République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 juin 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 32e séance
IU 898
M. Alain Charbonnier (S). Mon interpellation s'adresse à M. Gérard Ramseyer. Depuis quelques jours fleurissent sur des panneaux publics de tout le canton des affiches anti-avortement déplorables. Ces affiches présentent trois photos côte à côte. La photo d'un foetus, celle d'un enfant tout sourire et celle d'un sac à ordures. Je respecte entièrement la liberté de pensée de chacun, mais comment peut-on oser ce genre de raccourci et surtout l'exposer ainsi au public ?
L'article 3, chapitre 1 du règlement sur l'affichage public et la publicité sur la voie publique, stipule : «Les affiches ne doivent rien contenir qui soit contraire aux lois, règlements, aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.» Il ne me semble pas que la conjonction de ces trois photos et la conclusion du sac à ordures entrent dans ce qui est communément appelé les bonnes moeurs. C'est un total manque de respect envers des milliers de femmes et de couples devant faire un jour ce choix, que personne n'est en droit de juger.
Ma question est la suivante : ce genre d'affiche n'entre-t-elle pas dans la catégorie de ce qui est contraire aux bonnes moeurs, selon l'article 3 du règlement ?
Réponse du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer. Je remercie M. Charbonnier de son intervention. En effet, certaines campagnes d'affichage sont d'un goût particulièrement douteux. Reste à savoir comment la loi s'applique à leur égard. De mémoire, mon département n'a interdit, en six ans, que deux, voire trois affiches qui étaient totalement contraires aux bonnes moeurs.
Cela dit, je signale que la Société d'affichage n'a pas soumis cette affiche particulière à notre contrôle. En l'occurrence, ce qui choque, c'est l'amalgame des trois clichés. On peut effectivement considérer qu'il s'agit d'un affichage médiocre, de particulièrement mauvais goût, mais il ne contrevient pas, à notre sens, à l'article que vous venez de citer, car il n'incite pas non plus au désordre public.
C'est simplement une mauvaise affiche, une affiche «dégeulasse», pour utiliser une expression populaire. Cela étant, nous n'interdisons généralement pas de telles affiches. Dans le passé, nous avons eu, par exemple, une affiche de la maison Benetton qui reproduisait le T-shirt d'un Bosniaque tué pendant la guerre. Cette affiche était doublement vilaine. Le texte original n'avait même pas été rajouté, contrairement aux voeux de la famille. Pourtant, nous n'avons pas interdit cette affiche, parce que nous estimions que nous entrions là dans l'arbitraire.
Je peux partager votre dégoût, votre indignation devant certaines affiches, Monsieur. Mais s'il n'y a pas, stricto sensu, une atteinte aux moeurs ou un appel au désordre public, nous n'interdisons pas de telles affiches. Nous n'en avons interdit que deux en l'espace de six ans. C'est une attitude qui nous met à l'abri du reproche, bien compréhensible, de vouloir faire la police en matière d'affichage et de bon goût, ce qui n'est pas dans les compétences de mon département.
Encore une fois, Monsieur le député, je partage totalement votre désapprobation, mais je considère que cette affiche ne pouvait pas, sur la base de la loi, être interdite, d'autant qu'on ne nous l'avait même pas signalée.
Cette interpellation urgente est close.