République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 janvier 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 4e session - 4e séance
M 1314
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
l'importance des apprentissages pour ce groupe d'âge (3 ans) dans un environnement spécifique et différent de celui de la famille ;
l'application de la convention des droits des enfants stipulant le droit pour tous de bénéficier d'un environnement favorisant l'épanouissement de sa personnalité, de ses dons et de ses aptitudes ;
l'apport bénéfique de la vie en collectivité pour le jeune enfant ;
la contribution de cet accueil permettant une véritable possibilité de concilier vie familiale et professionnelle ;
invite le Conseil d'Etat
à considérer l'éducation des enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant ;
à prendre toutes les mesures nécessaires en matière financière en collaboration avec les communes ou autres structures afin d'assurer ce droit à tous les enfants de 3 à 4 ans ;
à étudier les modes d'accueil propres à cette tranche d'âge, ceci en lien avec celle de la 1re enfantine.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule
Nous proposons, après avoir étudié la motion nationale déposée dans tous les cantons promouvant les structures de garde des enfants durant la journée à titre de soutien à la famille aux degrés préscolaires I et II, selon le modèle scolaire tessinois, une alternative genevoise.
A Genève, la prise en charge préscolaire à l'extérieur de la famille est possible dès la première enfantine, dans le cadre du Département de l'instruction publique ; l'enfant est alors âgé de 4 ans. Cette mesure a fait de notre canton un précurseur en la matière à l'instar d'un pédagogue comme Piaget. Actuellement, plus de 90% de la population enfantine de cet âge bénéficient de l'école élémentaire.
Dans notre canton majoritairement urbain, les familles sont de plus en plus monoparentales ou recomposées. Par ailleurs, elles ne bénéficient plus aujourd'hui de l'entourage familial dont le rôle, autrefois, était de veiller sur les jeunes enfants pendant les absences professionnelles des parents. Or, environ 70% des femmes à Genève occupent une activité professionnelle ou suivent une formation, à temps complet ou partiel. Cette réalité occasionne une forte et constante pression sur les structures d'accueil qui ne peuvent plus faire face à la demande.
De plus, la situation économique et l'organisation du temps de travail obligent les familles à mettre en place des solutions « de relais » pour la garde à temps partiel des enfants. Actuellement, on relève que le secteur de la petite enfance et les modes de gardes complémentaires sont insuffisants. Cet état de fait occasionne beaucoup de situations difficiles pour les familles genevoises.
Par ailleurs, les situations d'urgence sont de plus en plus fréquentes et prétéritent les enfants des familles défavorisés.
Le but de cette démarche ne relève ni du désir de scolariser les enfants avant l'heure dans le faux espoir de fabriquer de petits génies, ni de se substituer à l'apport fondamental de l'éducation familiale.
Non, il s'agit de permettre avant tout à l'enfant de construire son rapport aux autres, de développer des actions autonomes dans un environnement pensé qui respecte ses besoins et ainsi de contribuer à l'épanouissement de ses compétences.
Le fondement de l'éducation du jeune enfant en institution de la petite enfance se situe donc dans une dynamique cherchant à valoriser les potentiels de chacun grâce à des actions éducatives et préventives ciblées. En favorisant l'accès à l'environnement stimulant d'une structure petite enfance, nous pensons ainsi contribuer à aider l'enfant dans l'élaboration de ses apprentissages futurs.
Les dernières recherches montrent que l'accueil du jeune enfant en institution de la petite enfance est très bénéfique pour son développement global et contribue à la construction de ses compétences. De plus, cette préscolarisation facilite un dépistage précoce de difficultés variées permettant ainsi une prise en charge éducative plus économique pour la société à moyen et long terme. Cet accueil permet aussi, dans une certaine mesure, un accompagnement des familles dans leur parentalité (organisation, conseils et écoute).
La permanence du lieu et l'encadrement du personnel éducatif apportent une stabilité affective à l'enfant nécessaire à son développement.
Cette proposition de motion repose sur des offres existantes proposées par des collectivités publiques ou autres, mais a pour objectif supplémentaire de renforcer son accessibilité. De plus, elle a pour mission de soutenir les communes dans leur mandat d'application de l'ordonnance fédérale de 1977 et sur la loi genevoise sur le placement des mineurs hors du milieu familial du 27 janvier 1989 (J 6 25)
Cette motion permettra une organisation plus cohérente de la prise en charge du jeune enfant à Genève, harmonisant les pratiques entre les communes dans une vision cantonale.
En espérant que vous ferez bon accueil à cette motion qui détermine l'avenir de notre société, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de la renvoyer à la Commission de l'enseignement.
Débat
Le président. La parole est à Mme Alder.
Mme Esther Alder (Ve). Monsieur le président, je crois qu'il serait plus sage que Mme de Tassigny présente sa motion.
Le président. Il est vrai que les auteurs ont la priorité, mais il faut quand même qu'ils lèvent la main !
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion a pour objectif de faire avancer la cause des enfants et de leur famille. En effet, il est, je pense, inutile de vous convaincre à l'aube de ce siècle que l'harmonisation du temps de travail et de la vie familiale doit se réaliser. C'est un objectif incontournable. Mais comment ?
La pénurie des lieux d'accueil, le pourcentage de 75% de femmes qui travaillent à Genève, les jongleries des parents entre leurs activités et les enfants, les problèmes économiques sont une réalité quotidienne de nos familles genevoises. Mais je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières. Loin de moi de penser qu'il n'existe qu'une solution, qu'une solution pour résoudre ce problème majeur. Je suis spécialement bien placée pour prôner une véritable politique familiale, avec des mesures actives et diverses pour permettre à l'enfant de bénéficier de la présence de ses parents le plus longtemps possible, permettre un véritable choix aux familles. Les mesures de politique de ressources humaines de certaines entreprises ou PME peuvent aussi contribuer à solutionner cet état de fait. Mais on ne peut pas ignorer que les modes de garde sont l'un des axes principaux de l'accessibilité au travail pour les femmes.
On se trouve devant trois postulats pour la politique de la petite enfance. Premier postulat : la discrimination positive. Faire en sorte que les modes de garde ne soient destinés qu'à une classe, par exemple les familles monoparentales. Le sont-elles vraiment pour la majorité ou la classe ouvrière ? C'est un postulat du siècle dernier. Le deuxième postulat : l'individualisation. Chaque famille consommatrice bénéficie de services de garde diversifiés, mais payent le véritable prix. L'on constatera immédiatement une inégalité de chance et une non-application du droit des enfants. Le troisième postulat, c'est l'universalisation. Portée par cette motion, c'est la reconnaissance d'une valeur socio-éducative de la préscolarité dans les institutions de la petite enfance. C'est aussi admettre que la petite enfance joue un rôle de prévention, apporte une stabilité et un soutien aux familles.
La motion, reprenant le troisième postulat, suggère à l'instar de l'action 2000 de l'ARGEF, comprenant un grand nombre de femmes parlementaires suisses, de soutenir la garde des enfants à titre de soutien à la famille. A Genève, cette motion propose donc pour assurer ce dispositif que l'Etat soutienne les communes dans leur création d'accueil pour les enfants de trois ans, permettant un véritable droit pour tous les enfants du canton et un véritable choix pour leurs parents. Cette action politique serait un grand pas en avant pour la famille et les enfants. Le groupe radical vous propose de la renvoyer à la commission sociale pour traiter cette ambitieuse démarche et le traiter avec le rapport sur la famille.
Mme Nelly Guichard (PDC). Comment se fait-il qu'une députée démocrate-chrétienne ait l'idée saugrenue, voire tout à fait incongrue, de signer une motion qui demande que l'on se penche très sérieusement sur la problématique de l'accueil généralisé des enfants de 3 à 4 ans ? Rassurez-vous, cette motion, je ne l'ai pas signée sans la lire ou pour faire plaisir à quelques collègues ! Il me paraît primordial que notre parti ne soit pas absent du débat. Je l'ai signée par conviction. Conviction profonde qu'aujourd'hui les jeunes femmes ne peuvent plus interrompre une carrière professionnelle durant une dizaine d'années pour s'occuper des enfants. D'une part, parce qu'un seul salaire ne suffit souvent pas pour faire vivre une famille et surtout parce que quitter une profession ne signifie pas uniquement perdre son poste, sa position dans une entreprise, mais c'est aussi perdre ses qualifications. Or, aujourd'hui, on est très vite déqualifié, même après un apprentissage, mais plus encore après des études, souvent longues, très longues même et qui ont coûté fort cher à la collectivité. Souvent aussi, il n'a pas été facile pour ces jeunes femmes de trouver un emploi fixe sur le long terme.
C'est parce que je crois profondément à l'importance de la famille, à son rôle social primordial, que j'estime qu'il faut aujourd'hui des mesures d'accompagnement dignes de ce nom. Pour mon groupe comme pour moi, la famille reste l'axe sur lequel repose la société, la solidarité entre ses membres me tient particulièrement à coeur, mais elle ne peut pas forcément tout faire. Pour des raisons sociologiques peut-être, mais très souvent aussi pour des raisons géographiques, la famille étant très souvent dispersée. Un travail en commission, de longue haleine peut-être, nous permettra de nous rendre compte des solutions qui sont à disposition des familles, de celles qu'il conviendrait de mettre en place et de leur coût pour la collectivité, des avantages et des inconvénients que chacune d'entre elles représente. Le groupe démocrate-chrétien vous propose le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts sont quelque peu mitigés devant la motion qui nous est soumise. D'une manière générale, nous pensons qu'il conviendrait avant tout de répondre aux besoins de tous les enfants en âge préscolaire. Et par conséquent que le nombre de places en crèche soit suffisant, quel que soit l'âge des enfants. Ce que nous ne voulons par contre pas, c'est d'une école maternelle à la française pour les 3 - 4 ans et c'est implicitement vers ce à quoi tend cette motion. Par ailleurs, la prise en charge des enfants en âge préscolaire est une compétence communale. En abaissant l'âge de scolarisation, il faut être conscient que c'est indirectement un transfert de charges au canton. Si nous sommes convaincus de l'importance des apprentissages, il est exagéré de penser et même choquant de dire que ceux-ci doivent se faire en dehors de la famille et a fortiori dans les crèches et nous nous demandons sur quelle pédagogie reposent de telles affirmations.
Pour terminer, nous sommes pour le renvoi de cette motion en commission sociale, afin qu'elle puisse être traitée avec le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de la famille, car cette motion s'inscrit de toute évidence dans un ensemble de mesures à prendre en faveur d'une réelle politique familiale.
Mme Jeannine de Haller (AdG). L'Alliance de gauche partage un peu les préoccupations des Verts dans le sens qu'il y a effectivement un manque de structures pour la petite enfance dans le canton de Genève. Mais par ailleurs, nous pensons qu'il est déjà intéressant de faire un premier pas en demandant au canton de participer et d'unifier un peu les modes de garde des enfants de 3 à 4 ans. Nous avons une préoccupation par rapport à la troisième invite. Actuellement, le taux d'encadrement des enfants de 3 - 4 ans est d'un adulte pour 10 enfants. Si l'on se réfère à la troisième invite, qui précise « en lien avec la 1ère enfantine », où nous savons que certaines classes ont 26 enfants pour 1 adulte, nous aimerions quand même garder le taux d'encadrement actuel qui apparaît vraiment important. Par ailleurs, nous soutenons évidemment le renvoi en commission sociale.
Mme Janine Hagmann (L). A la lecture de cette motion, je me suis dit : « Voilà, une fois de plus, on va arroser à la place de répondre aux besoins. » Et puis, j'ai poursuivi ma réflexion encore plus loin et je me suis demandé jusqu'où cette motion voulait aller. Est-ce que vous allez demander maintenant des crèches obligatoires pour tous les nouveau-nés ? Plaisanterie finie, je ne peux vraiment pas accepter la phrase - écoutez-la réellement, Mesdames et Messieurs ! - qui invite le Conseil d'Etat « à considérer l'éducation des enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant. » Cela signifie-t-il que le processus éducatif ne peut se faire que dans une institution ? Quelle horreur ! N'oublions pas que la famille n'a pas encore disparu. Je vais d'ailleurs vous citer l'introduction de M. Segond dans le rapport « Jalons pour une politique familiale à Genève » : « Malgré les changements de mode de vie, la famille n'a pas disparu. Même si elle est devenue plus instable et plus dynamique, la famille de la fin du XXe siècle reste un lieu naturel de rencontre, d'apprentissage, de dialogue et de transmission des valeurs. Pourtant, bien qu'elle soit à la base de la solidarité entre les générations et du contrat social, la famille a toujours été absente des débats politiques de notre canton. » Il faut pouvoir répondre aux besoins, je vous l'accorde. Qu'est-ce qui existe aujourd'hui ? Des crèches qui ne sont heureusement pas encore municipalisées et d'autres structures de garde dont je n'ai pas du tout entendu parler, telles les mamans de jour, qui offrent une alternative.
Le groupe libéral accepte d'envoyer cette motion en commission, de l'enseignement ou sociale. Peut-être qu'il serait préférable de l'envoyer en commission sociale, puisqu'elle étudie les problèmes de la famille. Il sera à ce propos intéressant de dresser un catalogue des demandes et des offres. Le groupe libéral se réserve évidemment la possibilité d'amender les invites de cette motion.
Mme Myriam Sormanni (S). Lors de la journée Famille et organisation des temps, le CES a organisé une demi-journée de réflexion sur le thème « Comment concilier vie professionnelle et vie familiale ». Il y a fort longtemps, à la crèche de la Jonction, les enfants de 4 ans bénéficiaient d'un enseignement scolaire dispensé par les jardinières d'enfants, les nurses et les éducatrices qui s'y trouvaient. Par la suite, cela n'a plus été fait. Ce qui est dommage, car les enfants ayant bénéficié de cet encadrement préscolaire entraient en 1ère enfantine mieux préparés que les petits n'ayant pas été en crèche.
Cette motion propose une collaboration en lien avec la première année d'école enfantine. L'avantage de cette proposition, c'est qu'elle permettrait de libérer des places de crèches, puisque les enfants iraient dans cette nouvelle structure, ce qui entraînerait une diminution du coût pour les parents dont les enfants iraient en crèche. Dans la « Tribune » de l'autre jour, nous avons pu lire que 3% des enfants de moins de 4 ans étaient laissés seuls à la maison pendant que leurs parents travaillaient. La solution proposée par la motion permettrait à ces familles, modestes notamment, d'éviter que des enfants soient ainsi livrés à eux-mêmes à un âge si bas et à un âge où l'on ne tient pas compte des accidents qui peuvent survenir. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande de faire bon accueil à cette motion.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je pensais que je m'exprimais d'habitude assez clairement, mais pas suffisamment il faut croire. Je voudrais d'abord dire à Mme Hagmann, si elle m'a écoutée, que j'ai été très claire par rapport à cet équilibre avec la famille. Il ne s'agit pas d'un seul choix, il existe des solutions diverses. Cela paraît extrêmement important. Je voulais aussi dire à Mme Sormanni que le XIXe siècle est terminé et que la réalité des familles est malheureusement différente à l'heure actuelle. Il faut donc leur proposer diverses solutions et je suis bien placée pour dire que je soutiens complètement le rapport « Jalons pour une politique familiale ». Je voudrais également dire à Mme Sormanni que contrairement au modèle tessinois prôné par l'ensemble des autres cantons, vous avez dû le voir dans la presse, Genève propose un modèle qui tient déjà compte de ce qui est fait en matière préscolaire. Il ne s'agit pas d'une scolarisation précoce, ni de créer des maternelles, mais plutôt de soutenir ce qui existe en matière de préscolarité, c'est-à-dire les institutions de la petite enfance. C'est clair et net ! Alors que les autres cantons ont tendance à prôner maintenant le modèle tessinois, qui est justement une scolarisation dès l'âge de 3 ans, bien sûr à mi-temps, mais c'est quand même une scolarisation. Nous avons considéré que la petite enfance était de qualité à Genève et qu'il fallait plutôt soutenir les communes afin de donner plus de possibilités aux enfants de 3 ans de bénéficier de ces structures, puisque l'on se rend compte que ce sont quand même les classes des cadres moyens et supérieurs qui y ont recours actuellement et que la classe ouvrière a un peu déserté les modes de garde de la petite enfance. Il est donc important de bien préciser qu'il ne s'agit pas d'une scolarisation précoce.
Pourquoi l'invite ? Pour dire que la qualité de ce qu'offre la petite enfance est une qualité intéressante. Ce n'est pas « Sans la petite enfance, point de salut ! ». Ce qu'elle fait se situe dans un cadre qualitatif et dans un cadre de prévention. Je crois qu'il fallait aussi le préciser.
Mme Martine Brunschwig Graf. Je rappellerai en préambule que le Conseil municipal a indirectement débattu mardi dernier, avant votre parlement, de cette question. Ce qui m'amène à préciser ceci. Contrairement à ce qu'a indiqué le magistrat responsable des écoles qui se prévalait de mon accord total pour annoncer que des millions de francs seraient désormais versés par le canton aux communes puisque cette motion allait être acceptée par les députés, il n'est pas question de cela et ma position n'est pas véritablement une position de soutien sans remarques, observations et débats.
J'aimerais ensuite vous dire ceci. En lisant cette motion et en vous écoutant, je m'aperçois qu'il y a un formidable conflit d'objectifs. Il y a une volonté que je peux partager avec vous tous, à savoir de trouver des solutions diversifiées. Pour moi, « diversifiées » s'entend des mamans de jour à toutes les institutions en passant par la famille pour ce qui concerne les enfants qui ne sont pas en âge d'être scolarisés, c'est-à-dire avant l'âge de 4 ans. Dans ce domaine, notre canton n'est pas suffisamment équipé. Nous le savons tous et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'Etat y fait très clairement allusion dans son rapport sur la famille. Mais si c'est cela que vous visez, ce qui est en soi un objectif, il y a lieu de se demander quelles sont les solutions. Il ne faudrait dès lors pas restreindre la discussion aux enfants de 3 ans, mais voir toutes les manières possibles d'encourager et de faciliter l'offre qui est inférieure à la demande. Et, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit aussi de se demander dans un tel cadre si nous ne sommes parfois pas trop rigides et s'il n'y a pas lieu de faciliter des modes diversifiés et notamment, je le rappelle, ces mouvements qui commencent avec les mamans de jour.
Si ce n'est pas cet objectif que vous visez et que vous souhaitez entrer dans une phase plus éducative - je ne confondrais pas un système éducatif et prééducatif avec le fait de trouver des solutions de garde, quand bien même il y a dans la garde des éléments éducatifs indispensables - si c'est cela que vous visez, je comprends que vous choisissiez l'âge de 3 ans, mais vous tombez quand même dans une ambiguïté, parce qu'en demandant d'articuler ceci avec la 1ère enfantine, vous nous contraignez à raisonner en termes non seulement préscolaires, mais malgré tout proches de la maternelle.
Tout à l'heure, Mme de Tassigny précisait sa pensée dans une deuxième intervention. Madame la députée, votre deuxième invite demande au Conseil d'Etat de « prendre toutes les mesures nécessaires en matière financière en collaboration avec les communes et aux structures... non pardon ! La première invite : « à considérer l'éducation des enfants de trois ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant. » Il est vrai qu'à partir de là vous lisez bien en filigrane que toute autre solution parait insuffisante vis-à-vis de ce postulat. Ceci est dangereux. Ce n'est pas ce que vous vouliez dire, mais la façon dont vous le libellez est ambiguë et le travail en commission devrait permettre d'éclaircir les vrais objectifs de chacun.
Nous ne pouvons pas, Mesdames et Messieurs les députés, développer le système préscolaire de façon anarchique ou larvée, prévoir à la fois des structures éducatives et résoudre en même temps les problèmes de garde dans un même mouvement. Il faut traiter les problèmes là où ils sont. Le problème de la garde des enfants est un véritable problème à résoudre dans ce canton. Il a, comme je l'ai rappelé, de multiples réponses, y compris en matière de normes et de facilitations.
Il convient donc de discuter de ce que vous voulez exactement faire avec vos enfants de 3 ans. Pour ma part, je partage l'avis de celles et ceux qui, dans cette enceinte, s'expriment contre une maternelle déguisée ou non. Je suis bien entendu prête à discuter avec vous de toutes les solutions possibles. Dernier point, je crois que vous ne pouvez pas sans autre et d'un trait de plume régler la problématique en disant simplement que l'Etat aura à payer. Je crois que vous n'imaginez pas les conséquences d'une telle déclaration, sans évaluation aucune par rapport à l'objectif qui, je le rappelle, demeure pour l'instant très flou. Nous avons à l'heure actuelle dans notre canton 4 700 enfants de 3 ans. Dans nos crèches, le prix d'un enfant - on ne devrait jamais parler de prix ! - le coût d'un enfant, avec un encadrement tel qu'il a été décrit tout à l'heure par Mme de Haller je crois, est de l'ordre de 20 000 à 24 000 F.
Enfin, vous ne devez pas oublier une problématique qui constitue pour ma part une préoccupation permanente. Nous avons aujourd'hui une école obligatoire qui commence en 1ère primaire. Nous avons, comme vous l'avez relevé, 90% de nos enfants qui fréquentent l'école enfantine et c'est un bien. Mais je vous rappelle aussi que si vous développez d'une façon particulièrement poussée une forme éducative préliminaire et systématique pour certains enfants, vous accentuerez à un moment donné aussi le décalage en créant un système scolaire déguisé dans lequel certains enfants entreront, alors que les autres enfants prendront le train en marche. Nous ne pouvons pas le faire de cette façon. C'est la raison pour laquelle il convient véritablement de fixer les vrais objectifs de cette motion, de déterminer les problèmes que vous voulez résoudre et les moyens qu'il s'agit de mettre en place pour le faire.
Mme Myriam Sormanni (S). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole après Mme Brunschwig Graf ! C'est juste pour dire qu'il y a peut-être eu un petit malentendu. Je voulais simplement rassurer Mme de Tassigny. Loin de moi l'idée de créer une maternelle. Personnellement, je trouve que l'école française commence trop tôt.
Je voulais aussi préciser quelque chose. Je me souviens encore qu'il était déjà question lorsque je siégeais au Conseil municipal - c'était entre 1987 et 1991 - de demander à ce que les horaires de crèche et de garderie soient plus étendus, avec éventuellement une prise en charge du repas de midi, ce qui aurait permis aux femmes ou aux hommes qui en étaient les utilisateurs d'avoir réellement une activité à mi-temps. Parce qu'avec un horaire allant le matin de 8 h 30 à 11 h 30 et l'après-midi de 13 h 30 à 17 h 30, cela pose des problèmes. Ce qui fait que la plupart du temps les enfants qui peuvent bénéficier de cet encadrement sont les enfants de foyers dont la mère ne travaille pas. Je crois donc qu'il y a un réel problème. C'est pour cela que l'idée de cette motion est à mon avis tout à fait la bienvenue.
Le président. Nous arrivons à la fin du débat. Deux propositions de renvoi en commission ont été émises. Il nous semble que la proposition la plus fréquemment citée est celle consistant à envoyer cette motion à la commission sociale.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.