République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 15e séance
PL 8205
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées, du 3 octobre 1997, est modifiée comme suit :
Art. 9, lettre h (nouvelle teneur)
Art. 16, al. 5 Commission paritaire (nouveau)
5 La Commission paritaire instituée par l'annexe numéro 4 de la convention collective de travail applicable aux employés-es des établissements médico-sociaux du canton de Genève ou le cas échéant ces membres individuellement, peuvent en tout temps se rendre sur place, dans un établissement médico-social, pour vérifier que les conditions de la convention soient respectées. En cas de violation de la convention, un rapport est adressé au département désigné qui doit procéder à une enquête et mettre l'établissement en demeure de se conformer à la convention, sous peine de retrait de l'autorisation d'exploiter.
Article 2
La présente loi entre en vigueur dès sa promulgation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les récents événements relatifs à l'externalisation de l'ensemble des services de cuisine de Val Fleuri nous amènent à vous proposer ce projet de loi. En effet, au moment où le Conseil d'Etat affirme sa volonté de lutter contre le dumping salarial en marge de la votation populaire portant sur les accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union Européenne, il s'agit de prendre des mesures pour mettre un terme à toutes tentatives de dumping salarial, plus particulièrement dans les secteurs réglementés par une convention collective ou qui sont fortement subventionnés par l'Etat.
Tel est le cas des établissements médicaux sociaux, qui non seulement dépendent très fortement des subventions cantonales (à savoir 330 millions, dont 174,4 millions versés par l'Office cantonal des personnes âgées) mais encore, ont enfin été mis au bénéfice d'une convention collective, ce qui a permis de mettre de l'ordre dans ce secteur où de très nombreuses travailleuses et travailleurs étaient victimes d'abus, tant sur le plan salarial que sur celui des horaires de travail.
Cet important progrès ne doit pas être remis en cause par la sous-traitance de certaines prestations relevant des EMS à des entreprises qui ne respecteraient pas les conditions de la convention collective applicable aux EMS. Or, un certain nombre d'EMS sous-traitent leurs services de cuisines et l'établissement particulièrement important qu'est Val Fleuri a fait part de sa décision d'en faire de même.
On peut comprendre que des EMS recherchent des moyens pour diminuer leurs frais d'exploitation, pour autant que ce ne soit pas au détriment de la qualité des prestations, ni au détriment des conditions de travail et de rémunération du personnel. Par exemple, la mobilité du personnel entre les différentes structures sanitaires, risque d'être péjorée par ce procédé, ou encore d'importantes inégalités de traitement risquent de voir le jour.
Historique
Les EMS, structures d'utilité publique largement subventionnées par l'Etat de Genève, sont clairement ancrées comme 3e pilier du dispositif destiné aux personnes âgées (hôpital, aide à domicile, EMS). Le budget des EMS, adopté par le Grand Conseil le 17 décembre 1999, inclut dans la dotation en personnel 204 postes concernant le personnel externalisé. Par conséquent, par extension, l'Etat de Genève subventionne les entreprises privées mandatées employant du personnel au sein des EMS genevois et leur permet de réaliser des bénéfices en rémunérant leur personnel à des conditions inférieures à la CCT EMS en vigueur.
La modification proposée par ce projet de loi a pour but que les dispositions en vigueur pour le personnel travaillant dans un EMS ne soient pas déjouées par la décision de sous-traitance. A cet égard, il faut rappeler l'élaboration de la loi J 7 20 et de la CCT qui, précisément, visaient à combattre les inégalités existantes et à introduire une égalité de traitement. En permettant aux entreprises mandatées d'appliquer d'autres dispositions que la CCT EMS, celle-ci est en fait détournée de son but.
Constat
Nous déplorons qu'aucune étude financière sérieuse sur les coûts comparatifs entre le maintien de structures internes et un contrat de prestation externe ne permet de vérifier qu'à prestations égales, une externalisation soit meilleur marché. Nous déplorons aussi qu'en l'absence d'une véritable réflexion sur les conséquences directes et indirectes induites par des externalisations telles que licenciements, non reconduction d'emploi, déplacements des emplois, dont les conséquences devront être supportées par la collectivité, les EMS puissent procéder à l'externalisation de secteurs entiers d'activités dites « rentables » tels que cuisine, cafétéria, buanderie, nettoyage. En effet, nous le constatons dans la pratique, ce processus de sous-traitance, suivi de restructurations, se fait aux dépens des emplois, des places de travail, et introduit une forte péjoration des conditions de travail.
Conclusions
Les secteurs subventionnés conventionnés genevois ont des conditions de travail analogues ou identiques à celles en vigueur à l'Etat de Genève. En pratiquant l'externalisation, les EMS utilisent, au sein de leur établissement, du personnel dont les conditions de travail sont largement en dessous des normes, et introduit par conséquent un personnel « à deux vitesses "». L'argument économique est régulièrement avancé pour justifier la décision de sous-traiter.
La modification proposée par ce projet de loi introduit le principe que des économies d'échelle ne peuvent se faire aux dépens du personnel. Il convient toutefois de préciser que le présent projet de loi ne s'oppose pas au principe de réaliser des économies structurelles. Elles devront toutefois s'orienter sur d'autres pistes comme, par exemple, la constitution d'une centrale d'achats, des possibles synergies avec les hôpitaux.
C'est pourquoi, le présent projet de loi propose que la convention collective applicable aux EMS ait également force obligatoire pour le personnel affecté à des prestations à charge d'EMS qui sont sous-traitées.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil au présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales sans débat de préconsultation.
La séance est levée à 19 h.