République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8260
32. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (F 2 10). ( )PL8260

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1 Modifications

La loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988, est modifiée comme suit :

Art. 3, al. 3, phrase 2 (nouvelle)

Le Conseil d'Etat se dessaisit toutefois de la cause et la transmet à la commission cantonale de recours de police des étrangers lorsqu'il n'entend pas admettre le recours pour des motifs d'opportunité et que le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre la décision cantonale de dernière instance.

Art. 4, al. 6 (nouvelle teneur)

6 Elle applique la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. Elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle, sauf lorsque la décision entreprise émane de l'office cantonal de l'emploi.

Article 2 Disposition transitoire

Les modifications apportées à la loi du 16 juin 1988 d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers par la loi n° (à compléter) du (à compléter par la date d'adoption) s'appliquent aux recours pendants lors de leur entrée en vigueur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La juridiction administrative a été intégralement réformée aux fins de conférer au Tribunal administratif la compétence générale pour juger du contentieux contre les décisions des autorités et juridictions administratives (services, départements, Conseil d'Etat, commissions de recours inférieures, etc.), la loi ne précisant plus que les exceptions à ce principe.

Ce changement était inévitable, car il s'agissait, par ce biais, de mettre en conformité notre droit cantonal avec le droit supérieur, à savoir :

l'article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui exige, dans toute une série de domaines, que les décisions puissent être contrôlées par un tribunal indépendant ;

l'article 98a de la loi fédérale sur l'organisation judiciaire (OJ) qui veut que toutes les décisions pouvant faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral soient susceptibles d'être soumises au préalable au contrôle d'une autorité judiciaire cantonale.

Sous réserve des mesures de contrainte, les décisions de police des étrangers échappent à la compétence du Tribunal administratif, car elles relèvent en instance unique de la compétence de la Commission cantonale de recours de police des étrangers. Quant à elles, les décisions en matière de main-d'oeuvre étrangère, prises par l'Office cantonal de l'emploi, sont sujettes à recours auprès du Conseil d'Etat.

Cette solution est judicieuse, dès lors que la grande majorité des décisions qui sont prises dans ces deux domaines trouvent leur fondement dans un jugement d'opportunité. C'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit de déterminer l'intérêt d'une demande d'autorisation de travail par rapport à la situation du marché de l'emploi et aux besoins économiques prépondérants du canton dans la gestion d'un contingent d'autorisations relativement limité, domaine dans lequel la commission dite tripartite joue un rôle unanimement reconnu. Compte tenu de la spécificité de ce domaine et des incidences sur la vie économique, il est important que le Conseil d'Etat reste en principe compétent pour connaître des recours en matière de main-d'oeuvre étrangère. Un maintien de cette compétence ne pose pas de difficulté juridique dans la majorité des cas, puisque les décisions prises ne sont pas susceptibles d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral a cependant confirmé récemment que la voie du recours de droit administratif est ouverte lorsque l'étranger a un véritable droit - sous réserve du respect des conditions légales - à la délivrance d'une autorisation de travail. Dans ces cas, les recours portant sur l'autorisation de travailler sont très rares.

Compte tenu de la teneur de l'article 98a OJ, qui oblige les cantons à prévoir une voie de recours cantonale auprès d'une autorité judiciaire qui statue en dernière instance, il en découle que ces cas devraient pouvoir être soumis à une instance juridictionnelle indépendante.

Le projet de loi qui vous est soumis prévoit, pour satisfaire aux exigences du droit fédéral, de régler désormais la procédure de recours en matière de main-d'oeuvre étrangère selon le modèle suivant :

toutes les décisions de l'Office cantonal de l'emploi mentionnent comme voie de recours le Conseil d'Etat ;

lorsque le recours de droit administratif auprès du Tribunal fédéral n'est pas ouvert, le Conseil d'Etat statue en fait, en droit et en opportunité et sa décision est définitive ;

lorsque le recours de droit administratif est ouvert, le Conseil d'Etat ne se prononce qu'en opportunité. Si le recours doit être admis de ce chef, il prend un arrêté en ce sens. A défaut, il se dessaisit en faveur de la Commission cantonale de recours de police des étrangers. Celle-ci statue alors en instance cantonale unique, son pouvoir d'examen étant cependant limité aux questions de fait et de droit, le grief d'inopportunité ayant déjà été rejeté par le Conseil d'Etat du fait qu'il a transmis la cause à ladite commission.

Une telle situation aura ainsi l'avantage d'assurer la cohérence politique en matière de gestion du marché de l'emploi en maintenant une procédure aussi semblable que possible pour toutes les demandes relatives à une autorisation de travail, tout en respectant les impératifs du droit fédéral pour les quelques cas concernés.

L'opportunité des décisions sera ainsi dans tous les cas jugée par le Conseil d'Etat, la Commission cantonale de recours étant en revanche compétente pour trancher les questions de droit qui pourront, le cas échéant, être revues par le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif. Les exigences de l'article 98a OJ s'avèrent ainsi respectées.

A la lecture de ce qui précède, toute autre solution ne serait pas satisfaisante, tant d'un point de vue organisationnel que matériellement.

Au plan organisationnel, il y a lieu, en raison de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne de distinguer deux étapes, la première s'échelonnant entre les années 2001 et 2003 et la seconde dès 2003 :

Durant la première période transitoire de 2 ans, soit entre 2001 et 2003, les ressortissants européens continueront à voir leurs dossiers de demandes de permis de travail transiter par l'Office cantonal de l'emploi. En effet, le contrôle à l'entrée des conditions d'engagement et du respect du principe de priorité des travailleurs indigènes sera maintenu durant cette période. En revanche, ces requérants devront être considérés comme ayant un véritable droit à la délivrance d'un permis, moyennant respect des conditions précitées. En cas de recours contre un éventuel refus, ils se trouveront donc dans le cas de figure que le projet de loi présenté aujourd'hui entend viser.  Leurs recours pourront ainsi, en fonction de l'appréciation du Conseil d'Etat, être tranchés par la Commission cantonale de recours. Compte tenu des chiffres actuels, le nombre de cas soumis à la commission de ce chef devrait se situer entre 50 et 100 annuellement.

Dès 2003, les décisions de première instance en la matière, s'agissant des ressortissants européens, ne seront plus du ressort de l'Office cantonal de l'emploi, puisque le contrôle préalable sera supprimé sous réserve du maintien d'un contingentement. Partant, ces cas ne seront plus visés par le présent projet de loi. De ce fait, les dossiers de refus d'autorisation de travail soumis à la Commission de recours ne concerneront plus que les quelques ressortissants extra-communautaires bénéficiant d'un droit au séjour en Suisse (il s'agit essentiellement de regroupements familiaux). Ces dossiers seront donc extrêmement limités.

Compte tenu de ce qui précède, il ne se justifie dès lors pas de mettre sur pied une nouvelle organisation, alors même que les cas à traiter s'élèveront après une courte période transitoire, à de très rares cas annuellement.

Matériellement, et ainsi que cela a déjà été évoqué, le Conseil d'Etat est plus particulièrement à même d'exercer cette compétence, compte tenu de l'important pouvoir d'appréciation qui doit être laissé, pour des raisons évidentes, à l'autorité de recours en la matière. Qui est mieux habilité, en effet, que le Conseil d'Etat pour décider de l'opportunité d'une décision en regard tant du marché de l'emploi que des besoins économiques de notre canton ?

Enfin, les modifications proposées permettront d'avoir une réglementation d'ores et déjà adaptée sur ce point dans la perspective de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne.

Au bénéfice de ces explications nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission législative sans débat de préconsultation.