République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 juin 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 33e séance
M 1259-A
Déposée le 9 février 1999, cette motion a été renvoyée par le Grand Conseil au Conseil d'Etat le 26 mars 1999. Sa teneur amendée est la suivante:
Comment imaginer « la ville » autrement sur le plan de la mobilité ?
Comment valoriser davantage les atouts qui sont les siens et qui lui sont propres ?
Comment renforcer l'attractivité de ces pôles urbains, dépendant immanquablement de la trilogie commerces et services diversifiés florissants, activités de loisir et de délassement régénératrices et échange entre humains plus humains ?
Les initiateurs de la démarche « en ville sans ma voiture » souhaitent apporter leur pierre à l'édifice en développant une prise de conscience collective qui va dans le sens d'un recours accru à l'écomobilité, par une mise en valeur plus soutenue du patrimoine urbain qui doit inciter à la convivialité.
En cela, la démarche poursuivie est soutenue par le Conseil d'Etat. Le gouvernement est cependant convaincu que l'esprit de convivialité recherché ne peut contribuer au bon déroulement de l'événement si les moyens mis en oeuvre ont pour résultat de dresser les uns contre les autres, en cherchant à véhiculer un message au demeurant louable par une atteinte à la liberté ou mesure ressentie comme telle.
La convivialité, à laquelle beaucoup souscrivent pleinement, passe concrètement par la mise sur pied d'événements culturels ou commerciaux par exemple, qui peuvent pour l'occasion prendre une forme un peu différente qu'à l'ordinaire. Pour ce faire, les espaces à disposition en milieu urbain ne sont pas négligeables.
Le Conseil d'Etat est d'avis que la démarche doit avant tout être incitative pour provoquer l'engouement désiré par les organisateurs. Il estime que l'initiative d'une telle démarche doit émaner des élus locaux, mieux à même de développer les synergies de proximité nécessaires avec leurs partenaires. Il est également d'avis que la liberté d'action défendue par celles et ceux qui ont initié la démarche au plan européen doit rester de mise, afin d'offrir ainsi la possibilité de proposer des événements diversifiés selon les villes qui souhaitent se prêter à l'expérience.
C'est dans ce sens que le Conseil d'Etat s'est entretenu l'an dernier avec le Conseil administratif des villes, dans la perspective de l'édition 1999. Six communes (Genève, Carouge, Lancy, Meyrin, Thônex, Vernier) ont donné suite à la démarche. Les résultats, certes contrastés, sont fidèlement présentés au sein d'une brochure réalisée pour l'occasion par la Ville de Genève, transmise à toutes fins utiles en annexe au présent rapport.
C'est dans le même esprit de proximité que le Conseil d'Etat estime que la reconduction de l'opération en 2000 doit être envisagée. De son côté, le gouvernement est prêt à apporter son concours sur le plan logistique et de contrôle, comme il l'a d'ailleurs fait en 1999.
Pour être concluante, une telle démarche doit être conduite en étroite collaboration avec les milieux associatifs et commerçants, afin de garantir un accueil favorable aussi large que possible. Toute opération allant dans le sens d'une animation plus soutenue des centres urbains est d'ailleurs digne d'intérêt dans la durée, pour autant qu'elle ne soit pas vécue par la population, vacant à des occupations par définition très diversifiées, sous les auspices de la contrainte.
Dans cette perspective, la promotion des transports publics, par le biais de journées incitatives assumées par les collectivités organisatrices, correspond tout à fait à l'esprit de l'événement qui se veut davantage incitatif que contraignant. Il est tout aussi opportun de saisir l'occasion pour valoriser l'usage de modes de déplacement écomobiles typiquement citadins, tels que le deux-roues avec traction électrique, etc. Une publicité placée sous l'impulsion de leurs initiateurs mettant en valeur les avantages du recours au co-voiturage et à l'auto-partage paraît également totalement adaptée au contexte.
Ainsi, les organisateurs se donnent les moyens d'atteindre leurs objectifs, en plaçant l'animation urbaine développée pour l'occasion dans une perspective bien ciblée, qui donne en finalité tout le sens au thème de la journée.
La démarche ainsi menée permet le déclenchement par sensibilisation d'un processus de réflexion collectif sur la façon d'appréhender « la ville » autrement en termes d'usage du domaine public, tout en veillant à la préservation de son tissu commercial et de services par une ambiance qui incite à la fidélisation et non à la fuite de ses adeptes. C'est tout le sens d'une valorisation accrue des atouts urbains de convivialité, propres à « la ville » et dont elle se doit de tirer profit, au bénéfice d'humains à la recherche d'espaces de vie humains, que ce soit au travers de l'exercice d'une activité professionnelle, de shopping, ou tout simplement de délassement.
Convaincu qu'il est de la nécessité de maintenir un esprit de proximité à la démarche, le Conseil d'Etat ne souhaite pas en faire un événement cantonal piloté de façon dirigiste, qui aurait précisément pour corollaire de limiter les possibilités de rassemblement sous l'auspice de la convivialité soutenues par les organisateurs, en raison de restrictions introduites temporairement sur la liberté de déplacement.
Le Conseil d'Etat tient également à ne pas faire d'amalgame entre l'opération « En ville sans ma voiture » et les « Dimanches sans voiture », les finalités des deux opérations nécessitant une approche totalement distincte. Les effets et moyens à prendre en considération n'ont rien de commun.
Sur la base de ce qui précède, le Conseil d'Etat vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte du présent rapport apportant réponse à la motion 1259 pour des journées sans voitures dans tout le canton de Genève.
Débat
M. Gérard Ramseyer. J'aimerais simplement insister sur le sens du rapport déposé par le Conseil d'Etat. Celui-ci est ouvert à la démarche. Il veut la promotion des modes de déplacement doux, mais ne veut pas d'affrontements. De sorte que, « En ville sans ma voiture », ce n'est pas « Ma ville sans voitures », ce n'est pas « Quatre dimanche sans voitures », ce n'est pas « Des journées sans voitures. ». A ce sujet, le rapport du Conseil d'Etat ne présente aucune ambiguïté. Oui à la démarche, oui à la concertation avec les milieux associatifs et commerçants, non au dirigisme partisan ! J'entendais, en accord avec mes collègues, souligner le sens du rapport que nous avons déposé.
M. Albert Rodrik (S). Monsieur Ramseyer, je crois que vous avez trouvé la réponse parfaite ! On ne peut que souscrire à tout ce que vous écrivez. On ne peut vous reprocher quoi que ce soit dans cette réponse. Mais qu'est-ce que j'aurais voulu avoir une once d'enthousiasme, quelque chose qui vibre dans le fait de ne pas être, enfin, esclave de cette voiture ! Monsieur Ramseyer, comment ne pas souscrire à ce que vous écrivez ? C'est un bréviaire tellement bien fait ! Monsieur Ramseyer, Mesdames et Messieurs, voir la ville libérée, périodiquement, de temps en temps, de cette emprise est une tâche importante, comme disait De Gaulle, « une ardente obligation » !
M. Jean-François Courvoisier (S). S'il faut de l'enthousiasme dans ce dossier, j'en ai ! Je sais que j'obtiendrai facilement, en tant qu'invalide, une autorisation de circuler en voiture. Mais je suis tellement émerveillé par la mise en place d'une journée sans voitures que je m'engage à n'utiliser ce jour-là que les transports publics, à me déplacer à pied ou à rester chez moi ! Je trouve merveilleux qu'il y ait une journée sans voiture. J'ai l'enthousiasme qui manque à M. Ramseyer !
M. Gérard Ramseyer. Je veux simplement rappeler à M. le député Rodrik que les grandes émotions sont muettes ! (Applaudissements.)
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.