République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 15e séance
PL 8117-A
Andréi Sakharov était un homme. Il était physicien et il a participé activement à la mise au point de la bombe H soviétique. Mais c'était aussi un militant des droits de l'homme, c'est pour cette raison qu'il a été exilé à Gorki par Staline et qu'il a reçu le prix Nobel quelques années plus tard.
Sakharov était un homme dans toute la richesse de ce terme, avec toutes les contradictions entre la vie et la mort, entre le prix Nobel de la paix et la bombe H.
Ce qui m'a énormément intrigué avec Sakharov, c'est la découverte qu'il a faite, en 1967, sur l'asymétrie CP, une des tentatives les plus achevées de comprendre pourquoi il y a beaucoup plus de matière que d'antimatière dans l'univers. Cette intelligence m'a fasciné, j'ai eu l'impression en le lisant qu'il me rapprochait de Dieu, parce que je sens que le sens de la vie, au-delà de faire des enfants, d'aimer et de souffrir, c'est la complexification, c'est la Connaissance (dans les deux sens du terme !).
Pourquoi est-ce que je vous parle de Sakharov en préambule à ce rapport ?
Parce que le sens de ce qui se trame au CERN c'est justement cela, on fait tourner des particules pour comprendre l'origine de l'univers, on n'y comprend pas grand-chose mais on s'amuse bien, le CERN est un multiplicateur d'intelligence, avec tous les dangers que cela suppose, mais aussi avec toutes les perspectives libératrices.
Bien sûr un large débat public doit s'amorcer entre la société civile et le CERN qui doit remettre en question les perspectives de ses recherches, qui doit se poser la question « où va la science ? », quels dégâts radioactifs peut-on commettre pour avancer vers quoi ?
La question de l'avenir de l'humanité.
La question qu'essayait de poser Sakharov avec sa bombe H et les droits de l'homme. Voilà pourquoi je voulais introduire ce rapport avec Andréi Sakharov. (J'aurais pu parler de Prométhée mais l'analogie aurait été moins parlante.)
Passons maintenant au rapport proprement dit
Notre Commission des finances s'est réunie à deux reprises pour parler de ce crédit d'investissement de 8,8 millions pour le projet ATLAS au CERN.
Lors de notre première séance, la commission devait voter un train de lois d'investissement qui faisaient partie du budget ; nous avons passé très brièvement en revue une trentaine de lois, repoussant à plus tard toutes celles qui paraissaient discutables, nous réservant de revenir sur ces cas après les vacances de Noël. Le projet de loi 8117 faisait partie des projets discutables, nous avons donc repoussé son étude au début de l'an 2000.
La deuxième séance plus approfondie a eu lieu le 25 janvier 2000, en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, ministre des finances, et de M. Bourquin, le nouveau recteur, qui se trouve être justement physicien. Le procès-verbal a été pris par l'excellente Mme Monnin
M. Bourquin nous a expliqué en quelques mots la collaboration entre l'Uni de Genève et le CERN, en ce qui concerne les recherches sur les structures intimes de la matière, au niveau des particules élémentaires et de leurs interactions. Les travaux sur l'expérience ATLAS ont de fortes connections avec l'astrophysique et la cosmologie.
Quelques précisions sur le fonctionnement du CERN : les 20 Etats membres financent chacun une part du budget, la Suisse finance 3 % du total. De plus, une part de 25 millions a été acceptée dans le cadre du LHC, ¾ Confédération, ¼ Genève, c'est le crédit de 6.250.000 F que nous avons voté en 1998.
(LHC = Large Hadron Collider, un immense anneau souterrain dans lequel les particules lourdes sont accélérées et ensuite se cognent les unes contre les autres, produisant des gerbes d'étincelles diverses)
Pour ATLAS, une centaine d'institutions universitaires du monde entier vont participer ; la part suisse sera de 18 millions dont une part genevoise de 10 millions. Comme l'Uni a déjà financé 1,2 millions de sa poche, parce que les travaux devaient impérativement commencer, il reste 8,8 millions à investir pour le canton de Genève, c'est le crédit que nous devons voter aujourd'hui.
Pour l'économie genevoise, il semble que certains travaux puissent être entrepris sans appel d'offres international, notamment des travaux de tuyauterie souterraine, de refroidissement et de génie civil. Une liste de ces travaux confiés à l'économie locale est distribuée à la commission.
Deux courts débats ont lieu à la suite de cette présentation de M. Bourquin.
Le premier débat traite des questions de MM. Lescaze, Hiler, Hausser et Ducrest ; il concerne la transparence des comptes et budgets de l'Uni, non seulement de l'enveloppe des 240 millions de subvention mais tout le budget.
La Commission des finances se plaint depuis longtemps de ce manque de transparence, elle espère que M. Bourquin fera une politique plus ouverte à ce sujet que son prédécesseur. Les crédits d'investissement tel celui pour ATLAS devraient s'intégrer dans un tout, et ce tout cohérent devrait faire l'objet d'un contrat de prestations afin que le Parlement puisse connaître et contrôler la politique de l'université, en connaissance de cause et dans le plein respect des prérogatives et délimitations de chacun : liberté académique versus contrôle politique du subventionneur. Cette question devra être reprise ; la commission de l'Uni y travaille depuis une année et le manque de progrès assez rapides sur cette question est la raison essentielle de l'abstention de M. Hiler : les options stratégiques de l'Uni échappent à tout contrôle politique. M. Brunier s'abstiendra pour la même raison.
Le 2e débat soulevé par la présentation de M. Bourquin a trait aux questions éthiques. En fait, deux questions ont été abordées qui devraient faire l'objet d'un large débat organisé par l'Uni avec le CERN et des antinucléaires : quelle commission externe de surveillance de la radioactivité au CERN, quelle manière de débattre de la question « Où va la science ? " M. Bourquin se dit ouvert à l'organisation de tels débats, il considère que ce travail fait partie de la mission de l'université. En ce qui concerne la surveillance de la radioactivité, il a repris le poste de M. Donath, qui représentait la Confédération et va s'appliquer à trouver des formules innovantes et participatives. Dont acte.
Au moment du vote final, la commission accepte le projet à l'unanimité, à l'exception des deux abstentions mentionnées ci-dessus (MM. Hiler et Brunier), abstentions motivées par le problème du contrôle politique sur les options stratégiques de l'Uni.
Juste avant le vote final, M. Clerc fait passer un amendement, un article 7 nouveau, qui prévoit « qu'à l'échéance de la période de subventionnement, le Conseil d'Etat communique au Grand Conseil un rapport relatif à l'apport scientifique aux universités de Genève et à l'impact sur l'économie genevoise » (M. Clerc doute en effet que les travaux seront vraiment confiés à des entreprises locales).
Cet amendement est accepté à l'unanimité.
La Commission des finances vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter ce projet de loi.
Premier débat
Le président. Le rapporteur, M. Nissim, n'est pas là. Je ne sais pas s'il reste encore des Verts dans la salle... (Commentaires.) A la buvette, il y a plus de «verres» que dans cette salle, en tout cas !
Bien, Mme Briol remplace le rapporteur. La parole est-elle demandée, avez-vous des questions à poser au rapporteur ? Non ! Nous passons donc au vote.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8117)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
Un crédit global fixe de 8 800 000 F est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale d'investissement pour les travaux de génie civil ainsi que des acquisitions relatives au projet ATLAS.
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit sera réparti en six tranches annuelles inscrites au budget d'investissement de 2000 à 2005 sous la rubrique 35.00.00.553.02
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "nets-nets" fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 But
Cette subvention doit permettre d'effectuer des travaux de génie civil ainsi que d'acquérir différents équipements relatifs à la réalisation du projet ATLAS réalisé sur le futur collisionneur LHC.
Art. 6 Durée
Cette subvention prendra fin à l'échéance de l'exercice comptable de 2005.
Art. 7 Contrôle
A l'échéance de la période de subventionnement, le Conseil d'Etat communique au Grand Conseil un rapport relatif à l'apport scientifique aux universités de Genève et à l'impact sur l'économie genevoise.
Art. 8 Aliénation du bien
En cas d'aliénation du bien avant l'amortissement complet de celui-ci, le montant correspondant à la valeur résiduelle non encore amortie est à rétrocéder à l'Etat.
Art. 9 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.