République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 mai 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 8e session - 26e séance
M 1348
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le concept du développement durable repose sur trois pôles : rationalité économique, protection de l'environnement et bien-être social. La construction est l'acteur principal contribuant à aménager notre espace bâti.
Elle est donc au centre du concept de développement durable. Par ailleurs, les maîtres d'ouvrages publics et privés exigent, avant d'investir, de connaître l'ensemble des coûts d'un ouvrage, c'est-à-dire les frais de planification, de construction proprement dite, d'entretiens d'exploitation et de destruction à la fin du cycle de vie de l'ouvrage. Ce souci de rationalité économique posé par la concurrence est de mieux maîtriser les dépenses publiques et permet, parallèlement, de poursuivre des buts de protection de l'environnement en utilisant plus rationnellement les ressources (énergie, matériaux, traitement des déchets, etc.).
Une récente étude conduite par le professeur Gerhard Girmscheid, professeur de l'Institut de l'aménagement du territoire de la construction de l'EPFZ, montre que les coûts totaux d'un ouvrage se répartissent à raison de 30 % pour la phase de planification et de construction proprement dite et de 70 % pour la phase d'exploitation et d'entretien, y compris les coûts de destruction. Jusqu'à maintenant, on a occulté 70 % du coût total de l'opération en ne se préoccupant que des frais immédiats. C'est comme si la société ne se préoccupait que des coûts liés à la maternité en négligeant complètement le reste de la vie d'un individu.
Pour faire suite à une motion, le DAEL a promulgué en 1999 des directives aux mandataires pour l'utilisation des matériaux mettant en exergue ceux qui posaient des problèmes écologiques et qui devaient être remplacés. Nous saluons cette démarche positive mais nous doutons qu'elle conduise à terme à un changement réel en profondeur.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que l'Etat applique ces principes dans les ouvrages publics et subventionnés en montrant l'exemple et que, par la suite, au vu des expériences faites, il soit possible de changer les règlements d'application en vigueur ou de les intégrer dans la législation générale sur la construction. Cette deuxième alternative serait par ailleurs préférable dans la mesure où elle permettra aux maîtres d'ouvrage privés ou professionnels de la construction de s'adapter à cette conception globale de la construction.
En vous remerciant de l'attention bienveillante que vous prêterez à ce bref exposé des motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette proposition de motion.
Débat
M. Roger Beer (R). Cette motion s'inscrit dans un groupe de trois motions qui se basent sur l'idée générale du développement durable. Nous avons vu que le Conseil d'Etat et deux départements en particulier ont sorti de très grands documents sur le développement durable, avec un programme très ambitieux. Nous avons appris, par la suite, que ce programme très ambitieux serait ramené à quelque chose de plus raisonnable et, si possible, de plus concret, en relation avec les réactions des communes. Vous savez en effet que, dans certaines grandes communes, les réactions ont été très vives par rapport à ce programme ambitieux.
S'agissant de cette motion, avec mes collègues Büchi et Dessimoz, nous avons estimé qu'il fallait donner suite au document préparé par le département de M. Moutinot, qui avait rédigé, à l'intention des mandataires, une sorte de recueil pour l'utilisation des matériaux, mettant en exergue ceux qui posaient des problèmes écologiques et qui devaient être remplacés. A l'époque, il y a une année, nous avions salué cette démarche, mais ensuite nous avons été obligés de constater qu'il ne se passait pas grand-chose au niveau des habitudes et des réalisations du canton. Nous avons donc estimé que nous devions, une fois de plus, revenir à la charge et insister pour que ce concept de développement durable soit pris en compte dans les constructions.
En fait, il s'agit que, dès l'étude, on tienne compte de l'ensemble du coût d'une réalisation ou d'un bâtiment. Grâce à nos contacts avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne, nous avons pu examiner des travaux qui se sont faits à ce sujet et qui montrent que, finalement, par rapport au coût réel, le coût de la construction ne représente que 30%, et que le coût final de l'ensemble, c'est-à-dire de la viabilité jusqu'à sa destruction, le plus tard possible - certains bâtiments des années 60 durent quarante ou cinquante ans, d'autres durent plus longtemps - représente 70% des coûts. Ce que nous aimerions susciter avec cette motion, c'est que la réflexion sur les constructions prenne en compte ces 70% et que, par conséquent, on en vienne à l'utilisation de matériaux qui peuvent facilement être recyclés, qui sont produits ou proviennent, si possible, de notre pays, ou en tout cas de notre région. L'exemple le plus facile, c'est évidemment le bois, mais il y a beaucoup d'autres produits qu'on pourrait utiliser dans la construction et qui seraient moins dommageables que ceux utilisés actuellement. Des progrès ont été faits ces vingt dernières années, mais il y a encore énormément à faire.
Monsieur Moutinot, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet : je crois que la volonté - votre volonté - est là, mais que les structures en place nécessitent une impulsion plus dynamique. Par rapport à la volonté du Conseil d'Etat, cette motion est une opportunité de vanter l'intégration du concept du développement durable. C'est l'élément primordial de cette motion et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer directement au Conseil d'Etat et à M. Moutinot, pour qu'il puisse répondre aux trois invites et continuer sa pression sur le département et surtout sur les mandataires.
M. Alberto Velasco (S). Cette motion présente plusieurs aspects très intéressants. S'agissant de la première invite, nous sommes nous aussi, les socialistes, intervenus à plusieurs reprises en commission des travaux sur ce sujet : il est en effet intéressant de connaître, lors du vote d'un crédit d'étude, les frais d'entretien, ainsi que, pourquoi pas, les frais de recyclage. De même, la deuxième invite, qui vise à ce qu'on propose des variantes lors des crédits d'étude, nous semble très intéressante. Par conséquent, le groupe socialiste ne s'opposera pas au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Georges Krebs (Ve). Les Verts sont bien entendu d'accord avec cette proposition du parti radical - nous regrettons même de ne pas l'avoir signée. C'est effectivement dans ce sens-là qu'on doit aller, s'agissant non seulement des constructions de l'Etat, mais aussi des constructions des fondations de droit public, par exemple. Tous les établissements qui dépendent de l'Etat devraient appliquer ces règles. L'office cantonal de l'énergie a déjà édicté certaines règles, mais elles ne sont pas systématiquement appliquées, parce qu'on ne tient pas toujours compte des coûts de gestion totaux sur la durée de vie d'un bâtiment ; très souvent, on ne tient compte que des coûts d'investissement. Nous sommes donc tout à fait d'accord avec cette motion et nous proposons de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Laurent Moutinot. Je joins modestement ma voix à la belle unanimité de votre Conseil, pour vous dire qu'effectivement il est juste que vous poussiez à l'application et à la mise en oeuvre du concept du développement durable dans la construction, et que nous nous y employons le mieux possible au sein de mon département. D'ores et déjà, dans la révision de la LGL, des normes ont été édictées qui vont exactement dans le sens voulu par les motionnaires, puisque, s'agissant d'immeubles subventionnés, nous avons là une possibilité d'intervention. Il faudra bien entendu intégrer ensuite, très concrètement et systématiquement, ces notions dans les projets.
Je n'ai donc pas d'objection à ce que cette motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat ; cela nous permettra de vous répondre plus en détail. J'ajouterai cependant quelques bémols. S'il est vrai, Monsieur Beer, que le coût de construction initial d'un bâtiment ne représente en général que 30% du coût total, il est en revanche difficile de prendre parfaitement en compte, dans un crédit d'étude, des frais de destruction qui seront effectifs à cinquante ou à soixante ans. Il faut les intégrer dans la logique économique, mais évidemment pas dans la logique comptable, puisqu'on ne peut pas les connaître à ce moment-là.
En ce qui concerne la problématique des variantes, je crois qu'il est préférable d'avoir, non pas le plus de variantes possible, mais les variantes les plus écologiques possibles. En effet, plus on propose de variantes, plus les études coûtent cher et ceci n'est pas souhaitable. Il est donc préférable d'avoir moins de variantes, voire pas du tout, et que le projet réponde aux voeux que vous émettez, à savoir que les constructions aient un certain nombre de qualités et de caractéristiques, dont celle d'être conformes au principe du développement durable.
Enfin, en ce qui concerne votre volonté de légiférer, je n'ai aucune objection à ce qu'on légifère en la matière, compte tenu de l'importance du sujet. Je vous rappelle néanmoins qu'en général, notamment du côté du parti radical, on me demande plutôt de ne pas trop légiférer en matière de construction ! Mais je crois que c'est pour la bonne cause que, dans ce cas-là, vous voulez que nous légiférions, et nous le ferons, avec votre aide !
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1348)
invitant le Conseil d'Etat à intégrer le concept du développement durable dans les constructions publiques