République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7834-A
11.  Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Erica Deuber Ziegler et Luc Gilly modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (L 4 05). ( -) PL7834
Mémorial 1998 : Projet, 2779. Renvoi en commission, 2780.
Rapport de majorité de M. Christian Ferrazino (AG), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Olivier Vaucher (L), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Le 3 mars 1998, les députés Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Erica Deuber-Ziegler et Luc Gilly ont déposé le projet de loi 7834 visant à modifier la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS) dans le but d'accorder la qualité pour agir aux associations d'importance cantonale en matière de protection des monuments, de la nature et des sites au sens de l'article 63 de ladite loi pour initier des procédures en adoption de plans de site et bénéficier dans ce cadre des voies de droit instituées par l'art. 63 précité. Ces associations disposent déjà d'une telle prérogative pour initier des procédures de classement au sens de l'article 10 de ladite loi. Elles bénéficieront donc, avec l'adoption du projet de loi, de droits identiques en matière de plans de site.

La commission a consacré plusieurs séances à examiner ce projet de loi. Elle a entendu des représentants de l'Association des communes genevoises et de la Chambre genevoise immobilière qui l'a saisie de propositions d'amendements qu'elle n'a pas retenus. Elle a finalement adopté le projet de loi tel qu'il avait été présenté, en supprimant, toutefois, sur demande de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du DAEL, la compétence accordée à la Commission des monuments, de la nature et des sites, en vertu du texte actuel de l'article 39A, alinéa 1, de la loi, d'initier une procédure de plan de site, alors qu'elle est autorité de préavis.

Le dépôt de mon rapport sur le présent projet de loi a été retenu jusqu'à la fin de l'examen du projet de loi 8074 portant également sur diverses modifications à la LPMNS afin d'éviter des contradictions éventuelles entre ces deux lois. A ce sujet, il y aurait lieu, de l'avis du rapporteur, de prévoir que la qualité pour agir des associations d'importance cantonale au sens de l'article 63 de la loi leur soit également accordée, ainsi qu'aux communes, pour les demandes de mises à l'inventaire à la suite de l'adoption du projet de loi précité par le Grand Conseil lors de sa séance 16 mars dernier.

Il suffirait de modifier à cet effet l'alinéa 1 de l'article 7 de la loi, en le complétant comme suit par un texte reprenant le contenu de l'alinéa 2 de l'article relatif aux demandes de classement émanant d'une commune ou d'une association au sens de l'article 63 :

"; Il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'article 4. Si une demande d'inscription à l'inventaire est faite sous forme d'une requête motivée par la commune du lieu de situation de l'immeuble en cause ou par une association au sens de l'article 63, l'autorité compétente pour dresser l'inventaire est tenue de statuer. Sa décision est motivée. "

Par ces motifs, la majorité de la Commission de l'aménagement vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, par 7 oui (2 S, 3 AdG et 2 Ve) et 6 avis contraires (3 L, 2 R. et 1 DC) d'accepter le projet de loi ci-après :

Projet de loi(7834)

modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (L 4 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976, est modifiée comme suit :

Art. 39A, al. 1 (nouvelle teneur) et alinéa 4 (nouveau)

1 Le projet de plan de site est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil, d'une commune ou d'une association au sens de l'article 63; il est mis au point par le département dans le respect de la demande et en collaboration avec la commune et la commission des monuments de la nature et des sites, sur la base d'un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers.

4 Le Conseil d'Etat est également tenu d'engager la procédure prévue à l'article 40, lorsqu'il est sais d'un avant-projet joint à une demande émanant du Grand Conseil ou d'une association au sens de l'article 63.

Article 2

Le présent projet de loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Notre groupe étant fermement opposé à ce projet de loi, il tient à mettre en évidence la volonté des auteurs de figer, une fois de plus, l'aménagement du territoire genevois.

De façon générale, nous craignons que le droit de certaines associations de demander l'adoption d'un plan de site, assorti de l'obligation du Conseil d'Etat de donner suite à la demande, ne soit utilisé comme un instrument de blocage.

Dans sa conception helvétique, l'aménagement du territoire est du ressort des autorités, aussi bien en ce qui concerne le droit d'initiative que le pouvoir de décision, sous réserve du référendum populaire. A Genève, jusqu'en 1993, le droit d'initiative était même dénié aux communes.

Il appartient, à juste titre, aux autorités de planifier l'aménagement du territoire local sur la base d'une vue à long terme, fondée notamment sur des plans directeurs.

Permettre à des associations privées de s'immiscer dans l'élaboration de l'aménagement local est de nature à perturber, voire à bloquer tout projet cohérent d'aménagement du territoire, mené à long terme par le département ou par une commune.

L'art. 39A LPMNS, que le projet de loi propose de modifier, a été adopté le 29 avril 1993, en même temps que des modifications de la LaLAT, de la LGZD, de la Lext, de la LCI et de la LAC. Il s'agissait, dans tous les cas, de conférer aux communes le droit de proposer l'adoption, la modification ou l'abrogation de plans localisés de quartier, de plans de zones, de règlements spéciaux prévus par la LCI ou de plans de site.

L'exposé des motifs des projets de loi du Conseil d'Etat figure dans le Mémorial du 13 septembre 1991. Il fait clairement apparaître que le but poursuivi était uniquement de conférer davantage de compétences aux communes en matière d'aménagement du territoire.

Conférer de telles compétences à des associations les placeraient sur un pied d'égalité avec les collectivités publiques, ce qui n'est pas acceptable !

De plus, il faut relever que les propriétaires des parcelles concernées eux-mêmes n'ont, en l'état actuel de la loi, aucune compétence pour demander l'adoption, la modification ou l'abrogation de plans d'aménagement. Accorder ce droit à des tiers serait parfaitement abusif.

A cet égard, si le projet de loi devait être adopté, nous demanderions, afin que le principe de l'égalité de traitement soit respecté, que les associations de propriétaires se voient également conférer le droit de demander l'adoption d'un plan de site. Il n'est pas admissible que la loi, qui est faite pour tous, ne permette de proposer des plans de site qu'à des associations dont le but est la restriction des droits des propriétaires privés. Et en conséquence, nous réitérons notre amendement qui est le suivant :

Art. 39A, al. 1 (nouveau)

1 Le projet de plan de site est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil, d'une commune, d'une association au sens de l'art. 63 ou d'une association de propriétaires d'importance cantonale ; il est mis au point.....

Je ne m'attarderai point sur le droit d'initiative de la CMNS qui, par amendement, a été retiré du projet de loi; mais en ce qui concerne le Grand Conseil, lui conférer un droit d'initiative en matière de plan de site ne se justifie pas. Si on doit l'admettre en matière de plans de zone, que le Grand Conseil a la compétence d'adopter et de modifier, tel n'est pas le cas pour d'autres types de plans. Il revient en effet au Conseil d'Etat d'adopter les plans de site, qui sont des plans de détail. On ne voit pas au nom de quoi, si ce n'est la composition politique actuelle du Grand Conseil, ce dernier devrait pouvoir proposer l'adoption d'un plan de site.

On pourrait se demander par ailleurs si le Grand Conseil a les moyens techniques d'élaborer un plan de site.

Pour ce qui est de l'al. 4 nouveau, nous sommes opposés à ce que le Conseil d'Etat ait l'obligation de soumettre le projet élaboré par le Grand Conseil ou une association à la procédure d'adoption prévue par l'art. 40 LPMNS.

En matière de plans de zones, la demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion, ce qui signifie qu'elle n'est pas contraignante pour le Conseil d'Etat. Il n'y a pas de raison d'aller plus loin pour les plans de site, d'autant que c'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour les adopter.

A fortiori, le Conseil d'Etat doit être libre de donner suite ou non à une demande émanant d'une association.

A défaut, ainsi qu'il a déjà été relevé, les associations seraient mises sur un pied d'égalité avec les communes, ce qui est contraire au système de l'aménagement du territoire en Suisse.

Enfin, il convient de prévoir que la demande soit motivée et assortie d'un projet de plan de site détaillé, pour permettre au Conseil d'Etat et au département d'entamer la procédure au moyen d'une simple lettre.

Là aussi, nous confirmons notre amendement, en modifiant le texte de l'alinéa 4 nouveau du projet de loi, de la manière suivante :

Art. 39A, al. 4 (nouveau)

4 La demande émanant d'une association, au sens de l'alinéa premier, ou du Grand Conseil doit être dûment motivée et assortie d'un avant-projet détaillé. La demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion. La demande d'une association au sens de l'alinéa premier est adressée au Conseil d'Etat, qui peut la soumettre à la procédure prévue à l'art. 40.

En conséquence de tout ce qui précède, nous vous demandons, Mesdames. et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi tel qu'accepté par la majorité et de le prendre en considération avec les amendements que nous vous proposons.

Premier débat

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Deux mots pour rappeler que ce projet de loi vise à donner la qualité pour agir aux associations d'importance cantonale en matière de protection de monuments, de la nature et des sites, s'agissant précisément d'initier des procédures en adoption de plans de site.

Aujourd'hui, ces associations disposent déjà d'une faculté d'agir, mais uniquement pour solliciter le classement de certains bâtiments. J'allais dire heureusement ! Heureusement qu'elles disposent de cette qualité pour agir, puisque, vous l'aurez lu dans les journaux parus voici deux jours sauf erreur, le Tribunal administratif vient de rendre une décision importante donnant gain de cause à l'association Action patrimoine vivant qui a fini par obtenir, après plusieurs années de bagarres juridiques, le classement du Palais Wilson, le classement partiel, notamment des façades, des escaliers et des salons du rez-de-chaussée, qui sont non seulement d'un intérêt particulier en matière de patrimoine architectural, mais qui représentent bien évidemment tout un symbole au niveau historique en fonction de l'affectation qu'a eue et que continue à avoir ce bâtiment. Je vous rappelle que le Conseil d'Etat avait non seulement refusé de prendre l'initiative de classer ce bâtiment, mais avait refusé la demande de classement initiée par Action patrimoine vivant. Heureusement que cette association a continué le combat et que le Tribunal administratif vient de lui donner raison !

Ce petit exemple pour vous démontrer la nécessité d'accorder dans notre législation la qualité pour agir aux associations d'importance cantonale de ce type. Par conséquent, la proposition qui est formulée dans ce projet de loi, c'est de leur donner cette qualité pour agir en matière de procédure visant à initier des plans de sites.

Vous aurez constaté, Monsieur le président, à la lecture du rapport, que j'ai proposé un amendement qui figure au bas de la page 2 et qui vise à modifier l'article 7, alinéa 1 de la LPMNS. Par conséquent, lorsqu'on examinera tout à l'heure ce projet article par article, je formulerai expressément cet amendement afin que nous puissions nous prononcer ce soir.

J'explique d'ores et déjà en deux mots de quoi il s'agit. Puisque actuellement, comme on vient de le voir, seule une demande de classement peut être initiée par une association d'importance cantonale, il serait judicieux, en raison du principe « qui peut le plus, peut le moins », de prévoir que ces associations, de même que les communes, puissent solliciter la mise à l'inventaire des bâtiments, qui est une mesure plus faible que le classement. Dans certains cas, cette mesure peut se justifier alors qu'un classement ne se justifierait pas. Je propose donc simplement par cet amendement de rajouter cette disposition qui permettrait à ces associations d'avoir la possibilité d'agir pour solliciter la mise à l'inventaire de certains bâtiments. 

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Lorsque j'ai enfin reçu, un an plus tard, après m'être bousculé pour rendre mon rapport de minorité dans les délais usuels, le rapport de M. le député Ferrazino, j'étais prêt à lui en tenir une certaine rigueur. Et ce malgré que M. Ferrazino explique en page 2 qu'il a attendu, pour déposer son rapport, l'examen d'autres projets de lois allant dans le même sens que celui-ci. En ce qui nous concerne, ces projets de lois 7834-A et 8074, au même titre que le 8247 que l'AdG a déposé et dont je parlerai plus tard, sont réunis tous ensemble avec beaucoup d'attention et de manière étudiée, de façon à pouvoir entre eux bloquer et verrouiller totalement le développement du territoire genevois.

Je disais donc que je voulais en tenir rigueur à M. le député Ferrazino. Mais finalement, Monsieur le président, il me plaît de constater que ce rapport tombe aujourd'hui à point nommé. M. Ferrazino évoquait tout à l'heure le Palais Wilson. Dans ce cas-ci, cela peut être très approprié. Mais j'aimerais évoquer un autre article dont nous avons pu prendre connaissance dernièrement dans la presse et dans lequel MM. Ferrazino et Grobet apparaissent particulièrement présents. Il s'agit du projet de la Roseraie. Je vais vous démontrer, Monsieur le député Ferrazino, que les choses ne sont malheureusement, dans ce cas-là, pas aussi évidentes et agréables qu'elles ne le sont dans le cas du Palais Wilson.

En effet, nous avons pu lire dans la presse et nous constatons, tant au Conseil d'Etat qu'au Grand Conseil, que la politique de l'aménagement du territoire est aujourd'hui gérée à Genève par d'anciens représentants des locataires. On pourrait de toute évidence et logiquement s'attendre à ce qu'ils mettent en oeuvre des moyens propres à résorber la pénurie de logements. Eh bien, non ! Au contraire ! Force nous est de constater que de multiples exemples, tel celui des villas de la Roseraie dont je viens de parler, montrent que ce genre de projet de loi permet à des associations de bloquer tout le développement du territoire.

Pour parler de cette fameuse affaire de la Roseraie - vous avez tous lu les articles parus ces derniers temps dans la presse - ce qui est assez intéressant, c'est que ce projet est totalement bloqué par le présent projet de loi et par celui que vous allez déposer, avec la complicité d'Action patrimoine vivant et de la Ville de Genève, dont M. le député Ferrazino est le conseiller administratif, si je ne me trompe pas. Si je tiens à donner ce projet comme exemple, Mesdames et Messieurs les députés, c'est pour rappeler que la construction de trois immeubles de logement est prévue dans ce périmètre. Sur ces trois immeubles, deux immeubles sont prévus pour des logements HBM, donc des logements sociaux, Monsieur le député Ferrazino. Ce sont 50 logements qui sont aujourd'hui bloqués par des actions d'associations et d'exécutifs municipaux qui sont censés défendre les intérêts des personnes à qui ces bâtiments sont censés être attribués. Sous prétexte de sauver trois maisons squattées et sans intérêt patrimonial, MM. Grobet et Ferrazino ne craignent pas d'entraver la politique du Conseil d'Etat en faveur de la construction de logements HBM, qui, comme certains le savent et principalement les intéressés, nous font terriblement défaut à Genève.

M. Ferrazino a certes évoqué tout à l'heure l'exemple du Palais Wilson. Il peut s'avérer intéressant à certains égards. Mais celui que j'évoque illustre parfaitement le fait que ceux qui prétendent oeuvrer dans l'intérêt général des locataires de ce canton ne sont en réalité mus que par leur aversion pour l'esprit d'entreprise et pour tout développement du canton !

L'impression qui se dégage de cette situation est celle d'une formidable insécurité juridique, inadmissible dans un Etat de droit comme le nôtre. Il faut que les propriétaires, comme tout administré, sachent quels sont leurs droits et puissent les exercer sans risque qu'ils soient remis en cause. Or, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui va dans le même sens. Au nom de la lutte contre la pénurie de logements, il faut donc, Mesdames et Messieurs les députés, le refuser !

D'autre part, comme je l'ai évoqué dans mon rapport de minorité, je reviendrai aussi tout à l'heure sur des amendements que j'ai proposés en commission et que j'ai à nouveau proposés dans mon rapport. Je vous demanderai bien sûr de les soutenir.

Je vais peut-être m'arrêter là, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. Je me permettrai de reprendre la parole si nécessaire.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Deux mots en réponse aux propos de M. Vaucher qui n'ont absolument rien à voir avec ce projet de loi. Mais ce débat est très intéressant, Monsieur Vaucher.

Non seulement ces propos n'ont rien à voir avec ce projet, parce que ce n'est pas du tout une association - Action patrimoine vivant, que vous citez à plusieurs reprises - qui bloque le processus en question. C'est en l'occurrence la Ville de Genève, Monsieur Vaucher, qui est intervenue dans un objectif très précis. Car nous nous soucions précisément de l'aménagement de notre territoire et n'avons pas comme objectif de raser des villas qui existent et qui sont dignes de protection.

Je vous rappelle qu'il y a, dans le cas de la Roseraie, un préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites qui a, à une très large majorité - mais il semble que la personne qui a rédigé ces notes ait oublié de le mentionner, Monsieur Vaucher - préconisé le classement de ces villas. Curieusement, le Conseil d'Etat qui nous dit en général qu'il n'a pas d'opinion et qu'il suit volontiers celle des commissions consultatives, a eu une opinion dans ce cas-là, à savoir de ne pas suivre le préavis de la CMNS. Ce qui a obligé la Ville de Genève à prendre l'initiative d'une modification du plan localisé de quartier. Il faut savoir que l'image urbanistique de ce quartier a été dessinée par un de vos anciens amis, M. Joye, lorsqu'il était en charge du département des travaux publics. Il nous a proposé une image urbanistique totalement incongrue et la seule unanimité dont elle peut se prévaloir est d'avoir rassemblé des oppositions de toutes sortes. Il n'y a pas seulement eu la CMNS, il y a eu toutes les associations d'habitants de ce quartier. Elles sont nombreuses, je ne sais pas si vous les connaissez. J'ai quant à moi eu l'occasion de les recevoir. Je suis allé sur le terrain. J'ai parlé avec les habitants. Personne ne veut de cette urbanisation-là qui aurait pour conséquence de remettre en cause un quartier particulièrement sensible de par le témoignage historique que forment les différents immeubles, notamment les immeubles dont vous avez parlé, et également de par l'aspect environnemental, de par sa végétation.

Par conséquent, vous le savez peut-être, un plan de site est actuellement étudié par les services de M. Moutinot et les miens pour précisément conserver à ce quartier l'âme qui est la sienne et pour éviter que des démolitions et constructions, que nous ne souhaitons pas, puissent présenter un côté irréversible.

Je vous dirai encore, puisque vous avez fait allusion au logement social, que le Rassemblement pour une politique sociale du logement, qui a récemment évoqué ce dossier, n'a pas pris position pour soutenir ce plan localisé de quartier qui aurait permis de construire quelques dizaines de logements en rasant les villas dont vous avez fait état tout à l'heure.

Alors, non seulement vos propos n'ont rien à voir avec la proposition qui nous est faite, puisque je vous rappelle qu'elle vise simplement à permettre aux associations d'importance cantonale de pouvoir initier des plans de site... (L'orateur est interpellé.) ...dont Action patrimoine vivant. Vous avez raison d'en parler ! Nous remercions cette association pour le combat qui est le sien et qui a permis, je l'ai rappelé tout à l'heure, de faire en sorte que le Palais Wilson, auquel la population est très attachée, fasse l'objet d'une mesure de protection par le biais d'un classement partiel, ce que nous n'aurions jamais obtenu sans le travail de cette association.

C'est une démonstration supplémentaire de la nécessité de permettre à des associations de ce genre d'initier des procédures. Comme on le voit, si les procédures initiées ne correspondent pas aux dispositions légales en la matière, il y a des tribunaux qui sont là, le cas échéant, pour les sanctionner.

M. Hervé Dessimoz (R). Ce débat est très intéressant. Sur le fond, M. Ferrazino nous a parlé de nombreux problèmes fort intéressants, mais peu du projet de loi 7834. J'attends avec impatience de connaître la position de M. Moutinot à ce sujet.

Vous parlez, Monsieur Ferrazino, de vos compétences, de vos contacts avec le département de l'aménagement sur des projets qui ont été initiés par le prédécesseur de M. Moutinot ou qui ont été réalisés. Je me réfère simplement à l'objet qui nous est soumis aujourd'hui. Je me demande quelle est la stratégie de l'Alliance de gauche. Nous avons aujourd'hui le projet de loi 7834 avec votre rapport de majorité, Monsieur Ferrazino. Je relève au passage que vous consacrez à peu près quatre lignes de ce rapport aux travaux de la commission et au moins 15 lignes au commentaire du projet de loi 8074 qui vient d'être voté par le Grand Conseil, à propos duquel vous nous dites déjà que vous avez une grande proposition à formuler pour le reconsidérer, parce que nous l'aurions mal traité à la session de mars, le 16 mars dernier. Je constate aussi que le projet de loi 8247, qui figure au point 78 de l'ordre du jour, est un nouveau projet qui propose de modifier la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites. Je me pose donc la question : je me demande s'il est judicieux de voter ce projet de loi, alors qu'il y a un deuxième projet de loi qui va partir en commission et alors que vous proposez déjà des amendements à propos d'un autre projet de loi que l'on vient de voter. J'aimerais une fois pour toutes, Monsieur Ferrazino, puisque vous êtes bien au clair maintenant sur les problèmes de sites, que vous nous disiez quelle est la stratégie que l'Alliance de gauche défend. Je suis prêt à entrer en matière sur une vision globale de votre conception de la protection des sites, mais en tout cas pas sur une proposition partielle.

Ma proposition et celle du groupe radical est de renvoyer le projet de loi 7834 en commission pour qu'il puisse être traité conjointement avec le projet de loi 8247 et avec vos propositions de modification du projet de loi 8074. Je propose au Grand Conseil de procéder ainsi de manière à ce que nous puissions entamer un vrai débat global sur la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites. 

Le président. La demande est faite, Mesdames, Messieurs les députés, de renvoyer le projet de loi en commission. J'ouvre le débat sur cette proposition de renvoi en commission.

M. Christian Grobet (AdG). Nous nous opposons au renvoi en commission, parce que le problème soulevé à travers ce projet de loi est extrêmement simple et ponctuel. Les considérations que M. Dessimoz vient d'évoquer, il peut toujours les développer dans le cadre des débats de la commission consacrés à d'autres projets de lois. Ici, ce projet de loi se limite à une seule et unique question. Celle de donner aux associations de protection du patrimoine et de l'environnement - il ne s'agit donc pas uniquement d'Action patrimoine vivant, cette modification s'appliquant également au WWF, à la Société d'art public, à Pro Natura et j'en passe - la qualité pour agir, non pas uniquement sur la mesure la plus stricte en matière de protection du patrimoine, à savoir le classement, mais également sur les deux autres mesures de protection qui figurent dans la LPMNS, à savoir les plans de site et les mises à l'inventaire. Je pense qu'il est judicieux de donner cette qualité pour agir à ces associations, parce qu'elles pourront à l'avenir demander des mesures de protection moins fortes que celle que constitue la mesure de classement. Il me semble que ceci devrait au contraire vous rassurer, Monsieur Vaucher, par rapport aux différentes théories que vous avez développées tout à l'heure. 

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur Dessimoz !

M. Hervé Dessimoz (R). Je comprends bien la position de M. Grobet. Mais je m'étonne quand même, pour un ancien président du département des travaux publics, que vous soyez, Monsieur Grobet, le signataire ou l'un des auteurs du projet de loi 8247 qui part du même principe. Il porte sur un seul petit point, banal, et demande simplement que le délai, qui était de six mois jusqu'à maintenant, c'est-à-dire depuis très longtemps - douze ans, lorsque vous étiez président - passe à douze mois.

J'aimerais une vraie transparence. Je sais que vous avez mis en place depuis le début de cette législature une véritable stratégie de remodèlement de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites. Compte tenu de la conjoncture, puisque M. Ferrazino s'est plu à contester le contenu d'une loi que l'on vient de voter, que votre majorité vient de voter le 16 mars, mettons donc les cartes sur la table ! Soyez transparents ! Soyez clairs ! Nous n'en sommes pas à quinze jours ou à un mois près. Dites-nous ce que vous avez envie de faire, de façon à ce que nous puissions nous prononcer globalement sur votre point de vue ! Je maintiens donc ma proposition.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet de loi en commission est rejetée.

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je n'ai, Monsieur le président, pratiquement rien à ajouter, sinon à apporter un témoignage. Lorsque les associations de sauvegarde du patrimoine se trouvent confrontées à des menaces, elles n'ont, M. Ferrazino et M. Grobet l'ont dit, d'autre alternative que de demander le classement d'un bien. Cette disposition est liée à l'ancienne loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites qui prévoyait que le classement était la solution pour soustraire un bâtiment à haute valeur historique à la destruction. Entre-temps, cette loi a été aménagée avec des dispositions comme celles du plan de site et de l'inscription à l'inventaire. Ce qui caractérise ces aménagements législatifs, c'est qu'ils se font par étapes. Or, on en est arrivé à une étape où il devient tout simplement absurde de n'offrir aux associations que l'alternative de demander le classement qui les expose le plus souvent à formuler des demandes exorbitantes par rapport à ce qu'il est opportun d'exiger, c'est-à-dire par exemple un plan de site ou une inscription à l'inventaire. On voit ainsi le principe même du classement être en quelque sorte démesurément appliqué à des biens qui méritent certes d'être protégés, mais pas d'être classés.

C'est à cause de cette absurdité, à laquelle doit faire face la Société d'art public depuis de nombreuses années, à laquelle Action patrimoine vivant doit à son tour aussi faire face, que nous vous demandons d'ajuster en quelque sorte tous les dispositifs de la loi aux nouvelles mesures qui peuvent être prises pour préserver le patrimoine et qui sont moins contraignantes que le classement. Il s'agit donc d'un toilettage tout à fait bienvenu pour éviter ces absurdités qui nous guetteront sinon encore longtemps.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste soutient les conclusions du rapport de majorité. Il nous semble en effet utile de permettre aux associations d'importance cantonale d'initier des procédures de plans de site. Comme cela a déjà été dit tout à l'heure, elles possèdent déjà cette compétence en matière de classement.

En revanche, nous ne pouvons pas admettre les conclusions, ou plutôt l'interprétation de M. Vaucher dans son rapport de minorité, selon laquelle la disposition modifiée reviendrait à permettre à des associations privées de s'immiscer dans l'aménagement cantonal. En conséquence, sa proposition d'amendement, où il est question d'accorder par analogie les mêmes compétences à des associations de propriétaires, me semble tout à fait déplacée. M. Vaucher, dans son rapport, confond une association à but idéal avec une association de propriétaires qui défend en général des intérêts particuliers. C'est bien mentionné dans son rapport.

Finalement, la situation est assez simple. Accepter ce projet de loi, ce n'est pas faire la révolution, c'est accorder une parcelle supplémentaire de compétence à des associations d'importance cantonale qui effectuent en général un travail sérieux et rigoureux. Nous vous recommandons donc d'adopter ce projet de loi ! 

M. Hubert Dethurens (PDC). Beaucoup d'arguments ont été mentionnés par M. Vaucher et par M. Dessimoz. Pour ma part, je trouve surprenant, en tant qu'élu communal, que l'on puisse donner à des associations des droits en matière d'aménagement du territoire, alors même que les communes, par l'intermédiaire de leurs élus, n'ont qu'un droit consultatif et, seulement depuis 1993, le droit d'initiative. Je perçois mal qu'une association cantonale, dont aucun des membres ne serait ressortissant de la commune, puisse élaborer un plan de site pour cette même commune.

Mesdames, Messieurs les députés, ce projet de loi va immanquablement créer une catégorie de citoyens au-dessus des autres ou, comme le disait Coluche, des citoyens plus égaux que les autres !

En fait, avec de telles lois en matière d'aménagement, il ne faut plus être élu de la République, mais il faut être membre et surtout cotiser au WWF ou à Action patrimoine vivant ! Pourquoi, pour un stade de football, s'embarrasse-t-on de longs débats, alors que l'on pourrait simplement demander à l'ACGF d'élaborer un projet ?

Mesdames, Messieurs, une loi ne se rédige pas parce que l'on s'est vu refuser un projet ou, comme dans le cas présent, un plan de site. Ce n'est pas non plus parce que des propositions apparaissent être les meilleures aux yeux de leurs auteurs que les élus et le reste de la population doivent forcément les accepter.

Les majorités d'aujourd'hui ne sont pas forcément celles de demain. Avec de telles lois, rien n'empêche d'imaginer que ces droits pourraient aussi être donnés à des associations de promoteurs immobiliers. Je vous laisse imaginer la suite. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien s'opposera à ce projet de loi qui, de l'avis même de M. Moutinot, pourrait conduire à des blocages en multipliant les procédures. 

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. A ce stade de la discussion, j'aurais voulu relever un ou deux points. Tout d'abord, je suis un peu surpris lorsque certains préopinants des bancs d'en face affirment que ce projet de loi est relativement anodin et qu'il n'apporte pas grand-chose. J'aimerais répéter qu'il peut, seul, peut-être paraître anodin. Mais accompagné des autres projets de lois que j'ai évoqués, il n'est pas du tout anodin. En d'autres termes, il bloque tout aménagement normal du territoire qui puisse profiter à l'ensemble de la population et pas seulement, comme certains veulent le dire, à des propriétaires et à des spéculateurs. Je l'ai d'ailleurs déjà dit à M. Ferrazino. Parmi tous les projets de lois qu'il a mis en route avec M. Grobet, trop nombreux sont ceux qui n'atteignent malheureusement pas le but qu'ils souhaitent, c'est-à-dire stopper la spéculation à outrance. D'une part, ils apparaissent trop tardifs, d'autre part ils n'atteignent pas les personnes concernées, car quels que soient les projets de lois, ces gens-là, les spéculateurs, qui n'apportent rien à l'économie locale, comme je l'ai toujours dit, ne sont fort malheureusement toujours pas touchés.

Je m'étonne aussi lorsque Mme Fehlmann Rielle nous dit, concernant l'amendement que j'ai proposé dans mon rapport, que l'on doit favoriser des associations qui concernent, je n'ai pas très bien compris, le public. Ce sont des associations de droit privé, Madame la députée. Vous formulez donc par là même une inégalité de traitement que je ne saurais personnellement guère tolérer.

J'aimerais d'autre part rappeler à M. le député Ferrazino, de surcroît conseiller administratif de la Ville de Genève, que Genève est un petit canton. C'est un canton-ville et l'on ne peut pas traiter son aménagement du territoire au même titre que celui d'un grand canton proche comme le canton de Vaud.

Il existe malheureusement un certain nombre de problèmes. C'est pour cela que j'ai évoqué l'exemple de la Roseraie. Il n'y a pas de terrain à Genève pour construire des logements sociaux comme l'on peut en trouver dans les cantons voisins où il y a toute la place possible. Je déplore dès lors que l'on rencontre des cas comme celui-ci, où l'on puisse bloquer tout développement. Certains cas, comme le bâtiment du Palais Wilson, présentent manifestement un intérêt de sauvegarde patrimoniale. Mais l'on ne peut pas y assimiler toutes sortes de constructions et tout englober dans le paquet « sauvegarde du patrimoine », parce qu'il y a des patrimoines qui sont dignes de ce nom et d'autres qui le sont moins.

Certaines fois, il faut savoir renoncer, dans l'intérêt de la collectivité publique, à certains blocages. Par ces projets de lois, tels que celui qui nous est soumis aujourd'hui, tels que celui qui va nous être présenté et que M. Dessimoz a évoqué tout à l'heure, et tels que le projet de loi 8074 que nous avons déjà voté, on bloque totalement le développement de notre territoire et souvent pas dans le but souhaité par ceux qui les rédigent. 

M. René Koechlin (L). A travers ce projet de loi transparaît à l'évidence la volonté politique de faire en sorte que tout le monde s'occupe de tout. En matière d'architecture et de protection des sites, cela implique en tout cas de déboucher sur un consensus. A défaut, chacun peut tout bloquer. Or, les chemins qui mènent à un consensus - on le sait, surtout en matière d'architecture et de protection des sites - sont extrêmement longs, tortueux, incertains et sans aucune garantie d'aboutir à quoi que ce soit. Parce que autant de personnes, autant d'avis, cela notamment lorsque tout un chacun ou n'importe qui est appelé à donner son avis et possède en plus le pouvoir d'entraver, voire de bloquer toute démarche qui n'irait pas dans le sens qu'il entend, lui, à titre tout à fait personnel.

Je vous rappelle, Mesdames, Messieurs, qu'aucun projet, aucune construction ne peut être autorisée dans le périmètre concerné par ledit plan lorsqu'un plan de site est en cours d'élaboration. Voter ce projet de loi, c'est simplement accroître encore à souhait tous les blocages qui sont déjà pléthoriques dans ce canton. Je peux vous citer au moins une douzaine de plans localisés de quartier ou de projets de construction d'immeubles qui sont bloqués déjà aujourd'hui par des demandes de plans de site. Je vous en cite un : celui des Falaises. Il y a un plan localisé de quartier qui traîne depuis deux ans dans les tiroirs du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, parce qu'un plan de site est demandé. Dans le cas particulier, je comprends que l'on demande l'élaboration d'un plan de site à un endroit aussi sensible. C'est parfaitement justifié et c'est demandé, de façon consensuelle je crois, par le Conseil d'Etat et par le Conseil administratif ou le Conseil municipal de la Ville de Genève.

Mais tous les cas ne sont pas aussi consensuels. Je vous assure que voter un tel projet de loi, c'est prêter le flanc à tous les abus possibles dans le sens du blocage d'opérations de construction, notamment de construction de logements. C'est pourquoi je vous appelle à ne pas le voter, mais je sais que cet appel est vain, malheureusement ! 

M. Laurent Moutinot. L'aménagement du territoire à Genève est un exercice démocratique. Il doit l'être, il est bon qu'il le soit et il peut s'avérer nécessaire en certaines circonstances d'étendre ces droits démocratiques.

Le projet qui vous est soumis tend pour l'essentiel à permettre aux associations de demander que soit initié un plan de site. Je rappelle qu'il s'agit d'une demande et non pas d'un pouvoir de décision, qui reste bien entendu au Conseil d'Etat. Comme l'a dit Mme Deuber-Ziegler, qui peut le plus peut le moins. A l'heure actuelle, ces associations ont le droit de demander le classement d'un immeuble, dont il résulte, à partir de l'ouverture de la procédure de classement, que l'on ne peut plus toucher à l'immeuble, alors qu'après l'ouverture d'une procédure de plan de site - je suis navré, Monsieur Koechlin - l'autorité peut refuser une autorisation. Elle n'a pas l'obligation de veiller à ce que l'on ne touche pas à l'immeuble. Dans un cas connu, j'ai d'ailleurs fait récemment usage de cette faculté dans une commune qui vous est proche.

L'amendement de M. Vaucher, qui tend à vouloir introduire en plus des associations prévues à l'article 63 les associations de propriétaires, me paraît étonnant. En effet, toute association remplissant les critères de l'article 63, Monsieur Vaucher, peut à mon sens intervenir. Qu'elle soit formée surtout d'architectes, surtout de propriétaires ou surtout de militants gauchistes ne change rien à sa qualité de fond, pourvu que ses buts et son organisation soient conformes à l'article 63 de la loi. Rien n'empêche donc, me semble-t-il, des propriétaires qui auraient une vision idéale de l'aménagement du territoire et de la protection des sites de s'organiser pour jouir de ce droit, sans qu'il soit nécessaire de préciser dans la loi ce que vous demandez.

Le nouvel amendement proposé par M. Ferrazino dans son rapport de majorité me permet de parler des mesures de prévention. L'idéal en matière de protection du patrimoine serait que nous connaissions parfaitement bien la situation de tous les immeubles du canton dignes d'être protégés, que tous soient répertoriés et qu'une mesure adéquate soit prise sur chacun d'entre eux. Ce qui permettrait, au moment d'une demande d'autorisation de construire, de pouvoir immédiatement dire ce qu'il en est. Malheureusement, ce travail d'inventaire, qui est un travail de fourmi, un travail titanesque, n'est à ce jour pas fait et de loin pas. Pourquoi ? Tout simplement, Monsieur le rapporteur de majorité, parce que la direction du patrimoine et des sites va au feu ! Elle fait les urgences, elle donne les préavis qu'elle doit donner dans les dossiers qui lui sont soumis. Elle ne peut malheureusement pas entreprendre, à l'heure actuelle, le travail que vous souhaitez qu'elle fasse et que je souhaite qu'elle fasse.

Si cet amendement est accepté, vous voudrez bien, Mesdames et Messieurs les députés, vous en souvenir au moment du vote du budget en ce qui concerne les dotations de la direction du patrimoine et des sites, faute de quoi l'application de cet article s'avérera pour le moins problématique.

J'en viens maintenant à l'intervention de M. Dessimoz. Sur le fond, je crois que M. Dessimoz a raison sur un point. Nous avons actuellement une législation de protection du patrimoine insatisfaisante. Insatisfaisante du côté des associations de protection du patrimoine qui constatent un certain nombre de trous, dont celui qu'il nous est proposé de boucher aujourd'hui. Mais insatisfaction aussi du côté des constructeurs, parce que la sécurité du droit n'est pas toujours garantie avec le processus que nous connaissons.

Il y a là un véritable problème dans les deux directions. Raison pour laquelle j'ai en préparation au sein du département un projet de loi qui devrait résoudre cette quadrature du cercle, à savoir une meilleure protection du patrimoine et une meilleure sécurité juridique. A partir d'un certain moment, il ne doit plus y avoir, lorsque les procédures ont été suivies et que les préavis ont été donnés, d'obstacle possible. Je pense notamment à la mise en oeuvre de plans localisés de quartier récents, où la CMNS s'est prononcée au moment de l'élaboration dudit plan. A partir de là, il ne devrait plus y avoir d'intervention de protection du patrimoine.

A l'inverse, il est proposé de modifier un aspect des demandes de classement. Le projet tend à prolonger le délai pendant lequel on ne peut pas toucher à l'immeuble. Il est vrai que le délai de six mois de la loi actuelle a quelque chose d'illusoire, car ni mon département, ni a fortirori le tribunal, s'il en connaît sur recours, ne sont en mesure de se prononcer dans un délai de six mois. Il me semble donc pouvoir tenter l'exercice de vous soumettre à bref délai un projet qui puisse à la fois garantir, parce que j'y tiens, la sécurité du droit, qui permette notamment le développement et la construction et qui permette aux défenseurs du patrimoine de ne pas avoir toujours à courir un petit peu après l'incendie.

Vous avez, les uns ou les autres, parlé de dossiers actuels, chauds et brûlants. Je ne veux pas en faire l'historique complet, mais tout de même préciser un certain nombre de choses. Vous m'avez reproché, Monsieur Ferrazino, de ne pas avoir suivi le préavis de la CMNS dans la décision de non-classement de la Roseraie. C'est exact. Je l'avais suivi dans l'affaire du Palais Wilson et le Tribunal administratif m'a dit qu'il ne fallait pas le suivre. Vous avouerez que la chose est difficile ! On m'a dit en définitive, dans l'arrêt du Palais Wilson, qu'il fallait lire avec nuance les préavis. Je dois dire que cela ne contribue pas à la sécurité juridique. C'est une précision que je voulais apporter. S'agissant de la Roseraie, vous avez dit que le PLQ faisait l'unanimité contre lui. Je ne suis pas d'accord. C'est un plan localisé de quartier qui a un certain nombre de défauts. Mais à ce stade des choses, je le soutiens et je dois au contraire vous dire que le nouveau plan localisé de quartier de la Ville a été soumis à la commission d'urbanisme à la séance d'hier et qu'il y a eu unanimité de la commission pour dire que le plan localisé de quartier proposé par la Ville n'allait pas. Il est vrai que la commission est divisée quant à la question de savoir s'il faut classer, pas classer, protéger, pas protéger. Donc, s'il y a eu une unanimité dans le dossier, malheureusement, Monsieur Ferrazino, c'est à l'encontre du projet de PLQ de la Ville !

Ceci pour dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut remettre les problèmes à leur juste échelle. Le projet qui vous est soumis n'est de toute évidence pas un canon qui sert à déstabiliser le canton, son aménagement ou son développement. De ce point de vue là, il est acceptable. Parallèlement à cela, il est vrai qu'un certain nombre de problèmes mis en évidence d'un côté ou de l'autre de cette salle doivent être considérés dans une conception d'ensemble pour éviter - ce qui n'est pas très pratique en technique législative - la multiplication des projets et pour éviter effectivement que l'on se retrouve, dans une hypothèse ou une autre, avec une démolition regrettable ou avec un projet de logements sociaux bloqué de manière absolument inutile.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes arrivés à l'issue du premier débat portant sur la prise en considération du projet.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

Art. 7, al. 1

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 7 de la LPMNS et vous pouvez le suivre avec moi...

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Monsieur le président, j'aimerais juste vous rappeler que j'ai proposé un amendement à l'article 39A, alinéa 1. Je souhaiterais que vous le lisiez de manière à le faire voter. L'article 39A... 

Le président. Monsieur Vaucher, s'il vous plaît ! J'essaye de procéder article par article en allant si possible dans l'ordre des articles. On me présente un amendement à l'article 7, vous permettez donc que je passe à l'article 7. Lorsque j'en serai à l'article 39A, je passerai volontiers au vote de votre amendement, Monsieur Vaucher. J'essaye d'avoir une certaine logique.

Je reviens donc à l'article 7, alinéa 1. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 7, qui figure sous section 2 «Inventaire» et qui porte le titre «Etablissement». L'article 7 actuel dispose, je cite «Il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'article 4.» L'amendement consiste à ajouter :

«Si une demande d'inscription à l'inventaire est faite sous forme d'une requête motivée par la commune du lieu de situation de l'immeuble en cause ou par une association au sens de l'article 63, l'autorité compétente pour dresser l'inventaire est tenue de statuer. Sa décision est motivée.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 7 ainsi amendé est adopté.

Art. 39A, alinéa 1

Le président. Nous sommes effectivement saisis, Monsieur Vaucher, rapporteur de minorité, d'un amendement venant de votre part, qui figure en page 5 de votre rapport et qui consiste à ajouter :

« Le projet (...) au sens de l'art. 63 ou d'une association de propriétaires d'importance cantonale ; il est mis au point... »

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 39A est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Le président. Le troisième débat est demandé par le Conseil d'Etat. Je procède au vote... Monsieur Vaucher !

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis tout à fait d'accord que vous alliez assez vite. Je m'excuse pour tout à l'heure, mais j'étais un peu dépité par le résultat du vote. J'aimerais toutefois vous rappeler que j'ai aussi proposé, en page 6 de mon rapport, un nouvel alinéa 4 à l'article 39A. Je vous demanderais donc, Monsieur le président, de bien vouloir faire voter cet amendement. A mon tour de vous renvoyer le compliment !

Le président. C'est avec un immense plaisir, Monsieur Vaucher, que nous passons encore au vote de l'article 39A, alinéa 4 nouveau, figurant en page 6 de votre rapport. Je cite :

« La demande émanant d'une association, au sens de l'alinéa premier, ou du Grand Conseil doit être dûment motivée et assortie d'un avant-projet détaillé. La demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion. La demande d'une association au sens de l'alinéa premier est adressée au Conseil d'Etat, qui peut la soumettre à la procédure prévue à l'article 40. » 

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

(Brouhaha)

Le président. S'il vous plaît ! Vous n'avez pas d'autres amendements, Monsieur Vaucher ? Non !

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7834)

modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (L 4 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976, est modifiée comme suit :

Art. 7, al. 1  (nouvelle teneur)

1 Il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'article 4. Si une demande d'inscription à l'inventaire est faite sous forme d'une requête motivée par la commune du lieu de situation de l'immeuble en cause ou par une association au sens de l'article 63, l'autorité compétente pour dresser l'inventaire est tenue de statuer. Sa décision est motivée.

Art. 39A, al. 1 (nouvelle teneur) et alinéa 4 (nouveau)

1 Le projet de plan de site est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil, d'une commune ou d'une association au sens de l'article 63; il est mis au point par le département dans le respect de la demande et en collaboration avec la commune et la commission des monuments de la nature et des sites, sur la base d'un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers.

4 Le Conseil d'Etat est également tenu d'engager la procédure prévue à l'article 40, lorsqu'il est sais d'un avant-projet joint à une demande émanant du Grand Conseil ou d'une association au sens de l'article 63.

Article 2

Le présent projet de loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.