République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 31 août 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 39e séance
PL 8073-B
Ce projet de loi a été envoyé à nouveau en commission pour examiner une proposition d'amendement émanant d'un député de l'Alliance de Gauche. La commission a donc repris la discussion dans sa séance du 7 juin 2000 sous la présidence de M. Rémy Pagani en présence de M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot et avec l'assistance de MM. Jean-Charles Pauli, juriste et Gilles Gardet, directeur et urbaniste cantonal.
Discussion de la commission
L'amendement soumis à la commission a la teneur suivante :
Art 15A, al.6
Un député peut également déposer un projet de loi, accompagné d'un plan de zone, portant sur une modification de limites de zone. Si le Grand Conseil accepte de le renvoyer en commission, le département est tenu d'engager et de mener à terme la procédure prévue à l'art. 16. Au préalable, il s'assure de la conformité du projet, sur le plan formel, par rapport aux exigences légales et apporte, le cas échéant, les adaptations nécessaires après en avoir informé son auteur. Sitôt l'enquête publique terminée et le préavis communal communiqué, conformément à l'art. 16, al.3, le département transmet le dossier complet à la commission du Grand Conseil chargée de l'examen du projet de loi, qui fait rapport à ce dernier.
Afin de faciliter les travaux, le DAEL a soumis à la commission un projet de modification de l'alinéa 5 à discuter en parallèle avec cet alinéa 6.
Art 15A, al. 5 Proposition du Grand Conseil (nouveau)
Lorsque le Grand Conseil le demande par voie de motion, le département met au point un avant-projet conformément à l'alinéa 2 et en liaison avec la commission d'aménagement du canton. Sans retard, le département s'assure de la conformité du projet, sur le plan formel, par rapport aux exigences légales, notamment au plan directeur cantonal, apporte, le cas échéant, les adaptations nécessaires après en avoir informé la commission d'aménagement du canton et met l'avant-projet de loi à l'enquête publique, selon la procédure prévue à l'article 16.
Le chef du département explique la démarche proposée : en effet, concernant le droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'aménagement, il y a deux types de blocages possibles par le département :1) celui-ci peut ne pas donner suite à la motion et 2) il peut ne pas déposer de projet de loi après l'enquête publique. Les premiers travaux de la commission ont permis de lever le premier verrou dans le sens où le département a l'obligation de préparer un avant-projet en liaison avec la commission d'aménagement et de le mettre à l'enquête publique.
La majorité des commissaires sont peu convaincus par le libellé de l'al.6 qui inclut deux étapes du processus dans le même alinéa et donne la possibilité à un député de déposer un projet de loi alors que l'usage actuel prévoit que ce soit le rôle du Grand Conseil.
L'amendement de l'AdG, à savoir l'art 15A, al. 6 est rejeté par 9 voix (3 L, 1 R, 1 DC, 2 S, 2 Ve) contre 3 (AdG) et une abstention (S).
La nouvelle proposition de l'al. 5 est en revanche acceptée par 8 voix (3 S, 2 Ve, 3 AdG) contre 5 (3 L, 1 R, 1 DC).
Pour lever le second verrou, une proposition de modification de l'art 16, al.4 est présentée par le département, à savoir :
Art. 16, al 4
Au terme de la procédure prévue aux alinéas 1 et 3 ci-dessus, le Conseil d'Etat examine s'il entend saisir le Grand Conseil du projet et s'il y a lieu d'apporter des modifications à celui-ci pour tenir compte des observations recueillies et du préavis communal. Si ce dernier est négatif, le Conseil d'Etat procède au préalable à l'audition du conseil administratif ou du maire de la commune. Si la modification des limites de zone fait suite à une proposition du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi, sauf si la commission d'aménagement du canton y renonce. Le dépôt du projet de loi devant le Grand Conseil est ensuite annoncé par voie de publication officielle dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune.
Certains députés pensent qu'il n'est pas judicieux de donner à une commission la compétence de renoncer au dépôt d'un projet de loi en cas de préavis négatif d'une commune. Si c'était le cas, on se trouverait en présence d'un nouveau droit. Le chef du département explique que cette proposition aurait l'avantage d'éviter un débat en plénière pour des cas particulièrement controversés mais il reconnaît que cela pose quelques difficultés institutionnelles.
Mis aux voix, cet alinéa est adopté mais avec la suppression de la dernière partie de la phrase, à savoir "; sauf si la commission d'aménagement y renonce ". Huit commissaires acceptent cet alinéa ainsi modifié (3 S, 2 Ve, 3 AdG) et 5 le refusent (3 L, 1 R, 1 DC)
Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ces deux alinéas et le projet de loi ainsi amendé.
Projet de loi(8073)
modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifiée comme suit :
Art. 15A, al. 5 Proposition du Grand Conseil (nouveau)
5 Lorsque le Grand Conseil le demande par voie de motion, le département met au point un avant-projet conformément à l'alinéa 2 et en liaison avec la commission d'aménagement du canton. Sans retard, le département s'assure de la conformité du projet, sur le plan formel, par rapport aux exigences légales, notamment au plan directeur cantonal, apporte, le cas échéant, les adaptations nécessaires après en avoir informé la commission d'aménagement du canton et met l'avant-projet de loi à l'enquête publique, selon la procédure prévue à l'article 16.
Art. 16, al. 1 et 4 (nouvelle teneur)
1 L'avant-projet de loi doit être soumis à une enquête publique de 30 jours, annoncée par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune. Des avis personnels sont envoyés par le département, sous pli recommandé, aux propriétaires des terrains compris dans le périmètre lorsque le nombre de communications individuelles n'excède pas 50.
4 Au terme de la procédure prévue aux alinéas 1 et 3 ci-dessus, le Conseil d'Etat examine s'il entend saisir le Grand Conseil du projet et s'il y a lieu d'apporter des modifications à celui-ci pour tenir compte des observations recueillies et du préavis communal. Si ce dernier est négatif, le Conseil d'Etat procède au préalable à l'audition du conseil administratif ou du maire de la commune. Si la modification des limites de zone fait suite à une proposition du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi. Le dépôt du projet de loi devant le Grand Conseil est ensuite annoncé par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons maintenant en main un rapport écrit alors que, pour la dernière séance, nous avions un rapport oral.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Je rappellerai brièvement que ce projet de loi a été renvoyé en commission pour examiner un amendement qui avait été présenté par l'Alliance de gauche et qui devait donner aux députés la compétence d'initier des modifications de zone tout comme c'est le cas pour les communes - c'était donc à la suite du problème de Troinex.
Les travaux qui sont issus de la commission ont abouti à un article 15A, alinéa 5, nouveau, qui vous est soumis, et également à une modification à l'article 16, alinéa 4, qui oblige le Conseil d'Etat à déposer un projet de loi suite à la mise à l'enquête publique quand c'est le Grand Conseil qui la demande. Je crois que ces questions ont suffisamment été débattues en commission, aussi je m'arrêterai là pour l'instant.
M. Walter Spinucci (R). L'examen de ce projet de loi nous permet de constater le changement d'attitude de certains en fonction des circonstances... En effet, lorsque l'un des auteurs du projet de loi 8073 dirigeait l'ancien département des travaux publics, il était opposé à ce que le Grand Conseil, voire un député, puisse user de son droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire. Mais aujourd'hui, les choses changent !
Pour quelles raisons ? La principale tient certainement au fait que l'Alternative, incapable de s'imposer au niveau des exécutifs communaux, essaye d'imposer aux communes sa politique en matière d'aménagement du territoire !
Nous ne pouvons pas accepter cela, et c'est la raison pour laquelle le groupe radical refusera ce projet !
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Déjà en décembre 1999, lors du premier examen de ce projet de loi par la commission de l'aménagement, le groupe démocrate-chrétien avait d'emblée non seulement exprimé ses réticences face à ce projet mais les avait concrétisées par un refus d'entrer en matière.
Nous laissant ensuite convaincre par les propositions d'ajout et de modifications proposées soit par le président Moutinot soit par le département, nous avions alors estimé, malgré l'avis défavorable de l'Association des communes genevoises, que les propositions remaniées qui ressortaient de la séance étaient acceptables, cela quand bien même la volonté à peine voilée de mettre un peu plus les communes sous la tutelle du Grand Conseil ne nous avait pas échappé. Nous étions donc prêts à voter ce projet de loi modifié en début d'été.
Vous le savez, c'est à ce moment de la procédure que, tout comme vous, nous avons été, une fois de plus, confrontés à l'un de ces amendements chers à l'Alliance de gauche visant, en phase finale, à intégrer dans les projets des modifications l'autorisant ensuite à mener la politique excessive que nous lui connaissons. Si cette manoeuvre de dernière minute a eu pour effet immédiat le renvoi en commission, l'effet secondaire fut de rendre cette modification de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire inacceptable, et les efforts certes tout à fait louables du président du département et de ses services pour édulcorer en commission le texte de l'amendement ne nous ont pas convaincus.
En effet, outre le fait qu'à un moment donné des travaux l'on envisageait d'octroyer à une commission le pouvoir de renoncer ou non au dépôt d'un projet de loi ou encore que nous avons échappé de peu à l'éventualité qu'un seul député puisse déposer un projet de loi portant sur une modification de limites de zone, nous continuons de penser que le texte qui nous est présenté ce soir est malsain.
Il est malsain, parce qu'il ne vise qu'à faciliter la mainmise de l'actuelle majorité de ce Grand Conseil sur l'aménagement du territoire dans les communes de ce canton et, par ce biais, résoudre son problème de sous-représentation dans la plupart des conseils exécutifs et délibératifs communaux. Tout ceci aux dépens du nécessaire dialogue que le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et son actuel président ont, eux, toujours préservé : je me dois de le relever.
Aussi longtemps donc que vous tenterez d'abuser de votre majorité pour imposer vos vues aux communes, vous ne trouverez pas le groupe démocrate-chrétien parmi vos alliés et certainement pas non plus la grande majorité des élus locaux de ce canton !
Ceci pour vous confirmer, Mesdames et Messieurs les députés, que notre groupe ne votera pas le projet 8073 amendé, même après les tentatives évoquées de le rendre acceptable.
M. Rémy Pagani (AdG). Je tiens à dire seulement que je ne comprends pas le procès d'intention qui nous est fait ! (Exclamations.)
En fait, le Grand Conseil qui légifère en tout, à ma connaissance, au niveau du canton, ne pouvait pas dans le passé légiférer en matière de changements de zones, ce qui était une aberration. Nous reprenons d'une certaine manière le pouvoir qui a été délégué à l'exécutif cantonal. Le principe de fond qui est proposé ce soir, c'est que des députés puissent proposer - et non imposer - des changements de zones, inviter et faire en sorte que l'exécutif mette en place ces plans de zones et revienne devant notre Grand Conseil pour qu'il tranche et décide. Je ne vois donc pas en quoi cela prétériterait le pouvoir des communes : cela donne simplement aux députés les mêmes possibilités que les communes !
Je saisis l'occasion pour dire que le but de l'amendement qui est proposé est simplement de définir la notion de motion de notre Grand Conseil, qui est aujourd'hui vague, et de rendre contraignante une telle motion proposée par un député.
M. Olivier Vaucher (L). Les préopinants Spinucci et Portier ont parfaitement évoqué la raison pour laquelle notre groupe, lui aussi, s'oppose très fermement à ce projet de loi.
M. Pagani ne semble pas comprendre qu'il représente une ingérence totale dans l'indépendance des communes. Je m'en étonne d'autant plus que certains députés des bancs d'en face sont les premiers à vouloir défendre l'autonomie communale. Pourtant, avec ce projet de loi, ils enlèvent les prérogatives des communes. Les prérogatives des communes sont déjà très peu nombreuses, et elles doivent conserver celles qui concernent l'aménagement de leur territoire. Ce n'est pas aux cent députés de ce Grand Conseil de s'occuper de l'aménagement du territoire. ! Nous risquerions de nous trouver dans une situation inextricable si nous donnions cette possibilité au Grand Conseil !
Notre position sera d'autant plus déterminée qu'une fois de plus la proposition d'amendement complémentaire est déposée en dernière minute par M. Pagani, et par l'Alliance de gauche !
Etant donné que l'Alliance de gauche n'est pas capable de faire son travail en commission et qu'elle présente de nouveaux amendements en plénum, je me vois obligé de demander un nouveau renvoi de ce projet en commission. Monsieur le président, je vous demande donc formellement de bien vouloir faire voter le renvoi de ce projet en commission pour étudier cet amendement.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Les amendements qui sont proposés ne changent vraiment pas le fond. Ils ne font que modifier la forme. Il est donc tout à fait possible de les adopter sans renvoyer à nouveau ce projet en commission. Les discussions ont été faites. Nous pouvons concevoir que les groupes de droite ne soient pas d'accord, mais, je le répète, il ne s'agit pas d'enlever des prérogatives aux communes. Il s'agit seulement de donner des compétences supplémentaires au Grand Conseil, puisqu'il n'en avait pas en matière d'aménagement du territoire !
Les préopinants des bancs d'en face prétendent que nous voulons nous ingérer dans les affaires des communes : c'est faux ! Je ne vois pas l'utilité de la commission de l'aménagement qui est censée s'exprimer sur des modifications de zones, si nous n'avons pas les compétences nécessaires.
Je demande que nous puissions nous prononcer sur ces amendements qui sont, j'insiste, des amendements de pure forme.
Le président. Nous allons le faire, Madame, mais, auparavant, je dois soumettre à ce Grand Conseil la proposition de renvoyer ce projet de loi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée.
M. John Dupraz (R). Je suis très étonné par cette proposition d'amendement...
On peut admettre que les pouvoirs des députés soient étendus : à la limite, pourquoi pas ? Mais alors que chacun ici se pose en défenseur de l'autonomie communale, je ne vois pas pourquoi le Conseil d'Etat aurait l'obligation de déposer un projet de loi, quel que soit l'avis de la commune, simplement parce qu'une motion émanerait du Grand Conseil ou d'un député ! C'est véritablement une atteinte à l'autonomie des communes ! C'est profondément scandaleux !
La gauche veut s'arroger un pouvoir qui est dévolu avant tout à l'exécutif. Nous sommes des proposants, et je ne vois pas pourquoi, je le répète, le Conseil d'Etat aurait l'obligation de déposer un projet de loi s'il estime, après avoir entendu les personnes concernées, qu'il faut déposer une modification du régime des zones. Je trouve cela profondément scandaleux !
Déjà en matière d'autorisations de construire, on peut constater que les communes ne peuvent donner que des préavis, dont tout le monde se moque excepté le Conseil d'Etat, mais, lorsqu'il y a des procédures de recours, on ne tient compte que du préavis de la CMNS et on se moque bien des communes ! La proposition qui est faite ce soir est une insulte à l'autonomie des communes et à la responsabilité des magistrats dans les communes !
C'est pourquoi je propose un amendement à l'article 16, alinéa 4, qui consiste à biffer la phrase : «Si la modification des limites de zone fait suite à une proposition du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi...». Il faut que les choses soient claires : c'est au Conseil d'Etat d'apprécier s'il faut déposer un projet de loi, même si la demande émane d'un député ou de la commission d'aménagement ! Ainsi, l'égalité de traitement envers les communes sera respectée !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous interrompons nos travaux que nous reprendrons à 20 h 30 !
La séance est levée à 19 h.