République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1167-A
7. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la pétition Action patrimoine vivant. ( -)P1167
Rapport de M. Chaïm Nissim (Ve), commission des travaux

Comment doit réagir une commission du Grand Conseil, lorsqu'il s'avère qu'un ancien conseiller d'Etat a transgressé la loi ?

C'est de cette question grave, pour l'avenir de notre système démocratique, que s'est occupée notre Commission des travaux le mardi 18 avril, assistée comme à l'accoutumée par MM. Haegler et Reinhart, fonctionnaires du département. Le procès-verbal était pris par Mme Meyer.

1. La Villa Blanc, bref rappel des faits :

Le 26 juillet 1996, au petit matin, la Villa Blanc, située sur les terrains de Sécheron, était démolie. M Joye, alors conseiller d'Etat, prétendit tout d'abord dans la presse que cette démolition avait été décidée par Aprofim tout seul (une société de M. Nessim Gaon, qui était propriétaire de cette villa).

Il faut savoir que les membres d'Action patrimoine vivant avaient déposé le 23 juin 1995 une demande de classement de cette villa. Que cette demande valait effet suspensif selon la loi, et que le département n'avait pas le droit d'autoriser cette démolition - du moins est-ce là l'impression de notre commission.

Par la suite, lorsque la lettre d'Aprofim à M. Joye, envoyée deux jours avant la démolition, et remerciant celui-ci d'avoir autorisé la démolition, fut publiée, M. Joye se contorsionna péniblement et prétendit que cette association - APV - n'avait pas qualité pour agir, alors que son département venait de reconnaître celle-ci, explicitement, dans une autre affaire deux mois auparavant, une demande de classement de deux immeubles à Chêne-Bourg. Ces tergiversations pénibles, ces mensonges gênants par leur candeur, abondent dans le court règne de M. Joye. Au total, celui-ci peut se résumer ainsi : une longue suite d'échecs pénibles tout au long des 4 ans qu'il dura, démontrant par l'absurde son incapacité à diriger un département.

Un peu plus tard, il s'avéra qu'une note, émanant de Mme Sylvie Bietenhader, cheffe de la police des constructions, désapprouvant son chef autant qu'elle l'osait, avait été préparée le 25 juin 1995. Cette note - tombée sans doute d'un camion ? - est fort opportunément parvenue à Mme Deuber Ziegler, membre d'APV, qui s'empressa de la publier. Dans cette note Mme Bientenhader analyse froidement la situation juridique, constate que le projet de maison Europa de M. Gaon n'est pas prêt, qu'APV a bien qualité pour agir, que l'effet suspensif est donc en force, et que faute de changer la loi la démolition n'est pas possible.

Or M. Joye n'avait ni le temps, ni les compétences pour changer la loi, ses fonctionnaires étaient contre lui, il décida de passer en force, de mépriser la loi, qu'il comprenait mal et désapprouvait de toutes façons, et d'autoriser la démolition.

Il est clair aujourd'hui aux yeux de notre commission que M. Joye n'a pas respecté la loi. La Commission des travaux a eu l'occasion de s'occuper assez souvent de changements importants de programmes constructifs, qui entraînaient des dépassements de crédits, qui avaient été autorisés par un précédent conseiller d'Etat, sans repasser devant le Grand Conseil. Ces dépassements de crédits ont atteint parfois plusieurs dizaines de millions, et plombent encore notre budget actuellement, par les frais financiers qu'ils ont entraînés. La loi ne précise pas ce qu'il faut faire lorsque ceux qui sont chargés de la faire respecter ne le font pas. Au surplus, la loi contient en son sein des contradictions et des lourdeurs, qui font que parfois même un conseiller d'Etat de bonne foi est bien obligé dans sa gestion ordinaire de transgresser tel article, pour éviter de transgresser tel autre !

Notre Commission des travaux était bien embarrassée pour s'occuper des dépassements de crédit de M. Grobet, elle l'est tout autant pour s'occuper des illégalités de M. Joye.

Comprenez-moi bien Mesdames et Messieurs les députés : de mon point de vue, le bon gestionnaire est parfois obligé de transgresser la loi, qui s'avère occasionnellement un corset trop serré pour vivre à l'aise. Si je reprends les exemples ci-dessus, on peut aussi les voir autrement :

1. L'exemple du dépassement de crédit du Bachet, 50 millions perdus :

Le chantier a duré 5 ans ; en 5 ans les utilisateurs ont changé plusieurs fois de point de vue, ils ont demandé à rajouter un étage pour les trams, à changer l'emplacement du parking ; 5 ans c'est long, l'essentiel des hausses est d'ailleurs dû à cette durée importante ; s'il avait fallu rédiger un projet de loi et demander l'aval du Grand Conseil pour chacun de ces changements mineurs, le chantier n'aurait jamais été terminé ! (certes pour les changements majeurs la loi impose la consultation du Grand Conseil, mais où est la limite ?)

2. L'exemple de la maison Europa, démolition illégale :

Imaginez un instant que le projet de Maison Europa, une grande maison pour les chancelleries européennes, une institution internationale de grand prestige pour Genève, d'un intérêt capital pour l'avenir international de Genève, imaginez que ce projet de Maison Europa ait été sérieux, qu'il ait un financement achevé et sûr, et que le seul obstacle à ce beau projet soit l'acharnement d'un ancien conseiller d'Etat, jaloux de son successeur, et qui s'ingénie à déposer recours téméraire sur recours téméraire, pour bloquer toute construction à Genève. L'intérêt collectif de Genève ne pèserait-il pas plus lourd à vos yeux que l'intérêt d'un jaloux isolé ? N'ordonneriez-vous pas vous aussi la démolition, au mépris de la lettre d'une loi trop étroite et dans l'intérêt de l'avenir de Genève ?

(Dans les faits le projet de Maison Europa n'avait aucune consistance, mais ça, Ph. Joye ne voulait pas le voir, je vous parle de son point de vue, pas de la réalité.)

2. Villa Blanc, les discussions en commission :

En commission les attitudes des députés face à ce problème furent diverses : M. Blanc, éminence blanche du PDC, était gêné, par divers aspects. D'abord il aurait pu être candidat au poste de M. Joye, et il devait peut-être regretter par la suite de ne s'être pas lancé, devant l'incapacité patente de celui-ci. Ensuite, l'échec retentissant de certains dirigeants - PDC eux aussi - de la Banque cantonale, est encore sur toutes les lèvres, et cette longue série d'échecs tend à démontrer que les partis de l'Entente n'arrivent pas à gérer un Etat qu'ils n'aiment pas, dont ils se méfient et qu'ils veulent affaiblir.

En face, MM. Pagani et Velasco voulaient instruire le procès de M. Joye en commission, interviewer M. Joël Herzog, d'Aprofim - le gendre de M. Gaon - Mme Sylvie Bietenhader et M. Joye. La commission a voté sur ce point, et elle a refusé cette audition par 4 voix contre 4 et une abstention, celle du rapporteur.

L'idée du rapporteur sur ce point était que Mme Sylvie Bietenhader ne pouvait être tenue pour responsable d'une décision à laquelle elle s'était courageusement opposée, que M. Joye ne viendrait pas ou alors viendrait nous montrer une attitude contradictoire et des contorsions pénibles, dont notre commission ne pourrait tirer aucun enseignement, et que M. Joël Herzog ayant reçu l'autorisation de démolir, n'a transgressé aucune loi !

Après ce premier vote, notre commission devait se déterminer sur l'issue à donner à cette pétition. Sur la base d'arguments politiques et non juridiques, nous ne sommes pas des juges mais des politiciens. Cette pétition nous demande de constater que le Conseil d'Etat de l'époque a transgressé la loi. Que M. Diego Schmidt, juge, a blanchi un peu vite le département. Et c'est tout, elle ne demande rien d'autre. Ce qui est un peu court.

La commission, en votant le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, va plus loin que ne nous le demande la pétition : elle demande au Conseil d'Etat d'enquêter plus sérieusement sur la question de la légalité de cette démolition. S'il devait s'avérer que celle-ci était bien illégale, comme le pressent notre commission, d'envisager toutes les voies de droit pour punir les coupables. Non par esprit de vengeance, mais pour marquer clairement, par ce précédent, les limites de la loi et ce faisant renforcer celle-ci, qui en a bien besoin. Sans cette nécessaire clarification en effet, il est à craindre que nos petits cantons glissent tout doucement et sans s'en apercevoir dans le régime de la république bananière !

La commission demande également au Conseil d'Etat de se mettre sans tarder à la tâche de simplification de la loi, au moins sur le volet bâtiment - LGL, LCI, LDTR - , pour simplifier et rendre plus facile la compréhension de la loi. Et pour prévoir quelque chose pour les cas où le Conseil d'Etat ne la respecte pas.

Le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat a été accepté par les députés de l'Alternative, les autres se sont abstenus. Notre commission vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

Mesdames etMessieurs les députés,

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Plusieurs députés m'ont dit hors séance qu'ils étaient très choqués par mon rapport. Une proposition va vous être faite ou vous est faite par ma voix de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion. 

M. Jean Spielmann (AdG). Il y a effectivement, dans le rapport rédigé par M. Nissim, une série d'affirmations et d'inexactitudes qu'il est assez rare de trouver réunies dans un seul et même rapport. D'autre part, M. Nissim ne fait pas particulièrement preuve de beaucoup de courage dans ses attitudes politiques, puisqu'il s'attaque aujourd'hui à des personnes qui ne siègent plus dans cette enceinte. Or, on l'a très peu entendu à l'époque, au moment où nous intervenions pour soulever un certain nombre de problèmes.

Le propos principal de mon intervention concerne les manquements de ce rapport, mais aussi un certain nombre de rectifications qu'il me semble tout à fait indispensable d'apporter. Je ne reviendrai pas sur les élucubrations et le contenu du texte de M. Nissim, qui le qualifie en définitive lui-même.

En ce qui concerne les dépassements de crédits, reprenons les points précis tels qu'ils figurent dans le rapport de M. Nissim, si l'on peut appeler cela un rapport ! A la page 3, vous dites, Monsieur Nissim, en ce qui concerne le crédit du Bachet-de-Pesay, que ce crédit a été dépassé, que l'on a voté à la petite semaine... Je ne veux pas entrer dans les détails, mais simplement vous rappeler plusieurs choses et des faits. Il est faux de dire que l'on a ajouté un étage pour les trams. C'est exactement l'inverse ! Dans les discussions que nous avons eues ici au moment du dépôt du projet, nous avions demandé de réduire le bâtiment d'un étage. Cette réduction a été opérée, ce qui a permis de réaliser une économie de 15 à 20 millions de francs. Je ne sais donc pas où vous avez été trouvé que l'on a rajouté un étage. C'est exactement le contraire ! Peut-être est-il quand même utile d'effectuer quelques recherches dans les documents avant d'affirmer des choses fausses !

Deuxième élément, vous parlez du parking. Il est exact - j'étais à l'époque l'auteur de la motion - que nous avions considéré qu'il serait judicieux, dans la construction d'un tel complexe, de ne pas réaliser un parking en surface, ce d'autant que la commune de Lancy avait posé comme condition que l'on ne « mange » pas trop les espaces verts et que le parking, qui pouvait constituer un futur parking d'échange - vous voyez que cela se réalise aujourd'hui - soit construit en sous-sol et non pas en pleine terre comme prévu. Une des conditions posées par la commune de Lancy avait précisément été de préserver les espaces verts à cet endroit-là. Le Grand Conseil a décidé de changer la loi et de voter ce parking. Ce n'est donc pas par hasard et sans information que ce parking a été construit. Les coûts ont été démontrés. On a expliqué que le problème était important et que l'on ne pouvait construire un parking en surface, en précisant dans l'exposé des motifs que ce parking ne devait pas être mis à la charge du personnel, puisqu'il était davantage prévu pour le public. Deuxième erreur ! Ce n'est quand même pas non plus une petite erreur et je ne crois pas qu'elle soit complètement innocente !

Autre élément. A l'époque où nous avons voté le crédit du Bachet-de-Pesay, il a été fait une proposition que j'ai combattue ici par des amendements. Je n'étais pas d'accord du tout avec la pratique proposée à l'époque. On s'éloignait en effet totalement de la pratique usuelle du Grand Conseil en matière de réalisation. C'est d'ailleurs l'un des seuls ouvrages pour lesquels nous n'avons pas ouvert de crédit « grands travaux ». Nous avions décidé d'entreprendre la démarche via une subvention pour la réalisation de ce bâtiment. Pourquoi ? Parce que la démarche via une subvention, contrairement aux grands travaux, permettait de porter à la charge des futurs utilisateurs les frais financiers y relatifs. Voilà encore une chose qui est complètement contraire à ce que vous avez dit. J'ajouterais pour le surplus que le Conseil d'Etat n'a même pas encore présenté le crédit de bouclement des comptes de ce dépôt. On n'est pas encore au bout. Je ne sais donc pas ce qui vous permet de vous lancer dans vos élucubrations !

Je passerai sur les affirmations concernant M. Blanc et les éléments relatifs à M. Joye. Je vous laisse la responsabilité de vos propos. Ce qu'il y a par contre de grave, ce sont vos affirmations à propos de la Maison de l'Europe. On sait aujourd'hui - on le savait déjà à l'époque : nous avons produit ici des pièces provenant aussi bien du Parlement européen que d'éminents juristes qui ont mené des procédures - que l'idée de la Maison de l'Europe ne se concrétiserait pas. Vous dites à ce propos que le projet de Maison de l'Europe n'avait dans les faits aucune consistance et que M. Joye ne voulait pas le savoir. Vous ajoutez : « Je vous parle de son point de vue et pas de la réalité. » Or, lorsque, dans un rapport comme celui-ci, vous vous permettez d'attaquer les gens de cette manière, alors même que vous précisez que ces éléments n'ont aucune consistance, lorsque vous les publiez dans votre rapport pour dire par la suite que vous faites part de votre point de vue et pas de la réalité, cela me semble être une curieuse façon de rédiger un rapport pour un député du Grand Conseil sur un sujet aussi important.

J'en viens maintenant à la conclusion et à ce qui me semble quand même être l'élément le plus important de ce dossier et qui justifie à lui seul le renvoi à la commission de contrôle de gestion. La commission des travaux avait demandé, si je suis bien informé, à pouvoir disposer de pièces. Il y avait en effet, jointes à cette pétition, un certain nombre de pièces. Trois exactement, que j'ai ici. Elles ont été demandées par la commission, mais vous vous êtes bien gardé de les publier dans votre rapport, parce qu'elles auraient apporté quelques éléments concrets. C'est l'aspect le plus important de cette pétition, qui pose précisément le problème de la relation entre la commission des pétitions, le droit de recours, le droit des pétitionnaires et l'objet même de cette pétition. Dans les pièces en question, on constate qu'il y a eu une collusion visible entre les promoteurs et le département, qu'il y a eu à ce moment-là une volonté de démolir illégalement ce bâtiment et de s'asseoir sur le droit de recours, alors même que l'association Action patrimoine vivant avait été reconnue en tant que telle. On s'est permis à l'époque de prétendre le contraire. Vous avez occulté ces pièces qui prouvent exactement cette démarche et vous ne les avez pas présentées dans votre rapport, vous livrant à une série d'élucubrations qui n'ont rien à voir avec les débats de la commission et avec l'objet de la pétition.

A partir du moment où ces pièces ont été produites, où des interventions politiques ont été faites dans ce parlement via le Conseil d'Etat, interventions que ce dernier a toujours occultées et auxquelles il a toujours refusé de répondre, le problème principal n'est pas de chasser des têtes ou de revenir en arrière et de punir les gens qui ont commis des fautes à l'époque, mais bien de voir quelles sont les démarches que peut entreprendre le Grand Conseil pour que le droit des pétitionnaires soit reconnu et pour que l'on ne bafoue plus la loi à l'avenir. Vous dites à un moment donné que les lois sont difficiles... Je ne sais plus exactement la formulation que vous utilisez. Vous dites aussi que M. Joye s'est assis sur les lois parce qu'il se sentait ainsi plus à l'aise, ces lois constituant un corset inutile. Or, il s'agit ici de la démolition d'un patrimoine classé, du dépôt d'une pétition et de l'envoi illégal des bulldozers. Ce ne fut pas le fruit du hasard, ce d'autant que l'on connaît aujourd'hui, par le biais des débats consacrés à la Banque cantonale, l'implication directe de cette démolition sur ce dossier-là. Dès lors, traiter aussi légèrement un dossier comme celui-ci et proposer pour le surplus, alors que le Conseil d'Etat a toujours refusé de répondre aux questions des pétitionnaires et des recourants, de le lui renvoyer aujourd'hui pour qu'il nous donne une réponse, sans même produire les pièces et effectuer honnêtement le travail de rapporteur de commission, je trouve cela tout à fait inacceptable.

Nous demandons donc à ce que ce rapport soit renvoyé à la commission de contrôle de gestion, qui, elle, saura peut-être faire le ménage ! Du moins nous l'espérons ! 

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. J'attendais la première attaque - il y en aura d'autres - avant d'intervenir. Je veux le faire brièvement en réponse aux propos de M. Spielmann. Je me permettrai par la suite de répondre aux attaques qui viendront du côté du parti socialiste.

Il est vrai, Monsieur Spielmann, que la question du Bachet-de-Pesay, que j'évoque dans un seul paragraphe de cinq ou six lignes de mon court rapport, n'a rien à voir avec le sujet dont nous parlons ce soir, à savoir la villa Blanc. J'ai peut-être inversé le problème de l'étage supplémentaire pour les trams. L'essentiel de ce que je voulais dire, c'est qu'il y a eu plusieurs transformations durant les cinq ans qu'a duré ce chantier et que ces transformations ont entraîné, pour toute une série de raisons d'ailleurs et qui ne sont pas analysées dans ce rapport... (L'orateur est interpellé.) Je ne m'en souviens plus. Il y en a eu plusieurs. Il y a eu la neige du siècle... (L'orateur est interpellé.) Mais non ! M. Spielmann vient de parler d'un étage en moins pour les trams, je pensais qu'il s'agissait d'un étage en plus. L'essentiel est que ce chantier a coûté beaucoup plus cher que prévu et qu'il a été retardé par toute une série de facteurs. Pour ma part, je voulais en venir à ceci dans mon analyse. Lorsqu'on conduit un chantier d'une telle ampleur, il est inimaginable qu'il n'y ait aucune modification en cours de projet. Ce Grand Conseil ayant déjà traité plusieurs fois de ce dossier du Bachet-de-Pesay, je ne veux pas y revenir ce soir.

L'essentiel, Monsieur Spielmann, de ce que je cherchais à dire dans mon rapport, c'est qu'il semble bien, aux yeux de notre commission, que la loi n'a pas été appliquée par M. Joye en ce qui concerne la villa Blanc. Notre commission a décidé d'aller plus loin que la pétition dont elle a été saisie et de demander le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, pour que celui-ci puisse déterminer s'il y a éventuellement eu - certainement, aux yeux de notre commission - des manquements à la loi et puisse les sanctionner le cas échéant. C'est le but de tout politicien honnête. C'est de voir si une loi a été ou n'a pas été transgressée... (L'orateur est interpellé.) Mais si, Monsieur Spielmann, c'est exactement ce que je dis ! Nous élaborons des lois. Notre travail consiste ensuite à vérifier que ces lois soient appliquées. C'est pour cela que j'ai proposé, c'est pour cela que notre commission a proposé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

J'explique par ailleurs dans mon rapport qu'il y a toute une série de lois qui n'ont malheureusement pas été appliquées. Il n'y a pas que l'exemple de la villa Blanc. C'est pour cela que j'ai présenté des exemples de dépassement de crédits, pour expliquer le contexte général dans lequel ces lois n'ont pas été appliquées.

Vous me reprochez, Monsieur Spielmann, de ne pas avoir cité les lettres de Mme Sylvie Bietenhader devant ce Grand Conseil. J'ai trouvé un peu délicat d'incriminer une fonctionnaire du département qui s'est bravement opposée, je l'ai dit dans mon rapport, à son chef - M. Joye à l'époque - sur un certain nombre de points de droit concernant cette Maison Europa. J'ai aussi très clairement indiqué que cette Maison Europa n'avait à mon avis pas vraiment de consistance et que M. Joye n'avait donc pas vraiment de raisons de transgresser la loi.

Ce que vous me reprochez en fait ici, Monsieur Spielmann, c'est de tenir un discours libre sur ce sujet-là. (L'orateur est interpellé.) Je n'ai pas menti. J'ai dit exactement la vérité telle qu'elle m'apparaissait. C'est cela le boulot d'un député. C'est de raconter son point de vue, sa vérité à lui. C'est pour cela que l'on est payé. C'est pour dire ce que l'on pense et ce qui s'est vraiment passé. Si vous voulez donner une autre vérité, une vérité plus officielle, vous êtes libre, Monsieur Spielmann, de renvoyer cette pétition dans une autre commission - je soutiendrai une telle demande - et de mouliner la vérité. Il n'en reste pas moins que la vérité percera toujours, parce que les faits sont têtus. C'est un ancien Tatar qui disait cela. Les faits sont têtus. Pour finir, il se pourrait bien qu'il apparaisse un jour que la loi n'a pas été respectée dans le cas de la Maison Europa. Peut-être que les lettres seront publiées. Je ne suis pas convaincu que cela fasse du bien aux personnes qui les ont écrites. Il n'en reste pas moins que la vérité triomphera, malgré les invectives de M. Spielmann ! 

M. Alberto Velasco (S). Je regrette que ce rapport ne mentionne pas les votes de la commission. Ma collègue, Mme Grobet-Wellner, me le faisait remarquer tout à l'heure. Aucun vote n'est indiqué. C'est dommage, Monsieur Nissim, que vous n'ayez pas cru nécessaire... (L'orateur est interpellé.) On ne les voit pas ou ils sont difficiles à voir !

M. Chaïm Nissim, rapporteur. A la page 4, Monsieur Velasco !

M. Alberto Velasco. A la page... ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur. A la page 4, troisième paragraphe. Le premier paragraphe précise qu'il y a eu quatre voix pour, quatre voix contre et une abstention

M. Alberto Velasco. D'après ce que nous avons pu entendre à la commission des travaux, certaines personnes au sein du département, voire une personne, se sont assises sur les lois ou sur la loi. Il est donc nécessaire pour nous tous députés de savoir ce qui s'est passé et qui s'est vraiment assis sur la loi. Nous demanderons jusqu'au bout, nous les socialistes, à savoir ce qui s'est passé. Ceci dit, le rapport qui nous est fourni n'est en réalité pas un rapport faisant état de ce qui s'est passé au sein de la commission. C'est un réquisitoire contre certains d'entre nous. Ce n'est pas juste et pas normal, Monsieur Nissim ! Nous voulions un rapport relatant ce qui s'est passé en commission et non pas un règlement de comptes contre les députés. Je tenais à le déplorer !

Mais il y a pire ! Vous dites à un moment donné, Monsieur Nissim, quelque chose de tout à fait dérangeant. C'est M. Spielmann qui l'a relevé tout à l'heure. Vous dites qu'un « bon gestionnaire est parfois obligé de transgresser la loi, qui s'avère occasionnellement un corset trop serré pour vivre à l'aise ». Vous êtes un député et un député ne peut pas dire qu'un bon gestionnaire doit transgresser la loi. Cela me gêne, car l'on ne peut pas, en tant que député, dire ce genre de chose. (L'orateur est interpellé.) C'est vrai, Monsieur Annen, lorsqu'il y a manquement aux droits des êtres humains. Là, nous sommes d'accord de transgresser la loi lorsqu'on transgresse préalablement la loi la plus importante, à savoir le respect de la personne humaine. A ce moment-là, on peut transgresser une loi. Mais dans le cadre mentionné par M. Nissim, il n'y a pas lieu de transgresser une loi. Je ne comprends donc pas que vous puissiez tenir de tels propos. Ce que vous reprochez à certains, Monsieur Nissim, vous le conseillez à d'autres ! Il y a donc une contradiction dans votre attitude.

M. Nissim déclare par ailleurs que M. Pagani et moi-même voulions instruire le procès de M. Joye en commission. Ce n'est pas vrai. Nous voulions auditionner les personnes qui étaient impliquées à l'époque dans ce dossier. Nous avions en effet reçu des documents, documents qui ne figurent justement pas dans le rapport, montrant que certaines personnes étaient impliquées dans cette affaire. Nous voulions les écouter et savoir ce qui s'était réellement passé. C'est dans ce contexte que nous voulions auditionner ces personnes. Nous ne sommes pas habilités à conduire des procès, Monsieur Nissim. Je n'y tenais pas du tout. Mais nous avions par contre le droit et le devoir, en tant que députés, d'entendre ces personnes.

Les socialistes ne peuvent pas accepter ce rapport. Nous nous rallierons à la proposition qui nous est faite de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion afin que la lumière soit faite et qu'un travail réel sur ce qui s'est passé à l'époque soit réalisé. 

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Il arrive que sa désinvolture, voire sa paresse amènent notre ami Chaïm Nissim à outrepasser toutes les limites de la décence. Pourquoi accepter d'assumer le rôle d'un rapporteur pour tenir des propos de café du commerce et dire n'importe quoi, au mépris de la vérité des faits et des débats de la commission concernée ?

Je n'ai pas envie d'entrer dans le détail de ses élucubrations, mais je tiens à lui dire que les insultes proférées à l'encontre de notre collègue Grobet sont en l'occurrence inadmissibles et le déconsidèrent lui-même. En ce qui me concerne... (Commentaires.) C'est en effet de l'ordre de l'insulte, car les propos tenus sont contraires aux faits. Ces propos mettent en évidence un rôle de perturbateur de l'ordre public qu'aurait eu le chef du département des travaux publics, Christian Grobet. Ce qui n'a pas été le cas. En ce qui me concerne, je retiens que mon audition, en tant que membre du comité d'Action patrimoine vivant, n'a pas été correctement retracée dans cette navrante affaire. La note de Mme Bietenhader ne m'a pas été envoyée. Elle n'est pas «tombée d'un camion»... Je ne l'ai jamais dit. Elle ne m'a pas été envoyée et je ne me suis bien évidemment pas empressée de la publier. Ce sont des mensonges et ce sont des mensonges qui me navrent. Si cette lettre m'était arrivée de la part d'une personne anonyme, je ne l'aurais de toute manière pas publiée. La première sortie de cette lettre a eu lieu lorsque les pétitionnaires l'ont jointe à leur pétition. Cette lettre a ensuite disparu du dossier. Il a fallu toute la pugnacité de la présidente de cette commission, Mme Anita Cunéod, pour faire resurgir cette pièce et la faire joindre à la pétition pour l'examen par votre commission.

En ce qui concerne encore mon audition, nous avons demandé explicitement que cette affaire soit renvoyée à la commission de contrôle de gestion de notre Grand Conseil, commission qui a été créée pour traiter des cas de ce genre. Ceci n'a pas non plus été mentionné dans ce rapport. C'est la raison pour laquelle je me rallie évidemment à ce qui vient d'être proposé par les préopinants, soit un renvoi à la commission de contrôle de gestion de notre Grand Conseil. 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre collègue Chaïm Nissim a tellement l'habitude de rédiger des rapports de minorité qu'il ne sait effectivement pas, ou qu'il a dû oublier qu'un rapport de commission doit objectivement relater les travaux de la commission et non pas ses idées personnelles.

La pétition d'Action patrimoine vivant concerne un cas particulier, celui de la villa Blanc. Nous souhaiterions en rester à ce débat-là. Nous ne souhaitons pas assister à un échange d'invectives, échange inutilement provoqué par le rapporteur. Nous vous demandons quant à nous de suivre la position de l'Alliance de gauche, c'est-à-dire de renvoyer cette pétition à la commission de contrôle de gestion. 

M. Jean Spielmann (AdG). Encore deux éléments, puisque M. Nissim ne comprend visiblement pas les rectifications que nous apportons et parle au contraire d'invectives.

Je me permets quand même de vous rappeler, Monsieur Nissim, ce que vous dites au bas de la page 2 : « Notre commission des travaux était bien embarrassée pour s'occuper des dépassements de M. Grobet. Elle l'est tout autant pour s'occuper des illégalités de M. Joye. » Vous parlez expressément de « dépassements », alors ne dites pas que les invectives viennent de notre part. Je ne sais d'ailleurs pas si vous relisez vos documents avant de les publier. Car ils posent, à un moment donné, un certain nombre de problèmes. Vous dites par exemple qu'un «ancien conseiller d'Etat, jaloux de son successeur, s'est ingénié à déposer recours téméraire sur recours téméraire pour bloquer toute construction à Genève...» (Brouhaha.) Je vous mets au défi, Monsieur Nissim, de nommer un seul recours déposé par M. Grobet. Si vous en citez un, je retire tout ce que j'ai dit à votre encontre. Il est vrai - mais allez alors au bout de votre raisonnement !- que des recours ont été déposés au nom du WWF et d'autres associations. M. Grobet a été mandaté par ces associations pour intenter ces recours. Alors maintenant, Monsieur Nissim... (Brouhaha.) ...allez au bout de votre raisonnement et dites que vous faites partie des associations qui ont mandaté M. Grobet pour intenter ces recours ! Comment pouvez-vous donc publier des insanités pareilles ?

Autre élément pour bien situer le niveau auquel vous êtes descendu. Vous dites que la loi a été transgressée et que l'on a fait intervenir « M. Diego Schmidt, juge ». Je vous rappelle simplement que Diego Schmidt n'était pas juge au moment où on l'a sollicité. C'était un ancien juge, mais il n'était plus juge au moment du dépôt de la pétition. Si vous parlez d'un juge, c'est bien pour insinuer d'autres éléments. Ce n'est pas par hasard que vous faites les choses. Je commence quand même à vous connaître un peu trop bien. Selon vous, ce juge aurait «blanchi un peu vite le département». Lorsqu'on dit que c'est un juge qui blanchit le département, alors qu'il n'est pas juge, mais qu'il a été mandaté en tant qu'expert pour examiner les pièces, c'est un peu différent et ce n'est pas par hasard que vous vous exprimez ainsi. Je trouve grave que vous l'indiquiez de cette manière-là.

Vous dites ensuite que la pétition ne demande dans le fond rien d'autre que de savoir qui a transgressé la loi. Ce n'est pas vrai. La pétition était accompagnée de documents que vous avez occultés. Elle a apporté un certain nombre de preuves, elle a demandé à ce parlement d'examiner la situation afin de savoir si de tels faits pouvaient ou non se reproduire. Ne venez donc pas dire ici que «c'est un peu court» ! Ce qui est un peu court, c'est votre rapport, mais pas la pétition ! Je trouve donc un peu forte la manière avec laquelle vous traitez ce dossier. Vos attaques contre les personnes sont inadmissibles et inacceptables. Je vous le dis honnêtement. Si cela devait se reproduire, il n'est pas certain que nous ne prendrions pas d'autres mesures. La commission des travaux et l'ensemble des commissions parlementaires devraient réfléchir quelque peu avant de confier la mission de rédiger un rapport à des personnes aussi irresponsables que M. Nissim ! 

M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.) Ce n'est pas un cas d'application de l'article 24, Monsieur Annen !

Je ne voulais pas prendre la parole, parce que je suis tout à fait d'accord avec les propos de Mme Bugnon. Mais je tiens quand même à préciser deux choses, car, à un moment donné, la diffamation va trop loin. Je n'ai pas déposé une seule fois, Monsieur Nissim, un recours à mon nom contre un projet de construction. Je n'ai par ailleurs jamais été, dans ce contexte, le mandataire du WWF ou d'une autre association. Je tiens à le préciser devant ce Conseil.

Deuxièmement, vous parlez de dépassements de crédits. Je sais qu'il s'agit d'une rengaine que vous reprenez continuellement. Je vous défie, en ce qui concerne le dépôt des TPG, de citer un changement d'importance ou d'importance moyenne qui a été apporté au projet tel qu'il a été voté par le Grand Conseil. Du reste, vous vous êtes ridiculisé tout à l'heure en donnant comme seul exemple le problème que l'on a effectivement rencontré avec un hiver particulièrement rigoureux. Or, vous savez très bien, pour avoir siégé à la commission des travaux, que toutes les augmentations de coûts dues à des imprévus, à l'évolution des prix, à l'évolution du coût des prestations en vertu des contrats ne sont pas considérées comme des augmentations de coûts qui nécessitent de demander un crédit complémentaire au Grand Conseil, selon la loi sur les grands travaux telle qu'elle était applicable à l'époque où j'étais conseiller d'Etat. Vous le savez parfaitement bien. Il est ainsi vrai que 95%, si ce n'est pas 99% des dépassements de crédits, qui ont été enregistrés pendant une période où les prix s'envolaient de 5 à 10 % par année, étaient ce que l'on a appelé des dépassements légaux, que vous avez tenté, avec certaines autres personnes, de qualifier d'illégaux, ce qui est un mensonge et ce que vous savez parfaitement bien !

Il y a eu un cas particulier, qui a du reste été traité tout à l'heure et dont je me suis abstenu de parler. Nous avons précisément estimé que les conditions étaient réalisées pour demander un crédit complémentaire concernant la rénovation de l'Institut Jaques-Dalcroze. Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que les députés de droite se sont fait un malin plaisir de refuser à l'époque cette demande de crédit complémentaire pour pouvoir montrer par la suite qu'il y avait un dépassement de crédit.

Je m'excuse d'avoir dû rappeler ces deux vérités, mais vous êtes allé trop loin, Monsieur Nissim, avec vos contrevérités.

Maintenant, le seul problème qui nous intéresse effectivement dans cette affaire, c'est de savoir - cela devrait quand même vous intéresser, parce que ce n'est pas simplement une violation théorique de la loi, mais c'est un comportement de l'administration et d'un département - de savoir s'il y a oui ou non eu à l'époque collusion entre le département et celui qui a démoli illégalement cette villa qui, dites-vous, ne présentait pas un grand intérêt, mais qui était l'une des dernières villas du début du XIXe siècle se trouvant encore en Ville de Genève. Je pense que cette affaire est particulièrement grave et que l'on n'a pas le droit, dans une affaire de ce genre, de disserter sur toutes sortes de problèmes, de faire des plaisanteries déplacées, de profiter de l'occasion pour dénigrer des personnes devant lesquelles vous étiez béat d'admiration au moment où elles siégeaient au Conseil d'Etat, et d'adopter l'attitude que vous avez adoptée. C'est une raison de plus pour envoyer ce rapport en commission, afin qu'un rapport sérieux soit rédigé par une autre personne. Quant aux documents produits par l'association Action patrimoine vivant, il ne faut pas qu'ils soient cachés comme vous l'avez fait.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Je trouve pour ma part que ce débat prend une tournure vraiment insupportable. Bien que nous soyons absolument d'accord avec les invites de la pétition, comme cela vous a déjà été dit, il est évident que les lois sont faites pour être respectées. Les Verts se sont battus à l'époque pour la conservation de la villa Blanc qui leur tenait à coeur. Ils tiennent aujourd'hui absolument à ce que la lumière soit faite sur cette affaire et sont d'accord de renvoyer cette pétition à la commission de contrôle de gestion. Le rapporteur est également d'accord avec cette proposition.

Je pense qu'il est maintenant tout à fait hors de propos de personnaliser le débat de cette façon. Je ne crois pas que ce soit bien se comporter que de continuer de la sorte. Donc, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais vivement que nous passions au vote, puisqu'il semble que ce débat parte dans une très mauvaise direction. (Applaudissements.) 

Le président. Je souhaite que les interventions soient les plus rapides possible. Il y a encore quatre intervenants, puis M. Moutinot s'exprimera. Il s'agit de Mme Sormanni, de M. Koechlin, de M. Nissim et de M. Pagani.

Mme Myriam Sormanni (S). Comme je joue la transparence, j'ai juste un aveu à vous faire. Le vote qui a donné quatre voix contre et quatre voix pour... (Brouhaha.) Lors du vote qui a donné quatre voix pour et quatre voix contre, il manquait ma voix. Je me trouvais en effet dans le bureau de M. Moutinot à ce moment-là. Je m'en excuse ! (Brouhaha.)

M. René Koechlin (L). Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) Je vous serais reconnaissant de bien vouloir prêter un peu d'attention à ce que je vais vous dire... La table des rapporteurs me donne l'impression d'être un piano à queue et M. Nissim d'en être le pianiste sur lequel ses alliés usuels tirent à boulets rouges. Et quand je dis « boulets rouges », je sais de quelle couleur je parle !

Lorsqu'un conseiller d'Etat enfreint ou donne l'impression qu'il enfreint la loi ou un règlement, les députés s'offusquent et ils ont raison de s'offusquer. Et moi, je me suis offusqué lorsque j'ai appris que M. le conseiller d'Etat Joye avait donné l'ordre de démolir une villa sans que toutes les formalités eussent été respectées. Je me suis offusqué comme vous ce soir, Mesdames, Messieurs. Je pense cependant que M. Nissim a raison de rappeler qu'il y a eu des précédents, qui n'ont pas nécessairement et exactement la même teneur, et que ces précédents auraient pu faire l'objet d'une pétition ou d'une motion renvoyée au Conseil d'Etat ou, comme nous avons l'intention de le faire maintenant, renvoyée à la commission de contrôle de gestion.

M. Nissim cite le cas de la halle des TPG au Bachet-de-Pesay. Je vous rappelle toutefois que ce cas n'a pas encore été tranché par notre Grand Conseil. Il est toujours pendant devant la commission des travaux. Il vaut donc mieux ne pas le citer, puisque nous n'en avons pas encore fait le tour. En revanche, je me souviens bien, puisque j'en étais le rapporteur, de la demande de crédit de bouclement votée par ce Grand Conseil pour la halle de fret. Il y a eu, dans cette opération, un dépassement inexpliqué de 27 millions qui a fait l'objet d'un échange de correspondances entre deux conseillers d'Etat. M. Grobet n'était pas seul en cause dans cette affaire. Il y avait M. Grobet et M. Maitre ! Ces deux conseillers d'Etat ont jugé bon d'admettre que l'on pouvait procéder à une dépense de 27 millions supplémentaires sans passer devant le Grand Conseil, parce que des locataires futurs, comme la Swissair ou comme les PTT, avaient pris des engagements, qui n'ont d'ailleurs pas été remplis pour l'un d'eux, qui compensaient cette dépense supplémentaire. Mais au sens de la loi sur la gestion administrative de l'Etat, ces conseillers d'Etat ne pouvaient pas agir ainsi et ils ont enfreint la loi. Le crédit de bouclement a été voté et l'on a passé outre. En matière de crédit de bouclement et de dépassement, ce cas n'est pas unique. Il y en a eu passablement d'autres parmi les 87 demandes de crédits de bouclement qui ont été soumises au Grand Conseil lors de la précédente législature. Je n'y reviens pas.

Je vous cite un autre cas, celui de la villa Frommel. Il n'y a en l'occurrence eu aucune infraction de la part d'un conseiller d'Etat. Mais je trouve tout de même intéressant que l'on ait retardé d'au moins cinq ans l'exécution d'un plan localisé de quartier en force, modifié à la demande notamment du conseiller d'Etat en charge à l'époque, mais aussi, je crois, sous la pression du Conseil municipal de la Ville et de la commission des monuments, de la nature et des sites. Il y avait donc de bonnes raisons. On a ainsi modifié le plan localisé de quartier et la villa a été préservée. Par le jeu des échanges de propriétés, elle est devenue propriété de l'Etat. Je peux vous dire, Mesdames et Messieurs, que cette villa est aujourd'hui en train de tomber en ruine, notamment depuis qu'elle est propriété de l'Etat. Elle est pratiquement laissée à l'abandon et régulièrement squattée. L'homme de la rue se demande s'il est vraiment utile de prendre des mesures draconiennes qui atermoient l'exécution de plans localisés de quartier pour sauvegarder des bâtiments qui tombent en fin de compte en ruine lorsqu'ils deviennent propriété de l'Etat et sont pratiquement irrécupérables. On se pose vraiment la question.

Je vous la pose parce que ce cas n'est pas unique. Il y en a d'autres et je crois qu'il y a là un véritable problème de gestion du patrimoine, notamment par les autorités publiques de ce canton, qui, lorsqu'elles en deviennent propriétaires, ne font pas grand-chose pour le sauvegarder. Lorsqu'il s'agit de discourir dans cette enceinte, nous sommes tous d'accord pour sauvegarder le patrimoine. Mais dans les faits, on s'aperçoit que ces voeux ne sont que très rarement suivis d'effets !

Je vous invite, j'invite en tout cas mon groupe à suivre la proposition qui est faite de renvoyer cette pétition à la commission de gestion. Je vois d'ailleurs que le rapporteur s'y rallie également. Mais avouez que si l'on renvoie cette pétition à la commission de contrôle de gestion, d'autres demandes de ce type seront probablement formulées dans cette enceinte lorsqu'on constatera une faute de gestion de la part du Conseil d'Etat ou d'un conseiller d'Etat, notamment lorsqu'il s'agira d'examiner des crédits de bouclement comportant des dépassements inexpliqués. 

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. En entendant mon collègue Spielmann tout à l'heure, je dois vous dire que j'étais assez fier d'avoir gardé une parole libre dans ce rapport.

Lorsque vous citez la phrase que je mentionne au milieu de la page 3 - « ...que le seul obstacle à ce beau projet soit l'acharnement d'un ancien conseiller d'Etat, jaloux de son successeur, etc. » - vous oubliez juste, Monsieur Spielmann, c'est classique dans votre lecture partielle, vous oubliez juste de dire que j'essayais simplement de resituer le débat dans son contexte. Je vous parlais du point de vue de M. Joye. Si vous lisez le début de la phrase : « Imaginez un instant que le projet de Maison Europa, une grande maison (...) imaginez que ce projet ait été sérieux, qu'il ait un financement achevé et sûr... », vous constaterez que j'expliquais simplement dans cette phrase comment M. Joye a pu imaginer son ennemi, parce que l'on sait qu'il avait une bête noire pendant les quatre ans qu'il a passés au Conseil d'Etat. Il avait une bête noire. Enfin, il en avait deux, c'étaient les deux Christian. Il flippait chaque fois que l'un des deux Christian levait la main. J'ai donc essayé d'expliquer dans ce court paragraphe le point de vue de M. Joye, qui n'est pas le mien. Et vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur Spielmann, lorsque vous avez cité la phrase qui figure entre parenthèses à la fin du paragraphe : « Dans les faits, le projet de Maison Europa n'avait aucune consistance. »

Alors, Monsieur Spielmann, menacer un collègue de lui faire un procès - vous avez dit : «Monsieur Nissim, la prochaine fois, on envisagera d'autres mesures » - menacer un député de lui intenter un procès parce qu'il mentionne un point de vue qu'il précise ne pas être le sien et qui est en fait un point de vue relativement proche du vôtre, Monsieur Spielmann, menacer un député parce qu'il a un discours libre et une parole libre, c'est classique d'un autre temps et d'une autre époque. Je suis assez content de ne pas faire partie de ce temps et de cette époque ! (Brouhaha.) Si la liberté est de ce côté-là, Monsieur Spielmann, je suis content de faire partie de ce côté-là !

Une deuxième remarque, Monsieur Spielmann. Lorsque vous mentionnez la phrase qui figure tout en bas de la page 2, vous faites encore une fois une lecture très partiale de mon rapport. « Notre commission des travaux était bien embarrassée pour s'occuper des dépassements de crédits de M. Grobet. » Je ne dis en aucune manière - c'est aussi une partie de réponse que je donne à M. Grobet - que c'est vous qui avez déposé des recours. Je ne dis rien de tout cela. Je dis que notre commission était bien embarrassée, ce qui est vrai. Elle a passé des heures et des heures à s'occuper de ces dépassements de crédits sans jamais trouver quoi en faire. Il est parfaitement vrai - c'est une phrase parfaitement justifiée, c'est un rapport parfaitement factuel - que notre commission était bien embarrassée. «Elle l'est tout autant pour s'occuper des illégalités de M. Joye», c'est la deuxième partie de ma phrase. Il est vrai que notre commission était embarrassée, parce que la loi ne prévoit rien par rapport à un conseiller d'Etat qui la transgresserait éventuellement. C'est regrettable. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, pour envisager d'éventuelles modifications de la loi. Toujours est-il qu'en l'état actuel de la loi rien n'est prévu. Je reviens sur le vote quatre contre quatre mentionné par ma collègue Myriam Sormanni, ce qui est d'ailleurs une façon de répondre à mon collègue Velasco lorsqu'il disait que je ne parlais pas des votes. (L'orateur est interpellé.) Mais si, j'en parle, Monsieur Velasco, puisque Mme Sormanni a trouvé cette phrase. Cette audition a été refusée par quatre voix contre quatre et une abstention. J'étais personnellement cette unique abstention. Je me suis abstenu, parce que je n'avais pas du tout envie de faire, en commission, le procès de fonctionnaires dont il me semblait qu'ils ne méritaient pas un tel sort.

Si vous voulez maintenant renvoyer cette pétition à la commission de contrôle de gestion, je n'y vois, comme l'a dit mon collègue Koechlin, aucun problème. Simplement, soit vous arrivez à un discours lénifiant, bien ficelé et bien joli qui convienne à vos dogmes, ce Grand Conseil pourra alors adopter ce discours. Soit vous acceptez un discours vrai, qui est malheureusement choquant pour certains, mais qui n'en reste pas moins vrai ! 

Le président. Mesdames, Messieurs, je passe encore la parole à M. Pagani, puis au conseiller d'Etat, M. Moutinot. Ensuite, nous voterons...

M. Christian Grobet. J'ai été mis en cause ! (Commentaires.) Je répondrai chaque fois que je suis mis en cause personnellement ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Allez-y, Monsieur Pagani !

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, mon collègue, M. Christian Grobet, a été mis en cause. Il me semble donc nécessaire qu'il puisse répondre sur un certain nombre de points. Ceci étant, Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir accordé la parole. Je trouve que plus M. Chaïm Nissim se sent attaqué, plus il est heureux et se réjouit d'être attaqué. Je trouve que cette dynamique est quelque part perverse. Pour la petite histoire, je dirai que M. Chaïm Nissim devrait se contenter de la divagation des rivières plutôt que de nous présenter ses propres divagations. On n'en serait ainsi pas là !

Il se trouve que j'étais présent, grâce à une chaîne téléphonique, le matin où cette villa a été démolie.

Lorsque nous avons abordé cette pétition à la commission des travaux, nous avons auditionné l'association Action patrimoine vivant. Un certain nombre de pièces nous ont été remises. Des pièces assez importantes qui ont justifié la poursuite de nos investigations, et non pas du « procès ». Il s'agit d'une copie d'une lettre d'Aprofim, ainsi que de la copie de deux notes, je cite la pétition, «émanant du département qui, si leur authenticité est confirmée, démontrent que, dès le dépôt de la demande de classement, le département a cherché, avec l'avocat de Noga Invest, à trouver une solution pour détourner les obligations légales résultant de la demande de classement, ce qui est inadmissible». Voilà la réalité ! Nous avions ces pièces en main et il me semblait évident, pour m'être dérangé sur place le matin où cette villa a été démolie et pour avoir protesté contre sa démolition illégale, d'auditionner devant notre commission M. Herzog d'Aprofim, ainsi que Mme Bietenhader, ne serait-ce que pour leur donner la possibilité de s'expliquer, pour entendre la voix de l'autre partie. Avec ce qui est publié aujourd'hui dans le rapport de M. Chaïm Nissim, nous n'avons malheureusement pas la possibilité d'entendre ces personnes. Ceci étant, là où M. Chaïm Nissim se montre un peu pervers... (Brouhaha.) ...j'ai dit un peu pervers... (L'orateur est interpellé.) Au niveau des diffamations, Monsieur Annen, vous auriez intérêt à vous taire, s'il vous plaît ! Qu'il me laisse conclure... Je trouve assez extraordinaire que la personne qui rédige le rapport et se permette de divaguer ainsi soit aussi la personne qui ait fait basculer le vote, empêchant la commission d'aller au fond des choses et de donner la possibilité aux personnes mises en cause par l'association Action patrimoine vivant, aux personnes responsables de cette démolition illégale de s'exprimer. Je le regrette. C'est pour cela que je trouve que nous ferions bien de renvoyer cette pétition... (L'orateur est interpellé.) Tout à fait, et je tenais à poser ma brique sur cet édifice, car il est à mon sens totalement ridicule de s'opposer aux simples investigations de la commission, et non pas au « procès » comme M. Chaïm Nissim veut qualifier les travaux de la commission. 

Le président. Monsieur Grobet, vous avez été mis en cause. Je vous donne une minute pour répondre.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je serai très bref et je ne répondrai que sur le point précis évoqué par M. Koechlin. Il a expliqué que deux conseillers d'Etat, M. Maitre et moi-même, s'étaient mis d'accord pour ne pas présenter de crédit complémentaire devant le Gand Conseil. Vous étiez sauf erreur, Monsieur Koechlin, membre de la commission des travaux, ou du moins en avez-vous suivi les débats. Vous savez donc que ce que vous venez de dire est faux ! J'ai écrit à l'époque à M. Maitre pour lui indiquer qu'il était nécessaire de solliciter un crédit complémentaire auprès du Grand Conseil. Ce ne sont ainsi pas deux conseillers d'Etat qui ont pris la décision, mais le Conseil d'Etat... (L'orateur est interpellé.) Il a bon dos, mais c'est lui qui a pris la décision à l'époque, Monsieur Blanc ! Contre mon avis !

M. Laurent Moutinot. Le Conseil d'Etat n'a que deux choses à dire dans ce débat. La première, c'est qu'à chaque fois que les travaux de votre Grand Conseil servent à mettre en évidence des dysfonctionnements, des dérapages, des illégalités, ces travaux sont les bienvenus, car ils visent au fond à permettre une amélioration du fonctionnement de l'Etat. La deuxième chose, c'est qu'à chaque fois que les travaux de votre Grand Conseil conduisent à une chasse aux sorcières ou à une curée des uns contre les autres, le Conseil d'Etat n'y prêtera pas la main ! (Applaudissements.) 

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette pétition à la commission de contrôle de gestion est adoptée.