République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 10e session - 43e séance
M 1263-A et objet(s) lié(s)
La Commission de l'enseignement et de l'éducation s'est penchée lors de ses séances des 29 mars, 5 et 12 avril sur ce projet de motion. Les procès-verbaux ont été tenus par M. Constant au cours de ces trois séances. Qu'il soit une fois de plus remercié ici pour la précision et la qualité de son travail.
La commission soumet le présent rapport à votre approbation.
1. Problématique
Le but de ce projet de motion est de tenter de remédier à une évolution négative des connaissances civiques dans la population à partir de l'enseignement et du constat que cet enseignement est trop souvent laissé à la libre appréciation tantôt de maîtres, tantôt d'établissements dans les trois ordres d'enseignements.
Pourtant, comme on le verra assez rapidement, si le constat est partagé par l'unanimité des commissaires, l'étude de la problématique va permettre de donner toute sa complexité à ce phénomène sans pour autant, bien entendu, épuiser le sujet. C'est pourquoi, la commission pourra avancer de façon unanime, à l'exception d'un point important sur lequel nous reviendrons, vers un nouveau projet de motion de manière à tenir compte de l'évolution des travaux.
2. Auditions
Auditions du 29 mars 2000, de M. Bernard Schurch, président des Jeunes radicaux suisses, M. Nicolas Antenen, secrétaire des Jeunes radicaux genevois, Mme Mélanie Scheuer, vice-présidente des Jeunes radicaux genevois, et M. Patrick Suhner, membre des Jeunes radicaux genevois et trésorier du Cercle radical de la campagne.
C'est en véritables auteurs du présent projet de motion que les Jeunes radicaux se sont présentés pour cette audition. Ils expliquent en premier lieu que cette proposition s'inscrit dans un quotidien synonyme de recul des connaissances civiques à tous les niveaux. Ils refusent néanmoins de sombrer dans la « sinistrose », dans la mesure où ils évoquent la tentation de mythifier le passé et des taux de participations à l'occasion de votations populaires traduisant tout sauf un recul de la participation (EEE, Suisse sans armée). Ils admettent à ce titre une conception un peu étroite de leur texte qui vise avant tout à instaurer un standard minimum commun en matière d'éducation civique, principalement au Cycle d'orientation. Car, forts de leurs vécus, ils ont constaté le côté inégal de l'enseignement en la matière dans le cadre du secondaire inférieur. Aussi, en guise de standard minimum, ils proposent les invites de leur motion et en guise de contenu l'enseignement portant sur les institutions politiques suisses et les droits populaires et proposent notamment en évitant deux écueils, soit le cours de droit comparé et le cours d'endoctrinement, de présenter les enjeux à l'occasion de consultations populaires, voire d'en expliquer les résultats.
Audition du 29 mars 2000, de M. Claude Cottier, directeur de l'enseignement auprès de la Direction générale du Cycle d'orientation, MM. Charles Heimberg, François Thion, Patrick de Coulon et Pierre-Alain Tschudi, tous quatre rédacteurs de l'ouvrage « Pratiques citoyennes ».
M. Cottier estime que la rénovation offre une réponse incidente à cette motion en proposant notamment dans le nouvelle grille horaire une demi-heure d'enseignement d'éducation citoyenne. Partageant l'avis que cet enseignement est en crise, les auteurs de la publication citée ci-dessus, mettant en évidence leur travail, tout en saluant cette obligation, déplorent le manque de temps à disposition (une demi-heure) pour relever un tel défi et soulignent le manque de clarté au niveau du contenu et du rattachement. En effet, ils craignent, entre autres, que cet enseignement puisse s'inscrire dans le cadre de la maîtrise de classe ce que M. Cottier tient à démentir. Ils insistent aussi sur la nécessité de distinguer plusieurs dimensions dans le cadre de l'éducation citoyenne, principalement les vocations dans chaque discipline de la citoyenneté et le rôle plus pointu de cet enseignement spécifique en tant que tel se rapportant à la société. D'où la nécessité de rattacher cette dimension à l'enseignement de la géographie ou de l'histoire. Cela dit, les auteurs s'inscrivent en faux contre la tentation d'instituer une épreuve commune sur le sujet et évoquent un colloque romand tenu en 1998 et 1999 dont le rapport n'a pas été publié proposant principalement l'inscription de l'éducation citoyenne dans la grille horaire. Ils mettent également en évidence la dimension transversale de la citoyenneté et la participation à la vie scolaire.
M. Cottier insiste encore sur la formation continue portant sur la brochure citée ci-dessus, reposant sur la démarche intentionnelle des maîtres. Les auteurs insistent aussi sur l'inscription de cette branche dans la formation de base des maîtres d'histoire et de géographie en rappelant le plan d'étude à cet égard.
Audition du 5 avril 2000 de M. Drahusak, représentant l'Association MondialContact.
Après le descriptif de son parcours personnel et de l'Association MondialContact, M. Drahusak décrit à quel point la citoyenneté se trouve au coeur de sa démarche, de leur démarche. Dépourvu du droit de vote et d'éligibilité en arrivant en Suisse, il a pu faire un constat sombre sur la citoyenneté : cette notion semble être sortie de nos sociétés, le système démocratique est en crise, le taux d'abstention augmente, signe que le fossé entre les politiques et la population se creuse. Mais à Genève où il existe un taux important d'étrangers, le débat sur la citoyenneté dans un sens plus large que la participation au système électoral se pose. D'où le rôle d'une association comme MondialContact et notamment ses « Civics'Cafés ».
Par ailleurs enseignant à l'Ecole internationale de Genève, M. Drahusak précise qu'il est difficile de se prononcer uniquement sur cette motion dans la mesure où elle ne prend le problème que partiellement. Il relève à cet effet les défaillances dans la socialisation. Cela dit, M. Drahusak estime qu'il faudrait sans doute expliquer le menu de la citoyenneté au cours des années de la scolarité et peut-être repenser les relations pluridisciplinaires tout en se demandant si la réflexion des partis politiques est allée si loin. Néanmoins, M. Drahusak insiste sur la nécessité pour les partis politiques de déclarer la citoyenneté comme priorité absolue. De plus, la citoyenneté doit être vue comme évoluant à travers les années, comme souple, s'adaptant à l'évolution de la société et cela représente un défi pour l'enseignement.
Audition du 12 avril 2000, de Mme Marie-Laure François, secrétaire générale du Département de l'instruction publique (DIP).
Mme François explique d'abord aux membres de la commission les pratiques et changements en cours au niveau des trois ordres d'enseignement, primaire, secondaire inférieur et secondaire supérieur. En bref, aucune contrainte, libre appréciation partout. Les choses peinent aussi à bouger sous l'impulsion d'un groupe de travail né en 1995 suite à un rapport du Conseil d'Etat. Si ce n'est la nouvelle grille du Cycle d'orientation prévoyant une demi-heure hebdomadaire d'instruction civique pour les trois degrés. La situation évoluant à peine plus rapidement au niveau romand.
Plus concrètement sur la motion, Mme François indique son avis sur le côté négatif d'une épreuve commune à l'instar des auteurs de la brochure « Pratiques citoyennnes » et mise plutôt sur divers projets novateurs en la matière pour faire évoluer les choses.
3. Points forts du débat
« La crise du politique et le discrédit des politiques, l'érosion des solidarités, anciennes, le déclin des identités partisanes ou idéologiques, tout contribue à la crise de la citoyenneté. » C'est par ces mots que la livraison du Dossiers & Documents du mois d'avril 2000, du journal Le Monde ouvre son numéro consacré essentiellement à la citoyenneté. C'est dire que le thème soulevé par le projet de motion touche une problématique générale malgré ses aspects ciblés sur l'école et son enseignement en la matière.
Le travail de la commission, comme la prise en compte de la complexité de la problématique et la nécessaire approche pointue qu'elle engendre a amené au rejet du projet de motion 1263 au profit d'un nouveau projet de motion de la commission, en reprenant toutefois les intentions des motionnaires radicaux. Comme les auditions l'ont montré aussi clairement, cette crise de la citoyenneté ne touche pas que les jeunes. Cette crise est profonde et touche toute la société ; ses origines sont multiples et complexes. Et quelque excellente que soit la qualité de l'enseignement de l'instruction civique ou de la citoyenneté selon les termes, nul ne saurait considérer que les problèmes seraient réglés pour autant. Mais la complexité de cette crise n'a jamais poussé la commission à mystifier le passé et à ignorer que les problèmes d'hier étaient simplement autres et qu'ils ne sont pas sans liens avec ceux connus et traités par la proposition de motion. Cela dit la commission a retenu le terme d'éducation citoyenne plus en phase avec l'enseignement du moment et aussi car le terme est plus large, sans jamais pour autant définir un terme par rapport à l'autre. Et pour cause ! Mais devant les difficultés déjà à identifier les problèmes, certains évoquant le comportement dans le bus comme base du comportement citoyen ou encore le rôle de la famille, la commission en est restée aux problèmes liés à la scolarité.
Pour ce qui est de l'enseignement, la commission a préféré, pour des questions de logique, de cohérence et de substance, en rester au Cycle d'orientation. En effet, le problème se pose d'abord, malgré les problèmes uniformes de manque de systématicité dans les trois ordres d'enseignement, différemment à l'âge du primaire ou à celui du cycle ou encore à celui auquel l'école n'est tout simplement plus obligatoire. Au demeurant, le projet de motion initial n'évoquait dans son exposé des motifs, dans les faits, que la situation au Cycle d'orientation.
L'enseignement de l'éducation citoyenne au Cycle d'orientation est de plus, en soi déjà assez complexe, puisque, faut-il le rappeler, les programmes ne sont pas de la compétence du Grand Conseil. Or le choix de la commission, dans la rédaction de la nouvelle version du projet de motion, a été d'envoyer un message clair sur le cycle tout en insistant sur le fait que dans l'esprit il conviendrait d'étendre ses postulats aux autres ordres d'enseignement. Devant ce que sera la réaction du Conseil d'Etat, le Grand Conseil pourra alors toujours se ressaisir du problème pour faire connaître son avis au gouvernement.
En entrant dans la problématique du Cycle d'orientation, il semble important de préciser que la commission, une fois relevée la qualité du nouveau matériel, la brochure Pratiques citoyennes, a opté sans ambiguïté pour un enseignement obligatoire, dans lequel on distingue clairement l'enseignement théorique de la citoyenneté des problèmes transversaux des pratiques citoyennes interpellant chaque discipline et les établissements dans leur globalité (par exemple autour de la création de conseils de classe). Sur ce dernier point, la commission tient à encourager vivement la formation continue du corps enseignant du cycle pour la connaissance d'une part du matériel existant - les pratiques citoyennes - et le développement de projets institutionnels par exemple d'autre part. Mentionnons à cet égard la lettre du Groupe d'histoire et de d'éducation citoyenne de mars 2000, transmise à tous les enseignants du Cycle d'orientation, placée en annexe du présent rapport, dont les conclusions ont été intégralement reprises par la commission.
La distinction d'un enseignement théorique ne veut aucunement intervenir dans le débat de la pédagogie mais sur la nécessité d'acquérir des connaissances devant être évaluées. Là encore, dans le sens de l'ensemble des auditions, la commission refuse la notion d'épreuve commune trop restrictive voire contre-productive pour une notion d'évaluation.
Mais dans le sens du projet initial de motion, la commission opte pour le rattachement de l'enseignement de cette discipline à celui de l'histoire et de la géographie. Mais la commission insiste sur l'obligation de distinguer cet enseignement « théorique » de celui de l'histoire et de la géographie en termes de quantité horaire. Ce rattachement se justifie par la formation initiale du corps enseignant d'histoire et de géographie qui doit être encore renforcée. Cette précision s'impose d'autant plus que le flou semble avoir été de mise puisque d'aucuns évoquait le rattachement de cet enseignement à la maîtrise de classe. La commission a pris note cependant du démenti de Mme François, secrétaire générale du DIP.
Enfin une fois d'accord sur l'institution cible, l'obligation d'enseignement, la distinction de l'enseignement « théorique » et « transversal », le contrôle de connaissances, la désignation des responsables respectifs de ces enseignements, la commission a eu à traiter de façon périphérique de la nouvelle grille du Cycle d'orientation. En effet, en se prononçant pour l'obligation d'enseignement d'une heure hebdomadaire, la commission s'est non seulement prononcée pour une position forte mais également indirectement contre cette nouvelle grille, ce qui a amené les représentantes du Parti libéral à s'abstenir sur le projet de motion dont elles soutiennent par ailleurs l'ensemble des autres invites.
4. Conclusion
La commission vous invite donc à rejeter la motion 1263 et à voter le renvoi de la motion 1354 au Conseil d'Etat.
Votes
Motion 1263 :
Pour : -
Contre : 9 (2 AdG, 2 S, 1 Ve, 2 DC, 2 L)
Abstentions : 2 R
Motion 1354
Titre
« Proposition de motion concernant l'obligation de dispenser une éducation citoyenne au Cycle d'orientation »
Considérant 1
« la proposition de motion concernant l'obligation de dispenser l'éducation civique dans les écoles obligatoires du 25 février 1999 »
Considérant 2
« que les connaissances civiques ne sont pas suffisamment développées »
Considérant 3
« que notre système démocratique exige des connaissances approfondies dans cette matière »
Considérant 4
« que l'instruction publique a comme devoir, selon l'article 4 lettre C de la loi genevoise qui s'y rapporte (C 1 10), de préparer, entre autres, chacun à participer à la vie civique et politique »
Invite 1
« A encourager, au Cycle d'orientation, de façon interdisciplinaire, une pratique citoyenne, notamment par le développement de projets d'établissements »
Invite 2
« A instaurer au Cycle d'orientation, dans le respect du plan d'étude, l'enseignement d'une heure hebdomadaire d'éducation citoyenne assurée par les enseignants d'histoire ou de géographie. »
Invite 3
« A évaluer les acquis au moyen de contrôles de connaissances »
Invite 4
« A maintenir, pour les enseignants des disciplines concernées, une formation initiale et continue en éducation citoyenne »
Invite 5
« A introduire des séminaires de formation continue, portant sur l'élaboration de projets de pratique citoyenne, pour tout le personnel enseignant »
Motion :
Débat
M. Charles Beer (S), rapporteur. Je souhaite ajouter quelques mots au rapport, dont vous avez pu prendre connaissance, pour mettre deux ou trois choses en évidence. Nous remercions tout d'abord le parti radical d'avoir soulevé un élément important de la vie scolaire, plus particulièrement des champs d'enseignement dans le cadre de l'instruction publique, et d'avoir mis en évidence la question de l'instruction civique, selon les termes employés par la motion déposée par le groupe radical. Nous avons eu, grâce aux auditions, un certain nombre d'éclairages importants sur ce qui se passait, mais nous avons également pu prendre note de l'approximation de la dite motion, puisqu'elle visait des niveaux différents au travers de ses considérants et de ses invites. Il s'agissait, d'une part, du niveau général, c'est-à-dire de tous les ordres d'enseignement confondus et, d'autre part, du niveau clairement délimité du cycle d'orientation.
Cela dit, le travail de la commission a été serein pour mettre en exergue plusieurs aspects. Tout d'abord la crise de l'instruction civique comme élément touchant non seulement Genève, mais probablement aussi le reste de la Suisse et bien entendu d'autres pays d'Europe qui sont également en crise avec l'enseignement de l'instruction civique. L'instruction civique doit aussi être conçue dans le sens de l'intégration, non pas de l'intégration des travailleurs et des travailleuses immigrés, mais dans le sens de l'intégration des jeunes à la vie politique et à la vie communautaire au sens le plus large. Nous notons aussi la présence d'origines différentes sur le plan social et sur le plan national. Il y a donc des niveaux différents et il convient de les prendre en compte pour arriver à intégrer des jeunes que le système politique ne permet par la suite pas d'intégrer, puisque le droit de vote et le droit d'éligibilité n'existent pas, jusqu'à preuve du contraire - on peut peut-être espérer que ce soit pour peu de temps encore - pour une bonne partie de la population qui est exclue pour cause de nationalité différente. Voilà le premier aspect que nous voulions déjà mettre en évidence.
Quant au deuxième aspect, c'est le concept d'instruction civique. Il apparaît largement dépassé - on peut peut-être le déplorer - par l'utilisation d'un autre concept, qui est celui de l'éducation citoyenne. L'éducation citoyenne est un terme largement repris, non seulement à Genève, mais également en France. C'est le terme adéquat. Il est plus large et permet non seulement de transmettre un certain nombre de connaissances directement liées aux institutions politiques, mais également de prendre en compte des descriptifs fondamentaux de la vie associative et du rôle joué par les associations et par la société civile en général. Ceci est d'autant plus important que l'intégration pose un problème pour la plupart des jeunes immigrés qui n'auront pas l'occasion, en devenant adultes, s'ils ne demandent pas la nationalité, de pouvoir participer au système strictement politique.
Nous avons également constaté qu'un aspect de cette motion, dénonçant une certaine décadence, nous dérangeait. Je reprends à ce propos les termes de l'un des considérants : « Que les connaissances civiques se sont considérablement dégradées auprès des jeunes. » Je ne crois pas que l'on puisse reprendre ce considérant en ces termes. L'ensemble de la commission a préféré poser la question des défis de la transmission des connaissances en la matière, plutôt que faire un constat qui n'était ni étayé ni prouvé et qui pouvait au contraire amplifier plutôt que de les réduire les problèmes d'intégration et de transmission des connaissances.
A partir de là, nous avons opté pour le refus de la motion du groupe radical et pour l'élaboration d'une nouvelle motion, reprenant l'ensemble de la préoccupation des motionnaires et intégrant dans un nouveau texte les différents aspects que je viens de rappeler. Cette nouvelle motion met en évidence deux points que je tiens à relever. Il existe déjà bel et bien une instruction civique. Celle-ci est intégrée dans les cours d'histoire. Il convient d'en tenir compte avant de demander le développement de l'instruction civique. Il existe un plan d'études. Ce plan d'études est plus ou moins respecté. C'est donc d'abord sur le respect du plan d'études que nous devons travailler. A ce propos, la commission préconise une heure hebdomadaire d'éducation citoyenne assurée par les enseignants d'histoire et de géographie. Ce qui pose un problème par rapport à l'heure prévue tous les quinze jours par la fameuse grille-horaire dont on a tant parlé en d'autres circonstances. La motion invite très clairement à prévoir une heure d'éducation citoyenne, qui s'ajoute à l'enseignement traditionnel d'histoire et ne vienne pas en déduction de cet enseignement. On ne peut en effet pas mettre à la fois en évidence certains problèmes d'importance et demander la réduction des moyens susceptibles d'y répondre.
Nous pensons donc qu'il s'agit d'une priorité et qu'il convient d'attirer l'attention de l'exécutif sur la nécessité d'y allouer les moyens nécessaires en consacrant une heure d'enseignement par les enseignants qualifiés, c'est-à-dire les enseignants d'histoire et de géographie, comme c'est d'ailleurs déjà le cas actuellement. Mais cette seule dimension n'est pas suffisante. Nous avons donc tenu, dans la motion, à développer l'autre aspect, c'est-à-dire l'aspect transversal, si vous me passez l'expression, transversal en ce sens que l'enseignement en tant que tel, j'allais dire les enseignements, la vie en communauté au sein d'un collège, d'un cycle d'orientation ou d'une école exige la prise en compte de certains éléments de comportement induisant des pratiques citoyennes sur lesquelles nous tenons à intervenir et pour lesquelles nous tenons également à soutenir les efforts qui peuvent être faits, afin d'initier l'ensemble des enfants, au-delà du cours d'éducation citoyenne, et d'encourager l'ensemble du personnel enseignant à pouvoir intervenir en la matière dans la vie de l'établissement scolaire.
J'en ai à peu près terminé pour cette présentation. Je veux peut-être ajouter un élément sur la grille-horaire. On s'aperçoit là encore qu'il y a une petite collision. Au niveau de l'exécutif, la réflexion doit être développée dans un cadre départemental, mais aussi avec les associations de maîtres et, si possible, en concertation avec les enseignants. L'existence d'une commission de l'enseignement et de l'éducation permet peut-être aussi, lorsqu'il y a un certain nombre de déséquilibres ou de priorités qui nous paraissent importants, d'intervenir pour attirer l'attention de l'exécutif afin qu'il traduise ces priorités dans les faits.
Mme Janine Hagmann (L). Comme vient de le dire M. Beer, la nouvelle grille-horaire comporte un cours d'éducation citoyenne pour les élèves de 7e, 8e et 9e du cycle d'orientation. Un nouvel ouvrage, intitulé « Pratiques citoyennes », devant servir de guide à consulter et de matière à réflexion, a été remis à tous les élèves du cycle d'orientation. L'ambition de « Pratiques citoyennes » est de s'adresser à tous les élèves en leur donnant des moyens et quelques pistes pour devenir des citoyens et des citoyennes responsables dans leur commune, dans le canton, dans le pays, mais aussi dans le monde où ils vivent, ce quelle que soit leur nationalité. La motion que nous avons élaborée, en obligeant à dispenser une éducation citoyenne, cherche évidemment à pousser les jeunes à connaître et à approfondir leur responsabilité citoyenne qui s'étend de l'environnement le plus proche au monde entier. Elle aimerait certainement participer à l'initiation à la démocratie et inviter les jeunes à s'engager.
Hier, tous les journaux ont signalé le lancement du projet de loi socialiste instituant le droit de vote à 16 ans. Si j'ai bonne mémoire, un journaliste titrait : « Laissez-les vivre ! ». Il remarquait que l'idée était dans l'air du temps, mais complétait son propos en précisant : « Les ados concernés le veulent-ils réellement ? Leur en a-t-on parlé ? ». Avec cette motion, les députés font savoir qu'ils estiment nécessaire l'intégration des connaissances civiques aux connaissances de culture générale. Ils vont même plus loin en confiant à l'éducation citoyenne un rôle fondamental pour constituer les bases de notre société.
Dans ce contexte, pourquoi le groupe libéral s'abstiendra-t-il de voter cette motion ? Parce que les députés s'arrogent à nouveau un droit qu'ils n'ont pas. C'est celui d'organiser, de programmer et de lancer des consignes à la présidente du DIP. Monsieur Beer, nous étions arrivés à un consensus total au sein de la commission. Mais vous avez vous-même formulé, si j'ai bonne mémoire, l'amendement en cause, parce que vous avez voulu prendre la place de Mme Brunschwig Graf, qui est au sein de l'exécutif. (L'oratrice est interpellée.) Attendez un tout petit peu... Vous avez vous-même demandé une heure par semaine d'instruction à la citoyenneté. Mais où donc allez-vous prendre cette heure ? Vous nous avez encore prouvé hier qu'il fallait prévoir des cours d'informatique. Préférez-vous donc prendre cette heure d'éducation citoyenne sur la 3e heure hebdomadaire de gymnastique, à laquelle vous vous accrochez pourtant, ou sur le latin, les maths ou le français ?
J'ai bien compris le signal transmis à travers cette motion. Je l'accepte totalement et mon groupe également, car nous sommes conscients de l'importance de l'initiation de la jeunesse à la démocratie. Mais de là à décréter un diktat sur l'horaire... non ! Nous n'allons pas jusque-là !
C'est pourquoi le groupe libéral s'abstiendra lors du vote de cette motion.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Rendons à César ce qui est à César !
Une voix. Les radicaux ?
Mme Marie-Françoise de Tassigny. L'origine de la démarche de la motion 1263-A est la concrétisation de préoccupations majeures de jeunes radicaux, même si ce sont les élus radicaux qui l'ont déposée. Il est important de rendre justice aux jeunes, qui se font souvent plus remarquer par leur ignorance de la vie politique. Le style était bien sûr un peu naïf et dépassé par certains côtés, mais la commission de l'enseignement a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de l'ouvrage, « Pratiques citoyennes », destiné aux élèves du cycle d'orientation, ouvrage que je vous recommande de découvrir ! C'est au vu des réalités et de la qualité de l'enseignement donné aux jeunes du canton que certains commissaires ont pris conscience du manque d'actualité de la motion déposée, conçue dans une vision de l'éducation citoyenne insuffisamment ambitieuse.
C'est pour cette raison que je vous propose, par respect pour ces jeunes, de retirer cette motion 1263-A et de traiter la motion suivante, que la commission a rédigée et qui a pour objectif de renforcer l'offre d'enseignement de l'éducation citoyenne et surtout de permettre la réalisation de projets d'établissements concrets. Il ne faudra pas oublier la formation continue des professeurs, de façon que soit renforcé leur intérêt à transmettre la pratique citoyenne. C'est grâce à cette motion 1354, que le parti radical propose de renvoyer au Conseil d'Etat, que nous donnerons à nos enfants le goût et l'envie de participer à la vie communautaire, de découvrir les citoyens du monde, que ce soit aujourd'hui dans leurs études ou demain dans la cité ou dans le canton. Nous contribuerons ainsi à créer de nombreuses vocations pour les parlements de demain.
M. Jean-François Courvoisier (S). J'ai un argument militant en faveur de cette motion 1354. N'est-ce pas pour que les élèves apprennent à être des citoyens dotés d'un véritable sens civique ? Je cite un exemple récent qui s'est déroulé au sein de la commission des pétitions. Des habitants de la rue du Vuache se sont plaints de la présence de dépôts d'ordures destinées à être récupérées par l'Armée du Salut. Comme celle-ci a déménagé, les ordures se sont accumulées et tout le monde s'est plaint en accusant l'Etat et la Ville. Mme Hagmann a très bien fait remarquer qu'il fallait trouver les responsabilités chez les habitants du quartier, qui manquent complètement de sens civique en déposant leurs ordures, empestant ainsi le quartier autour de la rue du Vuache, mais aussi leurs vieux frigidaires, leurs vieilles radios ou leurs vieilles télévisions.
Il est donc absolument nécessaire que les enfants des cycles d'orientation apprennent, en dehors de l'éducation civique, à se comporter comme de vrais citoyens.
M. Roger Beer (R). J'aimerais tout d'abord remercier mon collègue Charles Beer pour son rapport quelque peu caustique. Je dois cependant reconnaître que son très long exposé a un peu calmé le jeu.
Je veux aussi dire que l'on peut bien critiquer la motion radicale soumise au Grand Conseil, demander le développement de l'éducation civique et revenir de commission avec un texte modifié et une proposition de motion pour une éducation citoyenne. Nous sommes bien sûr tous d'accord pour reconnaître que le vocabulaire adéquat n'est plus l'éducation civique, mais l'éducation citoyenne. J'aimerais juste vous rappeler, Monsieur Beer, que vous n'étiez pas encore député à l'époque, du temps de M. Föllmi, que déjà une partie de l'Entente, nos collègues députés PDC, et la gauche avaient insisté pour que l'instruction publique développe davantage l'éducation civique ou l'éducation citoyenne à l'école primaire et au cycle d'orientation, ce qui nous paraît extrêmement important.
Je regrette aujourd'hui que l'on revienne, après un passage en commission et la rédaction d'invites qui s'avèrent pratiquement les mêmes que celles de la motion radicale. Nous avons peut-être pêché en ne faisant pas signer notre motion par les autres partis. Ce qui nous vaut une abstention libérale, abstention que j'ai vraiment beaucoup de peine à comprendre, Madame Hagmann, même avec votre argumentation. Je regrette par ailleurs l'absence de Mme Brunschwig Graf. On peut finalement faire bien des théories à propos de l'intégration des jeunes adultes. Nous avons par exemple parlé hier de l'abaissement de la majorité de 20 à 18 ans, mais nous n'avons pas tellement parlé de votre projet, qui sera prochainement déposé, de droit de vote à 16 ans. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est que le département de l'instruction publique essaye de conscientiser le corps enseignant et de lui faire comprendre la nécessité dans les cours de rendre les jeunes attentifs, à l'école primaire bien sûr, mais surtout au cycle et au collège, à la conscience citoyenne, à l'appartenance à un Etat, à l'engagement politique au travers d'un parti ou d'un autre, peu importe, et que cela peut se faire dans toutes les branches. C'est finalement ceci le message de la motion radicale.
Vous avez bien sûr repris cette motion d'origine. J'ai eu beaucoup de peine, mis à part le changement de vocabulaire, à voir les différences. Cela étant, le groupe radical suivra aujourd'hui vos invites qui recoupent parfaitement les siennes, mais avec une forme différente. Ce qu'il faut espérer, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'impulsion donnée par le Grand Conseil au département de l'instruction publique soit suffisamment importante pour que les directions des différents ordres d'enseignement poussent les professeurs et les enseignants des différents niveaux et des différents cours à intégrer cette notion d'éducation civique ou citoyenne dans leurs cours.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Je crois que tout le monde, ici et au-delà, est désormais au courant que cette motion est une initiative venant des radicaux. Nous acceptons volontiers de leur lancer toutes les louanges qui leur sont dues.
Pour passer à un autre sujet, j'aimerais ajouter deux choses. Tout d'abord, au-delà des détails techniques des horaires, qui ne sont pas vraiment du ressort de ce Conseil, j'aimerais insister pour dire à quel point ces cours peuvent être importants s'ils sont bien donnés. Je les place effectivement à peu près sur le même niveau que les cours d'informatique, car ce sont des outils, comme les cours d'informatique, mais également comme tous les autres cours, que ce soit de mathématiques ou de français. Les enfants doivent apprendre à lire, à écrire, à compter, à mémoriser, mais aussi à exprimer leurs opinions à la société et aux autres personnes. Pour cela, il faut connaître le fonctionnement des institutions, des associations et de tous les groupes sociaux formant la société. En tant qu'instruments nécessaires de démocratie, ces éléments doivent être enseignés au même titre que toutes les autres matières.
J'aimerais ajouter un élément, à savoir ce que ces cours ne doivent pas être. Parce qu'il est vrai que sous ce terme un peu fourre-tout - l'éducation citoyenne - il est possible de voir à peu près tout et n'importe quoi. Je souhaite préciser ce qu'ils doivent être et ne pas être, du moins à notre avis. Il est important que chaque enfant apprenne non à adapter ses idées à celles de la société dans laquelle il vit, dans le sens d'un conformisme, mais au contraire à acquérir les moyens de faire entendre ses propres idées. Vivre, c'est certes être en relation, mais il ne s'agit pas d'éduquer l'enfant pour qu'il se conforme, s'adapte et s'insère dans le système. Non, il faut le préparer à comprendre, à voir très clairement la portée de ce système et c'est cela que les cours doivent lui apprendre.
M. Charles Beer (S), rapporteur. Nous aurions bien aimé travailler sur la motion radicale, Monsieur Beer ! Nous l'aurions vraiment souhaité. Le premier élément qui nous en a empêchés, c'est un considérant de départ. Or, vous savez que l'on ne peut pas modifier en commission les considérants d'une motion. Dans le cas d'espèce, la commission ne partage pas votre analyse, en tout cas pas celle que vous avez reprise, qui précise que les connaissances civiques des jeunes se sont considérablement dégradées. C'est un constat qui n'est pas étayé et qui ne repose sur aucun élément objectif, précis et tangible. Nous essayons plutôt d'envoyer un message d'attractivité vers la vie politique. Partir d'un constat qui est un jugement de valeur sur les personnes auxquelles on s'adresse n'est pas une bonne méthode sur le plan pédagogique. Voilà un élément qui a été largement discuté au sein de la commission et qui a pratiquement fait l'objet d'une unanimité, Monsieur Beer, y compris des représentants de votre parti, sauf erreur de ma part ! C'est une considération qui a été intégrée dans nos discussions. Ceci étant, je l'ai dit et redit, nous saluons le fait que vous ayez engagé, par le biais d'une motion, la discussion. Nous avons cependant pensé qu'il était préférable de partir sur une autre rédaction, puisque nous ne pouvions pas modifier les considérants proposés.
Le deuxième élément - votre intervention a d'ailleurs confirmé ma vision à ce propos - c'est la confusion qu'il y a entre les aspects transversaux de l'éducation citoyenne, c'est-à-dire ce que l'on attend de la participation des jeunes à la vie en commun et à la vie dans l'établissement scolaire, et la transmission de connaissances plus théoriques d'un certain nombre d'aspects figurant dans un plan d'étude, un plan d'étude de cinq pages qui existe, qui considère le personnel enseignant comme formé, qu'il soit d'histoire ou de géographie, contrairement à ce que prétend votre invite. Ce n'est pas un personnel non formé qu'il conviendrait de former. Le personnel enseignant qu'il convient de sensibiliser, c'est justement le personnel qui n'enseigne pas directement, mais qui doit aussi éveiller ses élèves à la pratique citoyenne. Il y a là-dessus confusion entre les deux niveaux. Voilà un élément sur lequel je me permets d'insister pour préciser que notre commission a unanimement préféré démarrer sur une autre rédaction.
Juste encore un mot à propos de l'abstention libérale. Nous avons compris que des problèmes apparaissent lorsque le parlement tente de légiférer dans le domaine de l'instruction publique. Ces problèmes sont très rapidement considérés comme un diktat et une intrusion pratiquement inacceptable, jusqu'au point d'être combattus par référendum. Cela dit, j'ignorais, Madame Hagmann, mais nous n'avons peut-être pas bénéficié de la même éducation citoyenne, que le simple fait d'inviter le Conseil d'Etat à prendre en considération une préoccupation du parlement pouvait être considérée comme « s'arroger un droit que l'on n'a pas et imposer un diktat », selon les termes que vous avez employés. Inviter, au sens de ce que j'ai appris, est une proposition et non un diktat. Si, pour le groupe libéral, inviter l'exécutif à faire quelque chose plutôt que légiférer devient insupportable et apparaît être un diktat, il convient alors de préciser que vous nous appelez simplement à opiner du chef lorsque la présidente du département de l'instruction publique s'exprime.
M 1354
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1354)concernant l'obligation de dispenser une éducation citoyenneau Cycle d'orientation
M 1263-A
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.