République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 8 juin 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 8e session - 28e séance
Q 3234
Annexe à filmer (page 7, du TAP)
Réponse du Conseil d'Etatà la question écrite de M. Guy Loutan : « 800 watts d'éclairage pour se laver les mains : les députés seront-ils vraiment plus propres ? »
Au-delà de son caractère ponctuel, la question de M. Guy Loutan soulève la problématique plus générale de l'utilisation rationnelle de l'électricité en général, et dans l'éclairage en particulier.
Compte tenu également du délai écoulé depuis que cette question a été posée, le Conseil d'Etat entend saisir l'opportunité de cette réponse pour donner des informations complètes sur les mesures et enseignements qui ressortent de la gestion du parc immobilier de l'Etat durant ces dernières années.
L'électricité dans le parc immobilier de l'Etat
Depuis 1994, l'Office cantonal de l'énergie, en collaboration avec la Direction des bâtiments, publie le bilan énergétique des bâtiments de l'Etat. On constate que l'Etat, dans son ensemble, achète sur le réseau public environ 400 TJ d'électricité pour un coût d'un peu plus de 15 millions de francs par année. A cela s'ajoute l'électricité produite au sein même des bâtiments lorsqu'une installation de cogénération existe (hôpital, Hôtel de police, périmètre du Stand, etc.). Bien qu'aucune statistique interne ne soit disponible quant à la part qui est affectée à l'éclairage, la référence à d'autres études publiées sur le thème permettant de l'estimer au tiers du tout. Dès lors, on le voit, l'enjeu se chiffre annuellement à environ 5 millions de francs pour la partie strictement financière et à des montants, ou plutôt des valeurs, plus difficiles à quantifier en matière de préservation des ressources et de protection de l'environnement et de la santé.
Evolution des technologies d'éclairage
En 1988, les trois principales sources d'éclairage étaient les lampes à incandescence, ampoules traditionnelles ou lampes halogènes, au rendement lumineux médiocre, les tubes fluorescents dont les récentes évolutions de qualité n'étaient à l'époque encore que marginalement utilisées et les lampes à vapeur métallique dont le rendement était aussi bon que la qualité de lumière mauvaise et qui restaient réservées à l'éclairage public.
A cela s'ajoute l'apparition, au début des années 80, de l'informatique de bureau et de son écran de travail qui a profondément modifié les exigences de qualité en matière d'éclairage des locaux. La solution la plus simple face à ces problèmes a été de proposer de façon systématique des luminaires à lampe halogène sur pied à côté de chaque écran.
Constatant la prolifération de ces éclairages peu performants l'Office cantonal de l'énergie en collaboration avec l'Economat cantonal et la Direction des bâtiments a lancé, dès 1987, une expérience visant à répondre aux exigences de qualité d'éclairage de la place de travail avec écran au moyen d'équipements à faible consommation d'électricité. Sans entrer dans les détails de ce projet, les résultats ont été la transformation des quelque 1200 luminaires lampes halogènes qui avaient été distribués jusque-là pour une économie de l'ordre d'un million de kWh par année avec un temps de retour sur investissement inférieur à 4 ans, le tout étant couronné par l'obtention du prix ETA
ETA est le nom de la lettre grecque utilisé symboliquement pour désigner le rendement et le prix ETA a été institué par l'économie électrique suisse.
La fin des années 80 marque un tournant dans l'évolution des sources lumineuses disponibles sur le marché. On a ainsi vu apparaître les lampes à vapeur métallique dont le rendu des couleurs, nettement amélioré, permettait l'usage à l'intérieur des locaux, ainsi que les lampes fluorescentes compactes sous diverses formes et puissances, le tout avec un accroissement de la gamme des couleurs disponibles et une nette amélioration de la qualité de la lumière produite. Dans le même temps, les fabricants ont développé des alimentations électroniques qui permettent d'éviter certains inconvénients des lampes fluorescentes et d'en graduer la puissance. Les fabricants de luminaires se sont également adaptés aux nouvelles exigences optiques de qualité pour l'utilisation des écrans et ont proposé de très nombreuses solutions novatrices. En parallèle les systèmes de commande ont largement évolués et les entreprises spécialisées ont développé des variateurs de puissance, des senseurs et des automates permettant d'ajuster l'éclairage selon la lumière ambiante, des horloges, des systèmes de commandes centralisées et les détecteurs de présence aujourd'hui bien connus. L'avènement de ces nombreuses technologies et leur proximité de l'être humain et de ses comportements ont évidemment été accompagnés de leurs lots d'erreurs de conception ou d'implantation. Toujours est-il qu'aujourd'hui l'éclairage est mieux maîtrisé. La qualité est meilleure, les effets indirects sont minimisés. La consommation est réduite. Les durées de vie des éclairages sont allongées et les impacts environnementaux diminués.
Formation
La mise en place de ces possibilités toujours plus nombreuses, plus efficaces et plus sophistiquées doit nécessairement s'accompagner de formation. Bien évidemment, ce sont les écoles et instituts spécialisés qui en ont pris une large part, de même que les fournisseurs d'équipements qui souhaitent, bien entendu, que leurs produits soient non seulement utilisés, mais également bien utilisés. De son côté, l'Etat a organisé trois cours à l'attention des professionnels concernés : l'un, « architecture et éclairage naturel », en collaboration avec Energie 2000 , le second « l'éclairage et architecture » en collaboration avec l'Ecole d'ingénieurs de Genève et le troisième « éclairage à la place de travail », en collaboration avec l'OCIRT.
Information
Le magazine « L'énergie », actuellement « Energie - Environnement », publié deux fois par an et distribué dans tous les ménages, n'a pas manqué de rappeler pratiquement dans chacune de ses éditions les avantages de l'utilisation d'éclairage économique et de diffuser des conseils sur son bon usage, mais surtout, c'est le prix ETA de 10 000 F reçus par l'OCEN qui a été utilisé sous forme d'une distribution de 1000 bons de 10 F comme impulsion destinée à déclencher le réflexe d'achat de lampes économiques auprès du grand public.
Programme d'économies dans des bâtiments de l'Etat
Dans la poursuite de l'opération de modifications des lampes, dès 1991, l'OCEN en collaboration avec la Direction des bâtiment et l'ABTIE (Association des bureaux techniques d'ingénieurs en électricité) a engagé une série d'actions systématiques de recherche d'économie d'énergie, en particulier d'électricité au moyen d'un programme nommé AURELA (Action pour une utilisation rationnelle de l'électricité dans les locaux de l'administration). Cette opération consistait à rechercher toutes les actions simples permettant de couper une fourniture de prestations par l'électricité inutile à un moment donné, et ceci en n'engageant que des travaux légers afin de garantir l'autofinancement du projet.
Sensibilisation des utilisateurs
Suite aux enseignements tirés du programme AURELA conduit dans près de 40 écoles du canton qui, rappelons-le, forment un part importante des surfaces gérées par le DAEL, il a été décidé d'adjoindre à ce programme strictement technique un programme de sensibilisation nommé « Collèges des Utilisateurs ». En 1996, le Conseil d'Etat a décidé d'associer les secrétaires généraux des départements à ce projet et de le conduire dans 4 bâtiments de la Vieille-Ville dont le 2, Hôtel-de-Ville qui abrite notre parlement et les commodités dont il est fait état dans la question de M. Guy Loutan.
Ainsi, les collaborateurs des 4 bâtiments ont reçu durant une année une série de messages de sensibilisations ou contenant des recommandations et des résultats. En parallèle, les bâtiments ont été auscultés sur le plan technique et des améliorations proposées. Les travaux, entrepris durant le second semestre 1999, sont en voie d'achèvement. De nombreux systèmes d'éclairage et leurs commandes sont modifiés. Durant l'opération, des travaux ont été entrepris également dans le but d'économiser l'énergie thermique (régulations, vannes thermostatiques) et l'eau (chasses d'eau à deux vitesses et fontaines).
Modifications techniques
En préambule à l'évocation générale des actions entreprises, le Conseil d'Etat tient à répondre précisément à la question de M. Guy Loutan relative aux toilettes du Grand Conseil.
Avant les travaux de 1999, les sanitaires « homme » étaient équipés de vingt lampes de 25 W, ce qui est déjà mieux que les lampes de 40 W citées dans la question, soit 500 W au total. La durée de fonctionnement était estimée à 168 heures par mois soit une consommation de 84 kWh/mois. Quant aux sanitaires « dame », il y avait 14 lampes pour une puissance unitaire et une durée d'utilisation identique, soit une consommation de 59 kWh/mois.
Après les travaux, des luminaires à tube fluorescent (100 W par WC) ont été installés dans les 2 WC. Des détecteurs de présence éteignent la lumière dès qu'il n'y a plus personne et la durée de fonctionnement est évaluée à 10 heures par mois, soit une consommation de 1,6 kWh par WC et par mois. Les travaux ont ainsi généré une diminution de près de 98 % de la consommation électrique.
Financièrement, les travaux ont coûté 900 F au total et permis ainsi une épargne de 450 F par an. De tels résultats attirent deux remarques : d'abord, il s'agit d'une action exceptionnellement rentable et le potentiel d'économie de l'ensemble du bâtiment est, bien sûr, nettement plus modeste; ensuite une telle action n'était pas réalisable il y a douze ans avec les performances et les coûts des équipements de l'époque.
Sur le plan technique, les bâtiments ont subi diverses adaptations, tous les travaux se sont achevés en janvier 2000 :
pose d'économiseurs d'eau dans les chasses d'eau de WC
2, rue de l'Hôtel-de-Ville 24
2, rue Henry-Fazy 17
14, rue de l'Hôtel-de-Ville 22
4, rue du Puits-Saint-Pierre 6
pose ou remplacement de vannes thermostatiques bloquées à 17°C (couloirs) ou 21°C (bureaux)
2, rue Henry-Fazy 84
14, rue de l'Hôtel-de-Ville 50
En matière d'électricité, sur les bâtiments 2 et 14, rue de l'Hôtel-de-Ville, ce sont 231 automates de commande d'extinction de lumière fonctionnant avec des détecteurs de présence et des temporisations qui ont été installés. En parallèle, la conciergerie a équipé de nombreux luminaires de lampes économiques. Le coût de l'opération est d'environ 45 000 F avec un temps de retour estimé à 24 mois.
Pour les bâtiments 4, rue du Puits-Saint-Pierre et 2, rue Henri-Fazy, il est plus difficile de citer des chiffres exacts dans la mesure où ces bâtiments ont subi récemment ou subissent actuellement des transformations avec assainissement des installations techniques dans le cadre de travaux de routine.
A ce jour les résultats chiffrés ne sont pas encore connus mais les premières tendances montrent des consommations à la baisse, surtout dans le domaine de l'eau. Un sondage auprès des utilisateurs, conduit durant l'été 1999, a montré de façon très nette leur intérêt à recevoir des recommandations sur l'utilisation des équipements mis à leur disposition.
En conclusion, la volonté de l'Etat d'améliorer la qualité de sa consommation d'électricité, sa volonté de travailler en étroite collaboration avec les associations professionnelles, avec les fournisseurs et avec ses propres collaborateurs permet aujourd'hui de proposer un arsenal de solutions qui s'inscrivent dans les buts d'utilisation économe et rationnelle de l'électricité. Cette démarche s'inscrit dans une approche nouvelle de la consommation ou plutôt du rapport qu'a le système technique de fourniture de prestations aux réels besoins des utilisateurs. Le projet n'est pas achevé; il se poursuit même avec une intensité accrue. Le cas cité dans la question de M. Guy Loutan n'est qu'un exemple, anecdotique et en même temps significatif, d'un projet qui s'inscrit dans la logique d'un développement durable au quotidien.