté (MC) dont les objectifs sont de favoriser l'insertion des personnes d'origine étrangère par la participation citoyenne à l'espace public, de fournir toute une série d'outils permettant tant aux Suisses de mieux comprendre la diversité genevoise ainsi qu'aux étrangers de mieux comprendre leur environnement social, politique, culturel genevois, d'identifier les ressources, les atouts, les obstacles liés aux migrations et au multiculturalisme genevois en général. MondialContact parle davantage d'insertion que d'intégration. Ses activités sont :

MondialContact est convaincue que moins l'étranger a des outils et des signes clairs l'invitant à participer, à proposer, à se former, plus le risque de son repli et de non-insertion, avec toutes les conséquences psychosociales et sociales que cela implique à long terme, augmente.

Les auditionnés sont favorables au projet de loi, mais précisent d'emblée qu'un projet de cette nature isolé d'une politique d'intégration plus vaste et néanmoins structurée, intégrant les enjeux fondamentaux du multiculturalisme genevois n'a pas de portée réelle.

Cela dit, le droit de vote demeure un instrument important pour développer à partir de la possibilité de voter, même à un si petit niveau (communal et avec autonomie des communes), des actions plus approfondies, car plus palpables. MC demeure cependant totalement favorable sur le principe de droits politiques beaucoup plus larges et étendus mais les échecs du passé, une fois analysés, n'autorisent pas d'espérer une acceptation du peuple. Le projet est minimaliste, certes, mais a peut-être plus de chances de passer.

Pour MC, présenter l'éligibilité sans un travail en profondeur, sans une préparation adéquate, sans la participation des étrangers eux-mêmes à la campagne, serait une erreur. Après les résultats de 1993, un ‘non' aussi percutant aurait un effet désastreux sur les étrangers, dans la mesure où il constituerait de nouveau un signe de non acceptation. De plus, ce projet minimaliste peut se communiquer en disant : c'est si peu de choses, n'allez pas en plus le refuser. Si c'est un ‘non' qui sort des urnes, on pourra au moins en déduire que ce n'est pas seulement l'éligibilité (prise de pouvoir) qui pose un problème, mais que celui-ci est plus profond.

Le permis C est un mauvais critère et MondialContact privilégie la durée du séjour, en dehors de toute considération statutaire. MC propose un délai entre 5 et 10 ans de résidence en Suisse. MC est contre l'autonomie des communes en la matière. Ces deux critères suggèrent des discriminations statutaires et géographiques.

Quant à la naturalisation, le droit de vote est un outil de préparationà la citoyenneté « officielle ». Nombre de personnes naturalisées sontdésorientées quant à leurs aptitudes à participer : les problèmesrestent identiques. La participation des étrangers est un processus enlui-même, le droit de vote un outil parmi beaucoup d'autres à mettre enplace.

Mme Salerno Sandrine et M. William Borel, Centre de Contact Suisses-Immigrés, 20 janvier 1999

Le Centre de Contact Suisses-Immigrés (CCSI) a vingt-cinq ans. L'association travaille sur les enjeux liés à la migration avec comme objectif de participer au développement d'une société plurielle et démocratique. Il défend, d'une part, les droits de la collectivité immigrée et favorise, d'autre part, le dialogue et la compréhension entre les personnes d'origine suisse et migrante. Le Centre est également un espace d'observation de l'immigration, c'est à la fois un lieu de réflexion et un lieu d'accueil et d'écoute. L'association compte trois permanences : une juridique, une sociale et une sur l'école et la formation professionnelle. Il est important de souligner que l'association a été constituée par des associations de migrants. L'optique principale est d'atteindre l'égalité des droits pour tous et de parvenir à une meilleure intégration.

Le CCSI remarque qu'il a effectué plusieurs actions concernant les droits politiques des étrangers. A la fin des années quatre-vingt, il a lancé une pétition sur ce sujet et, par la suite, l'association a été partie prenante dans l'initiative « Toutes citoyennes, Tous citoyens » de 1993.

Au sujet du projet de loi, le Centre estime qu'il ne faut pas séparer le droit de vote du droit d'éligibilité. Les votations de 1993 ont montré que le fait de ne donner que le droit de vote changeait peu le résultat. Concernant le critère du permis C, l'association estime que celui-ci implique une discrimination grave entre les étrangers et qu'elle verrait plutôt un délai de résidence de cinq ans en Suisse pour tous. Le CCSI est également contre l'autonomie des communes en matière de droits politiques qui pourrait créer une disparité intra-cantonale.

Le CCSI insiste sur le fait qu'il faut donner aux étrangers la possibilité de devenir des citoyens à part entière et ne pas octroyer des droits au rabais. Selon lui, si les autorités tiennent un langage clair et précis, le projet aura plus de chance de passer devant le peuple. De plus, les étrangers risquent de se mobiliser d'avantage. Le CCSI est conscient de tenir une position maximaliste, mais, pour lui, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil doivent affirmer un principe.

L'association précise que pour elle l'enjeu véritable en matière de droits politiques réside au niveau cantonal. Néanmoins elle est consciente de la nécessité d'une politique des petits pas c'est pourquoi elle soutiendra ce projet en votation.

MM. Jérôme Savary, Philippe Cottet, Pierre-Antoine Gobet, Association J'y vis, J'y vote !

Tract de l'association, annexe 6.

Les auditionnées exposent l'origine de l'association J'y vis, J'y vote ! : suite aux votes des parlements des jeunes et des conseils municipaux des résolutions concernant les droits politiques des étrangers, un groupe informel composé de membres des parlements des jeunes, des jeunesses de parti, d'association de jeunes, de conseillers municipaux et de députés s'est constitué pour réfléchir à la suite à donner à ce débat. En novembre 1998, le groupe informel a fondé l'association J'y vis, J'y vote !, dont le comité est composé d'une palette de jeunes émanant de toutes tendances politiques et associatives. Environ 200 personnes sont membres de l'association et celle-ci compte jouer un rôle important dans le cadre de la votation populaire relative au présent projet de loi. Un autre objectif qu'elle poursuit, simultanément à celui-ci des droits politiques pour les étrangers, est celui d'intéresser les jeunes à la vie publique, à exercer une citoyenneté plus active au sein de leurs cités.

Concernant les points soulevés par la proposition du Conseil d'Etat, l'association relève qu'elle est défavorable à l'autonomie communale. En effet, les neuf communes qui ont voté la résolution contiennent 86 % des étrangers du canton. Avec l'autonomie des communes on laisserait une petite partie des étrangers sans droits et cela n'a pas beaucoup de sens. Une telle discrimination, pour une seule question de résidence, lui semble peu souhaitable. En ce qui concerne le permis C, J'y vis, J'y vote ! estime que ce critère entraîne une discrimination entre les étrangers et qu'une durée de résidence serait plus adéquate. L'association propose 5 ans. La séparation du droit de vote et du droit d'éligibilité ne paraît pas une bonne chose pour les auditionnés. En effet, ces derniers estiment que les électeurs doivent avoir la liberté de choisir leurs représentants et qu'ils gardent donc toute leur capacité à ne pas élire des étrangers s'ils ne le souhaitent pas. Cependant, l'association a déclaré qu'elle s'engagerait quelque soit la forme finale du projet de loi votée par le parlement : un petit pas vaut mieux que rien du tout.

Les jeunes de J'y vis, J'y vote ! tiennent à expliquer les raisons pour lesquelles ils se sont engagés. Ils ont grandi avec des étrangers, ils ont vécu l'expérience de l'intégration dès leur plus jeune âge et pour eux l'exclusion de la vie politique de ceux qui n'ont pas de passeport suisse n'a pas de sens, notamment au niveau communal. Se poser la question des droits politiques de personnes qui en sont privées, c'est aussi se poser la question de l'opportunité de les utiliser quand on les possède. En effet, d'une manière générale, les jeunes forment la tranche d'âge qui votent le moins et cette situation préoccupe l'association. C'est pour cela qu'elle s'engage aussi sur le terrain de la participation citoyenne des jeunes.

Au sujet de la campagne lors de la votation populaire du projet de loi, J'y vis, J'y vote ! insiste sur le fait qu'il faut impliquer un maximum de vecteurs de la population genevoise. On doit prendre le temps d'expliquer aux citoyens suisses tous les enjeux du débat et essayer d'enlever la peur irrationnelle qui entoure souvent les débats sur les étrangers. La classe politique doit aussi s'impliquer d'avantage que par le simple vote d'une loi : elle doit descendre dans la rue, rencontrer les gens et tenter de faire changer les mentalités. J'y vis, J'y vote ! attend beaucoup du gouvernement pour qu'il défende son projet de loi et espère que ce dernier va largement s'impliquer dans la campagne.

MM. Guy Fontanet, Cyril Ritche et Mme Marina Lamm, Fondation pour l'intégration des immigrés, 10 mars 1999

La Fondation pour l'intégration des immigrés (FINIM) a été créée en mars 1997 par le Conseil d'Etat pour renforcer le dialogue entre immigrés d'une part, et entre immigrés et Suisses, de l'autre. Elle se compose de trois organes : le Bureau, le Conseil et le Forum qui comprend une réunion d'associations d'étrangers ou qui travaillent avec les étrangers. La FINIM contient quatre commissions de travail : une juridique, une culturelle, une relative aux problèmes sociaux et une sur la culture et communication.

Le Conseil de la FINIM approuve le projet de loi, même s'il estime que cette question est délicate, car elle a plusieurs fois été refusée par le peuple. Il propose néanmoins quelques remarques. La première concerne la séparation qui est faite entre droit de vote et éligibilité. Selon M. Fontanet, sur un plan éthique, cette solution n'est pas souhaitable : il propose donc que les étrangers disposent de droits complets. La deuxième est relative au critère du permis C. Le Conseil de la fondation estime que c'est une bonne mesure. En effet, les ressortissants des pays européens étant plus proches dans leur culture politique de nous, il est normal qu'ils bénéficient des droits politiques avant les autres. Troisièmement, au sujet de l'autonomie communale, la FINIM est contre dans la mesure où cette disposition crée des distinctions sans justifications formelles dans le cadre de droits fondamentaux, comme les droits politiques. En outre, la fondation estime que les fonctionnaires internationaux devraient être traités comme les autres étrangers.

M. Guy Fontanet, ancien conseiller d'Etat et ancien conseiller national, estime que ces dernières années les mentalités ont évolué. Les jeunes générations notamment ont l'habitude de côtoyer les étrangers et la question de l'ouverture à l'Europe nous oblige à nous ouvrir vers les étrangers qui résident avec nous.

Au sujet de l'argument de la réciprocité, la réponse de la FINIM a été très claire : on doit dépasser ce niveau de débat. Si la réciprocité est envisageable dans les conventions internationales, elle ne l'est pas pour ce qui est des droits fondamentaux. Si l'on veut prétendre à une démocratie exemplaire, il faut aller plus loin que la règle du « oeil pour oeil, dent pour dent ».

Hors audition, il est informé aux commissaires que le Conseil de la FINIM représentait son propre avis alors qu'un autre organe de la fondation, le Forum, qui lui est composé par une multitude d'associations d'étrangers, était clairement opposé au critère du permis C et favorisait le délai de résidence.

Compte-rendu du débat au Conseil municipal de Lancy, 20 mars 1997

Ne trouvant pas d'opposition de fond au sein des groupes politiques représentés à la commission, les commissaires ont tenu à entendre un avis négatif sur le projet de loi. Il a été décidé de se procurer le mémorial d'une commune ayant refusé la résolution pour les droits politiques des étrangers. C'est la commune de Lancy qui a été choisie. En effet, celle-ci a refusé la résolution le 20 mars 1997 par 14 non, 13 oui et 1 abstention.

Parmi les arguments des opposants, il a notamment été soulevé que les mentalités n'ont pas changé depuis 1993, date du dernier échec en la matière, notamment à cause de la crise économique qui rend les gens plus fermés à l'égard des étrangers. Certains ont estimé que les étrangers ont déjà le droit de faire de la politique et que c'est suffisant. D'autres pensent que la voie de la naturalisation est le meilleur moyen d'obtenir des droits politiques et qu'il faudrait réduire le temps de résidence obligatoire pour l'obtenir.

Mme Anne-Marie Bisetti, MM. Mehin Turker, Georges Tissot et Jacques Robert, Communauté genevoise d'action syndicale, 28 avril 1999

D'emblée, les représentants de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) rappellent qu'ils sont en faveur du droit de vote et d'éligibilité des étrangers au niveau communal, cantonal et fédéral. Le droit de vote et d'éligibilité existe dans les organisations syndicales et plusieurs membres des comités sont étrangers. Ils indiquent que 50 % de la main-d'oeuvre est étrangère et qu'il faudrait lui élargir ces droits afin de sauvegarder la démocratie. En effet, si l'on considère que 65 % des habitants du canton sont Suisses et que 30 %-35 % seulement vont voter, c'est seulement 20 % des résidants genevois qui s'expriment. Donner des droits politiques aux étrangers permettra d'élargir le nombre de personnes qui votent. Pour la CGAS, il est paradoxal de donner de grandes responsabilités aux étrangers (patrons, dirigeants, s'occuper de l'éducation d'enfants suisses et étrangers, etc.) et de les priver des droits politiques.

Au sujet du projet de loi, les auditionnées estiment qu'il faudrait éviter un patchwork en permettant aux communes de choisir si elles veulent donner des droits politiques. Ils estiment que par ce fait, les étrangers habitant dans les communes plus fortunées auraient des droits alors que ceux des communes plus modestes n'y auraient pas accès. La CGAS pense aussi qu'il ne faut pas dissocier le droit d'éligibilité du droit de vote et qu'il faut un critère de durée de résidence identique pour tous les étrangers, soit cinq ans.

Un membre de la Communauté évoque l'importance de ces droits politiques pour la formation civique dans les écoles. En effet, actuellement près de la moitié des élèves n'auront pas de droits politiques à leur majorité, l'enseignement d'éducation civique se fait donc seulement pour l'autre moitié des élèves et cela engendre une certaine frustration.

La Communauté indique que les organisations syndicales sont composées par près de 60 % d'étrangers. Ces dernières, prenant de plus en plus souvent position sur les sujets de votation, sont faiseuses d'opinion. Cependant la majorité de leurs membres ne peuvent l'exprimer par les urnes. Les auditionnées estiment qu'il y a un véritable intérêt chez les étrangers pour les questions publiques. Au sujet de la crainte que le vote des étrangers se reporte à la gauche politique, la CGAS estime que cela ne sera pas le cas, comme le montre l'exemple des cantons du Jura et Neuchâtel.

En conclusion, les syndicalistes précisent que leur soutien au projet de loi sera d'autant plus fort que le projet sera enthousiasmant. Ils sont plus confiant que pour les tentatives de 1993, car le consensus de la classe politique est plus fort.

MM. Michel Barde, Blaise Matthey et Jean-Louis Mévaux, Union des associations patronales genevoises

Prise de position écrite, annexe 7.

Les membres de l'Union des associations patronales genevoises (UAPG) estiment que l'opinion populaire au sujet des droits des étrangers n'a pas radicalement changé depuis le dernier refus en la matière il y a six ans, c'est pourquoi ils se posent la question de l'opportunité d'un tel projet de loi. Cela étant dit, le résultat à la votation populaire sur le projet de loi relatif à la réforme du mode d'élection de la juridiction des prud'hommes permettra de déterminer de manière relativement claire si les électeurs et électrices du canton ont changé d'avis depuis 1993.

Quoi qu'il en soit, l'UAPG n'est, sur le fond, pas favorable au projet de loi 7913. Elle estime que la question des droits politiques peut se résoudre par l'acquisition de la nationalité suisse, d'autant plus que depuis 1990, il n'est plus demandé aux étrangers de renoncer à leur nationalité d'origine. La naturalisation doit néanmoins, dans la mesure du possible, être simplifiée. « La nationalité est un lien particulier que le droit public d'un Etat établit entre ce dernier et une personne physique. […] Conférer un droit de vote, même au seul niveau communal, aux étrangers, reviendrait à vider la nationalité et le droit de cité d'une partie importante de leur substance » développent les auditionnés.

En outre, l'UAPG remarque que le projet de loi du Conseil d'Etat n'est pas soumis à l'importante question de la réciprocité. A ses yeux, une ouverture des droits politiques aux étrangers ne peut être envisagée que sous cet angle. Les accords bilatéraux que la Suisse a conclu avec l'Union européenne ne contiennent pas la question de la capacité civique, il ne faut donc pas mélanger les objectifs et laisser ceux-ci à une date ultérieure. Une adhésion complète de la Suisse à l'Union règlerait le problème de la réciprocité.

M. Barde précise qu'il est très attaché au maintien des identités et remarque que la société est en train de perdre ses repères. Il est important que les intéressés manifestent la volonté d'acquérir des nouveaux droits. Si l'on octroi le droit de vote automatiquement, celui-ci n'a pas la même valeur pour l'intéressé que s'il a fait une démarche (naturalisation) pour l'obtenir. M. Mévaux a fait partie plusieurs années de la FINIM, ce qui montre l'intérêt de l'UAPG pour le domaine des immigrés, et remarque que certains étrangers pensent que le droit de vote n'est pas forcément un bon moyen pour parvenir à une bonne intégration. Pour l'ensemble des représentants de l'Union, des droits impliquent des obligations, ce qui est seulement le cas avec la naturalisation.

Sur le projet de loi, l'UAPG pense que l'autonomie communale entraînera un méli-mélo sur le canton qui n'est pas souhaitable. Le permis C pourrait être un bon critère, mais il va disparaître pour les citoyens européens dès l'introduction des bilatérales. Sur le droit de vote et d'éligibilité, l'UAPG est contre sur le fond.

b) Les débats politiques

Le débat de préconsultation

En débat de préconsultation, les Verts ont tenu à saluer l'initiative du Conseil d'Etat en réponse à la motion de la députée Fabienne Bugnon. Ils émettent certains doutes au sujet de l'absence du droit d'éligibilité et du critère du permis C. En outre, ils relèvent également l'importance d'établir un consensus dans la classe politique, car la tâche la plus difficile sera de convaincre le peuple. Un refus pour un si petit pas serait une gifle pour les étrangers de notre canton. Les Socialistes, également satisfaits de la démarche du gouvernement, émettent les mêmes doutes des points soulevés par les Verts et ajoutent qu'une autonomie des communes en la matière n'irait pas sans poser quelques problèmes. Dans la même ligne, l'Alliance de Gauche précise que la politique des petits pas n'est pas forcément celle qui s'avérera la plus payante, au vu des exemples de 1993.

Les Radicaux saluent avec intérêt le dépôt de ce projet de loi et considèrent que c'est une avancée significative dans la modernité de notre société. De plus, cette mesure va dans le sens d'un rapprochement avec l'Europe. Néanmoins, ils mettent en garde les députés trop gourmant qu'un projet alourdi perdra ses chances face à la population. Les Libéraux, quant à eux, estiment que c'est un projet original et qui rentre tout à fait dans l'esprit de Genève. Ils évoquent néanmoins la notion de réciprocité qui devrait accompagner cette mesure et rappellent les échecs passés en la matière. Les Démocrates-Chrétiens tiennent également à saluer l'ouverture du Conseil d'Etat qui, pour la première fois, propose lui-même un projet de loi constitutionnelle donnant la possibilité d'élargir les droits des étrangers. Ils soulignent que l'insertion des étrangers est particulièrement manifeste au niveau communal et que, par conséquent, le gouvernement entre par la bonne porte. Ils précisent néanmoins qu'ils ne chercheront pas à alourdir le projet, car cela impliquerait certainement un échec face à la population.

Par la voix de M. Robert Cramer, le Conseil d'Etat précise d'emblée qu'il faut éviter un échec populaire sur ce projet de loi. « Chacun des membres du Conseil d'Etat est totalement déterminé à ce que ce projet de loi aboutisse en votation populaire »

Mémorial du Grand Conseil, séance du 20 novembre 1998 (soir), p. 6523.

L'entrée en matière

Dans le cadre du débat d'entrée en matière, les commissaires ont repris en substance les propos évoqués lors du débat de préconsultation. Les Libéraux émettent le voeu que les procédures de naturalisation soient accélérées, mais sont ouverts aux droits politiques des étrangers sous certaines conditions, notamment de réciprocité. Les groupes radical et démocrate-chrétien soutiennent la politique des petits pas en la matière : il ne faut pas surcharger le projet de loi du Conseil d'Etat.

Les Socialistes analysent que les échecs passés ont été tout aussi massif sur ce type de propositions, qu'elles soient modérées ou non. Il y a un souci de rapprocher le pays légal au pays réel. Les Verts pensent que le plus difficile sera de convaincre le peuple. Il faut donc éviter un texte trop maximaliste, mais néanmoins répondre aux principes de la majorité parlementaire qui, il y a quatre ans, avait soutenu les initiatives pour les droits cantonaux. L'Alliance de Gauche remarque que la participation des étrangers enrichirait la vie politique suisse. Elle peut même avoir une influence sur le taux de participation des Suisses.

D'une manière générale, tous les partis représentés au parlement soutiennent une politique d'intégration de la communauté étrangère. Il en va de même en ce qui concerne les procédures de naturalisation que l'unanimité des forces politiques considère comme trop restrictives.

Le Conseil d'Etat a relevé que ce projet de loi est d'importance. Il s'agit de la première fois que l'exécutif présente un projet de ce type. Il justifie cette démarche par trois raisons :

Elle est une réponse à une demande très forte. Engagée d'abord par les parlements des jeunes, c'est neuf communes qui ont voté la résolution. Si l'on additionne les habitants de celles-ci, c'est les représentants de 300 000 personnes qui ont fait savoir au gouvernement le désir d'aller de l'avant sur cette question.

Il y a une forte nécessité d'intégration de la communauté étrangère qui représente 40 % des habitants et 48 % des personnes actives dans le canton. Il s'agit de préserver une culture politique qui, si une grande minorité de la population en est exclue, risque de s'estomper avec le temps.

Cette proposition correspond à une volonté d'intégration des étrangers, exprimée unanimement par le parlement. Ceux qui font partie de la vie économique doivent aussi faire partie de la vie civique.

Malgré quelques différences sur les aspects pratiques du projet de loi, tous les partis s'entendent pour aller de l'avant sur la proposition du Conseil d'Etat et le vote d'entrée en matière obtient : l'unanimité des membres présents : (2 L, 2 S, 3 AG, 2 R, 2 DC, 2 Ve).

La faculté accordée aux communes

L'autonomie des communes en matière des droits politiques des étrangers est le noyau dur du projet de loi pour le Conseil d'Etat. Sans renoncer au débat de fond, il pose la question au peuple de la manière suivante : « Voulez-vous que les communes puissent accorder le droit de vote aux étrangers ? ». De la sorte, le peuple n'est pas invité à se prononcer sur les droits politiques des étrangers, mais sur une répartition différente des compétences au sein de la République.

Le Conseil d'Etat défend cet argument à deux niveaux. Premièrement, la demande étant venue des communes, il souhaite y répondre sans imposer à celles qui ne le voudraient pas de tels droits pour leurs résidants étrangers. Deuxièmement, le projet de loi ainsi proposé à plus de chance de réaliser un consensus politique et d'être accepté en votation populaire.

Lors du débat d'entrée en matière, les partis de l'Entente ont été unanimes à soutenir cette mesure, pour les mêmes raisons que le Conseil d'Etat, alors que l'Alliance de Gauche s'y est opposée. Les Verts et les Socialistes étaient mitigés. Après des débats internes, ces derniers ont finalement rejoint la position de l'Alliance de Gauche pour plusieurs raisons :

Les droits politiques sont des droits fondamentaux et il est difficile de déléguer une compétence de ce type aux organes communaux.

Dans un canton unitaire comme Genève, il en résulterait une situation de patchwork, ou de « territoire en peau de léopard » comme aime le souligner notre collègue Rodrik, qui pourrait être néfaste à la cohésion du canton. De plus, les gens ne comprendraient pas pourquoi deux ressortissants étrangers habitant la même rue, à quelques allées de différence, n'auraient pas les mêmes droits.

Certains groupes voulaient ajouter un délai de résidence supplémentaire, qui serait de la compétence du Conseil municipal, au délai général. Cette situation introduirait à Genève dans 45 systèmes différents, ce qui n'est pas concevable en matière de droits civiques.

Pour toutes ces raisons, la majorité (AG, S, Ve) de la commission renonce au principe de la faculté donnée aux communes en matière de droits politiques communaux.

Le droit d'éligibilité

On entend par droit d'éligibilité, le droit d'être élu. En la matière, le Conseil d'Etat, contrairement à ce qui avait été demandé par huit communes sur neuf, a tenu à exclure cette possibilité pour des raisons de prudence face à la votation populaire et au regard de ce qui existe dans le reste de la Suisse.

Une partie de la minorité (DC) s'est ralliée à cette position par souci stratégique, alors que l'autre (Radicaux et Libéraux) l'a fait pour des motifs de principe. En effet, pour ces derniers, le fait de siéger dans un Conseil municipal doit impliquer pour l'étranger qu'il ait fait une procédure d'adhésion complète à la nation helvétique, soit qu'il se soit naturalisé.

Pour la majorité, on ne pouvait dissocier le droit d'éligibilité du droit de vote pour les raisons suivantes :

Les deux droits sont, par principe, considérés indissociables.

Donner aux étrangers le droit de vote et les priver du droit d'éligibilité reviendrait à leur permettre de voter pour les Suisses, mais pas pour eux-mêmes.

Une situation d'instabilité politique pourrait en résulter dans certaines communes, car les étrangers, face à un Conseil municipal qui ne tient pas assez compte de leurs intérêts, pourraient lancer des initiatives ou referendums et les voter. Dans le cadre de communes composées à 50 % d'étrangers, ce phénomène pourrait être d'une assez grande ampleur.

Face à l'argument stratégique qui prétend que sans le droit d'éligibilité, le projet de loi aura plus de chance de passer, une référence aux votations populaires de 1993 montre le contraire. Malgré le fait que l'une contenait le droit d'éligibilité alors que l'autre non, les deux été refusées par le même taux de ‘non'. Supprimer le droit d'éligibilité n'a eu aucune conséquence sur le résultat du vote.

En conséquence, la majorité de la commission propose de réintroduire le droit d'éligibilité au côté du droit de vote.

Le critère de délai de séjour

Les commissaires ont longuement débattu de la question du critère de délai de séjour. Dans son projet de loi initial, le Conseil d'Etat avait opté pour le permis d'établissement (permis C) en fonction de l'avis des partis exprimé dans la consultation organisée par DIAE

En réalité, seulement deux partis avaient retenu le critère du permis C : les Verts et les Radicaux. Voir annexe 2.

En réalité, seulement le canton de Neuchâtel lie les droits politiques des étrangers au permis C ; pour les deux autres cantons, il s'agit d'un délai de résidence uniforme pour tous les étrangers.

Dans un premier temps, le critère du permis d'établissement avait été soutenu par les Démocrates-Chrétiens et les Radicaux. En effet, pour eux, l'obtention d'un permis C est un signe d'intégration, condition indispensable si l'on veut donner un droit politique à un étranger. De plus, les étrangers qui bénéficient de ce permis après cinq ans, soit les occidentaux, sont plus proches de nous dans leur culture politique.

Pour la majorité parlementaire, les étrangers doivent être traité de manière homogène sur ce sujet. Les partis du centre-droit se sont finalement ralliés sur cette position et les libéraux, qui au début du débat étaient contre le permis C, ont finalement opté pour cette option. La commission n'a donc pas retenu le critère du permis C essentiellement pour les deux raisons suivantes :

Au niveau du principe, et s'agissant d'un débat concernant des droits fondamentaux, il semble inadéquat de donner plus d'avantages à certains groupes d'étrangers plutôt qu'à d'autres. Cela revient à créer en la matière deux catégories d'étrangers, ce qui semble injustifiable. Certaines communes possèdent jusqu'à 120 nationalités différentes, pourquoi seulement une vingtaine d'entre elles auraient des privilèges en matière de droits politiques ?

Les auditions ont montré que l'acquisition du permis d'établissement dépendait d'une décision administrative des autorités cantonales et que les critères d'obtention souffrent de beaucoup d'exceptions

Voir audition de MM. Claude Albrecht et Yves Rausis, directeurs adjoints de l'Office cantonale de la population, le 9 décembre 1998 sous point III.a.1. du présent rapport.

Le critère du permis C exclurait de fait les fonctionnaires internationaux, ce qui n'est pas le souhait de la majorité des commissaires.

La commission s'est tournée vers un délai de résidence unique de 8 ans pour les raisons suivantes :

Il correspond à deux législatures dans notre système politique et donc à ce qui est pratiqué dans l'Union européenne. Notre Constitution deviendrait donc euro-compatible.

Dans les faits, les communes ayant très peu d'objets de votation, les étrangers éliraient ou seraient élus en moyenne après dix ans de résidence

En effet, l'étranger qui fête ses huit ans de résidence juste avant une élection pourra voter après huit ans de vie en Suisse, mais celui qui les fête juste après l'élection devra attendre la prochaine élection encore quatre ans pour s'exprimer, soit après douze ans de résidence. En moyenne, si l'on exclu les votations municipales, cela fait une durée de dix ans de résidence.

Il n'y a aucun problème technique ou administratif à calculer les années de résidence en Suisses des étrangers.

Sur la question d'un délai de résidence supplémentaire sur le canton ou sur la commune, la majorité parlementaire estime que cela complexifierait considérablement le décompte des années de résidence et qu'il faut être cohérent avec ce qui se pratique pour les Confédérés qui emménagent dans une municipalité. Puisque ces derniers obtiennent des droits politiques communaux après trois mois de résidence, il devrait aller de même avec les étrangers qui s'installent dans une commune alors qu'ils ont déjà vécu de nombreuses années ailleurs en Suisse. La connaissance de la vie locale de leur nouvelle commune étant identique aux Suisses.

La commission a également évoqué l'idée d'introduire le système des « années comptent double » pour les jeunes entre 10 et 20 ans, comme pour la naturalisation, mais elle y a finalement renoncé en raison de la complexité dans la mise en application de ce principe.

Au vue de ces arguments, la grande majorité de la commission (S, AG, R, DC, Ve) estime qu'il faut renoncer au critère du permis C au profit d'un délai de résidence en Suisse de huit ans pour tous les étrangers. De plus, la règle des trois mois de résidence dans une commune avant d'obtenir des droits civiques s'applique bien évidemment aux ressortissants étrangers.

Les droits des fonctionnaires internationaux

Le débat des droits des fonctionnaires internationaux est directement lié à celui du critère d'obtention de ces droits. En effet, si le permis C est retenu comme critère, cette catégorie d'étrangers ne pourra jamais obtenir des droits politiques.

Pour le Conseil d'Etat, favorable au critère du permis C, cette conséquence lui paraît adéquate dans la mesure où les fonctionnaires internationaux ne s'intègrent généralement pas à notre pays puisqu'ils sont le plus souvent appelés par leurs fonctions à le quitter et que, de plus, ils sont dispensés de payer des impôts. En outre, se pose le problème diplomatique des représentants d'Etats étrangers qui auraient le droit de s'immiscer dans la vie politique locale de notre pays, ce qui est contraire aux usages diplomatiques.

En adoptant un délai de résidence unique à huit ans pour tous les étrangers, la commission est consciente que les fonctionnaires internationaux bénéficieront également des droits politiques. Cela lui paraît souhaitable pour divers motifs :

L'audition de M. Amadeo Perez de la Mission suisse auprès des organisations internationales

Voir point III.a.1 du présent rapport.

Les premiers, employés directement par l'organisation, ne représentent pas leur pays et, pour la plupart, passent leur vie à Genève, ou en France voisine, où leur intégration est souvent très prononcée. Leurs enfants côtoient les nôtres à l'école, ils participent à la vie sportive, culturelle, de quartier, etc., et certains d'entre eux demandent et obtiennent la nationalité suisse. Il est donc normal que ces personnes soient traitées, dans le cadre des droits politiques, de la même manière que les autres étrangers.

Les seconds, rattachés directement à la mission d'un Etat, ne restent que peu d'années sur notre territoire et ne s'intègrent que très peu. Ils ne pourront pas obtenir des droits politiques, d'une part car notre Constitution cantonale le prévoit

Article 43 alinéa c : « Ne peuvent exercer des droits politiques dans le canton : […] c) ceux qui sont au service d'une puissance étrangère. »

La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, signée par presque tous les pays du monde y compris la Suisse, prévoit à son article 41 alinéa 1 :  « Sans préjudice de leurs privilèges et immunités, toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l'Etat accréditaire. Elles ont également le devoir de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de cet Etat. » (italiques du rapporteur).

L'argument, avancé par la droite centriste au début des débats en commission, selon lequel il ne faudrait pas donner des droits politiques aux fonctionnaires internationaux parce qu'ils ne payent pas d'impôts paraît pour le moins contradictoire avec celui, défendu essentiellement par les mêmes, de l'importance pour l'Etat de chérir ses organisations internationales en raison de tout ce qu'elles apportent à Genève. En effet, notre République bénéficie grandement, au niveau de l'image mais aussi au niveau économique, de la présence de ces organisations. Par conséquent, même si cela n'est fait par l'impôt, les fonctionnaires internationaux apportent bel et bien des bénéfices à Genève. De plus, depuis l'abandon du suffrage censitaire, on peut difficilement justifier l'octroi de droits politiques à un individu sur l'unique base de sa contribution financière à la collectivité.

En conséquence du critère de huit de résidence pour tous les étrangers, mais en accord avec sa volonté politique, la majorité de la commission accepte que les fonctionnaires internationaux bénéficient des mêmes droits sous les mêmes conditions que les autres étrangers.

L'automaticité des droits

Le Conseil d'Etat a posé la question si l'automaticité du droit, telle qu'elle est appliquée aux Suisses qui obtiennent leur majorité, doit également être appliquée aux étrangers. Le gouvernement répond par l'affirmative à cette interrogation, comme la majorité parlementaire ainsi que les Démocrates-Chrétiens et les Radicaux, pour les raisons suivantes :

Par le biais de ce projet de loi, le gouvernement, tout comme la majorité du parlement, veut marquer qu'il fait un pas vers l'intégration de l'étranger à la vie de notre pays. Ce pas étant proposé par les autorités genevoises, il est normal que l'étranger bénéficie automatiquement de ses droits. Plus tard, si le ressortissant étranger le souhaite, il pourra faire lui-même le pas suivant vers les Suisses en entamant une procédure de naturalisation. Dans ce cas, il est logique de lui laisser l'initiative.

Par cohérence administrative, il n'y a pas de raison de traiter les électeurs de manière différente. Une telle mesure obligerait le Service des votations et élections à ouvrir un rôle électoral uniquement pour les étrangers et à organiser toute une procédure d'inscription à ce rôle.

Il est vrai qu'une telle procédure s'applique au sein de l'Union européenne, mais cela s'explique par le fait que la plupart de ces pays connaissent l'inscription sur les registres électoraux pour leurs propres ressortissants.

Par ces motifs, la majorité des commissaires (AG, S, Ve, DC, R) suivent l'avis du Conseil d'Etat et proposent que les étrangers obtiennent automatiquement leurs droits politiques une fois qu'ils remplissent les conditions.

Le principe de réciprocité

Le principe de réciprocité avancé par le Parti libéral s'entend ainsi : « les ressortissants étrangers obtiennent des droits politiques sous certaines conditions pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses ». Le reste des partis politiques est contre cette proposition pour les motifs qui suivent :

Par le biais d'un tel projet de loi, les autorités genevoises tentent de renforcer un processus d'intégration de sa population étrangère afin qu'une meilleure cohésion sociale s'établisse entre les nationaux et les non-nationaux résidant sur le territoire. Elles s'occupent donc d'un problème local qui lui est tout particulier en regard de sa démographie. En établissant un principe de réciprocité sur ces droits, le Parti libéral ignore cette réalité pourtant évidente, et pose le débat en terme de relations inter-étatiques, caractérisées par le principe de réciprocité, qui sont de ressort fédéral et qui sortent totalement de cette discussion. La majorité parlementaire seraient bien évidemment favorable à un élargissement des droits sur leur territoire de résidence des ressortissants suisses vivant à l'étranger, mais il lui semble mal placé de lier ce développement à la gestion d'une problématique locale.

L'argument selon lequel l'Union européenne applique ce principe de réciprocité est cité hors de contexte. En premier lieu, les droits politiques de l'Union européenne s'inscrivent dans une démarche de construction d'une citoyenneté commune, supranationale, et non dans le cadre de relations interétatiques, sur lesquelles les libéraux fondent leur argumentation. En deuxième lieu, dans les faits, l'Union européenne ne demande pas à ses Etats membres d'intégrer le principe de réciprocité tel que l'entend le Parti libéral, car cela reviendrait à demander aux quinze gouvernements européens de donner des droits politiques communaux aux ressortissants de tous les pays du monde qui octroient des droits politiques aux communautaires. En dernier lieu, la plupart des pays européens qui octroient réellement des droits politiques aux étrangers (et non seulement aux ressortissants des pays membres), le font à tous les étrangers (ex : Pays-Bas) ou s'ils les limitent à certains pays, c'est en fonction de critères historiques (ex : Commonwealth pour la Grande-Bretagne, anciennes colonies pour le Portugal) et non de réciprocité (sauf pour l'Espagne).

La grande diversité de systèmes politiques à travers le monde rendrait la tâche presque impossible au service de l'Etat chargé de l'application de cette loi qui devrait juger si tel Etat attribue des droits équivalents aux Suisses sur son territoire. En effet, comment comparer le niveau communal, et ses compétences qui lui sont propres en Suisse, à d'autres systèmes qui ne le connaisse pas.

Le groupe libéral justifie son idée par un raisonnement selon lequel cette mesure impulserait le développement des droits des Suisses expatriés par le biais des résidents étrangers de notre pays qui feraient pression sur leur gouvernement d'origine afin d'obtenir des droits en Suisse. Cette hypothèse est pour le moins peu vraisemblable et peu réaliste. De plus, il serait malvenu de la part des autorités genevoises de dire à certaines personnes, qui viennent se réfugier chez nous parce qu'elles ont été persécutées dans leur Etat d'origine, qu'elles ne peuvent pas bénéficier de droits politiques comme d'autres étrangers parce que leur pays n'en donne pas aux Suisses, alors que ce dernier de donne même pas de droits à ses propres nationaux !

Il semble à la majorité parlementaire que le groupe libéral essaye, par des moyens tortueux, de trouver un prétexte pour refuser le projet de loi du Conseil d'Etat dont il a pourtant voté l'entrée en matière. Si ce parti estime sur le fond qu'il est contre le principe de droits politiques des étrangers, il devrait l'exprimer ouvertement ; le débat politique gagnerait en clarté.

En conséquence de ces arguments, les commissaires des groupes Alliance de Gauche, Socialistes, Verts, Démocrates-Chrétiens et Radicaux refusent d'introduire le principe de réciprocité dans ce projet de loi.

Conditions précisées dans la Constitution

Le gouvernement a également posé la question du niveau de précision de ces droits qui devrait figurer dans la Constitution. Par exemple, la Constitution du Jura reste très large et toutes les modalités sont précisées dans la loi sur l'exercice des droits politiques. De cette manière, le Parlement a la compétence pour changer ces modalités mais il est bien entendu que la voie d'un référendum facultatif reste ouverte.

L'unanimité des commissaires estiment que pour un tel sujet, il est important d'être clair dans le texte qui sera soumis au souverain. C'est pourquoi le projet de loi devra au moins contenir les trois éléments essentiels : le niveau des droits (communal dans toute les communes du canton), l'étendue des droits (droit de vote et d'éligibilité) et les critères d'obtention des droits (8 ans de résidence en Suisse). Le surplus pourra être établi par une loi d'application.

c) Quelques craintes… et leurs réponses !

Au-delà du débat de fond sur l'intégration qui guide le présent rapport, il est intéressant, en quelques lignes, de répondre à certains doutes - plus que de réels arguments - souvent exprimés par la population, et même certains élus, sur le fait d'octroyer des droits politiques aux étrangers.

« Ils n'ont qu'à se naturaliser… »

L'argument de la naturalisation est souvent évoqué comme solution pour que les étrangers puissent obtenir des droits politiques. Il est certain que cette option doit être encouragée pour l'étranger qui se sent parfaitement intégré et désire définitivement lier son avenir à la Suisse.

Cependant - et le discours du Conseil d'Etat lors des cérémonies de naturalisation le mentionne - dans un processus de « naturalisation », il y a un processus de « changement de nature » avec, au-delà des droits civiques, tout ce que cela implique. Car c'est bien l'adhésion complète à une nation et à un canton qui est demandée aux candidats. L'octroi aux étrangers de droits politiques communaux ne va pas aussi loin. Ceux-ci représentent une forme de reconnaissance de leur implantation locale et surtout une invitation à approfondir cette implantation. La naturalisation représente l'insertion d'un élément nouveau au groupe alors que l'octroi de droits politiques représente un moyen pour différents groupes de mieux vivre ensemble, chacun gardant ses particularités. Bien que traitant de la même problématique, il s'agit donc de deux débats distincts et il nous semble erroné de vouloir répondre à l'un par l'autre.

Par ailleurs, dans le cadre d'un processus d'intégration, les droits politiques des étrangers ne sont pas une solution alternative à la naturalisation, ils sont plutôt une préparation à celle-ci.

« Le vote des étrangers va profiter à la Gauche… »

L'hypothèse que le vote étranger profite à la Gauche ne repose sur aucun fait tangible. En effet, les expériences en Suisse (Jura et Neuchâtel) montrent que la nouvelle population votante ne bouleverse en général pas les équilibres politiques

Etrangers et droits politiques - L'exercice des droits politiques des étrangers dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, op. cit., pp. 205-206.

« De toute façon, les étrangers ne veulent pas de droits politiques… »

Le soi-disant désintérêt de la population étrangère pour les affaires politiques est un argument fréquent des sceptiques au présent projet de loi. Bien qu'il soit légèrement fallacieux - car comment demander à une communauté de s'intéresser à la politique si elle ne possède pas les outils pour le faire - il est intéressant d'y répondre.

Il convient d'être réalistes : il ne faut pas attendre des résidents étrangers une plus grande participation politique que des citoyens suisses. Dès lors, il est certain qu'une grande partie des immigrés n'utilisera pas ses droits civiques comme le fait régulièrement une grande partie de nos compatriotes. Une étude du taux de participation aux élections entre 1964 et 1992 dans la commune de la Chaux-de-Fonds

Ibid. , pp. 130-132.

Ibid. , p. 131.

En outre, « l'institution du droit de vote communal pour les étrangers, bien que ne représentant objectivement que très peu de chose, est susceptible de stimuler l'émergence d'une meilleure entente réciproque entre Suisses et étrangers. Ce processus est alors davantage dû à l'existence de ce droit, plutôt qu'à son utilisation »

Ibid. , p. 211.

d) Vote de la Commission

Dans sa rédaction du texte constitutionnel, la majorité parlementaire a tenu à être la plus claire possible. C'est pourquoi, elle a retenu une formulation qui précise simplement que les étrangers obtiennent, au niveau communal et après 8 ans de résidence en Suisse, les mêmes droits politiques que les Suisses.

En outre, bien que l'article 42 de la Constitution genevoise soit libre, la commission a délibérément choisi créer un article 41A, car les articles abrogés permettent de reconstituer l'histoire d'un texte de loi.

Au vote, les commissaires se sont exprimés de la façon suivante :

Art. 41A Droits politiques communaux des étrangers

Cet alinéa a été accepté par 7 voix (3 AG, 2 S, 2 Ve) et 6 abstentions (3 L, 2 DC et 1 R).

Cet alinéa a été accepté par 7 voix (3 AG, 2 S et 2 Ve) contre 6 (3 L, 2 DC et 1 R).

C'est sous cette forme que la majorité de la commission a décidé de soumettre le projet de loi 7913 à l'assemblée du Grand Conseil.

Conclusion

Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons tous, Genève serait une petite ville de province si elle n'avait pas bénéficié, depuis des siècles, de l'apport des étrangers. Cet apport, qu'il soit économique, culturel ou intellectuel, fonde « l'esprit de Genève » et forme aujourd'hui le noyau dur de notre identité. Pour réussir, notre République a toujours su combiner ses forces à celles des immigrés. Pourquoi en serait-il autrement en politique ? En adoptant le projet de loi 7913, la majorité parlementaire affirme que l'entrée des résidents étrangers dans la sphère politique est un enrichissement pour celle-ci et permet un renforcement de notre démocratie.

Un des grands défis que nous lance le présent projet de loi est de le faire adopter par le peuple genevois. Car si la « Genève internationale et multiculturelle » est une formule facile dans les discours, elle l'est moins sur le terrain. Il faudra en effet expliquer à nos compatriotes qu'un processus d'intégration ne se décrète pas, mais qu'il se construit. Et que si l'octroi de droits politiques aux immigrés est une pierre posée par les Suisses à cette construction commune, elle permettra aux étrangers de poser la leur. Nous nous engagerions ainsi sur une voie de nouvelles perspectives en matière d'échange culturel et intellectuel, voire même de paix sociale, autant d'éléments qui ne demeurent réalité que dans une société ouverte et en mouvement. « Expliquer » sera donc, plus que jamais, le maître-mot pour mener une campagne efficace sur le sujet, car les peurs de la population à l'égard des immigrés, souvent irrationnelles mais toutefois bien réelles, sont encore nombreuses. C'est dans cette optique que l'Etat, les partis politiques et les associations concernées devront se faire entendre au moment de la votation.

En guise de conclusion, il semble important de réaffirmer que le projet de loi qui vous est soumis résulte d'une double nécessité. La première relève du principe et la seconde de la réalité. Le principe nous dit qu'il est injuste d'exclure de la vie politique communale une catégorie de résidents en fonction de leur nationalité alors qu'ils remplissent leurs devoirs comme les autres. La réalité nous dit qu'un processus d'intégration - dont les droits politiques sont un outil essentiel - est indispensable pour gérer au mieux les relations entre les différentes communautés qui composent Genève. Car « une démocratie qui fonctionne sans le 40 % de sa population est porteuse d'un dysfonctionnement, qui peut s'avérer dangereux sur le long terme »

Rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, op. cit. p. 9.

Au vue de ces arguments, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la Commission des droits politiques vous recommande d'adopter le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat tel qu'il a été amendé.

Prise de position écrite de l'UAPG sur le projet de loi 7913.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41A  Droits politiques communaux des étrangers (nouveau)

1 Les ressortissants étrangers, ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins, exercent les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile.

2 Pour le surplus, les législations tant fédérale que cantonale en la matière s'appliquent.

ANNEXE 1

4445464748495051ANNEXE 2

52535455ANNEXE 3

56575859ANNEXE 4

6061626364ANNEXE 5

65ANNEXE 6

66676869ANNEXE 7

70

71

RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

Rapporteur: M. Jacques Béné

La durée des débats en commission et les reports successifs de décision finale démontrent, si besoin est, l'importance du sujet et l'incertitude de l'aboutissement de la votation qui déterminera si le peuple souverain souhaite donner plus de droits aux étrangers.

Mais de quels droits parlons-nous ? Droit de vote ? Droit d'éligibilité ? Droit de signer des initiatives et des référendums ? Droits automatiques ou sur demande ? Droits réciproques ? Autant de questions sur lesquelles la commission s'est penchée.

Indissociables pour certains, les droits politiques des étrangers doivent être mis en perspective avec leur intégration ou leur insertion.

Dans le cadre de l'intégration on ne peut faire abstraction de la volonté de ceux qui sont directement concernés. Ceux-là même qui ne voteront pas sur cet objet mais qui devront mener campagne pour le faire aboutir. Nombre d'organisations se sont clairement positionnées et défendent toute initiative en faveur des étrangers. Mais ces associations sont-elles suffisamment représentatives, et surtout, arriveront-elles à mobiliser la population pour faire de cette votation une grande victoire face à l'extrémisme grandissant ?

Cette question m'est apparue suite à un débat organisé par « J'y vis, j'y vote » auquel j'ai eu le plaisir de participer. Durant ce débat je me suis permis de demander aux personnes présentes de lever la main s'ils étaient étrangers. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que seul 1/3 de l'assemblée n'avait pas encore de droits politiques dans notre canton ! Et ce malgré une publicité abondante pour cette soirée-débat. Voudrait-on donner quelque chose qui n'est pas souhaité ? L'identité n'est-ce pas de vouloir quelque chose et non pas de le donner toujours ?

Ces réflexions ne doivent pas occulter notre position favorable par rapport au fond de ce projet de loi, mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'à vouloir trop on a rien ! Les étrangers souhaitent des droits politiques, c'est certain. La population a montré à réitérées reprises sa réticence à les accorder. Toutes les spéculations quant aux mentalités actuelles sont futiles. Personne ne sait réellement ce que le peuple est prêt à accepter. Preuve en est le sondage effectué auprès des élus communaux à fin 1997 et qui figure en annexe du projet de loi original du Conseil d'Etat. Si tous les élus sont pour accorder des droits, seuls les représentants des législatifs communaux dégagent une majorité en faveur du droit de vote uniquement. Pourquoi dès lors vouloir aller encore plus loin que le projet initial ?

Le risque d'un échec nous apparaît de plus en plus présent au fur et à mesure que les positions se figent, certains voulant faire de l'électoralisme mal placé en défendant avec force un projet maximaliste. Nous ne pouvons partager cette détermination et ne saurions cautionner un nouvel échec populaire, raison pour laquelle nous ne sommes pas en faveur de ce projet, tout en étant favorable à faciliter toute démarche permettant une meilleure intégration-insertion des résidents étrangers dans notre canton, comme nous l'avons démontré lors des débats sur la naturalisation.

Notre préoccupation d'éviter un échec s'est exprimé à maintes occasions sans avoir été véritablement entendue. Plusieurs points essentiels vont focaliser autant de positions antagonistes, augmentant ainsi les risques d'échec :

Le droit de vote lié au droit d'éligibilité générera immanquablement un plus grand nombre d'avis opposés que si seul le droit de vote était proposé.

L'obligation au lieu de la possibilité octroyée aux communes d'accorder ces droits va aboutir à autant de débats contradictoires que le canton comprend de communes, alors qu'il aurait été plus heureux de laisser chaque commune se prononcer après la votation. L'autonomie communale aurait ainsi été préservée, voire améliorée. Les avis opposés se seraient exprimés au niveau communal et leur impact aurait été consigné localement, en fonction des spécificités communales. Dans le cas présent toutes les communes qui sont contre ce projet vont se mobiliser pour tenter de le faire échouer.

L'absence de réciprocité va aussi créer des divergences bien inutiles. Quoi de plus fort que ce principe pour pousser la Confédération à engager des discussions et favoriser ainsi les réflexions des autres cantons. Là nous serions vraiment précurseurs ! Ces démarches devraient être facilitées par les traités d'établissement existants déjà avec bon nombre de pays. Ne serait-ce pas plus facile d'accorder des droits à ceux qui nous les accordent aussi ?

En conclusion, sans retour au projet de loi initial, agrémenté d'une clause fixant le principe d'une réciprocité, nous nous opposerons avec regrets à ce projet de loi pour les raisons évoquées et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire autant.

RAPPORT DE LA SECONDE MINORITÉ

Rapporteur: M. Pierre Marti

Soyons très clairs, un nouveau refus du peuple sera autant catastrophique pour les étrangers que pour Genève.

L'Alternative, en voulant aller trop loin avec leur proposition de ce projet de loi, sont soit inconscients soit irresponsables, car ils nous acheminent vers un refus sec et net du peuple.

N'oublions pas qu'en 1993 une telle proposition a été balayée par 71 % de non.

Pour de nombreuses années, nous devrons enterrer toute nouvelle proposition voire même la plus minimaliste mais réaliste proposée par le Conseil d'Etat en octobre 1998.

En réponse aux diverses demandes d'associations d'étrangers ou s'occupant du problème de leur meilleure intégration et surtout de résolutions de 9 conseils municipaux dont ceux des communes de Meyrin, Vernier et Onex, ainsi que d'un certain nombre de parlements des jeunes, le texte du projet de loi 7913 du Conseil d'Etat est le seul qui actuellement puisse obtenir l'accord d'une majorité en votation populaire.

En alpinisme, lorsque l'on veut atteindre un sommet, on étudie le parcours, on prévoit les divers bivouacs, on prépare son matériel, on s'entraîne puis lorsque tout est prêt, que l'on se sent bien entraîné, on peut se lancer à l'assaut de la cime, sauf ... si les prévisions météorologiques ne le permettent pas !

Cela doit être un peu médité dans notre travail de responsables politiques, députés ou autres, pour que nous arrivions à la plus grande intégration des étrangers

Naturalisation.

Peut-être que pour escalader ce sommet, un autre itinéraire serait plus judicieux, la naturalisation en est un, surtout avec les divers efforts entrepris tant sur le plan fédéral que cantonal pour la faciliter au maximum.

Il faut souligner que parallèlement à l'étude de ce projet concernant le droit de vote, la Commission des droits politiques a étudié le projet de loi 8066, concernant l'abrogation de toute taxe payée par les étrangers qui acquièrent la nationalité suisse à Genève, les émoluments couvrant les frais de procédure étant conservés.

L'obstacle financier, trop souvent évoqué et souvent à tort a été levé par notre vote du 31 août 2000. D'autre part, il n'est plus exigé la renonciation à son pays d'origine.

Ainsi tout étranger, sans renier ses racines familiales, désirant véritablement sa totale intégration et voulant participer totalement à la vie politique active tant sur le plan du vote que de l'éligibilité, pourra le faire très aisément.

Sans polémiquer, l'obligation du service militaire pour les jeunes restera un obstacle.

Il faut également relever qu'en commission le droit à la naturalisation a même été très largement discuté et pourrait faire l'objet d'un projet de loi.

Discussion en commission:

Il faut souligner que tous les commissaires de la minorité étaient d'accord avec la proposition du Conseil d'Etat, à savoir l'article 42 (nouveau) « Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers âgés de 18 ans révolus, titulaires du permis d'établissement.

Par le droit de vote, on entend le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer une initiative ou un référendum ».

Cependant, quelques députés de gauche, idéalistes peut-être mais « jusque boutistes », certainement peu en prise avec la réalité ont durci le ton et réclamé le droit de vote et d'éligibilité en matière communale ainsi que l'obligation d'application de cette loi à toutes les communes.

La belle unanimité a ainsi éclaté, la possibilité d'une ouverture politique aux étrangers est disparue ; ce premier pas, certes petit, mais qui pouvait être accepté par une majorité ne devient qu'un chausse-trappe. Je ne sais si cette majorité de gauche est prête à prendre la responsabilité d'un nouvel échec devant le peuple, car il s'agit bien de cela.

Un peu d'histoire :

Pourtant, dans la prise en considération, les députés s'inquiétaient des résultats tous négatifs en la matière en Suisse entre 1990 et 1996 et promouvaient la politique des petits pas. L'un a été franchi dernièrement et je m'en réjouis beaucoup, car j'étais de ceux qui, avec les députés Milleret et Gillet, l'ont initié voici plus de vingt ans, l'ouverture aux étrangers des juges prud'hommes. Cependant, une petite analyse permet de constater que d'une part, dans certains secteurs, il était quasiment impossible de trouver suffisamment de candidats suisses et que d'autre part la votation intervenait le même jour que pour des sujets très importants, tels que la diminution des impôts et qu'ainsi aucun parti, voire même l'UDC, n'avait fait campagne pour ou contre cette première reconnaissance publique des étrangers dans notre vie économique et politique, et ainsi faire le premier petit pas vers leur intégration.

Je me réjouis beaucoup d'enregistrer ce premier résultat positif comme je serais extrêmement heureux de fêter également, après deux décennies, l'aboutissement des projets de lois PL 5196 et PL 5197 proposés le 2 septembre 1980 par un député socialiste qui a consacré sa vie aux étrangers. Il s'agit de M. Berthier Perregaux. Que préconisait-il ?

Après l'exposé des motifs qui restent toujours d'actualité, à savoir :

Depuis plus d'un siècle, de nombreux étrangers travaillent chez nous. Actuellement un grand nombre d'entre eux est établi ici depuis plus de dix ans.

Les statistiques nous montrent qu'à fin 1978, sur un total de 97 428 étrangers résidant dans notre canton, 72 882, soit les trois-quarts, possédaient un permis d'établissement.

Ces étrangers viennent principalement des pays suivants :

Italie 29 673 = 40,71 %

France 16 105 = 22,10 %

Espagne 13 723 = 18,80 %

Il nous semble donc que cette population, à la stabilité certaine, devrait être mieux intégrée dans notre vie politique et en particulier dans celle de leur commune de résidence. Ces étrangers devraient pouvoir participer aux prises de décisions et aux élections.

Les étrangers titulaires d'un permis d'établissement devraient pouvoir être totalement intégrés dans la commune où ils résident. Ce serait de notre part le signe que nous les considérons comme des hommes et des femmes à part entière, tout en respectant leur origine et leur culture, comme nous respectons celles d'un Confédéré, par exemple, qui vient s'établir à Genève.

D'autre part, un nombre important d'enfants d'immigrés, qui ont grandi chez nous, ou même y sont nés, atteignent leur majorité. Il serait juste qu'ils se sentent acceptés totalement, donc aussi au niveau politique, dans leur commune de résidence et soient amenés à participer à sa vie publique sans être obligés de renoncer à leur origine.

Cependant, nous pensons qu'il ne serait pas judicieux d'imposer ce droit de vote aux communes. Il nous paraît beaucoup plus souhaitable de leur en laisser l'initiative et que ce soient les ressortissants suisses qui en débattent à ce niveau et l'accordent aux étrangers. Nous respectons en cela l'autonomie communale.

Lieu d'origine et droit de vote

Chaque Suisse est originaire d'une commune. Cependant, il exerce ses droits politiques dans sa commune de résidence. Pourquoi n'admettrions-nous pas qu'il en soit de même avec les étrangers, d'autant plus que nous ne prenons ici en considération que les étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement, donc les étrangers qui ont une connaissance certaine de nos us et coutumes.

Si l'on impose à un Confédéré qui vient s'établir à Genève un délai de trois mois avant de pouvoir voter au niveau communal et cantonal, le délai nécessaire pour l'obtention d'un permis d'établissement nous paraît plus que suffisant pour un étranger.

Enfin, et cela nous paraît important, en accordant le droit de vote aux étrangers, Genève ne ferait par preuve de pionnier en la matière.

En effet, dans le canton de Neuchâtel, les étrangers titulaires d'un permis d'établissement depuis cinq ans ont le droit de vote au niveau communal. Ce droit fut inscrit lors de la rédaction de la Constitution cantonale en 1849.

Dans le canton du Jura, depuis le 1er janvier de cette année, les étrangers domiciliés depuis dix ans sans discontinuer dans le canton, sont électeurs pour les scrutins du canton, du district et de la commune.

Notre proposition n'est donc pas nouvelle pour notre pays. Elle nous semble réaliste et réalisable. En l'acceptant, Genève montrerait son souci de mieux intégrer les étrangers qui vivent chez nous depuis longtemps et ferait honneur à sa réputation de terre d'accueil.

Les deux projets de loi datant du 2 septembre 1980 sont les suivants :

PROJET DE LOI

5196

modifiant la Constitution de la République et canton de Genève

(droit de vote aux étrangers) (A 2 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41, al. 2 (nouveau)

Les communes peuvent accorder le droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi

PROJET DE LOI

5197

modifiant diverses lois

(droit de vote aux étrangers)

(A 5 1 - B 6 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 3 (nouveau)

Les communes peuvent également accorder le droit de vote aux étrangers titulaires d'un permis d'établissement et domiciliés dans la commune depuis un an au moins.

Art. 2

La loi sur l'administration des communes, du 3 juillet 1954, est modifiée comme suit :

Art. 27, lettre s (nouvelle)

s) L'octroi du droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961.

Art. 67, lettre p (nouvelle)

L'octroi du droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961.

Y a-t-il vraiment une différence avec le projet de loi que le Conseil d'Etat nous a proposé en octobre 1998 et celui de M. Perregaux qui préconisait la sagesse et la patience des petits pas voici vingt ans. Le climat politique et les sensibilités des citoyens se sont-ils à ce point modifiés que l'on peut présenter le projet de loi que la majorité de l'Alternative vous propose ?

Encore une fois, la Gauche et les Verts font une très mauvaise analyse politique et seront responsables de la nouvelle claque donnée aux étrangers en maintenant le droit d'éligibilité et l'obligation faite à toutes les communes.

Dans leur argumentation, ils se réfèrent aux trois cantons qui ont octroyé le droit de vote aux étrangers, soit Neuchâtel, le Jura et Appenzell (AR), en spécifiant dans la presse que même la petite commune de Wald (environ 850 habitants) a accordé des droits politiques aux étrangers résidant depuis plus de dix ans en Suisse dont cinq ans dans le canton en passant sous silence qu'il ne s'agit que du droit de vote et que c'est sur demande !

Autonomie

Alors que l'ensemble du Grand Conseil demande une plus grande autonomie des communes, il est aberrant que pour cet objet l'Alternative en fasse fi, quoique ces derniers temps elle ait pris l'habitude d'agir comme une girouette suivant l'objet proposé.

La très large consultation qu'a effectuée le Conseil d'Etat et les diverses expériences et votes dans d'autres cantons démontrent qu'il est actuellement plus productif de permettre aux communes de donner aux étrangers ayant 8 ans au moins de domicile légal en Suisse le droit de voter, d'élire et de signer au niveau communal.

Cette façon de pratiquer par petits pas est la seule solution pour réaliser une percée définitive. Il en a été de même pour l'introduction progressive du droit de vote des femmes.

Ainsi, les communes pourraient en toute autonomie décider si, quand et comment elles souhaitent accorder aux étrangers la possibilité d'une participation plus active à la vie politique de leur lieu de résidence.

Délais

Après discussions et consultations, il apparaît plus juste et « eurocompatible » de modifier la proposition du Conseil d'Etat exigeant des étrangers d'être « titulaires du permis d'établissement » en l'exigence « ayant leur domicile légale en Suisse depuis 8 ans au moins ».

Ceci permet de ne pas reprendre les critères différents pour l'obtention du permis d'établissement.

Conclusion

La minorité de la Commission des droits politiques désire aboutir à une évolution positive dans une meilleure intégration des étrangers et elle l'a prouvé en votant la nouvelle loi facilitant la naturalisation.

Elle est absolument persuadée que la politique des petits pas en la matière est la seule solution et que sa proposition, bien que minimaliste pour certains, est un premier pas qui peut seul avoir une chance de succès devant le peuple.

Auparavant, elle doit déjà être soutenue par une très forte majorité voire l'unanimité des membres de notre Grand Conseil.

Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter l'amendement tel que formulé ci-dessous.

Art. 42, al. 1

1 Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.

Premier débat

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Nous allons discuter d'un projet de loi constitutionnelle important, surtout si l'on considère le scrutin à venir du 24 septembre. Comme vous êtes des députés disciplinés, vous avez sans doute tous lu mon long rapport et je ne vous ferai pas l'affront de vous en faire un résumé. Je n'en relèverai que certains points qui me paraissent importants.

Le débat que nous avons ce soir est issu d'un double processus, l'un interne à notre République, l'autre plus global, au niveau du continent européen en tout cas. Notre République a entamé le débat sur cette question il y a maintenant six ans, au sein des parlements des jeunes de diverses communes. Ces débats ont été relayés par différents conseillers municipaux au sein de leurs communes, dont neuf au total ont adopté une résolution renvoyée au Conseil d'Etat. Par la suite, le parlement cantonal, par le biais de la motion de ma collègue Bugnon, a demandé au Conseil d'Etat de réagir. Enfin, le Conseil d'Etat a proposé une modification constitutionnelle à notre Grand Conseil qui, après une année et demie de travaux en commission, se retrouve ici ce soir pour défendre trois positions distinctes. C'est le premier processus.

Le deuxième processus est un processus un peu plus large, qui depuis quelques siècles concerne l'élargissement des droits politiques au sein de la population résidente. Cet élargissement est passé d'abord par les droits politiques donnés à des minorités religieuses, ensuite par les droits politiques donnés aux moins favorisés du canton, puisqu'à une époque seuls les riches s'attribuaient le droit de décider pour la République. Dans l'histoire plus récente, ces droits politiques ont été accordés aux femmes. Aujourd'hui, c'est une étape historique que nous vous proposons de franchir, en accordant des droits politiques aux étrangers, droits politiques communaux dans le cas qui nous concerne.

Ce double processus est aussi le fruit d'une modernisation de notre société qui aujourd'hui, comme je l'ai dit dans l'introduction de mon rapport, nous amène de plus en plus à considérer que la citoyenneté et la nationalité sont deux choses distinctes. Quant à nous, c'est dans ce sens-là que nous voulons aller.

Je le disais tout à l'heure, Genève est saisie aujourd'hui de plusieurs débats concernant sa population étrangère. Le premier est lié à l'initiative des 18%, sur laquelle le peuple suisse est appelé à s'exprimer dimanche. Un autre débat est celui de ce soir, concernant les droits politiques communaux. Enfin, un autre est celui que notre Grand Conseil a eu sur la naturalisation et sur les taxes de naturalisation plus particulièrement. Ici, je tiens à souligner l'importance du travail qui a été réalisé par deux associations importantes de la place genevoise, MondialContact et le Centre de contact Suisses-immigrés, qui ont récemment déposé un rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, que tous les députés peuvent trouver à la salle des Pas Perdus.

Pour la majorité parlementaire, ces débats sont tous liés. En effet, si l'unanimité des forces présentes dans ce parlement appelle à refuser l'initiative des 18% le week-end prochain, il nous semble important que ces mêmes forces proposent une alternative aux citoyens et citoyennes de notre canton. En politique, on ne peut pas simplement se contenter de dire non ; il faut proposer quelque chose à la place. La majorité parlementaire de l'Alternative estime qu'il faut aller dans le sens d'une meilleure intégration des étrangers dans le canton et proposer une réelle politique pour atteindre cet objectif, qui doit passer par une loi sur l'intégration et bien sûr par des droits politiques accordés aux étrangers.

Dans cette introduction au débat, je voudrais revenir sur ce qui nous divise ce soir, puisque, bien que tous les partis disent être pour les droits politiques des étrangers, nous sommes trois rapporteurs à cette table. Je regrette les positions prises par la minorité, à commencer bien évidemment par celle défendue par M. Béné pour le groupe libéral, qui veut introduire un principe de réciprocité dans cet article constitutionnel. A mon avis, le groupe libéral n'a pas vraiment suivi nos trente-quatre heures de travaux en commission. Durant ces trente-quatre heures, nous avons discuté des étrangers, de ce qu'ils apportent à notre ville, à notre canton, des relations entre les Suisses et les étrangers, et finalement M. Béné rédige un rapport défendant la logique de la réciprocité, qui est une logique que pratiquent les Etats-nations entre eux, dans le cadre des relations internationales entre Etats. Les libéraux oublient en fait que, quelle que soit l'origine des étrangers dans notre République, ceux-ci n'en sont pas moins des résidents, qu'ils viennent d'un pays qui accorde des droits politiques communaux aux Suisses ou non. Le principe de la réciprocité est donc à rejeter absolument, il est vraiment hors débat ici.

Le second rapport de minorité, défendu par les démocrates-chrétiens et les radicaux, fait preuve d'un esprit qui, à mon sens, n'est pas très sain. En 1993, quand l'Alternative, par le biais d'initiatives populaires, soutenait l'introduction des droits politiques cantonaux pour les étrangers, vous nous disiez que nous allions trop loin, que vous étiez d'accord pour les droits politiques communaux, mais non cantonaux. M. Marti cite abondamment dans son rapport la proposition défendue en son temps par le député socialiste Perregaux, mais il oublie de préciser que, si cette proposition n'a pas été mise en oeuvre dans notre République, c'est bien parce qu'elle a été combattue par vos partis à l'époque. Il me paraît donc un peu facile de dire aujourd'hui que les gens de gauche de l'époque avaient raison et que nous avons tort, alors qu'en son temps vous aviez refusé cette proposition de M. Perregaux.

En lisant vos rapports de minorité, je constate que vous n'êtes pas contre les droits politiques des étrangers, mais que vous ne trouvez pas judicieux de les proposer au peuple, parce que vous pensez qu'ils vont être refusés. C'est là une tautologie évidente : finalement, vous ne soutenez que les projets dont vous pensez qu'ils ont une chance de passer devant le peuple ! Mais que mettrez-vous sur vos affiches ? «Mesdames et Messieurs les citoyennes et citoyens de cette République, nous vous proposons de voter non, parce que nous pensons que vous allez voter non...» ?

C'est là toute l'argumentation que vous développez, je le regrette, et je ne saurai que vous inviter encore une fois à vous rallier au rapport de majorité et à son projet de loi qui, en incluant des droits politiques complets au niveau communal pour les étrangers habitant depuis plus de huit ans sur le territoire suisse, a le mérite d'être clair et simple. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Le débat que nous avons ce soir est effectivement un débat important et, sur le fond, je dirai tout de suite que le groupe libéral est favorable à une meilleure intégration, à une meilleure participation des étrangers à la vie politique de ce canton, qu'il est favorable à l'amélioration des droits politiques des étrangers. Dans certaines communes, ce sont même les conseillers municipaux libéraux qui ont rédigé les résolutions dans ce sens. J'aimerais donc le répéter haut et fort : nous sommes favorables à l'amélioration des droits politiques des étrangers, contrairement à ce que j'ai pu entendre ces dernières semaines.

Cela dit, en commission, il y avait certes des petits points de tension, il y avait également le problème de la réciprocité, mais les prises de position n'étaient pas définitives et si le consensus finalement a été brisé, c'est qu'un commissaire a indiqué très clairement - c'était sauf erreur M. Rodrik - que, pour lui, il était absolument inimaginable de dissocier le droit d'éligibilité et le droit de vote. C'est là où malheureusement nous n'étions plus du tout d'accord. De même, il y avait également un problème d'autonomie communale, s'agissant de l'obligation qui était faite aux communes d'octroyer ces droits politiques, alors que le projet de loi initial prévoyait uniquement de leur en accorder la faculté.

Au-delà de cela, j'aimerais revenir sur le vrai problème : on a parlé, lors de cette session et lors de la précédente, des personnes qu'il fallait consulter au sujet de tel ou tel projet de loi ; on a parlé des élèves du cycle d'orientation à propos des classes de 7e hétérogènes ; on a proposé tout à l'heure de consulter les gens directement concernés à propos de l'éducation civique. Dans le cas présent, les gens directement concernés, ceux qui sont aujourd'hui le plus proches de ces préoccupations, sont ceux qui ont rédigé le rapport que vous avez trouvé sur la table de la salle des Pas Perdus, le rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, établi par MondialContact et le Centre de contact Suisses-immigrés. Or, dans ledit rapport, il n'y a aucune invitation à donner des droits politiques aux étrangers, tels qu'ils sont prévus dans ce projet de loi. Ce rapport mentionne que des débats ont lieu sur certaines améliorations, mais MondialContact ou le Centre de contact Suisses-immigrés n'ont en aucune manière pris position en faveur des droits politiques, en disant clairement : «Oui, c'est exactement ce qu'il faut faire !».

J'en veux pour preuve, et je suis très satisfait que M. Hodgers l'ait mentionnée dans son rapport, l'audition, à la page 21, de MondialContact sur le projet de loi initial - il n'était pas encore question d'éligibilité - qui résume, il me semble, l'essentiel du débat de ce soir. Je cite la fin du deuxième paragraphe : «Si c'est un non qui sort des urnes, on pourra au moins en déduire que ce n'est pas seulement l'éligibilité (prise de pouvoir) qui pose un problème, mais que celui-ci est plus profond.» En dessous, la dernière phrase du dernier paragraphe : «La participation des étrangers est un processus en lui-même, le droit de vote un outil parmi beaucoup d'autres...» C'est dire que MondialContact aurait préféré un petit pas, plutôt que le pas qu'on veut faire aujourd'hui en donnant unilatéralement tous les droits politiques d'un coup. Le groupe libéral, quant à lui, n'est pas d'accord d'assumer le rejet par le peuple de la solution maximaliste telle qu'elle est proposée, alors que la solution minimaliste proposée par le Conseil d'Etat aurait certainement eu beaucoup plus de chances de passer.

Le droit de vote lié au droit d'éligibilité va générer immanquablement un plus grand nombre d'avis opposés que si seul le droit de vote était proposé, je crois que là personne ne peut me contredire. L'obligation faite aux communes - au lieu de la faculté - d'accorder ces droits va également aboutir à autant de débats contradictoires que le canton compte de communes. Il aurait été bien plus heureux de laisser chaque commune se prononcer après la votation ; l'autonomie communale aurait ainsi été préservée, voire améliorée. Les avis opposés se seraient exprimés au niveau communal et leur impact aurait été circonscrit localement ; ceci aurait permis de prendre en considération les spécificités communales. En l'occurrence, beaucoup de communes risquent simplement d'être contre et de faire campagne contre ce projet de loi.

Je termine en évoquant le problème de la réciprocité. Je pense que si ce problème n'est pas intégré, il va inévitablement créer des divergences bien inutiles. Si le principe de réciprocité était introduit, il pousserait la Confédération à engager des discussions et à favoriser ainsi toutes les réflexions qui peuvent être faites avec les autres cantons. Il s'agirait là d'un processus précurseur qui montrerait quelle image Genève souhaite donner, non seulement de notre petit canton, mais également de notre Confédération. Il serait facile de consulter les Etats qui nous côtoient et même ceux qui sont plus éloignés : il existe beaucoup de traités d'établissement et il serait facile de les amender pour faire bénéficier de la réciprocité les Suisses de l'étranger, qui seraient certainement ravis d'avoir les mêmes droits que ceux que nous voulons accorder aujourd'hui aux étrangers.

Monsieur Hodgers, vous dites que nous ne faisons aucune proposition, mais notre proposition est claire : elle est de revenir au projet du Conseil d'Etat tel qu'il était formulé initialement. Je tiens d'ailleurs à relever que même ce projet n'avait pas l'aval de tous les organes des différentes communes : les conseillers municipaux et les membres de l'exécutif n'avaient pas forcément la même vision du problème. Certains étaient pour le droit de vote et pour le droit d'éligibilité, mais il n'y avait aucune majorité dans les exécutifs ou les législatifs communaux pour une simultanéité de ces droits. Nous souhaitons donc revenir au projet de loi initial, en y intégrant éventuellement la problématique du permis C et des huit ans de résidence, qui nous paraît être un point annexe, mais en y insérant surtout la notion de réciprocité. Nous proposons donc d'ajouter à l'alinéa 1 : «...pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses.»

Nous pensons que ceci ferait avancer la démocratie et l'intégration volontaire des étrangers. (Applaudissements.)

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. C'est avec une certaine émotion que je m'adresse ce soir au Grand Conseil, car voilà vingt-cinq ans j'étais un de ceux qui créèrent le Centre de contact Suisses-immigrés, qui s'était réuni pour l'occasion dans la salle paroissiale de la Jonction et dont l'un des buts était d'obtenir le droit de vote pour les étrangers. Je remercie les divers groupes qui depuis ont donné encore plus de dynamisme à cette recherche, surtout le groupe J'y vis, J'y vote ! et MondialContact. Cela démontre combien ce problème touche les jeunes et je me félicite que nous puissions en débattre. Cependant, il faut être très clair : un nouveau refus du peuple sera aussi catastrophique pour les étrangers que pour Genève. N'oublions pas qu'en 1993 une proposition identique avait été balayée par 71% de non.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de m'adresser à vous en ayant en vue l'efficacité et le pragmatisme, mais surtout en laissant parler mon coeur, afin de trouver la solution la meilleure pour l'intégration la plus large possible des étrangers, qui partagent notre vie sociale, économique, culturelle, mais malheureusement pas politique. Cet objectif, j'en suis certain, est partagé par vous tous et c'est bien la raison pour laquelle je vous présente un amendement qui reprend, quasiment dans sa totalité, la proposition du Conseil d'Etat. Nous voulons absolument aller de l'avant, mais pas à pas, afin d'arriver à moyen terme à une véritable intégration et au droit de vote et d'éligibilité. Il faut souligner que d'autres pistes pour l'intégration des étrangers ont été discutées en commission et qu'elles ont toutes été aplanies ces derniers jours, par exemple la naturalisation. L'obstacle financier, trop souvent évoqué et souvent à tort, a été levé par notre vote du 31 août 2000. D'autre part, la renonciation à son pays d'origine n'est plus exigée. Ainsi, tout étranger, sans renier ses racines familiales et d'origine, désirant véritablement son intégration totale et voulant participer activement à la vie politique, tant sur le plan du vote que de l'éligibilité, pourra le faire très aisément.

Pour revenir aux travaux de la commission, le projet du Conseil d'Etat, tel qu'il était présenté, avait quasiment réuni l'unanimité de la commission après la première lecture. Malheureusement, un certain nombre de députés de gauche ont voulu être jusqu'au-boutistes et aller beaucoup plus loin, en réclamant le droit de vote et d'éligibilité. Je le regrette, car nous aurions pu commencer par un premier pas, pour lequel je suis absolument certain que nous aurions obtenu l'assentiment du peuple.

Faire des petits pas n'est pas une chose complètement farfelue. Sachez qu'il y a une vingtaine d'années j'avais présenté, avec M. Milleret et Mme Gillet, un projet de loi pour ouvrir aux étrangers les fonctions de juges prud'hommes. On vient de voter cette modification de la loi : il a donc fallu vingt ans ! S'agissant du vote des étrangers, j'aurais aimé que, juste vingt ans après la proposition de M. Berthier Perregaux - dont M. Hodgers a souligné dans son rapport tout ce qu'il a fait pour l'intégration des étrangers - on puisse fêter le 20e anniversaire de cette proposition, qui était quasiment la même que celle présentée par le Conseil d'Etat, en gagnant devant le peuple.

Si nous continuons à préconiser le pas à pas, c'est parce que la très large consultation entreprise par le Conseil d'Etat et les diverses expériences faites dans d'autres cantons démontrent combien il faut être attentif. Commencer par permettre aux communes de donner aux étrangers ayant huit ans au moins de domicile légal en Suisse le droit de voter, d'élire et de signer au niveau communal, est la seule solution pour réaliser une percée définitive. Rappelez-vous qu'il en a été exactement de même pour l'introduction progressive du droit de vote des femmes.

En ce qui concerne les délais, nous proposons une modification par rapport au projet initial du Conseil d'Etat. Il est préférable et plus eurocompatible d'exiger que les étrangers, au lieu d'être titulaires du permis d'établissement, aient leur domicile légal en Suisse depuis huit ans au moins.

En conclusion, je vous demande vraiment, Mesdames et Messieurs, si vous voulez aller de l'avant, si vous voulez véritablement faire un premier pas dans l'intégration des étrangers, de voter à l'unanimité l'amendement qui vous a été distribué. Celui-ci remplace l'amendement de la page 82 du rapport, dont le numéro n'est pas le bon et dans lequel j'ai omis de reprendre l'alinéa 2 compris dans le projet du Conseil d'Etat. Je vous demande donc de voter cet amendement dans son ensemble.

M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit effectivement d'un projet extraordinairement important. Si on peut se féliciter que le Conseil d'Etat ait suivi les propositions qui ont été formulées et ait présenté ce projet de loi à l'unanimité, il convient quand même de rappeler, avec le rapporteur de majorité, que les droits politiques, qu'il ne faut pas confondre avec l'intégration, sont un droit. Dans une société comme la nôtre, où 53% des personnes actives sont d'origine étrangère, il n'est pas normal, il n'est pas acceptable au niveau démocratique qu'une majorité d'entre elles ne puissent pas s'exprimer sur les problèmes qui les concernent directement, sur l'organisation de la société dans laquelle elles vivent. C'est donc un acte de justice que nous devons faire, nous devons corriger une situation qui n'est en rien comparable avec celle qui a été décrite à l'appui de la réciprocité, mais je reviendrai tout à l'heure sur ce problème.

Pour nous, les droits politiques bien sûr ne sont pas qu'une question de principe. Il faut aussi dire haut et fort que les droits politiques, c'est le droit de vote et d'éligibilité et que l'un ne va pas sans l'autre. Mesdames et Messieurs les députés, comment allez-vous expliquer à la population qu'on donne le droit de vote aux étrangers, mais qu'on ne leur donne pas le droit de choisir, ou qu'on leur donne uniquement le droit de choisir d'autres qu'eux-mêmes, et que 53% de la population active sera exclue de ce droit d'éligibilité ? J'ai entendu les arguments qui ont été développés et je dois malheureusement constater qu'une grande partie de ce Grand Conseil, je pense plus particulièrement aux démocrates-chrétiens et aux radicaux, défend la politique des petits pas. Je le regrette, car si nous tous, dans ce parlement, voulions montrer un réel courage politique, nous devrions accepter le rapport de majorité et donner les droits politiques sans les dissocier. Vous avez refusé de le faire, nous ne pouvons que le regretter, car vous nous mettez dans une situation difficile au niveau de la votation populaire.

J'en viens au problème de la réciprocité, à l'image de Genève dans le monde et à la vision un peu idyllique de M. Béné concernant la réciprocité. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup d'endroits au monde où les Suisses de l'étranger représentent 53% de la population active, sans droits démocratiques et sans droits politiques ! Ce manque de droits est l'élément essentiel qui nécessite cette correction de notre part. Quant à la réciprocité, on pourrait la demander sur d'autres terrains et nous y serions à ce moment-là favorables. Je pense par exemple au secret bancaire, à différentes activités dont dépend l'image de la Suisse à l'extérieur. Si on veut parler de réciprocité, prenons des problèmes qui touchent directement à l'image du pays. L'image d'une Genève ouverte sur le monde, donnant le droit de vote ou d'éligibilité à une majorité de sa population qui est aujourd'hui privée de droits serait une belle image pour l'ensemble du monde et le plus bel exemple pour la réciprocité que pourraient nous accorder certains pays, s'ils ne nous ont pas déjà précédés.

Au niveau politique, nous nous trouvons maintenant dans une situation où chacun est appelé à faire un pas. Les bancs libéraux ont dit qu'ils n'étaient pas opposés au principe. Les radicaux et les démocrates-chrétiens sont de l'avis qu'il faut faire un pas, mais ils s'arrêtent malheureusement au milieu du gué, ce qui pose un problème politique de fond. Les jeunes de MondialContact et d'autres organisations l'ont dit : un vote négatif de la population genevoise serait catastrophique. Nous ne pouvons nous permettre de nous présenter divisés devant la population genevoise, avec un clivage classique gauche-droite, alors qu'il s'agit d'un problème qui nous interpelle tous. En l'occurrence, pour rallier l'unanimité de ce parlement, il suffirait que les libéraux renoncent au principe de réciprocité, s'engagent sur le projet présenté par le Conseil d'Etat, et que nous votions l'amendement de la minorité. Ce parlement pourrait ainsi proposer à l'unanimité au peuple genevois de donner le droit de vote à 53% de la population qui en est aujourd'hui privée ; à nous, ensuite, de passer à l'étape suivante et de compléter l'ensemble du dossier en donnant le droit d'éligibilité. Cela nous éviterait une défaite politique qui pourrait être grave, puisqu'on a vu, s'agissant notamment des prud'hommes, qu'il a fallu plus de vingt ans pour rectifier le tir.

En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas faire la politique du pire. Notre parti votera donc, compte tenu de la situation, la proposition d'accorder le droit de vote, en espérant que la plus grande majorité de ce Grand Conseil nous suivra et que nous pourrons gagner en votation populaire, car notre objectif est de faire avancer la cause de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas de droits politiques.

M. Pierre Vanek (AdG). Il l'a dit et vous l'aurez bien compris, Mesdames et Messieurs les députés, Jean Spielmann s'exprimait à l'instant au nom des trois députés du parti du Travail présents dans cette enceinte, et non pas au nom de la majorité des députés de l'Alliance de gauche et encore moins au nom du groupe AdG lui-même.

Comme il l'a relevé justement, la différence qui nous sépare ce soir est une appréciation tactique. L'Alliance de gauche est en faveur des droits politiques pour les résidents étrangers tant à l'échelle communale qu'à l'échelle cantonale, et nous l'avons inscrit dans notre programme électoral en 1997, celui-là même sur la base duquel nous avons été élus. Donc, aujourd'hui, quand la droite - parce qu'elle ne veut pas entrer en matière sur la proposition de la majorité de la commission consistant à accorder les droits politiques à l'échelle communale - nous présente comme des maximalistes, des jusqu'au-boutistes, des extrémistes qui voudraient tout et tout en même temps, elle peint une image absolument fausse. Au contraire, on m'a précisément reproché, du côté de gens qui me sont politiquement proches... (Commentaires.) Il y a pas mal de monde politiquement proche de moi en la matière, Monsieur Balestra, ne serait-ce que le Centre de contact Suisses-immigrés par exemple. On lit dans le rapport de majorité que la position que je défends est celle du CCSI, que M. Marti se vante d'avoir fondé il y a vingt-cinq ans et que cite M. Béné dans son rapport : le CSSI est d'avis qu'il faut accorder des droits politiques complets aux étrangers.

Accorder ces droits politiques à l'échelle communale est déjà une position ultra-minimaliste. En effet, il n'y a aucune raison, du point de vue de ces droits de l'homme - que nous avons tous eus à la bouche hier, Monsieur Halpérin, quand nous avons créé la nouvelle commission des droits humains - que les parents d'élèves étrangers ne puissent pas, par exemple, signer votre référendum concernant la 7e hétérogène au cycle d'orientation et voter sur cette question, qui les concerne évidemment très directement. Quel que soit le respect que j'ai pour la démocratie communale, je dois dire que réduire le débat à ce qui se passe à l'échelon des communes revient à n'octroyer qu'une toute petite portion des droits politiques aux résidents étrangers, qui pourtant font la vie de ce canton avec nous.

Maintenant, qu'avons-nous fait en commission ? je pense qu'il est utile de le rappeler. D'abord, si nous sommes effectivement entrés en matière, il n'y a pas eu unanimité au départ sur le projet de loi du Conseil d'Etat. D'ailleurs, le Conseil d'Etat lui-même posait, dans son exposé des motifs, toute une série de questions à la commission, au parlement, et nous demandait d'y travailler et d'y répondre. Le parti libéral quant à lui était très hésitant sur l'entrée en matière et j'ai dû, comme président de la commission, vigoureusement plaider le fait que l'entrée en matière ne représentait qu'une acceptation de la discussion sur cet objet pour qu'il s'y rallie. Nous sommes donc entrés en matière sur ce projet, qui représentait déjà une réduction considérable de ce qui est l'objectif de ce côté-ci de l'assemblée, à savoir les droits politiques à l'échelle cantonale aussi.

Nous avons ensuite travaillé autour du critère proposé par le Conseil d'Etat pour l'octroi de ce droit, qui était le permis C. Nous l'avons écarté, mais là non plus il n'y avait pas unanimité dans la commission, Monsieur Marti : nous étions très divisés, selon des lignes de clivage d'ailleurs un peu surprenantes. Quoi qu'il en soit, nous avons écarté ce critère du permis C et je suis heureux que personne ne s'y réfère aujourd'hui, parce qu'il est parfaitement injuste et renvoie à quelque chose comme la politique fédérale raciste dite des «trois cercles». Des gens peuvent avoir un permis C immédiatement dans certains cas exceptionnels, au bout de cinq ans pour les résidents d'un certain nombre de pays avec lesquels nous avons des accords bilatéraux, ou au bout de bien plus longtemps voire jamais pour d'autres. Nous avons donc accepté un critère de pure résidence, indépendant du statut ou de l'absence de statut, critère qui n'est pas celui que demandaient certaines associations, notamment le CCSI, soit cinq ans, mais nous avons estimé qu'on pouvait accepter l'équivalent de deux législature, c'est-à-dire huit ans de résidence.

Deuxième modification que nous avons effectuée en commission : nous avons estimé que le projet de loi du Conseil d'Etat qui introduisait la simple faculté pour les communes d'octroyer les droits politiques revenait à se cacher derrière son petit doigt. M. Cramer, pour qui j'ai beaucoup d'amitié, nous disait en quelque sorte que c'était une «bonne combine» et qu'ainsi on ne discuterait pas du droit des étrangers, mais d'un droit supplémentaire pour les communes. Nous lui avons répondu que le débat porterait évidemment, qu'il le veuille ou non, sur le droit de vote pour les étrangers et que cet octroi commune par commune conduirait à un patchwork communal de droits différents selon le côté de la rue, à un méli-mélo inacceptable du point de vue des conditions générales de l'exercice de la démocratie communale. C'est un avis que les personnes auditionnées partageaient largement, je fais référence notamment au représentant des associations patronales, Michel Barde, cité dans le rapport de notre ami Hodgers : l'UAPG pense que l'autonomie communale entraînera un méli-mélo sur le canton qui n'est pas souhaitable. Nous avons donc écarté cette disposition, partageant, sur ce point, l'avis des patrons.

Il faut dire cependant que, pour nous, ce point-là n'était pas une question de principe ; nous estimions peu opportun et peu raisonnable d'introduire cette clause, mais nous étions prêts, le cas échéant, à le faire. Dans un esprit de consensus, les partis dits de l'Alternative se sont donc adressés aux partis de l'Entente, officiellement et par un courrier ad hoc. Ceux-ci ont refusé de soutenir, même un projet de loi qui aurait comporté cette concession. Antonio Hodgers a signé la lettre de nos partis à ce sujet, il s'en rappelle ; il vaut peut-être, pour mémoire et pour le Mémorial, la peine de le rappeler ici.

Maintenant, j'en viens à la question dont vous faites grand cas politiquement et M. Béné notamment, à savoir que maintenir l'éligibilité, ce serait «maximaliste», ce serait «impossible». Je citerai à cet égard, parmi les gens que nous avons auditionnés, le président de feu la FINIM, l'ex-conseiller d'Etat démocrate-chrétien Guy Fontanet, qui a dit à notre commission que, sur le plan «éthique» - je cite ses propres mots - il était inadmissible de scinder droit de vote et droit d'éligibilité.

Mais il y a encore autre chose, Mesdames et Messieurs : il n'y a aucune raison que cette logique du pas à pas, des petits pas, des pas les plus petits possibles s'arrête là, et vous le savez. Le parti libéral, avec sa proposition de réciprocité qui ne peut pas fonctionner, cherche un prétexte, n'importe lequel, pour ne pas avoir à dire ouvertement non. D'autres aussi cherchent un prétexte pour se distancer de l'octroi des droits politiques aux étrangers. Or, si on s'engage dans cette voie a minima, pourquoi alors accepter le projet du Conseil d'Etat lui-même ? Je pourrais aussi l'attaquer «en démontrant» qu'il est extrémiste. Pourquoi ne pas commencer, par exemple, par le droit de signer des référendums et des initiatives seulement ? Pourquoi ne pas donner aux étrangers uniquement le droit d'élire les conseils municipaux, et pas celui d'élire les exécutifs ? Je pourrais décliner les tranches de saucisson de manière extrêmement fine pour démontrer qu'on pourrait aller beaucoup, mais beaucoup moins loin que ce que propose le Conseil d'Etat, et affirmer que c'est là seulement la voie «réaliste», celle du bon sens !

En l'occurrence, il faut mettre la barre quelque part et dans le projet tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous proposons que les étrangers ayant leur domicile en Suisse depuis huit ans exercent les droits politiques, sans saucissonnage de ces droits, qu'ils les exercent en matière communale à leur lieu de domicile ; pour le surplus, les législations fédérales et cantonales s'appliqueront.

C'est une position d'une modération extrême, une position parfaitement raisonnable, à laquelle nous nous tiendrons ce soir. Nous avons déjà abondamment discuté dans cette enceinte du principe de la non-séparation, sauf motif grave, du droit de vote et d'être élu, ceci au moment où nous avons supprimé les incompatibilités pour les travailleurs de la fonction publique, leur permettant ainsi de siéger dans cette enceinte. Décision confirmée en votation populaire ! Il y avait eu un consensus sur le fait qu'il fallait un motif extrêmement grave pour scinder ces droits. Aujourd'hui, le motif grave que vous invoquez, c'est de pouvoir présenter un projet qui, d'après ce que vous prétendez, passerait plus facilement. Mais, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas faire de la politique de cette façon ! Antonio Hodgers a eu parfaitement raison de le dire tout à l'heure : ceux qui seront responsables d'un échec hypothétique, ce ne sont pas ceux qui auront voté la proposition de la majorité de la commission ; ceux qui seront responsables d'un tel échec seront ceux qui auront appelé à voter non. Si vous êtes de ce côté-là, vous prendrez vous-mêmes sur vous la responsabilité éventuelle d'un échec...

Le président. Vous atteignez la fin de votre temps de parole, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Un dernier mot, Monsieur le président ! J'aimerais qu'on utilise à propos de cette question une grille de lecture qui se réfère à la dernière grande catégorie de citoyen-ne-s à laquelle on a octroyé le droit de voter, d'élire et d'être élu : les femmes. Nous avons tous un peu honte aujourd'hui que notre pays ait mis si longtemps à aller de l'avant sur cet sujet. Imaginez que le même type de proposition ait été faite à l'époque ! A-t-on proposé à Genève d'octroyer d'abord le droit de vote aux femmes, mais pas celui d'être élues ? Non ! A-t-on proposé de l'introduire dans les différentes communes qui l'accepteraient seulement ? Non ! Cette grille de lecture là montre bien le caractère dérisoire et honteux des objections qui nous sont faites.

Un dernier mot sur l'amendement libéral, qui propose une soi-disant réciprocité. Vous invoquez, pour octroyer ce droit à des ressortissants étrangers, la nécessité que les Etats étrangers aient octroyé un droit équivalent. Cela signifie concrètement que si une commune, dans un pays étranger, adoptait le même type de législation, les citoyens des communes genevoises qui, par hypothèse, auraient eu ce droit dans cette commune-là, ne l'auraient simplement pas, parce que l'Etat «réciproque», la Suisse n'aurait pas accordé cette réciprocité. Cette proposition, c'est donc du bouillon pour les morts, c'est une tentative de vous cacher derrière votre petit doigt, parce que vous n'osez pas dire franchement face à l'opinion publique que vous êtes contre le projet.

Mais, en l'occurrence, je salue le fait que vous n'osiez pas le dire ! En effet, cela signifie qu'il y a eu un progrès, un changement des mentalités. Le fait qu'aucun parti dans cette salle n'ose se lever pour défendre la position de droite classique consistant à dire que les étrangers n'ont qu'à se naturaliser, que la naturalisation suffit comme voie d'accès à la citoyenneté, est une indication du progrès accompli ; cela indique que cette votation se présente peut-être sous des auspices moins défavorables que nous ne les peignent certains ! (Applaudissements.)

M. Jean-François Courvoisier (S). Il y a chez nous, malgré la facilité du droit de vote par correspondance, un nombre considérable de compatriotes qui ne votent pas et qui se désintéressent complètement de la vie politique. Puisque tant de Suisses ne vont pas voter et se désintéressent de la chose publique, laissons voter les étrangers qui le désirent et qui se comportent comme de bons citoyens. Ce droit accordé aux étrangers stimulera sûrement le sens civique de nos concitoyens, qui ne voudront pas laisser les étrangers gérer seuls leur commune et qui recommenceront à utiliser leur droit de vote, pour le plus grand bien de tous. Pour nous, le droit de vote est indissociable du droit d'éligibilité, car si l'on va voter il faut pouvoir aussi choisir ses candidats.

M. Albert Rodrik (S). Je me présente : extrémiste sexagénaire jusqu'au-boutiste !

Une voix. Ça se voit !

M. Albert Rodrik. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier l'ancien conseiller d'Etat Haegi, qui a fait démarrer ce processus, l'actuel conseiller d'Etat Cramer...

Une voix. Robert !

M. Albert Rodrik. M. le conseiller d'Etat et cher ami, Robert Cramer... (Rires et exclamations. L'orateur est interpellé par M. John Dupraz.) On peut terminer ? Ton tour viendra, mais boucle-la, maintenant !

...qui a accompagné nos travaux et qui nous a aidés, et, enfin, les parlements des jeunes.

Mesdames et Messieurs les députés, je suis arrivé dans ce pays il y a quarante-cinq ans, et il y a trente-deux ans les gens d'Onex et ce parlement - à l'époque, le Grand Conseil le faisait - ont fait de moi un citoyen. Moi, j'ai choisi la voie de cette forme d'intégration. Les modes d'intégration des étrangers sont différents et personnels : certains se naturalisent, d'autres vivent ici avec un permis C depuis trois générations, avec toujours leur passeport étranger. Trouver des prétextes pour dire que la naturalisation est simplifiée et qu'on n'a plus besoin de renoncer à sa nationalité d'origine depuis 1995, selon le droit fédéral, n'est donc pas en rapport avec le débat que nous tenons. On s'intègre comme on le peut, comme on le sent, comme on le veut, comme on s'adapte et comme se fait la vie de l'étranger ici !

Mesdames et Messieurs les députés, depuis que le rapport de notre ami Hodgers - Monsieur Hodgers - est sorti...

M. John Dupraz. Camarade Hodgers ! (Rires.)

M. Albert Rodrik. ...les prudents, les raisonnables, les parcimonieux et les calculateurs nous ont fait la leçon : nous serions extrémistes !

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons dit depuis le début que nous nous occuperions du plan communal, et nous n'avons pas arrêté de nous en tenir au plan communal ! Pourquoi dis-je cela ? Parce qu'on nous cite abondamment l'exemple de 1993 et des deux scrutins : le maximaliste et le minimaliste, où nous avons pris une claque à plus de 70% ! Qu'avaient donc de commun ces deux scrutins ? Ils avaient bien quelque chose en commun : ils débordaient sur le plan cantonal ! J'ai personnellement passé les deux années préparatoires de ces deux initiatives à dire qu'il ne fallait pas commencer comme cela dans ce pays et qu'il fallait commencer par la commune ! C'est cela la politique des petits pas ! Et une fois que le plan communal est traité, on peut passer à l'étape suivante. Eh bien, les jusqu'au-boutistes de l'Alternative ont eu cette discipline, cette fois !

Deuxième chose. Au cours des débats, de cette place, j'ai déjà évoqué les trois problèmes à propos desquels nous ne pouvions pas souscrire au projet de loi du Conseil d'Etat ; trois, et trois seulement, dès la séance de prise en considération :

- le permis C à géométrie variable ;

- le fait de soumettre aux quarante-cinq communes de ce canton, sur une si petite superficie, la faculté de donner ou de ne pas donner l'exercice d'un droit politique, mettant en péril la cohésion du tissu social et permettant qu'à un kilomètre de distance une personne y ait droit ou non. Cela créerait des «poches» dans ce canton qui auraient des ressortissants étrangers avec droits politiques et d'autres pas ! Réfléchissez à ce que cela signifierait si les communes où les droits politiques étaient donnés aux étrangers étaient les mêmes que celles où le revenu fiscal par tête d'habitant est le plus bas du canton ! Réfléchissez aux conséquences que cela aurait sur le tissu social de ce canton !

- et, enfin, le droit et la jurisprudence et les lois disent dans quelles conditions, depuis les conquêtes de l'Etat libéral du XIXe, on dissocie le droit de vote et d'éligibilité. Il y a, Mesdames et Messieurs, des raisons très particulières pour lesquelles des citoyens qui ont la jouissance de leurs droits politiques n'en ont pas l'exercice. Nous ne pouvons pas collectivement dire que tous les ressortissants étrangers qui vivent et travaillent avec nous ici, globalement, sont soumis à des conditions qui font que dans ce pays certains ont la jouissance mais pas l'exercice des droits politiques. C'est un amalgame sur lequel, pour nous, il y a ce que j'appelle un non possumus absolu !

Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas dans la République des oracles et des pythonisses ! Moi, je ne sais pas ce que le peuple est prêt à accepter ou pas, aujourd'hui ! Ce que je sais, c'est que depuis trente ans, depuis les initiatives Schwarzenbach, le trend, la tendance, est de dire qu'il faut faire attention et avancer à petits pas ; qu'il faut apaiser le Moloch, le Moloch de la xénophobie, le Moloch du racisme ! Non, les démocrates n'apaiseront pas ce Moloch parce qu'il est insatiable : c'est bien ce 1er août au Grütli qu'un conseiller fédéral a été conspué - et pas n'importe quel conseiller fédéral !

Une voix. Radical !

M. Albert Rodrik. Un radical, celui qui, président de la Confédération en 1995, a présenté les excuses de la Suisse pour les péripéties de la Deuxième guerre mondiale ! C'est lui que les skinheads ont conspué, mais il n'a pas réagi !

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes des adeptes de la politique des petits pas, c'est pourquoi nous n'avons jamais quitté le plan communal. Nous voulons mener cette politique des petits pas, mais pas en dissociant des éléments aussi fondamentaux - et qui portent des jugements de valeur sur les gens - que le droit de vote et d'éligibilité ! Non, je ne sais pas ce que le peuple est capable d'accepter, mais ce que je sais, moi en tant qu'élu du peuple, c'est ce qu'en conscience je puis lui apporter, c'est-à-dire ceci : les ressortissants étrangers ayant leur domicile légal dans ce pays depuis huit ans au moins doivent pouvoir exercer les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile ! C'est un droit qui les met sur le même plan que les Suisses, pour ce qui est du plan communal, et toute autre solution ne me paraît pas compatible avec la dignité de ceux qui vivent ici, travaillent ici et qui sont nos compagnons de route !

Mesdames et Messieurs les députés, l'extrémiste va se taire, mais ce qu'il a dit ici est un devoir d'honneur. Vive Piogre et vive la fraternité universelle des êtres humains, qui ne s'arrête pas à un passeport ! Mesdames et Messieurs, merci ! (Applaudissements et contestations.) 

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Vaste débat ce soir ! Monsieur le rapporteur de majorité, j'ai beaucoup aimé votre rapport, la justesse de vos propos, la sensibilité qui s'en dégage et surtout l'approche que vous avez de ce problème que vous connaissez si bien, notamment lorsque vous dites, à la page 42, qu'une «démocratie qui fonctionne sans le 40% de sa population est porteuse d'un dysfonctionnement...» C'est tout à fait vrai. Ces 40% de la population, ce sont ces étrangers qui ont contribué au développement économique, culturel, et au rayonnement de notre canton, ces étrangers qui ont souvent été décriés dans ce pays et auxquels il est juste et normal d'accorder ces droits. Et le parti du Travail, comme l'a dit Jean Spielmann, a, dans ses programmes, toujours réclamé le droit de vote et d'éligibilité pour tous les étrangers.

Cela dit, et je parle aussi en tant qu'étrangère, puisque je vis dans ce pays depuis trente ans et que pendant quelques années j'ai fait partie de ces étrangers qui n'avaient pas de droits politiques, c'est justement parce que j'ai peur du verdict populaire que je ne peux pas vous suivre, Monsieur le rapporteur de majorité, lorsque vous demandez le droit de vote et d'éligibilité. En effet, qu'allons-nous dire aux étrangers si le peuple nous dit non ? Comment assumerons-nous nos responsabilités si encore une fois, comme en 1993, nous enregistrons un refus ?

Personnellement, même si cela me fait très mal au coeur de prendre cette décision, je dis qu'il est préférable, comme l'a expliqué Pierre Marti, de mener une politique des petits pas, de proposer le droit de vote, puis de revenir très rapidement sur le droit d'éligibilité. Je rappellerai ici que dans le canton de Neuchâtel, qui va se prononcer ce week-end sur le droit de vote des étrangers au niveau cantonal, il y avait un large consensus politique et que la décision a justement été prise de ne demander que le droit de vote. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de M. Marti, tout comme les représentants du parti du Travail et certains Indépendants.

M. René Koechlin (L). Mesdames et Messieurs, contrairement à certains préopinants, je ne chercherai pas à vous arracher des larmes par mes propos, à faire vibrer chez vous le côté émotionnel, mais je tenterai plutôt de faire appel à votre raison. En d'autres termes, je vais essayer de recentrer le débat.

Ce dernier nous démontre une fois de plus que sur des sujets fondamentaux - car je considère que ce sujet est fondamental - nous nous entendons et nous trouvons un consensus à propos de l'objectif suprême. Nous sommes d'accord sur les finalités. En l'occurrence, et je crois que M. Rodrik lui-même, tout extrémiste qu'il soit, ne me contredira pas, la finalité pour nous, c'est qu'en Europe, car nous sommes en Europe, tous les citoyens, où qu'ils habitent, aient le droit de vote et le droit d'éligibilité à l'endroit où ils vivent, comme c'est le cas dans notre pays entre tous les cantons, quel que soit le canton dont on soit ressortissant. J'étais Zurichois à l'origine : je suis élu ici et je vous parle ! Je suis un estranger de l'intérieur ! Et je rêve - je rêve car je sais que je ne la verrai pas de mon vivant - d'une Europe où il en serait ainsi, où tout citoyen européen aurait le droit de vote et d'éligibilité à l'endroit où il habite.

Cela, c'est l'objectif suprême, Mesdames et Messieurs, mais nous sommes tous réalistes et nous nous rendons compte que cet objectif idéal, nous ne pouvons pas l'atteindre dans un délai suffisamment court. Or, comme nous sommes un peu pressés et que nous avons envie d'aller dans ce sens, de nous diriger vers cet objectif suprême, nous adoptons ce que l'on appelle la politique des petits pas. Sur ce point aussi, nous sommes tous d'accord : nous sommes tous d'accord d'adopter une politique des petits pas, car nous pensons que, du point de vue stratégique, c'est probablement le meilleur moyen d'atteindre un jour l'objectif final. Là où nous divergeons, c'est sur la dimension des pas. Certains voudraient franchir tout de suite un pas un peu plus grand, d'autres rétorquent qu'il est trop grand, qu'il ne passera pas devant le peuple - s'agissant d'une loi constitutionnelle, nous sommes obligés de la soumettre au souverain. Evidemment, nous avons peur d'un refus et, là aussi, nous sommes d'accord : un refus du peuple serait catastrophique, car il risquerait d'envoyer ce type de projet aux oubliettes pendant des années, ce que nous ne voulons pas non plus.

Quant à nous, nous nous demandons donc quel petit pas franchir pour commencer. Si nous parlons de politique des petits pas, cela veut dire qu'il y en aura plusieurs, mais il faut les concevoir aussi petits que possible, de manière qu'ils aient le maximum de chances d'être acceptés par le souverain, de manière à nous encourager à franchir le suivant immédiatement après, et ainsi de suite.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je fais appel à votre raison : franchissons un petit pas, un pas auquel le souverain ne s'opposera pas, qu'il acceptera. Ensuite, une fois que le peuple se sera prononcé positivement, nous viendrons avec un nouveau projet de loi constitutionnelle et ainsi de suite. Je vous propose cette stratégie, parce que c'est une stratégie réaliste dans notre démocratie où le souverain a toujours le dernier mot. Et je me rallie à la proposition faite par M : Spielmann tout à l'heure, à savoir laisser le choix aux communes et nous limiter au droit de vote. Commençons par ce premier pas, ensuite nous franchirons le suivant. En ce qui me concerne, je suis prêt à renoncer à la réciprocité, parce que la réciprocité revient à ne rien faire. J'encouragerai donc mes collègues et M. Béné à retirer cet amendement, si nous nous mettons d'accord sur la proposition faite par M. Marti. C'est un petit pas raisonnable, qui pourrait peut-être emporter l'adhésion de la totalité de ce Grand Conseil, de façon à donner le maximum de chances à ce projet de loi de passer devant le souverain. Car c'est cela que nous voulons : nous voulons que le souverain approuve ce projet de loi, approuve ce premier pas. Alors, mettons-nous d'accord, mais montrons-nous tacticiens plutôt qu'adversaires politiques, parce qu'ici le problème est plus tactique que purement politique.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre l'amendement de M. Marti : il me paraît être le plus raisonnable et celui qui donne le plus de chances à ce projet de loi d'aboutir devant le souverain.

M. John Dupraz (R). Pour bien comprendre ce projet de loi, il faut faire un peu d'histoire et rappeler quel a été le processus qui a amené le Conseil d'Etat à déposer ce projet. Tout est parti des démarches de parlements des jeunes, qui ont été relayées par des Conseils communaux, par des résolutions communales demandant de trouver une possibilité d'octroyer le droit de vote aux étrangers résidant dans lesdites communes. Mme Fabienne Bugnon a relayé ces résolutions communales par une motion et le Conseil d'Etat, courageusement, a fait une proposition pour répondre aux préoccupations des communes.

En l'état, le projet de loi du Conseil d'Etat n'est pas un projet minimaliste. Monsieur Etienne, vous avez beau hocher la tête comme un âne : c'est un conseiller d'Etat de la majorité qui a proposé ce projet de loi, ce n'est pas moi, et il l'a proposé conformément aux voeux exprimés par les communes ! Le Conseil d'Etat a fait une appréciation politique et a expliqué - cela nous a été dit en commission - qu'il était difficile d'aller plus loin, si on voulait avoir une chance de progresser en la matière, notamment après l'échec de 1993. Il vaut mieux commencer par un projet de loi, qui peut paraître minimaliste mais qui est réalisable et politiquement acceptable.

M. Courvoisier propose de donner le droit de vote aux étrangers qui habitent notre canton sous prétexte que beaucoup de Suisses ne vont pas voter. Mais, Monsieur Courvoisier, Mesdames et Messieurs les députés, croyez-vous que les étrangers iront voter plus que les Suisses ? Moi, je n'en sais rien mais j'en doute... Du reste, je n'ai jamais vu les étrangers manifester dans la rue de l'Hôtel-de-Ville avec des pancartes : «Donnez-nous le droit de vote !». Je les ai vus manifester pour avoir une augmentation de salaire, ce qui me paraît tout à fait logique et légitime.

En fait, par notre démarche ce soir, nous voulons donner un signal aux étrangers : nous les accueillons, ils participent à la vie économique et à la prospérité de ce pays par leur travail et, après un certain nombre d'années, nous estimons donc qu'ils ont le droit, au niveau local, de participer aux décisions communales, dans un premier temps. C'est un geste d'ouverture, mais ce n'est qu'un des éléments de l'intégration des étrangers dans notre pays, dans notre canton, dans notre société. En effet, je crois que c'est bien plus par la vie associative, qu'elle soit sportive, artistique, religieuse, que les gens s'intègrent. Dans des petits villages comme le mien, il y a de bons Suisses qui s'établissent pour des raisons x ou y, et qu'on ne voit jamais, qui ne s'intègrent pas. Et il y a des étrangers qui sont là depuis deux ou trois ans et qui participent à la vie du village. L'intégration est donc avant tout un acte, je dirais bilatéral, entre ceux qui accueillent et ceux qui sont accueillis, une rencontre entre les uns et les autres. Dans le cadre de notre activité professionnelle, mon épouse et moi avons eu un collaborateur étranger pendant dix-sept ans qui, pendant dix-sept ans, matin, midi et soir, partageait nos repas en famille : c'est aussi cela l'intégration, à côté du droit de vote qui est un signal positif que nous donnons.

En l'état, j'estime que le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat est raisonnable et répond aux préoccupations des communes. C'est pourquoi le groupe radical suivra la proposition faite par M. Marti. Quant à la réciprocité que souhaite M. Béné, je ne vois pas comment nous pourrions l'obtenir. Genève est un canton, l'équivalent d'un département en France, ce n'est pas un Etat, et je ne vois pas comment notre ministre des affaires étrangères irait négocier la réciprocité avec d'autres pays parce que nous accorderions le droit de vote aux étrangers en matière communale. Cela me paraît difficile. Ce qui est proposé par M. Béné représente plutôt un blocage dans cette volonté d'intégration.

Encore une fois, je vous invite à voter le projet proposé par M. Pierre Marti, qui reprend l'essentiel du projet du Conseil d'Etat. Nous souhaitons vivement que le Grand Conseil se rallie à ce projet-là, qui est praticable, qui est raisonnable, qui va dans le bon sens et qui a une chance d'être accepté.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts ont depuis toujours fermement milité en faveur du droit de vote des étrangers. Je ne reviendrai pas sur ce que M. Antonio Hodgers a fort bien dit et qui traduit parfaitement l'opinion de la majorité de la commission. En acceptant le rapport de majorité, Mesdames et Messieurs, notre parlement fera un grand pas en faveur de toute une population exclue de la vie politique communale, du simple fait qu'elle n'est pas suisse. En acceptant le rapport de majorité, on ne créera pas une citoyenneté à deux vitesses. Tout au contraire, on accordera les mêmes droits aux uns et aux autres, car comment pourrait-on accepter que l'on puisse voter mais ne pas pouvoir être élu ? Comment pourrait-on accepter que, sur un petit territoire comme Genève, une commune pourra ou non accorder l'exercice des droits politiques aux étrangers ? Non, pour nous, l'exercice des droits politiques ne doit pas être découpé, mis en quartier ; c'est un tout et c'est ce tout que nous aimerions voir voter ce soir.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Non seulement les Verts tiennent ce discours depuis longtemps, mais ils sont pour les droits politiques des étrangers entiers et complets, par analogie à ceux dont les Suisses disposent. Comme nous respectons la volonté populaire, nous avions décidé de ne pas revenir devant le peuple avec une nouvelle initiative et il a fallu l'initiative des parlements des jeunes pour que le débat reprenne ce soir. Ici, je dois m'inscrire en faux contre ce qui est écrit dans le rapport de M. Marti, lorsqu'il dit : «N'oublions pas qu'en 1993 une telle proposition a été balayée par 71% de non.» C'est totalement faux : la proposition sur le droit de vote et d'éligibilité sur le plan communal n'avait pas été présentée en 1993.

Nous restons quant à nous convaincus que pour une personne intégrée - et huit ans de résidence nous paraissent être l'un des critères - les droits civiques complets sont indissociables. Un nouveau débat s'ouvre aujourd'hui grâce à MondialContact et au Centre de contact Suisses-immigrés : les droits politiques des étrangers comme instrument d'intégration, comme élément du processus de cette intégration et comme outil essentiel de ce processus. C'est un débat intéressant, c'est un intérêt nouveau d'intégrer les droits politiques dans une intégration globale, d'où la volonté de déposer un projet de loi sur l'intégration, avec les associations qui ont une connaissance et une expérience des milieux d'étrangers. Le projet est imminent, il sera déposé lors de la prochaine séance et il aurait été intéressant d'inclure le droit de vote dans ce même débat.

Aujourd'hui, pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, on dissocie, puisque l'on commence par un des éléments de ce processus, soit les droits politiques. Dans ces droits politiques, on choisit le niveau le plus faible, puisque, même si les décisions sur le plan communal sont d'une grande importance - notamment sur le plan de la politique de proximité et donc de la politique d'intégration - il faut reconnaître que la population est rarement sollicitée sur des objets communaux, sauf au moment des élections. Enfin, on souhaiterait encore amputer les droits politiques, en accordant généreusement le droit de vote aux citoyens étrangers répondant aux critères, mais en leur déniant le droit de décision, en les empêchant d'entrer dans un exécutif ou un législatif. Cette proposition est totalement inacceptable. Non seulement on nous demande de trier les droits civiques et de mettre de côté les droits au niveau fédéral et cantonal, mais en plus on nous demande de couper en deux le dernier niveau et de sortir du jeu politique, une fois encore, des milliers de personnes parfaitement intégrées.

Cette fois-ci, nous ne vous suivrons pas. Nous avons, au nom des compromis, avalé suffisamment de couleuvres et il en va cette fois-ci du respect de l'étranger. Ce respect, vous le foulez aux pieds. Je me sens honteuse de cette nouvelle humiliation que vous voulez leur infliger ce soir. Ceux qui défendent ce point de vue, au nom du petit pas qui vaut mieux que rien du tout, n'ont aucun crédit, car vous savez fort bien que cela ne changera rien du tout au vote du peuple. Ou les électrices et électeurs genevois sont prêts aujourd'hui - comme ils nous l'ont prouvé en acceptant des juges prud'hommes étrangers - à octroyer des droits civiques, et ils seront alors assez adultes pour les accorder dans leur entier. Ou alors ils ne sont pas encore prêts, ni au droit de vote ni au droit d'éligibilité, et nous ferions mieux de réfléchir avant de le leur proposer. Je vous demande donc fermement et avec conviction de refuser l'amendement de M. Marti.

Quant aux propositions de réciprocité chères aux libéraux, alors qu'elles n'ont même pas été imaginées par le Conseil d'Etat, ou au choix laissé aux communes d'accorder ou non ce droit de vote, ces propositions relèvent de l'anecdote ; le rapport de mon collègue Hodgers est suffisamment clair pour que je n'y revienne pas.

En ce qui nous concerne, nous n'accepterons donc aucun nouveau marchandage et j'espère que du côté de l'Alliance de gauche non plus. Nous refuserons les deux amendements et nous vous proposons d'en faire de même. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Je souhaite une très longue vie à M. Koechlin après son intervention, mais j'aimerais quand même l'informer que l'Europe communautaire donne déjà aux ressortissants étrangers communautaires des droits politiques complets, droit de vote et d'élibigilité, après un certain temps de résidence. Cette utopie dont vous parliez est donc toute proche autour de nous, d'autant plus proche que les quinze pays européens - voyez l'annexe 5 de mon rapport, page 65 - non seulement donnent, sur directive européenne, des droits politiques complets aux ressortissants communautaires, mais que neuf d'entre eux en donnent également aux ressortissants non communautaires et que trois pays - la France, la Belgique et l'Allemagne - sont en train de débattre d'un projet allant dans ce sens. C'est dire qu'une fois encore la Suisse, en matière de démocratie, est en retard par rapport à ses voisins, alors que la participation des citoyens est justement l'un des éléments principaux qui fondent notre démocratie. Nous nous targuons souvent de notre belle histoire démocratique, de l'ancienneté de nos institutions, mais, comme pour le droit de vote des femmes, nous sommes en train de prendre un retard important en la matière.

Je ne reviendrai pas sur l'argument de la réciprocité, puisque les libéraux semblent vouloir retirer leur amendement... (Commentaires.) En tout cas, vous ne semblez pas l'appuyer, votre argumentation politique ne va pas dans ce sens. On l'a dit plusieurs fois, cet argument est un non-sens. Aujourd'hui, nous parlons de droits fondamentaux, nous parlons d'intégration dans notre canton et votre amendement revient à dire : oui, d'accord pour des droits, mais les autres d'abord ! M. Vanek a très bien démontré que votre proposition serait inapplicable dans les faits et qu'elle conduirait tout simplement à ce qu'aucun étranger ne puisse voter dans notre canton.

J'aimerais que l'Entente soit cohérente. Mesdames et Messieurs, vous avez tous argumenté ce soir en faveur des droits politiques des étrangers. Même en ce qui concerne l'éligibilité, je n'ai entendu aucune intervention contre le principe qu'un étranger soit élu. Vous vous contentez d'appeler à la prudence, en critiquant notre soi-disant extrémisme. Alors, je vous en prie, soyez cohérents avec vos positions politiques et assumez-les ! Admettons que nous soyons extrémistes en la matière : ce n'est pas parce que la majorité parlementaire défend une position qui va au-delà de ce que vous souhaitez que vous devez la combattre et mener campagne devant le peuple contre ce projet. Nous allons, c'est vrai, un peu plus loin que vous ce soir, la démocratie fait que c'est la majorité parlementaire qui décide, mais si vous tenez réellement à ce que les étrangers aient des droits politiques, je ne vois pas comment vous pourriez faire campagne contre notre projet.

Alors, encore une fois, nous refuserons les deux amendements proposés et nous invitons les députés de l'Entente, qui font preuve d'un esprit clairvoyant dans leur discours général, mais qui ne l'assument pas dans les actes, à nous rejoindre et à voter avec nous le projet de loi de la majorité !

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Je trouve quant à moi que le débat dérape un peu. Le risque d'échec que j'ai mentionné ne semble pas être un motif grave pour M. Vanek, il semble être anecdotique pour Mme Bugnon, je le regrette. Je comprends que pour M. Vanek, avec ses grands pieds... (Exclamations.) la politique des grands pas est préférable, mais je regrette alors, Monsieur Vanek, que conformément à cette politique qui est la vôtre, nous n'ayez pas proposé un amendement visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers aussi au niveau cantonal. Pour les communes, vous êtes d'accord, mais, à partir du moment où cela nous touche directement, vous n'êtes plus d'accord... (Brouhaha.) D'accord pour les autres, mais pas pour nous !

Si je reprends le sondage sur lequel le Conseil d'Etat s'est basé pour élaborer son projet de loi, je constate qu'à la question : d'une manière générale faut-il accorder des droits politiques aux étrangères et aux étrangers ? à fin 1997, 62% des conseillers municipaux ayant retourné le questionnaire répondaient oui. En ce qui concerne le droit de vote uniquement, la majorité des conseillers municipaux répondait également oui. En revanche, en ce qui concerne le droit de vote et le droit de signer des initiatives et des référendums, la majorité répondait d'ores et déjà non. Enfin, en ce qui concerne le droit d'élire et d'être élu, la majorité, par 365 contre 218, répondait très clairement non. C'est le premier élément.

Deuxième élément : au niveau des conseillers administratifs, des maires et des adjoints, c'est exactement l'inverse, Monsieur Vanek ! A la question : d'une manière générale, faut-il accorder des droits politiques aux étrangères et aux étrangers ? les conseillers administratifs, maires et adjoints, répondaient non à 62% ! C'est dire que vous occultez complètement la position des personnes qui seraient directement concernées par les décisions que pourraient prendre les étrangers lors des votations ou élections dans les communes. Je trouve navrant, Monsieur Vanek, que vous n'en teniez pas compte. Nous avions proposé, en commission, de refaire un sondage pour voir si les mentalités avaient évolué, sachant qu'entre-temps des élections communales ont eu lieu. Malheureusement, vous avez refusé et je le regrette.

La réciprocité a été, quant à elle, le dernier point sur lequel nous nous sommes prononcés. Les principes de base sur lesquels nous avions pris position étaient ceux proposés par le Conseil d'Etat dans son projet de loi, avec lequel nous étions d'accord ; la question de la réciprocité est venue bien après. Je ne dis pas qu'elle a fait l'unanimité dans notre groupe - certains de nous peuvent effectivement avoir une position différente - mais c'est un principe sur lequel nous sommes majoritairement d'accord. Les prises de position de votre groupe, Monsieur Vanek, ne semblent pas non plus faire l'unanimité chez vous : laissez-nous donc aussi proposer des amendements qui ne font pas l'unanimité dans notre groupe !

Cela dit, Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous faire une proposition à ce stade du débat. Sachant que nous pourrions effectivement trouver un consensus et au regard du rapport établi par MondialContact et le CCSI - que nous venons de recevoir et que j'aurais beaucoup aimé recevoir il y a quelques semaines - je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission... (Exclamations.) Je vous explique pourquoi. Certains membres de l'Alliance de gauche proposent d'accepter l'amendement de M. Marti et de revenir, dans un deuxième temps, avec un projet de loi sur l'éligibilité. Quant à moi, il me semble que ce ne serait pas jouer la transparence vis-à-vis de la population que de proposer, tout de suite après le droit de vote, une deuxième votation sur le droit d'éligibilité. Par ailleurs, je suis convaincu que notre canton a besoin d'une politique claire concernant l'intégration et la participation des étrangers à la vie politique, mais, pour ce faire, nous avons obligatoirement besoin de nous associer avec les représentants de ces milieux. Il me semble qu'ils ne sont pas nombreux dans cette salle, à part peut-être M. Hodgers qui, lui, milite activement dans une association qui veut absolument ces droits politiques. Mais, au-delà, MondialContact, que nous subventionnons, comme le Centre de contact Suisses-immigrés, sont des associations qui me semblent représentatives des étrangers et de leurs préoccupations dans notre canton.

Je propose donc que nous renvoyions ce projet de loi en commission, que celle-ci établisse deux projets de lois distincts - ce qui permettrait à la population de se prononcer séparément sur le droit d'éligibilité et sur le droit de vote - et qu'en même temps, avec MondialContact, avec le Centre de contact Suisses-immigrés et avec tous ceux qui souhaiteront se joindre à la réflexion, elle élabore une politique claire, sur la base d'un projet de loi, pour l'intégration et la participation des étrangers à la vie de notre canton. Cette alternative permettrait, à mon avis, d'arriver à un réel consensus. Ce soir, nous allons peut-être faire un grand, un petit ou un demi-pas, mais il me paraîtrait beaucoup plus opportun d'en faire un tous ensemble, permettant à la population de se prononcer, à terme, sur ce qu'elle désire effectivement.

Le président. Mesdames et Messieurs, pour la clarté du débat, je souhaiterais que l'on puisse immédiatement mettre aux voix la proposition du rapporteur de première majorité, M. Béné, à savoir le renvoi de ce projet à la commission des droits politiques.

Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté.

M. Christian Brunier (S). Lorsque j'entends M. Marti prendre des positions minimalistes pour accroître, dit-il, les chances de succès, je peux, tout en étant en désaccord avec lui, éprouver un certain respect, étant donné qu'il se bat, on l'a dit tout à l'heure, depuis des années pour les droits politiques des étrangers. Par contre, quand j'entends certains libéraux - je dis certains libéraux, car je sais qu'une partie du groupe libéral est beaucoup plus ouverte, elle l'a prouvé lors du débat sur la nationalité - quand j'entends certains libéraux comme M. Béné parler de réciprocité, je prétends que ce n'est qu'un alibi, qu'une excuse hypocrite pour refuser tous droits nouveaux pour les étrangers.

En les entendant, je me dis que, pour certains, la campagne des élections cantonales a déjà débuté et qu'ils ont décidé de ne pas déplaire à un triste électorat, malheureusement en progression dans plusieurs pays européens. Et en entendant M. Spielmann, je suis sûr que la course au Conseil d'Etat est déjà ouverte ! (Exclamations et brouhaha.)

Jean Spielmann, tu as dit tout à l'heure... (Manifestations dans la salle.) ...que le droit de vote et le droit d'éligibilité étaient indissociables. Tu as raison ! Mais alors pourquoi céder sur les principes, dans l'espoir, un espoir franchement vain, d'une soi-disant victoire ? Je rappellerai qu'à Zurich, depuis plusieurs années, la gauche et la droite modérée se taisent, cherchent des consensus, décident de ne pas trop parler des étrangers, de ne pas trop parler du droit d'asile, sous prétexte de ne pas faire progresser les idées de haine. Or, plus ils se taisent, plus ils font des compromis et plus Blocher et l'UDC progressent !

Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'aujourd'hui nous ne devons pas nous taire, nous ne devons pas faire de compromis sur les droits des étrangers ; ces droits sont trop importants, surtout dans le climat politique que nous vivons aujourd'hui en Suisse, mais aussi en Europe. Nous devons donc défendre nos idées jusqu'au bout, n'en déplaise à certains. Et puisque ce soir la chasse aux voix de l'UDC semble ouverte... (Protestations.) ...je demande d'ores et déjà le vote nominal sur l'amendement de M. Marti !

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. M. Hodgers dit que nous faisons de bonnes déclarations, mais que nos actes ne suivent pas. Je regrette, Monsieur Hodgers, mais c'est bien le PDC qui, en matière de naturalisation, s'est battu pendant de très nombreuses années et qui a fait un travail énorme, soit sur le plan fédéral, soit sur le plan cantonal. Le dernier vote prouve combien nous nous sommes engagés dans ce domaine.

Maintenant, quant à parler de réalisme, il est vrai qu'on peut avoir un réalisme à la Winkelried, Monsieur Rodrik : on va dans le mur, mais allons-y gaiement : au moins, on n'aura cédé sur rien ! Je regrette, ce n'est en tout cas pas ma façon d'agir. Si je veux aller à un endroit et qu'à un certain moment je dois marquer un temps de pause ou contourner l'obstacle pour arriver là où je veux aller, eh bien je le fais ! Je ne fonce pas contre le mur, parce que j'aurais toutes les chances de me casser la gueule !

M. Pierre Vanek (AdG). Je croyais avoir retenu que le sacrifice de Winkelried n'avait pas été absolument inutile, mais c'est un détail de l'histoire suisse que nous débattrons une autre fois !

M. Béné a tenu toutes sortes de propos à mon sujet, notamment en parlant de mes grands pieds... Quant à moi, je n'évoquerai pas, comme je pourrais le faire, telle ou telle partie de l'anatomie de M. Béné... (Exclamations et rires.) ... mais je dirai que certaines choses qu'il a laissé filtrer dans son propos tout à l'heure me dérangent beaucoup. Ainsi, il a récité des chiffres qu'on trouve dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, à propos des conseillers municipaux qui se sont prononcés pour ceci ou pour cela, mais il faut quand même rappeler que c'est ce Grand Conseil qui a été élu pour se prononcer en la matière, qui est compétent pour le faire et qui représente effectivement et légitimement tout le canton - tout le canton sauf, évidemment, la partie de la population constituée par les résidents étrangers. En outre, ce qui me déplaît souverainement dans le débat que nous sommes contraints d'avoir ce soir, c'est qu'on parle de ces gens qui sont nos concitoyens - j'emploie ce terme volontairement - comme des objets... (Exclamations.) ...objets de décisions que nous allons prendre alors qu'ils n'ont pas droit à la parole dans cette enceinte et qu'ils n'y sont pas représentés. De même, ce qui est très déplaisant dans la votation de ce week-end, indépendamment du contenu même de l'initiative xénophobe que nous allons refuser, c'est qu'elle transforme des gens, qui sont des êtres humains et nos concitoyens, en objets de décisions, prises de l'extérieur alors qu'elles les concernent.

Tout cela est très désagréable et il faut rapidement couper court à de tels débats en accordant effectivement, Monsieur Béné, le droit de vote cantonal. M. Béné a reproché à notre groupe de ne pas avoir avancé tout de suite dans ce sens : cela figure effectivement dans le programme qui a servi à nous faire élire ici, c'est un point de vue que nous défendons et nous ne vous cachons donc pas du tout que nous reviendrons sur cette question. En l'occurrence, le droit de vote communal n'est qu'une étape, car nous acceptons précisément, peut-être à tort, une politique des petits pas, une politique des étapes.

Une chose encore, Monsieur Béné. Vous m'avez reproché tout à l'heure, quand vous faisiez la liste de ce que pensaient les conseillers municipaux - je cite, car j'ai relevé vos propos - «de ne pas tenir compte de ceux qui seraient directement concernés par les décisions que prendraient les étrangers» ! Monsieur Béné... (Commentaires.) M. Béné ne s'intéresse apparemment pas aux réponses qu'on lui apporte - il bavarde avec son chef M. Halpérin - mais M. Dupraz a raison de me rappeler que je dois m'adresser au président ou à l'assemblée, je continue donc dans cet esprit ! D'après M. Béné, ceux qui seraient directement concernés par les décisions que prendraient les étrangers, c'est cette petite couche de conseillers municipaux et de membres d'exécutifs communaux, et on devrait tenir compte de leur avis qui serait, par hypothèse, «menacé» par les décisions que prendraient les étrangers ! Franchement, tous ceux qui réfléchissent un tant soit peu et qui ont vu comment cela se passe dans les cantons ou les communes qui ont accordé ces droits, savent très bien que cela ne changera rien de décisif aux équilibres politiques, parce que, précisément, ces communautés étrangères, aujourd'hui, sont bien intégrées.

Je suis persuadé que la composition politique d'un Grand Conseil élu, demain, avec la participation des résidents étrangers installés depuis huit ans serait grosso modo ce qu'elle est aujourd'hui. Je vois M. Balestra opiner du chef. C'est dire que mettre en avant ce problème des décisions que prendraient - quelle horreur ! - les étrangers, c'est agiter un drapeau xénophobe, c'est essayer d'insuffler des craintes parfaitement infondées à nos concitoyens ou aux membres de cette assemblée dont la position ne serait pas ferme sur cette question, des craintes qui n'ont aucune base, et ce procédé est extrêmement discutable.

Maintenant, j'en viens à la proposition de M. Béné, mise aux voix au pas de charge par M. le président, et consistant à renvoyer le projet en commission... (Protestations.) ...pour ficeler un nouveau projet à options en quelque sorte, avec éligibilité et droit de vote seulement, et possibilité d'opter pour une solution ou l'autre au niveau du vote populaire. Monsieur Béné, cette proposition est intéressante, mais, durant les travaux de la commission, qui ont duré presqu'une année, vous ne l'avez pas formulée. A ce stade, nous sommes saisis d'un amendement de votre part qui n'a rien à voir avec cette proposition nouvelle. Je n'ai, pour ma part, pas compris si votre proposition consistait à retirer votre amendement et à le remplacer par un autre. En l'occurrence, je vous suggère, si vous voulez que nous débattions sérieusement, de retirer cet amendement et, cas échéant, d'en rédiger un nouveau conforme celui-là à la proposition que vous avez évoquée. En effet, les écrits sont un peu plus clairs que des paroles articulées au coin d'une table, fût-elle celle des rapporteurs !

Mme Myriam Sormanni (S). Je vais parler en mon nom propre, ce qui m'évitera éventuellement des ennuis !

Tout à l'heure, j'allais dire que j'étais pour le droit de vote, mais contre l'éligibilité. En entendant mes collègues de gauche, j'ai révisé ma position. Cela dit, je voudrais faire quelques petites remarques. D'abord, je ne pense pas que le fait que les étrangers puissent voter modifiera le taux de participation. On arrivera exactement aux mêmes résultats, au même taux d'absentéisme malheureusement, parce que le niveau d'instruction civique, dans le canton de Genève, n'est probablement pas assez élevé. Il n'y a pas assez d'éducation citoyenne.

Ensuite, M. Rodrik a fait un brillant plaidoyer, mais je voudrais dire que la solidarité, il ne faut pas seulement en parler, il faut aussi la vivre ! Je n'ai plus rien à ajouter, vous aurez tous compris !

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Je partage totalement les avis de M. Rodrik et de Mme Bugnon, mais ce que vous ne voulez pas comprendre, c'est que la question posée ici n'est pas de savoir si on est pour ou contre le droit d'éligibilité. Nous voulons aller plus loin, nous voulons accorder ces droits au niveau cantonal, nous l'avons dit dans notre programme. Mais le vote de ce soir déterminera la campagne que nous ferons sur le thème des droits politiques des immigrés.

A cet égard, il ne m'est pas indifférent de savoir que, lors de la votation populaire, nos trois partis se retrouveront contre tous les autres, qui se réfugieront derrière la séparation du projet en deux. J'ai dit que je n'étais pas d'accord avec la position de l'Entente, toujours est-il que, si ce soir nous votons le droit de vote et le droit d'éligibilité, nous nous retrouverons avec une majorité étriquée dans ce parlement et lors de la campagne, où les partis radical, démocrate-chrétien et libéral se battront contre le projet. Nous avons une responsabilité par rapport à notre volonté de faire avancer les droits des étrangers, j'ai une responsabilité vis-à-vis des étrangers et vis-à-vis du déni de justice qu'on leur fait. Encore une fois, 53% des travailleurs de ce canton sont sans droit de vote et sans possibilité de s'exprimer politiquement. Quant à moi, je voudrais qu'ils puissent s'exprimer au niveau communal et cantonal, qu'ils aient le droit de vote et d'éligibilité, mais vous allez nous faire perdre, et nous faire perdre pour je ne sais combien d'années ! C'est un choix politique que vous faites ; moi, j'ai lancé un appel en face, qui semble n'être entendu qu'en partie.

Imaginez une votation, l'année prochaine, sur le droit de vote pour les étrangers soutenu par l'unanimité des partis, et une votation pour le droit de vote et le droit d'éligibilité combattu par les partis de l'Entente et soutenu seulement par nous. Dans le deuxième cas, je vous laisse imaginer, non seulement le résultat, mais aussi la campagne et les prétextes qu'elle fournira aux rangs de ceux qui suivent - car il y en a encore ! - les partis radical, démocrate-chrétien et libéral dans ce canton, pour argumenter contre l'octroi des droits politiques aux étrangers.

Voilà ce que je veux éviter politiquement. C'est une responsabilité que je prends, qui n'a rien à voir avec des ambitions politiques ! Monsieur Brunier, je ne veux pas revenir sur toutes les compromissions politiques que vous avez faites ces dernières années pour avancer ! Quant à moi, j'ai suffisamment d'expérience pour vous dire que cela n'a jamais été mon cas. Si je prends cette position aujourd'hui, c'est par lucidité politique et pour faire avancer la cause des droits politiques des étrangers.

Enfin, j'ai déposé un amendement sur le bureau du Grand Conseil, parce qu'il me paraît totalement ridicule de faire voter chacune des communes pour savoir si oui ou non elles donneraient le droit de vote, d'instaurer des différences entre les communes. Lors d'une votation populaire, il faut être clair. On ne peut pas faire voter les gens sur l'octroi du droit de vote aux étrangers au niveau communal et dire en même temps que seules les communes qui l'accepteront l'appliqueront. Cela ne me semble pas une solution raisonnable. Je vous propose donc d'accepter cet amendement. J'espère encore que nous trouverons une très large majorité pour faire un pas dans la bonne direction, sans quoi nous ferons peut-être un grand pas, mais nous ne serons pas assez pour le franchir ! En l'occurrence, il s'agit de responsabilité politique, Mesdames et Messieurs. Au-delà des grandes déclarations, il y a le résultat à la sortie : pour ma part, j'en tiens compte dans mon appréciation et dans mon vote de tout à l'heure.

M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur quelques points, dont certains ont malheureusement été traités de façon polémique, notamment par mon collègue Brunier. Je le regrette, parce qu'on ne règle pas ce genre de problème par des accusations du type de celles qu'il a proférées à l'égard de M. Spielmann.

Cela dit, sur le fond, je ne suis pas d'accord avec M. Spielmann. On peut, et cela s'est fait pour le droit de vote des femmes, choisir des niveaux pour progresser, pour habituer les gens à une idée nouvelle, en particulier dans un système de démocratie semi-directe comme le nôtre, où ce type de révolution des mentalités nécessite un large assentiment. Le problème, c'est que votre proposition a l'inconvénient de faire la différence entre les citoyens suisses et les étrangers à qui on ne donnerait que le droit de vote, ce qui revient à dire : «Je vous donne le droit de vote et votez pour moi !». Séparer le droit de vote et le droit d'éligibilité n'est, historiquement, pas innocent. Lors du premier débat dans ce parlement à propos des droits politiques des femmes, il y a à peu près quatre-vingts ans, on a effectivement proposé de séparer le droit de vote et le droit d'éligibilité. Je vous laisse deviner de quel parti cette proposition émanait... C'était le parti qui s'appelait Indépendant à l'époque, soit le parti démocrate-chrétien ! Mais quel regard a-t-on aujourd'hui sur une telle proposition ?

Une voix. On pourrait la reprendre, cette proposition !

M. David Hiler. C'est vrai qu'on peut rester un vieux con longtemps... (Exclamations et rires.) En l'occurrence, c'est une question de principe. Le fait que certains cantons, par le biais d'une constitution ancienne, connaissent le droit de vote sans le droit d'éligibilité est une chose. Une autre est d'accepter, aujourd'hui, avec ce qui se passe en Europe, de couper ce droit en deux, sans avoir la moindre certitude, c'est le moins qu'on puisse dire, que cette concession permette de gagner devant le peuple. Vous auriez parfaitement raison s'il s'agissait de convaincre ce parlement, mais c'est le peuple que nous devons convaincre et j'ai l'impression - peut-être suis-je un historien pessimiste - que nous ne sommes qu'au début du processus, comme dans les années 20, quand on parlait du droit de vote des femmes, que ce ce processus va prendre un certain temps, et je n'ai pas envie de couper ce droit en deux.

Le droit de vote et d'éligibilité est un bon héritage du passé. Comme Hodgers l'a bien dit dans son rapport, historiquement on a limité le droit de vote : on ne voulait pas le donner aux pauvres, on ne voulait pas le donner aux femmes... En revanche, l'idée de ne donner qu'un demi-droit à une partie de la population est relativement nouvelle, elle ne fait pas partie du processus d'élargissement des droits tel qu'il s'est déroulé. C'est pourquoi, bien que je sois un fan de la politique des petits pas dans bien des domaines, je ne vous suivrai pas là-dessus, Monsieur Spielmann.

M. Béné a parlé d'un projet de loi sur l'intégration. A mon avis, nous avons effectivement traité ce dossier en posant la pyramide sur sa pointe ; nous aurions d'abord dû nous mettre d'accord sur un projet de loi général sur l'intégration, avant de parler de ce qui nous sépare. Nous ne l'avons pas fait et ce n'est pas maintenant que nous allons effacer trois ans de travail en commission. Cependant, je rassure M. Béné : le projet de loi sur l'intégration, sur la base du travail des deux associations évoquées, est prêt. Il va vous être soumis, Monsieur Béné, il va être discuté entre les partis, afin que, sur ce sujet au moins, nous arrivions à faire une politique des petits pas ensemble.

S'agissant des droits politiques en revanche, je ne crois pas que la politique des petits pas consiste à couper ces droits en deux. A vrai dire, je préfère perdre devant le peuple une xième fois, en attendant de gagner, plutôt que de partir sur une notion que je n'aimerais pas voir se figer dans la constitution genevoise, soit celle de citoyens et de demi-citoyens. Cela ne me paraît pas une perspective d'avenir. (Applaudissements.)

M. Michel Halpérin (L). Nous venons d'entendre deux interventions fort intéressantes à mon sens. La première de M. Spielmann, nous rappelant les règles de la politique réaliste et pragmatique, formulant un pronostic - qui, je crois, n'est pas trop audacieux - sur les chances de succès des textes qui nous sont soumis s'ils sortent de ce Conseil dans la forme que leur a donnée la commission. Et puis, celle de M. Hiler qui, prenant à peu près le même point de vue mais se plaçant dans une perspective que je me hasarderai à qualifier de pédagogique, dit en substance : ce n'est pas grave si nous échouons, l'essentiel est d'essayer ; d'un essai à l'autre, nous finirons par réussir à intégrer les étrangers, comme nous avons - pardonnez-moi le parallélisme des formes excessif - intégré les femmes.

Vous me permettrez d'avoir une troisième opinion sur ce sujet. Je ne suis pas sûr de très bien comprendre ce que nous voulons vraiment ce soir, les uns et les autres. En l'état, il y a plusieurs hypothèses de travail. Une première hypothèse veut que, comme on disait du temps regretté et regrettable de Guy Lux, nous fassions avancer le schmilblik. C'est une option. Une autre, qui correspond à l'opinion exprimée par M. Hodgers et un certain nombre d'entre vous, c'est de faire avancer brillamment, complètement, de manière révolutionnaire, la cause des étrangers. Enfin, une opinion qui est assez répandue ce soir, c'est qu'il faut faire quelque chose dans le sens d'une meilleure intégration des étrangers.

On peut choisir. Ma préférence personnelle va vers ce dernier terme et, si c'est le choix que l'on fait, le destinataire de notre message est en partie nous-mêmes - c'est-à-dire la population de nos compatriotes, à qui nous demandons de réfléchir à cette question d'intégration des étrangers - et en partie la communauté étrangère sur notre sol, à qui nous voulons adresser un certain type de message. Or, je n'ai pas l'impression qu'il soit indifférent à cette portion-ci de la population de recevoir un message qui soit franchement amical ou carrément hostile. Si j'étais encore l'étranger que j'ai été jusqu'il y a une trentaine d'années, je vivrais fort mal le fait que 80%, non pas de mes compatriotes, mais de mes voisins m'éjectent bruyamment comme en 1993. Je le vivrais comme un camouflet, et je n'ai aucune intention ce soir de contribuer à donner un camouflet à cette population étrangère, dont, comme la plupart d'entre vous, je souhaite qu'elle trouve avec nous les meilleures conditions de son intégration.

Et si c'est notre objectif, Mesdames et Messieurs les députés, alors nous devons commencer par faire comme M. Spielmann : être réaliste, puis faire comme M. Hiler : être analyste. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous contenter d'une simple opération à caractère pédagogique, dont nous savons que les résultats seront douloureux. En effet, si en 2001 ou en 2002 la population vote à peu près comme elle a voté en 1993, nous n'aurons rien fait avancer du tout, sauf le ressentiment de part et d'autre.

Il y a une deuxième erreur que nous devons éviter, et je m'adresse ici plus particulièrement au groupe des députés socialistes. Je crois que le fait d'avoir bon coeur, ou de penser qu'on a bon coeur, ne devrait pas exclure une réflexion analytique et ne devrait pas mener à couvrir d'une même opprobre tous ceux qui ne sont pas exactement du même avis que les plus extrémistes d'entre vous, pour reprendre votre propre terminologie. Il n'y a pas, dans ce pays, des gens convenables et des extrémistes xénophobes. Il y a nombre de gens qui sont de toutes les tendances et de toutes les nuances et qui, pour la plupart d'entre eux - pardonnez-moi de le rappeler, car c'est une évidence qu'on semble oublier dans cette salle - ont encore à l'esprit le concept de nationalité. On peut penser, beaucoup de vous le pensent, que ce concept est démodé, qu'il est dépassé, qu'il est d'un autre temps ; n'empêche qu'il existe encore, pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays qui nous environnent, dans cette Europe qui se fait dans les balbutiements en vertu du principe des nationalités.

On peut décider d'amender ce principe. On peut décider qu'il n'est plus obligatoire d'être naturalisé pour pouvoir voter par exemple - comme il n'est plus obligatoire d'avoir sa maturité pour entrer à l'université - sans qu'avoir le droit de vote signifie automatiquement être éligible, sachant qu'il se trouve dans la population un nombre raisonnable de citoyens qui, sans être xénophobes du tout, pensent qu'entrer dans le club de ceux qui votent ou du moins de ceux qui sont élus suppose un acte d'adhésion. Je crois qu'ils ne sont pas blâmables d'avoir cette opinion-là, parce qu'elle est encore suffisamment commune pour rester respectable aux yeux du plus grand nombre.

C'est la raison pour laquelle je voudrais que vous compreniez que la position libérale sur ce sujet ne se réduit pas aux quelques essais de caricature que j'ai entendus ce soir. Nous sommes pour le message d'intégration, nous sommes pour prendre le risque pédagogique d'une proposition à la population qui soit celle du droit de vote et pas celle de l'éligibilité. Quant au problème de la réciprocité, vous l'avez mal compris. Dans notre esprit, notre assemblée est aussi une assemblée politique : donner les moyens à ceux qui nous représentent dans les instances internationales de provoquer des échanges, comme vous l'a expliqué en début de séance M. Béné, est un acte politique. On peut le trouver regrettable, on pourrait en rediscuter, si vous le souhaitiez, dans une commission ou devant le peuple, mais il n'est pas déraisonnable. La réciprocité, après tout, c'est la reconnaissance mutuelle et, si nous nous proposons de reconnaître des droits à ceux qui sont chez nous - parce qu'ils sont chez nous et que nous pensons qu'ils le méritent - il n'est pas absurde de suggérer que ceux des nôtres qui sont chez eux puissent bénéficier des mêmes droits, à l'occasion d'une de ces négociations bilatérales qui sont devenues très fréquentes.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais que vous repensiez une dernière fois, avant de voter, aux choix que vous faites, à leur portée, à leur signification et aux comptes qui nous seront demandés dans quelques années, lorsque nous aurons provoqué, avec l'échec, un malheur auquel les mieux intentionnés d'entre nous n'avaient pas pensé. C'est une erreur qui est encore, pour quelques minutes, rattrapable !

M. Jean Spielmann (AdG). Je ne crois pas que c'était volontaire, mais M. Hiler, dans son intervention, a dit qu'il ne suivrait pas M. Spielmann dans sa proposition de séparer les choses. Je rappelle quand même que je suis contre cette séparation et que ce n'est pas moi qui la propose ! M. Hiler s'est qualifié tout à l'heure d'historien pessimiste : ce n'est pas grave, parce qu'un pessimiste n'est au fond qu'un optimiste bien informé ! Dans ce sens, pour moi il s'agit de faire l'analyse politique du résultat qui découlera de notre vote ici, au moment de la campagne sur les droits des étrangers.

J'ai dit aussi à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas mélanger l'intégration et le droit de vote. On peut discuter des deux sujets et en faire un seul paquet, mais il faut laisser le choix aux gens. L'intégration est un choix que les gens font ; le droit de vote et d'éligibilité est un droit et une justice qu'on doit rendre à des gens qui travaillent et vivent chez nous.

En conclusion, Monsieur Hiler, vous ne pouvez pas parler de la proposition de M. Spielmann : ce n'est pas la mienne. Si je l'appuie, c'est que j'y suis contraint, parce que les bancs d'en face n'ont pas le courage, ou pas la volonté de faire le pas politique et qu'ils font le choix des petits pas. Mais ne me prêtez pas cette intention. Mon analyse, c'est qu'avec la proposition que vous faites, vous allez diviser la population sur le problème des droits des étrangers, avec un débat gauche-droite qui n'est, à mon avis, pas justifié dans cette problématique, et avec toutes les conséquences prévisibles. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que chacun doit prendre ses responsabilités ; en ce qui me concerne je prendrai les miennes !

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, l'objet dont vous êtes saisis ce soir, l'octroi de droits politiques aux étrangers, est d'évidence un objet important. Aussi bien la qualité et l'importance du rapport rédigé par le rapporteur de majorité, que la qualité et la tonalité des débats le démontrent.

Il ressort de vos débats, et c'est très réconfortant pour le Conseil d'Etat, qu'il y a, à tout le moins, un consensus : sur tous les bancs, dans toutes les interventions, les voix ont été dans le sens d'un élargissement des droits politiques pour les étrangers. C'est une bonne nouvelle, car je ne suis pas sûr que, dans tous les parlements de ce pays, une telle proposition aurait rencontré un tel accueil. Au terme du débat, l'on se retrouve finalement avec deux propositions principales.

Il y a tout d'abord la proposition d'amendement de la seconde minorité, qui propose d'octroyer des droits politiques au niveau communal, avec un certain nombre de critères. D'une part, il s'agirait d'accorder exclusivement le droit de vote, et pas le droit d'éligibilité. D'autre part, ce droit serait accordé exclusivement par les communes qui le souhaitent, ce serait une faculté laissée aux communes que de l'accorder. Enfin, ces droits politiques seraient accordés aux étrangers qui résident en Suisse depuis huit ans. Cette proposition est en substance celle qu'avait faite le Conseil d'Etat, à la différence que celui-ci avait proposé de prendre comme critère celui du permis C et que la seconde minorité propose de prendre comme critère une durée de résidence de huit ans. En l'état, cette proposition est une proposition à laquelle le Conseil d'Etat peut se rallier, dans la mesure où elle est extrêmement proche de la proposition originelle.

Puis, il y a la proposition faite par la majorité de la commission, celle qui voudrait que l'on aille plus loin et que les droits politiques soient accordés, non pas simplement dans les communes qui le souhaitent, mais dans toutes les communes, et que soient accordés non seulement le droit de vote, mais également le droit d'éligibilité. J'ai entendu certains, sur ces bancs, qualifier cette proposition de maximaliste. Je dois dire qu'à mes yeux cette proposition n'a rien de particulièrement maximaliste. Pour ma part, je faisais partie du comité d'initiative qui a proposé, qui a défendu, qui a fait campagne pour l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens», visant à accorder le droit de vote et le droit d'éligibilité, non seulement au niveau communal, mais également au niveau cantonal. Vous connaissez le sort de cette initiative : en 1993, 71% des votants l'ont refusée.

Si donc je n'arrive pas à considérer comme maximaliste la proposition qui nous est faite par le rapport de majorité, je dois tout de même dire ici que la proposition faite par le Conseil d'Etat a quelques mérites. Premièrement, même si l'on peut considérer comme étrange - et certains d'entre vous l'ont dit - de séparer le droit de vote et d'éligibilité, cette proposition ne fait, ma foi, que suivre la voie qui a jusqu'ici réussi en Suisse. En effet, s'il est vrai que le canton de Neuchâtel a introduit en 1849, déjà, le droit de vote en matière communale pour les étrangers dans sa constitution, le Jura l'a fait en 1988 et Appenzell Rhodes-Extérieures a prévu, en 1995, que les communes qui le désiraient pouvaient accorder le droit de vote - admettant ainsi cette séparation entre le droit de vote et le droit d'éligibilité. C'est dire que nous avons proposé simplement quelque chose qui s'applique avec succès ailleurs dans notre pays.

Ensuite, le Conseil d'Etat a proposé d'inscrire dans notre constitution que seules les communes qui le souhaitaient pouvaient accorder ce droit. Il y a là évidemment une forme de retenue, mais nous considérons que cette volonté d'accorder des droits politiques aux étrangers émane avant tout, on l'a rappelé tout à l'heure, d'initiatives communales, portées par «J'y vis, J'y vote !», que ce sont des communes qui ont fait cette proposition. Il s'agissait donc de tenir compte de cette démarche et de tenir compte du modèle le plus récent d'octroi de droits politiques aux étrangers dans notre pays, celui d'Appenzell Rhodes-Extérieures, qui a également prévu cette voie-là, à savoir que seules les communes qui le souhaitent peuvent accorder des droits politiques au niveau communal.

Cette proposition a un troisième mérite que M. Spielmann a mis en évidence : c'est une proposition sur laquelle le Conseil d'Etat a pu être unanime. Lorsque nous avons proposé d'élargir ces droits politiques et présenté le texte qui rejoint les conclusions du second rapporteur de minorité, nous l'avons fait avec mes collègues Gérard Ramseyer et Carlo Lamprecht. Nous avons ainsi voulu marquer que le Conseil d'Etat était unanime sur la proposition qu'il faisait au parlement. A cet égard, je tiens à dire avec force que, quoi qu'on ait pu entendre dans la passion qui a pu animer telle ou telle intervention, il va de soi qu'octroyer des droits politiques supplémentaires, c'est faire un pas dans le bon sens. On peut le trouver insuffisant, on peut souhaiter aller plus vite et plus loin, mais cela n'a assurément rien à voir avec cette initiative sur les 18% que le Conseil d'Etat a appelé très fermement à rejeter. Cela n'a strictement rien à voir avec ces attitudes défensives que l'on peut rencontrer dans un certain nombre de cantons suisses alémaniques. C'est une proposition par laquelle le Conseil d'Etat, unanime, demande au Grand Conseil d'abord et à la population ensuite de prendre position en faveur de l'intégration.

Je conclurai sur ce point. Quel que soit le sort que vous réserviez à la proposition du Conseil d'Etat, que vous fassiez le choix qui a été celui de la majorité de la commission ou que vous fassiez le choix qui a été celui des rapports de minorité, ce que montre ce débat, c'est qu'à Genève il y a assurément une question importante que nous devons nous poser et qui est celle de l'intégration. L'intégration passe par les droits politiques, mais ceux-ci ne sont qu'une facette de l'intégration. Je dirais même qu'après huit ans de résidence les personnes établies à Genève sont à un moment de leur existence où leur intégration est déjà très aboutie. Car l'intégration, bien sûr, commence bien avant, dès les premiers moments d'une installation. Nous devons y réfléchir et de plus en plus, parce que cette question de l'intégration lance un grand défi à notre société, en particulier à Genève où la population compte 40% d'étrangers. C'est dire que, quels que soient l'issue des débats et le vote de ce soir, la réflexion ne va pas s'arrêter ici. Le Conseil d'Etat entend, et il l'affirme, porter plus loin et porter devant vous la problématique de l'intégration, ceci notamment par le dépôt d'un projet de loi à ce sujet.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 41 A

Le président. Nous sommes saisis de plusieurs amendements. Je vais faire voter tout d'abord l'amendement le plus éloigné, à savoir celui présenté par M. Béné, qui consiste à compléter l'alinéa 1 par, je cite :

«...pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Nous passons à l'amendement présenté par M. Pierre Marti, que je vous lis :

«1 Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.

2 Par droit de vote, on entend le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer une initiative ou un référendum.»

A l'alinéa 1 sont présentés deux sous-amendements, un par M. Spielmann, un par M. Koechlin. Nous allons d'abord voter les sous-amendements.

Le sous-amendement de M. Spielmann consiste à remplacer les termes «peuvent accorder» par «accordent».

Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté.

Le président. Je mets aux voix le second sous-amendement, présenté par M. Koechlin...

M. René Koechlin. Je le retire, Monsieur le président !

Le président. M. Koechlin retire son sous-amendement. Nous mettons aux voix l'amendement de M. Marti, ainsi amendé...

M. Pierre Vanek. Je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Le président. Bien. Je vous lis la nouvelle teneur de l'alinéa 1 présenté par M. Marti :

«1 Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.»

Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui... Monsieur Vanek, vous avez la parole.

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, excusez-moi d'interrompre la procédure de vote, mais nous sommes saisis d'un amendement de M. Marti, qui a été sous-amendé par la proposition de Jean Spielmann, dans le sens que l'on sait. Vous vous proposez de faire voter cet amendement en deux tranches, puisque vous nous en lisez l'alinéa 1. Or, l'amendement Marti comporte deux alinéas et doit se voter en un seul bloc.

A l'alinéa 1, cet amendement dit : «Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal...», et ce qu'est le droit de vote communal au sens de la proposition Marti est explicité à l'alinéa 2 seulement. C'est donc bien là un bloc, vous me l'accorderez. J'aimerais donc qu'on vote en une fois sur l'ensemble.

Le président. Je suis désolé, je ne peux pas faire voter deux alinéas en même temps ! Je fais donc voter l'alinéa 1 de cet article 41 A ! (Brouhaha.)

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, vous dites que vous ne pouvez pas faire voter l'amendement dans son ensemble. Je crois que vous le pouvez, nous l'avons fait à plusieurs reprises dans ce parlement... (Brouhaha.) Il n'y a aucune raison que nous votions sur un alinéa 1 qui donne un certain sens au droit de vote communal, que nous le votions en blanc en quelque sort, sans connaître le sort de l'alinéa 2 qui explicite ce sens ou alors, pour que chacun puisse se prononcer en étant au clair sur ce qu'il est en train de voter, faites au moins voter les alinéas dans l'ordre inverse ! D'abord l'alinéa 2, de façon à savoir de quoi on parle quand on votera l'alinéa 1 !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, on nous présente un amendement qui comprend un alinéa 1 et un alinéa 2. Nous respectons l'ordre logique : je fais voter l'alinéa 1, que je relis :

«1 Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.»

Madame la secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 44 non contre 38 oui.

Ont voté non (44) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Janine Berberat (L)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Jean-Claude Dessuet (L)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (S)

Pierre Vanek (AG)

Ont voté oui (38) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Hubert Dethurens (DC)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Christian Grobet (AG)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Jean Spielmann (AG)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Personne ne s'est abstenu

Etaient excusés à la séance (11) :

Claude Blanc (DC)

Juliette Buffat (L)

Régis de Battista (S)

Hervé Dessimoz (R)

René Ecuyer (AG)

Philippe Glatz (DC)

Alexandra Gobet (S)

Claude Haegi (L)

Yvonne Humbert (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (6) :

Bernard Annen (L)

Roger Beer (R)

Bernard Lescaze (R)

Charles Seydoux (R)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Le président. Cet amendement étant rejeté, l'alinéa 2 que vous présentiez, Monsieur Marti, tombe en fonction de ce vote.

Je mets aux voix l'article constitutionnel tel qu'il ressort du rapport de majorité... Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek (AdG). Je vous fais observer, Monsieur le président, qu'en tirant, du vote sur l'alinéa 1 rejeté, une conclusion sur l'ensemble de l'amendement de M. Marti, vous avez, dans les faits, admis ce que je disais tout à l'heure... (Protestations.) ...c'est-à-dire que nous avons voté l'amendement dans son ensemble!

Cela dit, je redemande l'appel nominal. (Brouhaha.)

Le président. L'appel nominal est-il soutenu ?... C'est le cas ! Nous votons donc l'article 41A à l'appel nominal...

Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places, s'il vous plaît !

L'article 41A est adopté par 47 oui contre 32 non et 1 abstention.

Ont voté oui (47) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Ont voté non (32) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Catherine Passaplan (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

S'est abstenu (1) :

Armand Lombard (L)

Etaient excusés à la séance (11) :

Claude Blanc (DC)

Juliette Buffat (L)

Régis de Battista (S)

Hervé Dessimoz (R)

René Ecuyer (AG)

Philippe Glatz (DC)

Alexandra Gobet (S)

Claude Haegi (L)

Yvonne Humbert (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (8) :

Bernard Annen (L)

Roger Beer (R)

Bernard Lescaze (R)

Michel Parrat (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Charles Seydoux (R)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Je voudrais rapidement intervenir en troisième débat, Monsieur le président.

Nous avions fait un pas : la réciprocité a été refusée, l'autonomie communale n'est pas été respectée et malgré cela nous étions prêts à accepter qu'on accorde des droits politiques aux étrangers. Vous vouliez, en début de débat, nous faire porter la responsabilité d'un échec : les personnes qui viennent de voter oui à ce projet de loi devront assumer elles-mêmes l'échec devant la population, que nous étions prêts à éviter !

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Il est minuit, je prendrai trente secondes pour dire que si échec devant la population il y a, c'est parce que vous appellerez à voter non... (Protestations.) Monsieur Béné, Monsieur Marti, vous avez argumenté ce soir en disant que, pour vous, les droits politiques des étrangers étaient une chose importante. La rédaction de ces rapports - qui, pour M. Béné, fait deux pages et pour M. Marti, si on enlève le copié-collé, fait quatre pages et demie - a été payée 1 700 F... (Huées.) ...Je donne à ces députés deux bulletins de versement de l'association «J'y vis, J'y vote !». Puisque tous les deux soutiennent les droits politiques des étrangers, je pense qu'ils soutiendront cette association dans sa campagne ! (Applaudissements.)

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. Je n'ai pas attendu que M. Hodgers me le demande : je paie mes cotisations à «J'y vis, J'y vote !». (Applaudissements.)

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41A  Droits politiques communaux des étrangers (nouveau)

1 Les ressortissants étrangers, ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins, exercent les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile.

2 Pour le surplus, les législations tant fédérale que cantonale en la matière s'appliquent. 

La séance est levée à 0 h 5.