République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 59e séance
P 1169-A
La Commission des pétitions a étudié la pétition 1169 lors de ses séances des 24 novembre 1997, 1er décembre 1997 et 5 janvier 1998, sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, puis le 5 juillet 1999 sous la présidence de M. Louis Serex.
Pétition(1169)
Pour des TPG gratuits dès maintenant pour les élèves âgés de moins de 6 ans
Pour la possibilité d'élargir cette gratuité aux élèves âgés de moins de 12 ans
Mesdames etMessieurs les députés,
Vous n'êtes pas sans savoir que les TPG pratiquent la gratuité pour les enfants de moins de 6 ans dans leurs véhicules. Cette règle a cependant une exception. Lorsque des enseignants se déplacent en bus avec leurs élèves âgés de moins de 6 ans, ces derniers doivent payer demi-tarif !
Les parents ne comprennent souvent pas cette « subtilité » et il est parfois difficile d'obtenir de leur part la carte de bus nécessaire. Il faut alors leur expliquer que, lorsque les élèves d'une classe se déplacent tous ensemble, ils prennent de la place. Ce qui, selon les TPG, justifie de faire payer les enfants de moins de six ans. Par contre, si des parents prennent le bus avec leurs enfants et les copains de ceux-ci âgés de moins de six ans, ces derniers ne paieront pas. Cherchez l'erreur ! Cette situation est absurde.
C'est pourquoi nous demandons que, dès la rentrée 1997-1998, la gratuité pour les élèves de moins de six ans soit accordée. Nous demandons également que la possibilité d'élargir cette gratuité aux élèves de moins de 12 ans soit étudiée, car le rôle de l'école est également d'aller découvrir ce qui se passe à l'extérieur sans que des contraintes financières ne mettent un frein à cette découverte.
Société pédagogique genevoise
Auditions
Auditions des pétitionnaires
M. Georges Pasquier, président de la Société pédagogique genevoise (SPG), MM. Didier Bonny et Jean-François Monnin, membres de la SPG
En 1989 déjà, une pétition semblable était déposée par la Société pédagogique genevoise. Quatre ans plus tard, dans sa séance du 14 mai 1993, le Grand Conseil refusait d'accéder à la demande des pétitionnaires.
Depuis, malgré les négociations entre les TPG et le DIP, le problème reste entier. Lorsque les enfants de moins de 6 ans se déplacent en classe d'école avec les TPG, ils sont soumis au demi-tarif. Mais, lorsqu'ils se déplacent à titre privé, accompagnés de leurs parents, ils bénéficient de la gratuité. Le système appliqué est donc incohérent et limite les possibilités de faire découvrir Genève aux enfants. Par ailleurs, selon les directives du DIP, pour des enfants de moins de 6 ans, il n'est pas autorisé de demander annuellement plus de 9 F de participation aux parents pour organiser des sorties.
A la suite du dépôt de cette pétition, une correspondance s'est engagée entre la SPG et le DJPT, les arguments des TPG n'arrivant néanmoins pas à convaincre les pétitionnaires. Selon ces derniers,
le problème de sécurité soulevé par les TPG n'est pas justifié : un enseignant arrive facilement à maîtriser une classe ;
le système de billet collectif est compliqué, n'accorde que 10 % (15 % selon les TPG) de réduction et n'est pas pratique, notamment lors d'annulations en cas de mauvais temps ;
la nécessité de réservation exigée par les TPG est injustifiée car les classes circulent sur les lignes et aux horaires existants ;
ces déplacements n'imposent pas l'engagement momentané de moyens supplémentaires et n'augmentent par conséquent pas les coûts des TPG.
Audition de M. Bernard Gmür, directeur à la direction générale de l'enseignement primaire
Rappelant que cela fait dix ans que le problème perdure sans qu'une solution satisfaisante n'ait pu être trouvée, M. Gmür informe la commission que les TPG ont proposé en août dernier la création d'un groupe de travail, mais que pour l'heure rien n'a vu le jour.
Enumérant les moyens de déplacement disponibles pour les enseignants, M. Gmür estime que recourir aux voitures des parents comporte de nombreux inconvénients ; manque de disponibilité des parents, surcharge du trafic, pollution, absence d'éducation des enfants à l'utilisation les transports publics. Les minibus du DIP sont peu nombreux, mais leur utilisation est néanmoins très appropriée pour des transferts vers les piscines. Acheter de nouveaux véhicules et engager des chauffeurs serait très coûteux.
Les TPG sont le meilleur moyen de déplacement pour plusieurs raisons, notamment l'éducation des enfants à utiliser les TPG et par la suite, la fidélisation de cette clientèle. D'autre part, les classes d'écoles empruntent les TPG dans des heures de moindre affluence, après 8h30 et avant 16h30. Elles ne surchargent par conséquent pas le réseau.
Concernant l'étonnement de certains commissaires sur la faible importance de la participation financière des parents, il est vrai que les montants varient selon les âges et que la somme pour une famille ayant plusieurs enfants peut peser dans un budget. Il doit y avoir égalité entre les différents milieux sociaux et si l'on demande trop aux parents, certains pourront suivre, d'autres pas.
A la question d'une députée sur l'existence d'une directive sur le nombre d'accompagnants lors de déplacements, M. Gmür fait savoir qu'une classe nécessite au minimum deux accompagnants.
Audition des Transports Publics Genevois
M. Christophe Stücki, directeur général des TPG, M. Hirsig, directeur commercial des TPG
M. Stücki met en évidence certains points de la loi fédérale sur les transports publics. Il est mentionné entre autres qu'il doit y avoir égalité de traitement, mais aussi que des facilités tarifaires peuvent être demandées par le canton (AVS, enfants jusqu'à 16 ans). Dans ce cas, les entreprises de transports doivent être intégralement indemnisées.
Il est à noter d'ailleurs que Genève est le seul canton où l'ensemble du coût des transports publics est pris en charge par le canton. Dans les autres cantons, les communes prennent en charge une bonne partie du coût de l'offre de base. A Zürich, les communes paient le 50 %.
Le problème principal se situe au niveau de la sécurité. Les TPG n'ont en principe pas le droit de transporter des élèves sans un nombre d'accompagnants suffisants. La norme d'un accompagnant pour quatre enfants de moins de six ans a été définie arbitrairement. Au-delà, un adulte seul ne peut surveiller les enfants, à moins qu'ils ne soient assis. Dans ce cas, cela nécessite d'engager un véhicule supplémentaire, d'où des coûts supplémentaires directs.
M. Hirsig explique qu'à la suite de la première pétition, les TPG négocient des conventions avec des communes sur la base d'estimations annuelles des besoins en transports des écoles. Le forfait négocié dans la convention est facturé en fin d'année aux communes. Le système est pratique, simple et offre une large flexibilité. Il existe une telle convention avec la Ville de Genève pour les restaurants scolaires ainsi que pour une course par classe par année.
Accorder la gratuité aux élèves pourrait créer un précédent, et ouvrirait la porte à une quantité de requêtes similaires pour d'autres catégories de personnes. Les décisions risqueraient d'être jugée discriminatoires.
Discussion
Les commissaires n'arrivent pas à se convaincre que le problème principal se situe réellement au niveau de la sécurité. S'il est vrai que le transporteur est responsable de la sécurité de ses passagers, il ne peut être tenu responsable du comportement de ces derniers. On peut imaginer qu'en cas d'accident du véhicule, les passagers sont effectivement moins exposés en position assise. En revanche, le risque d'accident des enfants dans un véhicule pourrait tout autant, si ce n'est plus, survenir en raison de leur comportement agité, en particulier à proximité des portes ou des plaques tournantes des véhicules articulés.
Or, la règle prévoit qu'un enseignant seul peut surveiller une classe de vingt enfants à partir du moment où ces derniers sont assis. Dans ce cas, et compte tenu de la configuration dispersée des sièges, il paraît bien difficile pour l'accompagnant de surveiller correctement les enfants et d'être en mesure de les empêcher de commettre une bêtise. La sécurité n'est ainsi pas meilleure, peut être même moins bonne, que si les enfants étaient debout confinés à l'arrière du véhicule. Cependant la norme de sécurité est conforme pour les TPG.
L'égalité de traitement évoquée ne saurait être un argument défavorable à la cause des pétitionnaires puisque la situation actuelle présente une inégalité flagrante.
Les commissaires sont acquis au fait que la diminution de recettes pour les TPG que représenterait la gratuité aux écoles est la raison fondamentale du refus des TPG. La comparaison avec les autres cantons du taux de participation des communes n'est à elle seule pas suffisante pour évaluer la situation. En effet, on ne peut ignorer d'autres critères de comparaison, comme le montant de la subvention cantonale (155 mios) et la péréquation fiscale entre le canton et ses communes.
Les conventions avec les communes représentent des recettes dont les TPG ne souhaitent légitimement pas se priver. Si les TPG mettent des véhicules supplémentaires en route lors de réservations pour respecter la norme de sécurité du transport des classes, les recettes des conventions ne couvrent pas les coûts de ces services (20 enfants x 1,50 F= 30 F). A ce tarif, chaque véhicule supplémentaire engagé est gravement déficitaire. Dans la réalité, et selon les observations de la SPG, les classes empruntent les lignes aux horaires prévus sans qu'il ne soit mis en service de moyen supplémentaire.
Dans une cité confrontée aux problèmes de circulation et dans laquelle les habitudes sont à la voiture, il est nécessaire de promouvoir des alternatives aux moyens de déplacement. Cette promotion doit être incitative, et dans ce sens, les députés sont convaincus de l'importance d'éduquer en tout premier lieu nos enfants. En effet, il est certainement plus difficile de modifier les habitudes des personnes actives que d'inculquer les bons réflexes à nos jeunes.
Aucune des parties auditionnées n'a pu formuler une estimation financière du montant global annuel que représentent les transports des écoles primaires. Toutefois, le rapport P 920-A énonce le montant discuté en 1991 entre les TPG et le DIP, soit 121'500 F. Comme base d'évaluation et sachant que le canton compte 1500 classes primaires, avec une moyenne de 20 élèves par classe à 2 F en moyenne, trois déplacements aller et retour pour l'ensemble des classes représenteraient un montant de 180'000 F.
Ce montant représentant le coût d'une action de type promotionnelle, il pourrait être fait recours aux ressources budgétaires prévues dans le cadre de la nouvelle « campagne d'image » (400'000 F), comme cela avait déjà été suggéré dans les résolutions R 377 et R 380 sur le plan directeur 1999-2002 du réseau cantonal des Transports publics genevois.
Concernant la sécurité, l'accompagnement devrait faire l'objet de directives fixant le nombre minimum d'accompagnants pour assurer une bonne surveillance dans les déplacements. Dans de bonnes conditions de surveillance, la sécurité que requièrent des déplacements en transports publics doit pouvoir être obtenue sans que l'entreprise de transports ne soit obligée de mettre des véhicules supplémentaires en route.
En conclusion, les députés se déclarent favorable à une large majorité, 7 oui, (1 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 2 S) contre 1 non, (L) à l'objet de la pétition et formulent les recommandations suivantes :
recourir aux ressources budgétées de la « campagne d'image » des TPG pour compenser la diminution de recettes ;
ne pas mettre en service des véhicules supplémentaires lors de transports de classes ;
imposer un nombre suffisant d'accompagnants afin d'assurer la sécurité.
Ainsi, la Commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Débat
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Je voudrais juste rappeler quelques motifs qui ont amené la commission à voter favorablement cette pétition.
Tout d'abord, les députés ont pensé qu'il fallait encourager la population à prendre les TPG et que c'était d'abord et prioritairement aux jeunes que nous devions nous adresser. Il s'agit d'un travail à long terme et sachant que les utilisateurs des transports publics de demain seront nos enfants, ce sont donc eux que nous devons inciter. Changer les habitudes des adultes utilisant un mode de transport individuel est beaucoup plus difficile que de donner de bonnes habitudes à des jeunes qui n'ont pas encore fait leur choix s'agissant du mode de déplacement. En outre, cette action en faveur des jeunes est une incitation, un encouragement qui n'entre pas dans la confrontation qui oppose perpétuellement automobilistes et tenants des transports en commun.
Enfin, les commissaires ont considéré que le financement de cette action pouvait être pris sur le budget prévu par les TPG pour leur nouvelle campagne d'image. En effet, nous sommes convaincus que ce genre d'action aura plus d'impact sur les jeunes et la population en général qu'une simple campagne d'affichage à travers les rues de Genève. Nous pensons qu'une telle action concrète sera plus profitable. C'est pourquoi je vous encourage à soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Myriam Sormanni (S). Je voudrais juste apporter une précision : les TPG sont gratuits pour les enfants jusqu'à 6 ans. C'est à partir de 6 ans qu'ils sont payants. Je ne comprends donc pas pourquoi on parle, dans le titre, de gratuité avant 6 ans... (Commentaires.) Je répète qu'ils sont gratuits jusqu'à 6 ans... J'aimerais comprendre !
Le président. Madame, le conseiller d'Etat Ramseyer va répondre à toutes vos interrogations.
M. Gérard Ramseyer. Je n'entends pas intervenir dans ce débat, si ce n'est pour préciser que les 180 000 F évoqués par les pétitionnaires ne représentent que l'estimation des coûts liés aux déplacements dans le cadre des classes. Si on tient compte de tous les jeunes de la classe d'âge concernée par cette pétition, on arrive alors à un montant beaucoup plus important qui, calculé de manière empirique, devrait atteindre environ 1,2 million.
Au surplus, concernant la campagne d'image dont parle M. le député Odier, il a bien été précisé que les TPG faisaient cette campagne avec les moyens du bord et qu'ils n'avaient donc pas de réserves à cet effet.
Dernier élément, mais qui a toute son importance... (L'orateur est interpellé.) Madame Sormanni, je ne réponds pas exactement à votre interrogation, car je n'ai pas avec moi les tarifs des TPG. Vous avez certainement raison, mais nous éclaircirons cela plus tard... (Exclamations.)
Je termine en disant que cette pétition - que je peux parfaitement comprendre, Monsieur le député Odier - pose la question des relations entre un fournisseur et le consommateur. En l'occurrence, le consommateur est le département de l'instruction publique et nul doute que notre excellente collègue Mme Brunschwig Graf saura trouver les mots nécessaires pour obtenir un bon geste des TPG. Je n'en dis pas plus, je voulais essentiellement rappeler qu'on ne parle pas de 180 000 F, mais de 1,2 million.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Le président. Je passe la parole à Mme Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf. J'imagine que les députés qui ont voté oui déposeront les amendements nécessaires au budget du DIP pour 1,2 million ! Je me réjouis déjà de voir les résultats.
M. Pierre Vanek (AdG). Le débat a, me semble-t-il, été un peu surréaliste pour ce qui était de répondre à Mme Sormanni, mais tout est bien exposé dans le rapport.
Pour les enfants accompagnés de leurs parents, soit la majorité de cette classe d'âge qu'évoquait M. Ramseyer pour faire son compte de 1,2 million, il y a gratuité aujourd'hui. La pétition concerne les enfants qui se déplacent collectivement et à cet égard le calcul de M. Ramseyer - je ne sais sur quoi il se fonde - me semble complètement faux. Par ailleurs, dire qu'il devra se renseigner concernant les tarifs des TPG pour cette affaire est absurde : la pétition est claire, il faut lui donner suite.
Le président. Bien. Nous passons au point 27 de l'ordre du jour que nous traitons avec le point 28.