République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 3e session - 63e séance
PL 8156-A
La Commission de l'énergie et des Services industriels a examiné cet objet lors des séances des 12 et 19 novembre 1999, sous la présidence de M. Olivier Vaucher et en la présence de M. Robert Cramer, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, et de M. Jean-Pascal Genoud, directeur de l'Office cantonal de l'énergie. M. Jérôme Savary a rédigé le procès-verbal.
Les députés attendaient avec impatience ce projet de budget 2000 des Services industriels de Genève (SIG) qui s'annonçait comme une nouveauté.
En effet, outre les nouvelles compétences des SIG en matière de télécommunications, outre la perspective de devoir s'adapter au nouveau plan directeur cantonal de l'énergie qui sera prochainement présenté au plenum et, à plus ou moins court terme, à la libéralisation du marché de l'électricité, ce budget est le premier à être élaboré par le nouveau directeur des SIG, M. Raymond Battistella.
Ce dernier n'a pas déçu l'attente des commissaires. La grande nouveauté de ce projet de budget tient à la démarche qui a présidé à son élaboration. Jusqu'à présent, en effet, la méthode qui prévalait consistait à déterminer les besoins des différents services ; puis une négociation s'engageait pour tenter de réaliser des économies. Ce budget découle en revanche d'une optique différente, dans la mesure où des objectifs ont été fixés au préalable, en fonction desquels le budget a été construit. Cette méthode est nouvelle dans la gestion des collectivités publiques et tire son origine des pratiques en cours dans l'économie privée. Il s'agira par la suite de trouver des critères d'évaluation.
Séance du 12 novembre : audition des Services industriels
M. Gérard Fatio, président des SIG, introduit ce budget en indiquant que sa nouvelle présentation participe d'une volonté de transparence et expose mieux les défis que les SIG entendent se donner.
M. Raymond Battistella, directeur général, précise que le cadre budgétaire s'inscrit dans une perspective à cinq ans. Dans ce but, un plan quinquennal a été prévu. Cette démarche doit répondre aux profonds changements que les marchés vont connaître ces prochaines années
M. Battistella mentionne aussi les objectifs d'entreprise liés à ce cadre. Il ne s'agit donc plus d'une « collecte de coûts », mais d'objectifs définis en fonction de l'évolution des marchés.
Objectifs financiers
M. Battistella souligne que le premier objectif financier des SIG, objectif de taille, est de dégager un cash-flow libre de 50 millions. (Le cash-flow libre correspond aux résultats + amortissements - investissements.) Cette mesure vise à désendetter l'entreprise, afin de la positionner plus favorablement sur le marché.
Le second objectif vise la limitation des frais d'exploitation, au moyen de l'augmentation des synergies dans l'entreprise. Un groupe d'étude a été constitué dans ce sens.
Enfin, toujours en vue de désendetter l'entreprise, il est prévu de limiter les investissements à moins de 100 millions et de réaliser des actifs pour une valeur minimum de 10 millions.
Objectifs d'entreprise
M. Battistella explique que la vision des SIG fait actuellement l'objet d'une redéfinition qui doit conduire l'entreprise à se montrer plus proche de ses clients. Il mentionne également l'impératif de réduction des taux d'accidents et d'absentéisme des collaborateurs, ces taux n'étant actuellement pas satisfaisants.
Perspective à 5 ans
M. Battistella lie cette perspective au plan quinquennal de l'entreprise. Des objectifs aussi bien financiers que directionnels ont été fixés. En ce qui concerne les objectifs financiers, le rendement des fonds propres doit être situé entre 8 % et 12 %, ceci afin de dégager un cash-flow libre permettant de réduire la dette. Le ratio d'endettement doit être situé entre 35 % et 50 %, alors qu'il est actuellement de 24 % environ. La rentabilité des projets d'investissements doit être à un niveau de TRI (taux de rendement interne) de 8 % minimum, ceci toujours afin de désendetter l'entreprise.
Sur le plan des objectifs directionnels, M. Battistela ajoute que les SIG doivent surtout améliorer la structure commerciale afin de se tourner principalement vers leurs clients.
Produits d'exploitation
M. Battistella commente les recettes des SIG. Il montre un tableau comparatif entre les budgets 1998, l'estimation des comptes 1999 au mois de septembre et le budget 2000. Par rapport aux comptes 1998, le budget 2000 indique une augmentation des recettes concernant tous les secteurs de 30 millions.
Charges d'exploitation
M. Battistella indique, au moyen d'un tableau comparatif, que les charges augmenteront de 9 millions en l'an 2000. L'augmentation principale concerne les télécoms, dont l'exploitation nécessite une équipe nouvelle et donc un transfert de personnel.
Evolution du personnel
M. Battistella indique que 1'328 personnes seront employées à plein temps en l'an 2000 aux SIG. L'augmentation principale concerne les télécoms, alors que la baisse la plus sensible se situe dans le secteur de l'électricité.
Résultat net
M. Battistella relève que, comparé à 1998, le résultat net 2000 devrait augmenter de 60 millions, portant la somme à 66 millions. Ce résultat positif permettra de désendetter l'entreprise.
Investissements
M. Battistella fait remarquer que les dépenses d'investissement sont stables et relativement élevées.
L'investissement le plus important concerne le projet Tuileries/Vengeron/CERN qui représentera plusieurs centaines de millions sur plusieurs années. Pour l'année 2000, 20,9 millions seront consacrés à ce projet. Le projet de conduite de captage du Prieuré (lac) sera terminé l'année prochaine ; le projet intitulé « Budé » concerne le remplacement d'une chaufferie à mazout par une chaufferie à gaz.
Questions des commissaires
Plusieur(e)s commissaires se félicitent de la modernité des méthodes utilisées pour l'élaboration de ce projet de budget. Ils se réjouissent que l'entreprise fasse des prévisions à long terme. Il est également satisfaisant qu'en tête des impératifs stratégiques des SIG figure l'ambition de devenir une entreprise modèle pour la santé, la sécurité et le respect de l'environnement.
Questions concernant le personnel : salaire au mérite, redistribution des bénéfices, absentéisme
Une commissaire demande si les SIG vont passer au système du salaire au mérite.
M. Battistella répond que le système est aujourd'hui analogue à celui de l'Etat. Une méthode d'appréciation de la performance a toutefois été introduite. Il s'agit d'un entretien pour évaluer la performance sur l'année, entretien qui est sanctionné d'une note qui détermine l'augmentation de salaire. M. Battistella reconnaît que ce système a ses limites. Si l'entretien en tant que tel a une réelle valeur, l'association directe note-salaire est, quant à elle, moins bonne.
M. Battistella indique encore qu'un chantier d'étude sur la rémunération a été ouvert. Il s'agit de définir des critères précis pour évaluer la méthode du salaire au mérite, dans la plus grande objectivité possible.
Un commissaire mentionne des cas qui prouvent que ce système provoque une concurrence effrénée au sein du personnel, ce qui conduit à une baisse de la productivité.
M. Battistella reconnaît qu'il n'y a pas de système idéal. Il n'aime pas beaucoup le terme de salaire au mérite et cite à nouveau la réflexion actuelle au sein de l'établissement dont l'aboutissement reste encore inconnu. Mais le but n'est évidemment pas de « casser » les employés.
Quant à la stabilité de la charge salariale prévue l'année prochaine (170 millions), M. Battistella précise qu'il n'y aura pas de blocage des salaires et que ceux-ci augmenteront de 1 % l'année prochaine. La stabilité de la charge salariale s'explique par la combinaison entre les départs et les arrivées des collaborateurs.
Une commissaire demande s'il est question d'une redistribution des bénéfices.
M. Battistella indique qu'un bonus exceptionnel sera distribué aux employés pendant la durée de ce chantier. Mais cette idée rencontre une certaine méfiance des syndicats, ce qui ne facilite pas la négociation. M. Battistella précise que ce bonus serait accordé en fonction du résultat.
Une commissaire aimerait savoir comment la direction entend réduire l'absentéisme.
M. Battistella relève que l'absentéisme représente un coût de 7 millions par an. Il fait remarquer toutefois que les accidents non professionnels en sont la cause principale. Les moyens de lutte à disposition se réduisent donc à sensibiliser les collaborateurs à ne pas prendre plus de risques à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'établissement.
Un commissaire propose comme solution de verser des primes en fin d'année à ceux qui sont très présents.
Questions concernant la politique financière
Une commissaire aimerait savoir si le taux de rendement interne à 8 % est une priorité.
M. Battistella indique qu'il faut obtenir un retour supérieur à l'amortissement pour pouvoir atteindre une certaine rentabilité. Cependant, en tant que service public, la rentabilité n'est pas un critère absolu. Mais il vaut pour certains projets spécifiques. Il faudra donc ranger les projets en catégories. La notion de rentabilité a été introduite, car elle était totalement absente auparavant, mais il est nécessaire d'être sélectif sur ce point.
M. Fatio mentionne par ailleurs qu'il n'y aura pas d'augmentation des prix, l'année prochaine, ni de l'eau, ni du gaz, ni de l'électricité.
M. Battistella renchérit que la moyenne des prix à Genève est supérieure au reste de la Suisse et qu'il conviendra de la faire baisser.
Un commissaire souhaite connaître les prévisions quant à l'augmentation de la consommation des fluides, ainsi que le prix du gaz.
M. Battistella indique que la consommation de l'eau ne devrait pas augmenter, alors que celle de l'électricité, du fait de la reprise économique, croît de 1,5 %.
Un commissaire remarque la présence d'un montant destiné à l'achat d'eau dans le budget et se demande à quoi cela fait référence.
Il lui est répondu que cet achat s'explique par le fait que la FIPOI est propriétaire des 2/3 de la station d'eau au Vengeron. Les SIG achètent donc cette eau à la FIPOI. Mais l'opération est blanche d'un point de vue comptable.
Une commissaire demande des précisions sur le financement du projet des Tuileries, et sur la participation du CERN à cette réalisation.
M. Battistella répond qu'il s'agit d'un financement croisé avec le CERN, mais qui sera rentable pour les SIG.
Un commissaire s'interroge sur le désengagement financier, notamment par rapport au terrain des SIG de la Jonction.
M. Battistella indique qu'il existe des actifs qui ne sont pas associés aux besoins de l'avenir, mais il n'a pas été décidé pour le moment sur lesquels exactement portera le désengagement. Une liste est toutefois actuellement dressée et sera terminée à la fin de l'année.
M. Jean-Gabriel Florio, directeur financier, estime le montant de ces actifs à 25-30 millions, tout en précisant que ce chiffre dépendra de la situation du marché.
Un nouveau secteur : les télécoms
Un commissaire constate que le secteur télécom des SIG est déficitaire ; il estime inadéquat que les SIG subventionnent cette branche d'activité.
M. Battistella répond que cette branche se révèle pleine de promesses. Le déficit actuel s'explique par l'installation de l'infrastructure qui nécessite des investissements. Les prévisions indiquent que l'équilibre devrait être atteint dans cinq ans. De surcroît, les perspectives sont actuellement meilleures que ce qui était prévu au départ.
M. Cramer précise qu'il n'est pas possible que différents secteurs se subventionnent entre eux. Le surveillant aux prix s'assure d'ailleurs de l'affectation des augmentations. La politique du Conseil d'Etat exclut toute augmentation du prix de l'électricité. En ce qui concerne le prix de l'eau, M. Cramer rappelle qu'il a proposé trois planifications. Il faut aussi que les SIG puissent plus facilement répercuter les modifications sur les factures, afin d'arriver à des tarifs plus favorables.
M. Battistella ajoute que la division des télécommunications possède sa propre comptabilité analytique, ce qui garantit la transparence.
Le spectre de la libéralisation
Une commissaire aimerait savoir, en prévision de la libéralisation du marché de l'électricité, comment les SIG comptent s'adapter, ce qui est prévu en sus de la réduction de l'endettement.
M. Battistella répond qu'il s'agit là d'un dossier lourd. Il faudra tout d'abord maîtriser les coûts en interne. De plus, il mentionne la dépendance étroite des SIG par rapport à EOS (Energie Ouest Suisse). Dans ce cadre, il conviendra de produire un effort pour sécuriser l'approvisionnement en trouvant un partenariat idéal avec EOS.
M. Cramer souligne l'importance de ce point. La situation du canton au sein d'EOS étant prépondérante, il faudra organiser une séance de commission avec les SIG pour étudier les implications du changement sur les SIG et sur la politique cantonale de l'énergie.
Séance du 19 novembre. Discussion.
Le salaire au mérite en question
Un commissaire souhaite connaître la position du DIAE par rapport à la notion de salaire au mérite.
M. Cramer relève d'abord que quatre représentants des syndicats siègent au Conseil d'administration. Plus largement, il existe au sein de l'entreprise des mécanismes poussés de concertation. De ce fait, sa position se résume à ne pas intervenir au sein des relations de travail tant que les rapports entre les partenaires sociaux sont harmonieux.
Par ailleurs, et plus généralement, M. Cramer estime que de nombreux exemples montrent l'échec complet de l'instauration du salaire au mérite. En effet, alors que les systèmes mis en place ne concernent dans la plupart des cas qu'une infime partie de la masse salariale et n'ont donc pas d'impact significatif sur l'ensemble, le salaire au mérite représente en revanche une source sérieuse de problèmes pour les chefs de service.
Les terrains de la Jonction
Un commissaire revient sur la question de la vente possible d'actifs des SIG, en particulier les immeubles et terrains de la Jonction. Concernant ces derniers, il suggère, plutôt que de vendre, de construire des logements sociaux au moyen de la caisse de pension des SIG. Selon ses informations, en cas de vente, la CIA refuserait d'acheter en raison du prix trop élevé que l'opération représenterait. Ainsi, il s'agirait que ces actifs restent au sein de l'Etat.
M. Cramer lui répond que cette idée est actuellement en cours d'investigation. En effet, l'Etat désire vendre depuis longtemps, mais la transaction n'a jamais eu lieu. Il semble en effet que ce ne soit plus une priorité pour l'instant. De ce fait, il y a lieu de se poser la question de la valorisation d'une partie de ce terrain par les SIG eux-mêmes.
Conclusion
Au vu de ce qui précède et satisfaits de ce projet de budget, les commissaires vous proposent à l'unanimité des membres présents, Mesdames et Messieurs les députés, de l'adopter.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8156)
approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 2000
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Budget d'exploitation
Le budget d'exploitation des Services industriels de Genève est approuvé conformément aux chiffres suivants :
F
a)
recettes :
750 500 000
b)
dépenses :
684 700 000
c)
résultat :
65 800 000
Art. 2 Budget d'investissement
Le budget d'investissement des Services industriels de Genève, s'élevant à 97 700 000 F, est approuvé.
Art. 3 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000.