République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 juin 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 33e séance
P 1290-A
La Commission des pétitions a traité cet objet en trois séances, les 6 mars, 4 et 17 avril 2000. Mme Pauline Schaefer a pris d'excellentes notes de séance, comme toujours, malgré les propos parfois agités tenus par les commissaires.
Cette pétition est la première d'une série de six, toutes déposées en même temps sur l'initiative du même pétitionnaire, M. Jean-Marc Keller, qui signale que pour chacune il a récolté une centaine de signatures. Elles concernent toutes la Vieille-Ville, son lieu d'habitation.
Les titres d'un humour provocant ont fortement déplu à certains membres de la commission qui, pour cette raison ont proposé d'emblée et énergiquement le classement en bloc de ces pétitions.
Une majorité des commissaires a cependant jugé que le droit de pétition devait pouvoir s'exercer librement, nonobstant le vocabulaire utilisé. C'est la raison pour laquelle ces six pétitions ont finalement été examinées une par une et font l'objet de rapports distincts.
L'avis du pétitionnaire
La pétition 1290, HEPAV, s'indigne du « bal de signalisations aussi fantaisistes que provisoires sur les chaussées et trottoirs de la Vieille-Ville. »
Lors de son audition, le pétitonnaire, accompagné de son épouse, déclare d'emblée qu'il est attaché à la Vieille-Ville, qu'il habite depuis longtemps et qui ne doit pas être considérée comme « une toile sur laquelle nos élus peuvent changer les indications tous les quinze jours ! » Pointant la rue Etienne-Dumont, M. Keller signale qu'on y a apposé la mention « zone piétonne » écrite en grand - c'est toujours écrit en grand pour que « les satellites » puissent voir où se situent ces périmètres - assortie de trois gros points blancs.
Que penser de la plaque à la rue Chausse-Coq, rédigée en caractères de taille 10 ? Il faut carrément s'arrêter pour pouvoir lire ce qu'elle indique. Ensuite de quoi on a tout gratté, rapporte le pétitionnaire. On a enlevé la plaque et on a mis d'autres panneaux tout aussi abscons aux délimitations de la Vieille-Ville.
La situation de la rue Colladon est qualifiée ironiquement d'intéressante par l'intervenant : on doit faire attention aux véhicules qui viennent en face, à l'angle de cette rue, pour ne pas tamponner les voitures en stationnement. Au surplus, enchaîne M. Keller, on doit prendre garde au panneau vertical juste à l'angle où il est expliqué que la circulation est interdite dans la Vieille-Ville après 20 h 00.
En résumé, si le pétitionnaire avoue avoir du mal à comprendre quelles sont les motivations de ces changements, il comprend en tout cas qu'ils doivent coûter cher.
Quant à l'opportunité des mesures administratives imposées, M. Keller a dressé une petite liste des « innombrables aberrations nécessitant correction » dont il donne lecture aux députés. Insistant particulièrement sur la piste cyclable qui longe le Bourg-de-Four sur la rue Saint-Léger, le pétitionnaire estime que c'est une catastrophe au niveau de la cohérence. Elle traverse des cases réservées aux taxis, elle disparaît puis réapparaît, si bien que le danger est non négligeable. Or, en l'occurrence, M. Keller n'a jamais vu plus de deux taxis se garer sur ces cases. Comment justifier dès lors l'existence de huit cases en face de la pâtisserie ?
L'intervenant sait que Genève privilégie les cases motos. Dans ce contexte, il incrimine la formule adoptée angle Piachaud/Croix-Rouge où l'on a récemment dessiné un nouveau trottoir pour garer ces engins, une opération dont M. Keller ne doute pas qu'elle ait un coût élevé. Or, rappelle l'orateur, le but de cette affaire visait à installer des feux à la Croix-Rouge ce qu'il juge être une bonne chose en soi : « Vous avez ma bénédiction », souligne M. Keller, non sans aussitôt se demander comment cela se fait qu'on ait profité d'instaurer cet aménagement sur le trottoir ? Selon le pétitionnaire, on crée ainsi un précédent. Depuis quand les motos sont-elles autorisées à parquer sur les trottoirs ?
M. Keller déplore, en outre, que quelque trois mètres plus loin, on remarque que les cases supplémentaires prévues à cet effet soient libres tous les soirs. On peut alors penser qu'elles sont utilisées par les travailleurs. Pour le pétitionnaire, il est néanmoins inadmissible de privilégier les individus qui se rendent en Vieille-Ville pour leur travail, sachant que beaucoup d'autres endroits leur sont offerts pour se parquer.
Poursuivant son itinéraire critique, M. Keller rapporte qu'on ne peut plus tourner en haut de la rue Etienne-Dumont à gauche sur la rue Saint-Victor si bien que celui qui voudrait se rendre au Petit-Palais est contraint d'exécuter un véritable gymkhana ! Rue Saint-Victor toujours, le pétitionnaire relève qu'on a maintenant substitué les cases perpendiculaires aux anciens épis. « Pourquoi ? Tout simplement pour embêter les automobilistes. Ceux-ci entendent se garer ? Et bien, qu'ils fassent plusieurs manoeuvres pour y arriver et, se récrie M. Keller, on fait payer un macaron pour cela ».
En haut de Saint-Victor, signale le pétitionnaire, on a bouclé l'accès, mais le résultat est que le trafic en provenance de Florissant converge vers l'Externat des Glacis. A défaut d'avoir laissé les choses en l'état, on pénalise ainsi ce secteur rempli d'enfants.
En substance, M. Keller demande que cesse la valse des peintures qui dénaturent l'asphalte, sans parler du « sapin de Noël » que constituent tous ces panneaux ! C'est à rendre les gens complètement « neuneu » ! « Si c'était avec les deniers de nos élus, il n'y aurait pas eu de pétition, mais c'est notre argent qui finance ce genre de choses et on ne peut pas l'admettre », affirme M. Keller.
Une commissaire s'interroge sur le fait de savoir à qui il convient de donner la priorité : aux deux-roues ou aux automobilistes ?
M. Keller lui signale la proposition qu'il a énoncée, soit de « Rassembler les cases-motos peinturlurées n'importe où en des lieux périphériques peu fréquentés, par exemple, terrasse Agrippa-d'Aubigné en face du Collège Calvin, le long de la rue de la Croix-Rouge côté Bastions, rue Franck-Martin, boulevard Jaques-Dalcroze aux Casemates ». M. Keller estime que les gens peuvent quand même marcher 500 mètres.
« Je suis pour les solutions claires et pas les compromis boiteux », affirme M. Keller. Pour les voitures, une telle mesure n'est pas concevable, mais elle s'avère réalisable pour les motos qui peuvent parfaitement stationner à la périphérie de la Vieille-Ville. S'il admet qu'on cherche à inciter les gens à utiliser les deux-roues, M. Keller pense qu'il ne faudrait pas pour autant verser dans l'excès contraire.
Discussion et vote
La discussion fut animée mais argumentée davantage sur la forme que sur le fond. Certains commissaires refusaient d'entrer en matière au vu du ton utilisé par le pétitionnaire, jugé fort arrogant. Ils estimaient en outre que ce dernier ne recherchait que des avantages personnels, pour circuler et garer sa voiture plus commodément. Ils proposaient donc le classement.
D'autres commissaires estimaient que certains des arguments avancés ne manquaient pas de pertinence, et qu'une pétition ne méritait le classement que si elle touchait à une problématique déjà réglée ou hors de la compétence du Grand Conseil, et qu'un vocabulaire provocateur ou politiquement incorrect n'y suffisait pas. Ils proposaient donc le dépôt.
Quant au fond, les arguments n'ayant guère été développés, la rapporteuse donnera ici sa propre opinion : le pétitionnaire n'a pas tort de se plaindre que la signalisation change sans cesse, qu'elle est peu compréhensible, et, de ce fait, mal respectée. Elle partage l'opinion qu'il est vain de s'en tenir à des demi-mesures.
Elle ne peut cependant approuver certaines options proposées par le pétitionnaire, à savoir rétablir un parking sur la terrasse Agrippa-d'Aubigné, la circulation sur la rue Charles-Galland, le rajout de cases autos, la suppression de la piste cyclable sur la rue Saint-Léger, la suppression des marquages « 20 km/h et 30 km/h ».
Il est exact que l'on se trouve confronté à de vrais problèmes de circulation, en Vieille-Ville comme ailleurs à Genève. Il faut sans doute y voir le signe d'un malaise profond, à savoir que l'autorité compétente montre qu'elle ne sait pas prendre des décisions claires en matière de circulation. Si d'aventure, elle déploie quelques velléités, force est toutefois d'admettre qu'elle ne sait pas les imposer.
En revanche, la rapporteuse décèle une certaine contradiction de la part de M. Keller. D'un côté, il déclare son amour pour l'intégrité de la Vieille-Ville et, de l'autre côté, il voudrait y rétablir davantage de places de parking et de circulation automobile. Elle observe au surplus que le pétitionnaire cite des rues assez étroites où il souhaiterait voir introduire des places pour les voitures.
Pour ce qui est de la terrasse Agrippa-d'Aubigné, on se souviendra qu'il avait été décidé d'en chasser les voitures des députés et conseillers municipaux dans le but d'y créer un espace de verdure. Si l'on peut regretter que l'aménagement n'en soit pas plus attractif, la rapporteuse ne peut en aucun cas suivre M. Keller dans son idée d'y rétablir un parking.
Quant à la rue Charles-Galland, en face du Musée d'art et d'histoire, le Conseil municipal de la Ville s'était prononcé pour sa fermeture définitive à la circulation, or, malheureusement, une demi-mesure a finalement été prise par les autorités exécutives. Si l'on y opère une modification, il faudrait faire respecter la décision du Conseil municipal.
Pour ces raisons diverses, une majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil.
Le classement de la pétition 1290 est refusé par 7 non (1 DC, 2 R, 1 L, 1 S, 2 Ve), contre 6 oui (3 AdG, 1 L, 2 S).
Le dépôt est voté par 7 oui (1 DC, 1 L, 2 R, 1 S, 2 Ve).
Pétition(1290)
HEPAV: halte aux élucubrations picturales sur l'asphalte de la Vieille-Ville
Mesdames etMessieurs les députés,
Les contribuables de la Vieille-Ville inscrits ci-dessous exigent que cesse le bal de signalisations aussi fantaisistes que provisoires sur les chaussées et trottoirs du domaine public: les coûts occasionnes par ces dégradations (graffitis sur la chaussée, poteaux et pancartes abscons, bornes, chaînes, etc.) et la réfection en l'état initial seront mis à la charge des maîtres d'oeuvre. A titre d'exemple, voici un petit échantillonnage des innombrables aberrations nécessitant correction:
En général: effacer les hideux marquages de style porte-avions "30 Km/h" ou "20 Km/h" ou encore "Police" (Bourg-de-Four). Rassembler les cases-motos peinturlurées n'importe où en des lieux périphériques peu fréquentés, par ex. terrasse St-Antoine en face du collège Calvin (angle Th.-de-Bèze et Charles-Galland, 300 places), le long de la rue de la Croix-Rouge (côté Bastions, entre le trottoir et la chaussée, 150 places), rue Frank-Martin (100 places), bvd Jaques-Dalcroze (Casemates, 250 places).
En particulier: Bourg-de-Four, rues Colladon, Etienne-Dumont, St-Victor
Bourg-de-Four, montée devant les nos 33 à 13
Suppression de la "piste cyclable', qui est à contresens dans un sens unique et un non-sens pour des cyclophiles sensés. Il y a déjà eu de nombreux accidents et ladite "piste cyclable" doit être déplacée à la rue Chausse-Coq.
Remplacement de la 2' case "Taxis" par une case "Livraisons": les 2 cases actuelles sont prévues pour 6 à 8 véhicules, or il n'y a jamais plus de 2 taxis, alors que les livreurs s'arrachent les crins.
Ajout de cases-autos: il faut ajouter au moins 6 cases du côté pair et 6 du côte impair (entre le Navy Club et le Café du Bourg-de-Four).
Rue Colladon
Réduction du nombre de cases-motos de 25 à 8 et ajout d'au moins 6 cases-autos (comme ce fut le cas ces trente dernières années).
Rue Etienne-Dumont
Suppression, en haut de la rue. du panneau "sens obligatoire à droite" et de la rangée de cases-motos entravant la circulation à gauche (angle prom. St-Antoine). Comment un touriste en véhicule pourrait-il se rendre au musée du Petit-Palais depuis le Bourg-de-Four ?
Rue St-Victor
Suppression du "barrage" interdisant l'accès depuis le bvd des Tranchées ou le Ch. Malombré.
Remplacement des cases-autos perpendiculaires au trottoir par des cases-autos parallèles (comme ce fut le cas ces trente dernières années).
Débat
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse. Comme vous l'avez remarqué, nous vous proposons de déposer cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil, parce que certaines des propositions qu'elle contenaient ne convenaient pas du tout aux membres de la commission. Par contre, il y a quand même quelque chose dans cette pétition qui frise la vérité. La circulation dans la Vieille-Ville est un tout petit peu chaotique. Cela, même le conseiller d'Etat qui traverse fréquemment la Vieille-Ville doit le constater par lui-même. Les rues interdites aux voitures sont pleines de voitures, les voitures circulent dans les rues piétonnes aussi vite que dans les autres, on circule en toute impunité là où les sens sont interdits. Un poste de police se trouve en plein coeur de cette Vieille-Ville. Et pourtant, le département qui édicte les règles de la circulation ne les fait pas respecter. Pour le citoyen, ainsi que pour les députés, c'est un peu difficile à comprendre !
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.