République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 janvier 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 4e session - 4e séance
P 1259-A
En date du 24 juin 1999, les membres de « Weetamix » ont déposé au secrétariat du Grand Conseil une pétition portant 365 signatures.
Les membres de la Commission des pétitions ont examiné la pétition susmentionnée les 25 octobre et 8 novembre 1999, sous la remarquable présidence de M. Louis Serex ; les procès-verbaux ont été rédigés par Mme Pauline Schaeffer.
La teneur de la pétition est la suivante :
Pétition(1259)
concernant «Weetamix»" sur la diffusion et le développement de la culture «techno» dans notre canton
Mesdames etMessieurs les députés,
Weetamix est un collectif, à but non lucratif, oeuvrant en faveur de la culture «techno». Depuis 1994, Weetamix a organisé plus de 100 manifestations musicales dans différents lieux genevois, et s'est établi depuis 2 ans et demi dans un local situé sur la commune de Vernier.
Lors de ces différentes manifestations, Weetamix a par ailleurs accordé une attention particulière à la prévention contre le tabac, l'alcool et les drogues, ceci en étroite collaboration avec les institutions concernées.
En renonçant volontairement aux sponsors liés au commerce du tabac et de l'alcool, et sans subventions publiques, Weetamix ne peut plus assurer son fonctionnement.
Par cette pétition, nous demandons aux autorités de bien vouloir prendre en considération l'importance que représente Weetamix pour la diffusion et le développement de la culture «techno» dans notre canton et de lui apporter le soutien nécessaire à la poursuite de sa politique de prévention et de ses activités culturelles.
N.B. : 365 signatures
Weetamix, M. Dimitri Stransky Heilkron, case postale 6109, 1211 Genève 6
Travaux de la commission
Audition de M. Dimitri Stransky Heilkron, pétitionnaire
M. Dimitri Stransky Heilkron, fondateur de Weetamix, explique que cette association existe depuis 6 ans et qu'un nouveau comité sera formé dès la nouvelle année.
Dans le cadre de ses activités, Weetamix utilise une salle - la Halle W, située au 114, route de Vernier - d'une superficie de 350 m2, pour ses activités musicales toutes les semaines. Cette dernière est aussi à la disposition d'autres associations qui peuvent la louer.
Les activités de Weetamix ont pour but :
d'encourager, de développer et de promouvoir la musique électronique, Weetamix est le programmeur techno le plus en vue de la place ;
la création d'un label discographique ;
la mise en place d'un atelier de création musicale sur ordinateur et de cours de D.J. ;
d'organiser des manifestations publiques ;
la prévention contre le tabac, l'alcool et le sida (ex : distribution de flyers concernant les drogues douces durant les manifestations).
La difficulté principale que rencontre l'intervenant provient du fait que depuis deux ans et demi Weetamix doit faire face à des charges considérables, entre autres pour la location de l'espace nécessaire à son activité. Cette charge s'élève à 42 000 F annuels pour ce hangar loué à Swissair dont elle attend un bail en bonne et due forme. Par ailleurs, M. Laurent Moutinot a fait savoir à l'association qu'elle ne pouvait continuer à exercer ses activités dans la zone industrielle où elle a établi ses quartiers, en lui accordant toutefois une dérogation jusqu'à l'an 2000.
La salle de Weetamix est le seul lieu privé à Genève qui, avec l'Usine, pratique une politique de prévention face aux sponsors. Dans ce contexte, une collaboration régulière avec le CIPRET (prévention contre le tabagisme) et la FEGPA (prévention contre l'alcoolisme) est pratiquée par l'association.
Le choix de cette politique a bien évidemment des conséquences sur sa capacité à faire face aux charges qu'induisent ses activités.
Cette association, forte de 600 membres et dont le rôle social est indéniable, d'autant que cette salle se trouve à la croisée de quartiers tels que les Avanchets, Meyrin et la Servette, doit faire face à une situation financière précaire en raison de son choix : privilégier la prévention, contrairement à ce qui se pratique normalement dans les salles de spectacles dans le canton.
Il suffirait, selon les pétitionnaires, de 50 000 F pour qu'ils puissent mener à bien leur projet et boucler les comptes de 1999.
Discussion et votes de la commission
Plusieurs député-e-s sont d'avis que Weetamix mène un combat intéressant et fait des efforts pour s'en sortir. Cette association pratique une politique de prévention dans ses soirées, avec notamment le Groupe Sida Genève. Elle se donne de la peine pour que ses soirées se déroulent dans un cadre le plus favorable qui soit à la santé des jeunes.
A ce stade, il s'agit de donner un coup de pouce à Weetamix en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat.
Naturellement, si Weetamix souhaite obtenir une subvention, il est clair qu'elle pourrait le faire par les canaux officiels.
Quelques députés pensent néanmoins qu'il s'agit d'une demande de subvention et qu'il conviendrait dès lors que les pétitionnaires se conforment aux règles des demandes de subventions culturelles, la Commission des pétitions n'ayant pas ces compétences.
La bonne volonté des pétitionnaires retient l'attention de bon nombre de commissaires qui estiment que la « culture techno » joue un rôle important dans le paysage actuel des jeunes, raison pour laquelle ils estiment que donner un coup de main à cette association serait un élément positif.
La proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat est acceptée par :
6 oui (1 AdG, 2 DC, 2S, 1 Ve)
contre 3 non (2 R, 1 L)
avec 1 abstention (1Ve)
Ainsi nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de suivre l'avis de la majorité de la commission.
Débat
Mme Danielle Oppliger (AdG), rapporteuse. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Odier (R). Je voulais revenir sur cette pétition pour exprimer encore mon étonnement sur cette proposition de renvoi au Conseil d'Etat. Non pas que Weetamix ne soit pas une activité intéressante, je pense au contraire qu'elle présente plusieurs aspects positifs, notamment, pour une salle de spectacle comme celle-ci, son emplacement et la localisation aux abords directs de l'aéroport. Je pense que cette situation est idéale par rapport aux nuisances que cette activité peut créer au centre-ville. On voit qu'un établissement similaire comme celui de l'Usine qui propose, dans un autre style, un même genre d'activité, engendre un certain nombre de plaintes du voisinage. Du point de vue logique, il semblerait plus adapté d'implanter les lieux de vie nocturne créant des nuisances aux abords directs de l'aéroport, par exemple, ou dans une autre zone, et de créer des transports publics nocturnes, comme il en existe dans le canton, par exemple les Noctambus. Dans le cas précis, ils ont sauf erreur été proposés, mais ils n'ont pas été acceptés, soit par le département, soit par la commune. Je pense donc qu'il serait plus logique d'implanter ces activités en dehors de la ville.
La prévention santé consistant à ne pas recourir au financement provenant du sponsoring des producteurs de tabac et d'alcool est une bonne chose. C'est louable, mais je pense que cela ne doit pas être un prétexte pour ne pas rechercher un équilibre financier dans l'organisation de manifestations. Si on les compare à d'autres associations, notamment des clubs sportifs, qui proposent aussi des activités que l'on pourrait qualifier de prévention santé, on constate que ces associations travaillent sans sponsoring et sans subvention.
Lorsqu'on parle dans le rapport de 600 membres, j'aimerais préciser, parce que cela peut prêter à confusion, que ces membres ne collaborent pas à l'organisation de ces manifestations, puisque être membre de Weetamix signifie payer une cotisation de 50 F, ce qui permet d'obtenir une réduction sur les entrées des spectacles. Le membre paye 10 F, alors que les autres payent 25 F. Mais les 600 membres ne collaborent pas, puisque le pétitionnaire est absolument seul à travailler dans l'organisation de ce spectacle. Il me semble que pour ce genre de manifestation et ce genre d'organisations et vu l'ampleur qu'elles revêtent, la structure ne soit pas du tout suffisante. Octroyer des subventions à une personne me semble quelque chose - excusez-moi du terme, car je n'en trouve pas d'autre - d'un peu léger. C'est pourquoi je ne peux pas souscrire à cette proposition de renvoi au Conseil d'Etat et je proposerai un dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). C'est l'intervention de M. Odier qui m'incite à prendre la parole, parce que j'ai suivi depuis ses débuts l'aventure de Weetamix. J'aimerais répondre point par point. D'abord en termes d'aménagement. J'ai participé aux efforts de Weetamix pour trouver une salle pour la production de ses concerts. Croyez-moi, c'est une chose extraordinairement difficile ! Finalement, après avoir fait le tour des possibilités publiques, ils ont trouvé eux-mêmes la solution qui est aujourd'hui la leur, à titre précaire, sur la commune de Vernier. Il a fallu faire obstacle aux plaintes des voisins. Nous sommes intervenus pour que la commune de Vernier traite avec indulgence ces plaintes et accepte la présence de ce groupe. Nous avons reçu pour ce faire la collaboration de la police cantonale basée à Vernier qui a été appelée à intervenir un certain nombre de fois et qui a accordé un soutien aux organisateurs de ces spectacles. Les choses ont pu se régler de cette manière. S'il était facile de trouver, comme vous le souhaitez, dans un aménagement qui serait entièrement planifié, des lieux parfaitement adaptés pour ce genre de spectacles, déjà construits, équipés, aux abords d'un tramway ou sous le bruit de l'aéroport, vous avez raison, ce serait l'idéal ! On ne l'a pas trouvé et, croyez-moi, on a cherché ! Il y a d'ailleurs une quantité d'associations culturelles qui cherchent en permanence des locaux pour leurs activités à Genève. C'est un problème qui est lié non seulement au prix des loyers, comme à Sécheron, mais également à la carence du type d'équipement que requièrent une musique et des spectacles bruyants.
J'aimerais souligner à cet égard l'effort que fait la commune de Vernier en accueillant favorablement cette installation sur son territoire, je le répète, à titre précaire.
La relation culture - sport en terme de financement : il n'y a aucun jeune organisateur de spectacles qui puisse tourner avec le marché de la billetterie ou avec les cotisations de ses membres. La plupart du temps, il faut une subvention. Weetamix a fait ses preuves au cours de ses huit ans d'existence. C'est en effet une association gérée par Dimitri. Un seul homme, mais c'est l'homme de la situation, Weetamix est sa passion. Il était accompagné au début d'un certain nombre de camarades. C'étaient tous des chômeurs, c'étaient tous des RMCAStes. Ils ont réussi à s'en sortir grâce à cette activité. Je vous assure que cela mérite un soutien. Il serait possible de leur suggérer - s'ils étaient en mesure de recevoir une subvention de la part du département de l'instruction publique ou directement du département des finances, ou d'être éventuellement mis au bénéfice d'un contrat de confiance - il serait possible de leur suggérer d'améliorer la structure de leur association, en veillant par exemple à ce que des assemblées générales soient tenues, etc. C'est une suggestion que l'on peut leur apporter. Il y faudrait un petit appui logistique, parce que ce sont d'une certaine manière des anarchistes en ce qui concerne leur rapport aux institutions. Mais je vous assure qu'ils sont extrêmement déterminés et fidèles à leur trajectoire.
Enfin, sur la question de membership, je constate qu'il y a beaucoup d'associations qui fonctionnent sur le modèle de la cotisation qui donne accès à des spectacles. Je pense par exemple, pour prendre l'autre extrémité de l'éventail musical de Genève, aux Amis de l'Orchestre de la Suisse romande. La cotisation donne en effet la possibilité d'avoir accès à des spectacles à prix réduit. Les assemblées générales n'y sont que très formelles et très peu de gens y participent. La question du membership n'est donc pas un obstacle en soi.
Je voudrais donc encourager ce Grand Conseil à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Pierre Marti (PDC). Je ne mettrai pas du tout en doute les buts et les activités de Weetamix, bien au contraire. Je pense qu'elle fait un excellent travail. Je souhaite simplement insister sur le fait que les lieux dans lesquels elle se trouve actuellement sont des lieux qui n'offrent pas suffisamment de sécurité pour les gens qui y viennent. Il y a une très petite porte d'entrée. Et si nous arrivions une fois ou l'autre à un accident extrêmement important... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Il se pourrait qu'il y arrive un accident extrêmement important et que la sécurité des lieux, que je connais très bien puisqu'ils sont situés juste derrière mon entreprise, aggrave la situation.
Je pense dès lors que si nous renvoyons ce rapport de la commission des pétitions au Conseil d'Etat, il y a lieu d'insister auprès de ce dernier pour que des travaux, même temporaires, soient entrepris sur le plan de la sécurité. Il serait regrettable qu'un certain nombre de jeunes trouvent malheureusement une fin tragique dans ces locaux.
M. Laurent Moutinot. J'interviens juste sur un point, c'est la question posée par M. Marti. Lorsque j'avais autorisé à titre provisoire Weetamix à s'installer à cet endroit, puisqu'on est en zone industrielle et que la zone industrielle n'est normalement pas dévolue à de telles activités, il y avait une condition sur la sécurité et je crois me souvenir qu'elle a été exécutée. Je m'inquiète que vous disiez qu'elle ne l'est pas. Je ne souhaite pas qu'il y ait de fausses informations sur la situation de la sécurité. En toute hypothèse, c'était une condition que j'avais posée. Je vérifierai donc si elle a été respectée. Mais il n'est évidemment pas question de faire courir des risques à qui que ce soit sur ce site.
Pour le surplus, en ce qui concerne le fond même de la pétition, il convient de voir quelle est la forme adéquate qui puisse permettre un soutien entre les différentes sources de financement qui peuvent se montrer actives en la matière, avec également les garanties que l'association en soit une et que ce ne soit pas simplement une entreprise subventionnée. Cela dit, il y a peut-être aussi une manière pour votre Grand Conseil de soutenir Weetamix sans en devenir membre, c'est d'aller à l'un ou l'autre des spectacles. Vous payerez le prix plein et vous verrez que c'est un lieu extrêmement sympathique !
Le président. Mesdames, Messieurs, deux propositions nous sont faites, renvoi au Conseil d'Etat ou dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Le président. Mesdames, Messieurs, nous avons épuré les anciens objets de notre du jour. Vous méritez une bonne pause ! Nous reprenons nos travaux à 17 h.
La séance est levée à 16 h 40.