République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1236-A
14. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la pétition concernant la modification de l'article 32 des statuts de la CEH et de l'article 14A de la loi sur le personnel de l'Etat (B 5 7). ( -)P1236
Rapport de M. René Ecuyer (AG), commission des finances

La Commission des finances a traité cet objet lors de sa séance du 8 décembre 1999, sous la présidence de M. Bernard Lescaze et en présence de M. Patrick Pettmann, directeur général de l'office du personnel de l'Etat.

La teneur de cette pétition est la suivante :

Pétition(1236)

concernant la modification de l'article 32 des statuts de la CEH et de l'article 14A de la loi sur le personnel de l'Etat (B 5 15)

Les soussignés, membres pensionnés des Etablissements publics médicaux genevois, représentés par l'association ADP-EPM, demandent l'annulation de l'article 32 des statuts de la CEH et la modification de l'article 14A de la loi, en vertu de l'article 36, alinéa 2 de la LPP, afin de remédier à l'injustice dont sont victimes les pensionnés de la CEH.

Ils vous prient de bien vouloir demander au Conseil d'Etat de soumettre à votre Conseil une proposition de modification des articles de statuts et de loi susmentionnés, car vu les décisions du Conseil d'Etat de suspendre l'indexation des salaires de la fonction publique (juin 1992), les pensionnés les moins nantis ont été durement frappés dans leur pouvoir d'achat.

L'assemblée générale de la CEH a voté à l'unanimité, en novembre 1992, décision renouvelée en 93, 94, 95, 96 et 97, la modification de l'article susmentionné.

Nous rappelons que l'indexation des pensions au coût de la vie est à la charge de notre caisse de prévoyance (CEH), qui a déclaré en avoir les disponibilités financières.

Le comité de l'ADP-EPM est à votre disposition pour toute audition que vous jugerez utile.

N.B. : 719 signatures

ADP-EPM, M. Etienne Voldet, 95, avenue Bois-de-la-Chapelle, 1213 Onex

Audition de M. Etienne Voldet et de Mme Gautier, délégués de l'ADP-EPM auprès du comité de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH)

L'ADP-EPM

L'Association des pensionnés des Etablissements publics médicaux a été créée le 13 décembre 1995 et s'est fixée pour but la défense des intérêts des anciens employés et fonctionnaires des Hôpitaux Universitaires Genevois. L'association est à l'origine de la pétition 1236, laquelle a réuni l'adhésion de 719 personnes.

La CEH c'est…

3000 pensionnés pour 11 000 cotisants ;

l'obligation d'affiliation pour tout le personnel selon les mêmes critères que la LPP ;

une pension moyenne de 1600 F, montant modeste en raison de l'obligation tardive d'être assuré (1979 pour les travailleurs de l'hôpital de Loëx et la Maison des convalescents) et surtout en raison de la proportion importante de travailleurs appartenant aux petites classes de traitements (4, 5 ou 6), nettoyeurs, employés de cuisine, aides hospitalières, aides de buanderie, infirmières assistantes…

Le patron de la CEH c'est…

Théoriquement, l'assemblée générale de la CEH, puisqu'elle a pour compétence de discuter et d'approuver les modifications statutaires.

L'assemblée générale de la CEH du 19 novembre 1992, par exemple, a adopté un nouvel article 32 de ses statuts qui prévoit l'indexation des pensions à l'indice genevois du coût de la vie.

Dans les faits, c'est le Conseil d'Etat. En effet, si toute modification des statuts de la CEH doit être approuvée par le Grand Conseil, celui-ci ne peut se prononcer que sur une proposition du Conseil d'Etat. La modification votée le 19 novembre 1992 à l'unanimité n'a pas franchi l'obstacle du Conseil d'Etat… malgré les promesses de M. Olivier Vodoz, ancien conseiller d'Etat, de M. Gérard Ramseyer et de Mme Calmy-Rey, conseillers d'Etat.

Objet du litige

C'est bien de l'indexation des rentes de la CEH au coût de la vie qu'il s'agit. Le Conseil d'Etat en reste à l'ancien article 32 des statuts de la CEH et à l'article 14A de la loi B 5 15 sur le traitement du personnel de l'Etat, stipulant que « les pensions des membres du personnel ou leurs ayants droit sont indexées selon les mêmes règles que pour les membres du personnel en activité ».

En liant l'indexation des pensions aux accords signés entre le Conseil d'Etat et les associations du personnel de la fonction publique, les rentes ont perdu 9,58 % de leur pouvoir d'achat entre 1992 et fin 1998 ; la perte sera d'environ 11 % à fin 2000. On a quelques pincements de coeur lorsqu'on sait qu'il y a beaucoup de pensions versées aujourd'hui qui sont de 500 à 600 F par mois. Beaucoup des pensionnés de la CEH doivent faire appel à l'OCPA pour compléter leurs revenus.

Selon les pétitionnaires, qui d'ailleurs ne réclament pas le versement rétroactif de ce qui leur est dû, la CEH a les moyens de supporter l'indexation annuelle, une indexation qui ne coûterait rien à l'Etat, car selon la lettre de la direction de la CEH au Conseil d'Etat du 25 mai 1993, on a admis à l'origine que le taux de cotisation de 21 % comprenait une composante de 4 % pour le financement à long terme du coût de l'indexation des pensions et qu'à fin 1992, c'est un capital de 140 millions qui a été accumulé dans cet objectif.

Et la CIA, et la CAP, et la caisse de la police ?

Le problème de l'indexation des rentes se pose aussi à la CIA. Une résolution des délégués du groupe F a été soumise à l'assemblée du 26 novembre 1996, par laquelle il est demandé la suppression dans les statuts de la CIA de la référence à la loi B 5 15.

Les statuts de la caisse d'assurance du personnel de la Ville de Genève, du personnel des Services industriels de Genève et du personnel communal transféré dans l'administration cantonale (CAP) prévoient à l'article 58 que « toutes les pensions de la Caisse sont complétées par une pension d'indexation adaptée au 1er janvier de chaque année, selon l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation, sous réserve des dispositions de l'article 96, alinéa 4 » (relatif aux écarts éventuels constatés dans le capital de pilotage).

La caisse de pension des fonctionnaires de la police et de la prison est la plus « choyée » selon les pétitionnaires, puisqu'avec les cotisations « spéciales » de l'Etat, le produit des ventes d'objets trouvés, etc., le retraité se retrouve avec une rente presque aussi élevée que son dernier salaire… Pour couvrir le déficit technique dû à l'indexation des retraites, cette caisse a prévu une cotisation d'adaptation égale à 6 % du traitement assuré.

Que demande l'ADP-EPM ?

Les pétitionnaires ne demandent pas un traitement aussi généreux que celui réservé aux pensionnés de la police et de la prison, mais au moins égal à celui réservé aux retraités affiliés à la CAP. La CEH, assurent-ils, en a les moyens et il n'en coûtera rien aux contribuables.

Discussion et vote de la commission

Au cours de la discussion, à laquelle participe M. Pettmann, il est fait remarquer que les pensionnés de la CEH n'ont pas été oubliés, puisque leurs rentes ont été réadaptées en 1993 et 1995 et qu'en 1997, 1998 et 1999, un montant forfaitaire de 420 F par année au maximum a été versé. La perte du pouvoir d'achat depuis 1992, de 10,54 %, n'est toutefois pas contestée. Selon M. Pettmann, on ne peut pas parler de blocage ; par ailleurs, il conteste l'affirmation selon laquelle la CEH a les moyens de faire face par elle-même à une indexation annuelle, ainsi que la prise en compte d'un 4 % en prévision des dites indexations. A noter qu'1 % d'indexation représente, pour l'ensemble des caisses de pension (CIA - CEH - CP), 3,6 millions de francs.

La droite libérale est d'avis que la CEH n'est pas à même de supporter techniquement les indexations, que les personnes qui ne cotisent pas à un 2e pilier devraient essayer de se constituer un 3e pilier par l'épargne, que l'arsenal des lois sociales en faveur des personnes âgées dont les revenus sont insuffisants est assez complet et que par conséquent la pétition est à déposer sur le Bureau du Grand Conseil.

Un avis qui n'est pas partagé par la gauche et par une partie des députés du centre, qui estiment que la pétition fait ressortir les inconvénients d'un système de retraite fondé sur le principe de la capitalisation, qu'il n'est pas normal que ce soit par la voie de compléments OCPA que l'on dove compenser des manquements au système d'un 2e pilier tel la CEH et que cette affaire doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour trouver une solution dans le sens souhaité par les pétitionnaires.

Au vote, la pétition est renvoyée au Conseil d'Etat par 7 oui (2 AdG, 2 S, 2 DC, 1 R) contre 3 non (2 L, 1 R) qui souhaitent la classer et 1 abstention (Ve).

Débat

M. René Ecuyer (AdG), rapporteur. Il est un peu dommage que des anciens serviteurs de l'Etat doivent lancer une pétition pour se faire entendre. En fait, les retraités de la CEH ont, à plusieurs reprises et depuis plusieurs années, soulevé le problème de l'adaptation de leurs rentes mais celui-ci a été mis de côté.

En l'occurrence, lorsque des accords entre le Conseil d'Etat et les organisations de travailleurs des services publics prévoient de geler les salaires des fonctionnaires, les rentes sont également gelées. Avec ce système, la perte du pouvoir d'achat des retraités s'élèvera à fin 2000 à environ 11%, ce qui n'est pas tolérable. Ce d'autant que les salariés voient quand même une progression de leurs revenus grâce aux annuités et autres, ce qui n'est pas le cas pour les retraités. Les gens qui se sont exprimés en commission dépendent de la CEH, la caisse de retraite du personnel hospitalier. Ce sont en majorité des petits rentiers, c'est-à-dire des gens qui avaient de petits emplois de nettoyeurs ou autres dans les hôpitaux. La retraite moyenne de la CEH est de 1600 F et certaines retraites sont très basses, inférieures à 500 F. On voit ainsi des retraités des services de l'Etat faire appel aux prestations complémentaires pour pouvoir tourner, en raison du montant des loyers et d'une AVS insuffisante.

Nous vous recommandons donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les conclusions du rapport, demandant au Conseil d'Etat d'aller dans le sens des pétitionnaires.

Mme Micheline Calmy-Rey. Depuis de nombreuses années, les associations de pensionnés demandent de découpler le système d'indexation entre le personnel en activité et les pensionnés de l'administration cantonale. Aucun consensus n'a pu être trouvé sur ce point jusqu'ici. Cette situation a conduit le Conseil d'Etat à autoriser, pour les années 1997, 1998 et 1999, le versement d'une prime annuelle unique de 2%, plafonnée à 420 F et non intégrée dans les pensions de base, à condition que les caisses de prévoyance concernées puissent, bien entendu, faire face au versement de ces primes annuelles. Vu le faible taux d'indexation prévu au 1er janvier 2000, j'ai proposé, dans une lettre datée du 8 février, adressée aux comités de la CIA et de la CEH et aux associations de pensionnés, de reconduire le versement d'une prime annuelle de 2%, plafonnée à 420 F, en décembre 2000. Cela nécessitera, après avoir obtenu l'accord des caisses et des associations, une décision du Conseil d'Etat.

Pour les années futures, je me propose de présenter au Conseil d'Etat un projet de loi qui modifie l'article 14A de la loi B 5 15, en maintenant le principe de l'indexation actifs-pensionnés, mais en prévoyant de verser aux pensionnés une allocation unique correspondant à l'inflation annuelle, sous déduction du taux d'indexation accordé aux membres du personnel en activité, s'il devait y avoir une différence. Le taux ainsi obtenu serait plafonné à hauteur d'une rente annuelle de 60 000 F, ce qui conduirait au versement d'un montant fixe pour les rentes annuelles supérieures à 60 000 F, et cela dans le but de répondre à votre souci, Monsieur Ecuyer, c'est-à-dire de ne pas prétériter les petits retraités. Cette prime unique ne serait pas intégrée dans les pensions de base.

J'ai écrit dans ce sens à la fois à la CEH, à la CIA et aux associations de pensionnés. J'attends leurs réponses, mais vous aurez compris que j'accepte bien volontiers la pétition qui m'est adressée. J'espère pouvoir revenir devant vous très rapidement, avec une solution qui rencontre l'agrément de tous.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des finances (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.