République et canton de Genève

Grand Conseil

R 418
14. Proposition de résolution de Mme et MM. John Dupraz, Jean-Marc Odier, Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Marie-Françoise de Tassigny, Daniel Ducommun, Pierre Froidevaux, Bernard Lescaze, Jean-Louis Mory, Louis Serex, Charles Seydoux, Walter Spinucci et Pierre-Pascal Visseur demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de la Poste. ( )R418

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

les nombreux débats suscités à la suite de l'annonce de la fermeture de l'office postal du Beulet ;

l'inquiétude de la population face au projet Optima de la Poste ;

l'absence d'information des collaborateurs, des usagers, des communes et de l'Etat ;

la nécessité de maintenir le service public de la Poste sur tout le territoire du canton ;

invite le Conseil d'Etat

à mettre sur pied, sous l'autorité du Conseil d'Etat, une table ronde réunissant le canton, les communes, la Poste et les usagers pour assurer le maintien du service public postal en milieu urbain et rural à Genève.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lundi 14 février, un grand quotidien annonçait la fermeture probable de nombreux offices postaux dans le canton de Genève, aussi bien dans les villages de campagne qu'en Ville de Genève. Aujourd'hui, le projet de restructuration de la Poste n'est connu ni des usagers, ni des collaborateurs, ni des autorités politiques de ce canton.

Une grande inquiétude règne dans le personnel des postes ainsi que dans la population face à ce projet dont on ne connaît que ce que la presse en a relaté dernièrement.

Force est de constater qu'après les différents changements de directeurs à la tête de la Poste et les différents projets de restructuration, cette régie publique est tout sauf une maison de verre. Il est grand temps que le dialogue s'instaure entre les partenaires, qu'ils soient employés, usagers ou responsables politiques, afin de trouver des solutions adéquates pour le maintien du service public postal.

La situation est d'autant plus pénible que, d'une part des hausses de tarif sont annoncées et que, d'autre part, en même temps, des diminutions de prestations sont prévues, notamment par la fermeture d'offices postaux.

Cette situation est inadmissible et n'est plus acceptable. Il est temps que les responsables politiques du canton prennent en main la situation. Le dialogue est indispensable entre tous les intéressés afin de trouver des solutions garantissant le maintien du service public postal.

Le projet de loi 8189 prévoit des mesures drastiques et rigides figeant pratiquement la situation. Ce projet va trop loin et c'est pourquoi le groupe radical propose, à travers cette résolution, une solution négociée, pratique, souple et flexible, afin de permettre à la fois la réforme de la Poste et le maintien du service public.

Il est bien difficile aujourd'hui de faire des propositions concrètes, car les objectifs poursuivis par la Poste relèvent aujourd'hui de la grande nébuleuse. C'est pourquoi, nous estimons indispensable de nouer ce dialogue avec tous les intéressés. C'est la seule voie pour trouver la solution à ce problème épineux, préoccupant l'ensemble de la population.

Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un accueil favorable à notre résolution.

Débat

M. John Dupraz (R). Je serai très bref, car j'estime que l'affaire a été traitée avec le projet de loi. Je demande donc simplement que cette résolution soit renvoyée à la même commission, afin qu'il en sorte le meilleur résultat possible pour les intérêts des administrés de ce canton.

Le président. Merci de votre pragmatisme, Monsieur Dupraz ! Madame, Sormanni, vous avez la parole.

Mme Myriam Sormanni (S). Je voudrais simplement intervenir, Monsieur Blanc, car vous faites le distinguo entre les citoyens et les politiques. Alors, je vous rappelle que si nous sommes ici c'est bien parce que des citoyens nous ont élus...

M. Claude Blanc. Ils s'en mordent les doigts !

Mme Myriam Sormanni-Lonfat. Je vous prie de rester poli !

La proposition demande d'intégrer les habitants des quartiers dans les discussions, et je pense que c'est tout à fait justifié. Le mouvement tel que celui de Saint-Jean a sa place, et même une place primordiale.

C'est tout ce que je voulais vous dire. 

M. Pierre Vanek (AdG). Je ne voudrais pas trop prolonger ce débat, mais puisque ces deux objets figurent sous deux points différents de l'ordre du jour, je me permets d'intervenir une deuxième fois.

On a dit de façon un peu excessive que la commission consultative que nous proposions relevait des méthodes des «démocraties populaires»... Que c'était le gouvernement de la rue... Que c'était le régime des soviets... Tout ça c'est de la rigolade, bien évidemment ! (Exclamations.)

Certes, cette commission vise à tenir compte de l'opinion des citoyens et à traiter le problème de la Poste à Genève dans sa globalité, ce qui correspond à ce que nous avons voté tous ensemble - moins les absents libéraux, bien sûr - lors de la séance du 14 janvier. Dans une des invites de la motion que nous avons adressée au Conseil d'Etat - dont nous attendons la réponse - nous disions qu'il y avait lieu de demander à la Poste de saisir les autorités cantonales et municipales d'un projet de conception globale en ce qui concerne la desserte du territoire cantonal en matière postale.

Les interventions de tout à l'heure ont une logique fondamentale consistant à attendre que la Poste présente son projet et que nous discutions ensuite, quartier par quartier, village par village - comme M. Dupraz, l'a évoqué - pour : «arranger les bidons» comme on peut... Or, nous sommes en présence, dans la logique mise en oeuvre, d'un plan dont les orientations sont très fermes, même si les détails sont flous et si le brouillard est répandu sur le projet Optima - d'ailleurs, en réalité, ce n'est pas un plan mais une direction. Et ces orientations conduisent à une dégradation radicale du service public...

Alors, il ne s'agit pas de se retrouver entre gens de bonne compagnie - certains le sont moins que d'autres - quartier par quartier ou commune par commune, mais bien de poser le problème réel. Nous sommes effectivement des élus du canton de Genève, au parlement, et nous devons nous demander ce que nous pouvons faire à l'échelle de ce canton pour avoir une vision globale, en partant des besoins des habitant-e-s, des besoins des utilisateurs de la Poste, des besoins de l'économie genevoise et de ce que nous voulons comme service public postal.

Il n'est bien entendu pas question d'en réinventer tous les rouages, Monsieur Lamprecht ! Il est question de présenter une demande globale en la matière. Il ne s'agit pas non plus de cumuler les observations de chaque quartier. Nous aurions pu proposer - cela aurait été une démarche rigide et détestable, comme on nous l'a prêtée à tort de l'autre côté de la salle - pour la conception cantonale de la Poste à Genève, de mettre tel niveau de desserte pour tel nombre d'habitants. Eh bien, non, nous avons dit qu'il fallait d'abord essayer de dresser un inventaire ! En avons-nous un aujourd'hui ?

Le président. Monsieur Vanek, excusez-moi, mais nous devons parler de la résolution 418. J'ai peur qu'il y ait confusion ! Votre projet de loi a déjà été renvoyé en commission !

M. Pierre Vanek. Je sais, Monsieur le président ! Mais notre ami John Dupraz a présenté la résolution du groupe radical comme étant un contreprojet à ce projet de loi. Et quand on parle d'un contreprojet, les objets sont liés ! Ce n'est qu'un seul débat ! (L'orateur est interpellé.) Si vous me permettez de poursuivre, cela ira plus vite...

Une voix. J'aimerais aller me coucher !

M. Pierre Vanek. Moi aussi, j'aimerais aller me coucher, mais j'aimerais d'abord terminer le débat sur ce point !

Nous sommes en présence de deux logiques : l'une que M. Lamprecht a assez honnêtement annoncée qui consiste à attendre que la Poste présente son projet et discuter ensuite avec elle et l'autre qui est, pour employer un terme que je n'aime pas, car c'est un anglicisme à la mode, «proactive», c'est-à-dire qui prend en main le problème, qui s'est réellement posé de manière aiguë à Genève, pour essayer d'alimenter cette négociation future avec la Poste avec un certain nombre de points de vue alimentés par l'avis des habitants, par l'avis des organisations syndicales, par l'avis d'un certain nombre d'autres milieux économiques. Cette deuxième démarche est parfaitement conforme à l'esprit de nos institutions.

Alors, j'accepte volontiers de renvoyer cette résolution en commission, puisqu'il s'agit d'un projet et de son contreprojet, mais je tiens à dire qu'à mes yeux il y a lieu de prendre un certain nombre d'initiatives et non d'attendre. Mme Sormanni a dit dans son intervention que l'on pouvait espérer des choses positives en raison de la présence de M. Gigy... Non, je ne le crois pas ! J'ai regardé un peu le pedigree de ce monsieur... Eh bien, il est entre autres l'auteur des «lignes directrices» du Département des finances fédérales. Tout un chapitre est consacré aux privatisations et va tout à fait dans la logique existante du projet Optima...

En conclusion, M. Blanc - qui ne m'écoute pas, qui n'est plus là ou qui est parti - à tort, disait que tout cela serait réglé par les autorités fédérales et qu'en fin de compte c'est le Conseil fédéral qui dira à la Poste ce qu'elle doit faire... Eh bien non ! On le voit pour Swisscom et on l'a vu pour l'affaire de la Poste : le Conseil fédéral s'en lave les mains. Moritz Leuenberger a dit à plusieurs reprises à propos du cas de Saint-Jean qui nous a tant occupés que cela relevait du domaine opérationnel de la Poste et d'aucune manière de la compétence du Conseil fédéral.

Et il est vrai que nous sommes en train de faire un boulot qui ne devrait pas forcément être le nôtre, mais nous le faisons face à un vide, à un vide voulu pour permettre un processus qui va dans le sens d'une poste purement marchande et privatisée dans quatre, cinq ou dix ans... C'est contre cela qu'il faut résister ! Et c'est modestement dans cet esprit en prenant les intérêts de la population de ce canton à coeur que nous avons présenté ce projet de loi.

M. Albert Rodrik (S). Une table ronde et une commission consultative montrent bien par leur côté dérisoire l'énormité du problème auquel nous sommes confrontés quand il s'agit d'une dégradation aussi importante du service public.

Je ne sais pas quel travail vous ferez en commission de l'économie, mais au lieu de mettre sur pied une commission consultative ou une table ronde, il faudrait pouvoir obtenir de l'autorité fédérale une implication, dès l'origine, des autorités cantonales qui ne devraient plus se retrouver devant des faits accomplis et ingurgiter un projet Optima. Il faudrait obtenir le droit, pour les cantons, d'être prévenus quand de telles choses, aussi importantes pour la destinée de ce pays, se concoctent ; on ne devrait pas avoir à courir derrière pour éteindre des incendies. Si nous trouvions un tel moyen d'être associés au comportement des régies fédérales, peut-être ferons-nous oeuvre utile...

Pour ma part, je doute fortement qu'une régie fédérale vienne s'expliquer sur ses intentions réelles devant de telles enceintes. Par contre, renforcer la main du Conseil d'Etat, obtenir si possible dans les lois fédérales régissant ces régies le droit des cantons à être associés aux décisions et être prévenus à temps, mériterait peut-être de lancer une initiative cantonale, qu'il vaudrait la peine d'étudier. 

M. John Dupraz (R). Je suis très heureux d'apprendre que je suis votre ami, Monsieur Vanek, et je suis très honoré de l'estime que vous me portez... C'est réciproque, cher ami ! (Rires.)

Monsieur Rodrik, vous avez parlé de la loi fédérale sur la Poste, mais il faudrait d'abord savoir de quoi on parle ! Dans les buts et objets de cette loi, il est dit, à l'alinéa 2 : «La présente loi règle l'offre de prestations de l'entreprise de la poste suisse» ! Alors, je crains, Monsieur Vanek, avec votre commission, vous vous preniez pour le directeur de la Poste ! (Exclamations.) Mais c'est justement ce qui ne va pas, car la Poste a des objectifs !

La loi dit aussi que : «La Poste assure un service universel suffisant par la fourniture de prestations relevant des services postaux et des services de payement.» C'est sur ce point que nous devons agir pour que le service universel soit suffisant ! Et pour cela, nous avons besoin des gens concernés : l'autorité du Conseil d'Etat et les communes concernées ; pas des nabots de politiciens qui siègent dans ce Grand Conseil ! (Rires et exclamations.) 

Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission de l'économie. 

La séance est levée à 23 h 5.