République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 février 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 5e session - 9e séance
IU 812 et objet(s) lié(s)
Mme Martine Brunschwig Graf. Il est probable que le député Gilly n'a pas assisté à la séance du Club suisse de la presse où M. Ogi, comme tout président de la Confédération avant lui, a été accueilli récemment. L'objectif de cette séance est, d'une part, d'accueillir et de favoriser les échanges entre les journalistes étrangers de passage en Suisse ou accrédités auprès des organisations internationales et les journalistes suisses, et, d'autre part, de donner l'occasion aux personnalités suisses et internationales de la politique, de l'économie, des sciences et de la culture, de rencontrer les membres de la presse nationale et internationale.
C'est dans ce contexte que M. Adolf Ogi a été invité à s'exprimer sur le thème de la politique de sécurité de la Confédération, notamment en cette année 2000 où le rapport RAPOLSEC 2000 doit être soumis au vote des Chambres fédérales. Dans ce contexte toujours, M. Adolf Ogi - et le texte fait foi - a évoqué le rôle joué par Genève Carrefour de la paix, qui constitue une plate-forme de dialogue incomparable au service de la politique étrangère de la Suisse.
Il a également rappelé que la Confédération, notamment par le biais du budget de son département, a créé deux centres voués à la promotion de la paix, à savoir le Centre de politique de sécurité et le Centre de déminage humanitaire, qui constituent des outils privilégiés au service de la solidarité et de la sécurité dans le monde.
Il a, d'autre part, évoqué son intention d'implanter un troisième centre : le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, destiné à promouvoir le contrôle parlementaire sur les forces armées, dont le financement émargerait également, pour la Confédération, au budget du département de M. Ogi.
C'est à la suite de cet exposé et à l'heure des questions que M. Ogi a été interpellé par un journaliste, M. Antoine Menuisier du journal «Le Temps», afin de savoir quelle serait l'attitude de la Confédération et de son département en particulier, si l'initiative 109 était acceptée. Avant de répondre, M. Ogi a demandé à trois reprises au journaliste s'il souhaitait vraiment obtenir une réponse à cette question, du fait que nous entrions dans une problématique qui touchait le canton de Genève.
A l'insistance du journaliste, il a indiqué que la Confédération souhaitait vivement continuer dans la voie choisie jusqu'à ce jour. Il a réaffirmé que la Confédération entendait accroître la capacité de Genève en la matière. En réponse à une question encore plus insistante du journaliste, il a toutefois indiqué que l'acceptation de l'initiative pourrait amener la Confédération à se poser certaines questions, dont celle de savoir si les deux centres précités pourraient être maintenus à Genève et celle de savoir si le troisième centre pourrait voir le jour.
A titre d'exemple, j'aimerais signaler que le Centre de politique de sécurité accueille des diplomates, mais aussi des militaires, officiers d'armées étrangères et collaborateurs des ministères spécialisés. Pour leur part, des experts militaires collaborent aussi aux activités du Centre de déminage humanitaire, raison pour laquelle M. Ogi se pose cette question.
Devant d'autres questions des journalistes, M. Ogi n'a pas souhaité s'exprimer personnellement, par souci précisément de ne pas s'ingérer dans le débat politique. Et c'est parce que j'étais présente que j'ai pu répondre à M. Menuisier, s'agissant du contexte futur de la formation des soldats de la paix à Genève - bérets jaunes et bérets bleus - que cette formation serait remise en cause en cas d'acceptation de l'initiative, puisque les auteurs avaient déclaré qu'ils souhaitaient que la caserne des Vernets soit remplacée par un parc public ; il ne pourrait dès lors y avoir d'installations à disposition à Genève pour former les soldats de la paix, conformément aux intentions de la Confédération qui souhaite confier cette mission au canton de Genève.
Mesdames et Messieurs les députés, ayant été présente sur les lieux, je confirme que le déroulement du débat ainsi décrit est bien celui qu'ont pu vivre tous les participants. La façon dont il a pu être retranscrit relève de la responsabilité des auteurs, de la même façon que les titres des journaux sont choisis par les journalistes et non par les orateurs interpellés dans un débat.
Je peux dire aussi que la préoccupation de M. Ogi était double. Elle était à la fois d'affirmer l'attachement de la Confédération à Genève et de montrer sa ferme intention d'y renforcer la présence internationale, en proposant des débats, des discussions et des négociations sur la paix.
Mesdames et Messieurs les députés, je ferai une légère parenthèse pour vous dire que personne n'est choqué lorsque l'Union européenne, interrogée avant le vote sur les bilatérales, informe qu'elle n'a pas l'intention de reprendre des négociations d'ici longtemps avec la Suisse. Lorsqu'elle fait cela, elle ne s'ingère pas dans un débat : elle donne sa position par rapport à une situation et à un scrutin. C'est ce qu'a fait M. Ogi : il n'a commenté ni le texte, ni les intentions, ni d'autres éléments de cette initiative 109.
Le Conseil d'Etat ne peut donc pas considérer qu'il y a eu ingérence de la part de M. le conseiller fédéral Ogi dans un domaine où, par ailleurs - dois-je le rappeler - la responsabilité est à 99% fédérale et auquel, par conséquent, il n'est pas indifférent. D'ailleurs, le Tribunal fédéral lui-même a supprimé des paragraphes de l'initiative. C'est dire que cette dernière engage fortement notre responsabilité vis-à-vis de la Confédération.
Enfin, pour répondre aux préoccupations de M. Gilly sur la vision du Conseil d'Etat en matière de paix et de politique sociale, je rappelle que nous sommes très fortement engagés dans le suivi du Sommet social 2000 qui est un vivant symbole, comme d'autres actions, de ce qui peut être fait pour la paix à travers des mesures de stabilisation sociale.
J'ajoute encore que le Conseil d'Etat a été partie prenante dans la création du Centre de déminage humanitaire comme dans la création du Centre de politique de sécurité et qu'il espère bien, le cas échéant, être partie prenante dans la création du centre que voudrait implanter M. Ogi.
En conclusion, ne nous voilons pas la face, Mesdames et Messieurs les députés : il est clair que cette affaire comporte un volet politique. Le président de la Confédération a répondu dans sa sphère de compétence. Je réponds dans la mienne, mais je m'abstiendrai d'aller plus avant dans les commentaires, pour que vous n'ayez pas l'impression que je profite de cette situation pour développer une argumentation que, par ailleurs, je serais parfaitement capable de développer !
Ces interpellations urgentes sont closes.