République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 58e séance
PL 8054-A
Ce projet de loi a été renvoyé à la Commission des finances dans le cadre de l'examen du budget 1999. La commission unanime a souhaité examiner ce crédit d'investissement de façon indépendante et a demandé à la sous-commission des finances chargée des projets liés à l'informatique de l'Etat d'en étudier les aspects techniques avant de se prononcer.
La sous-commission a étudié ce projet lors de sa séance du 7 juillet 1999 en présence de M. Raymond Morel, du Centre pédagogique des technologies informatiques et de communication, DIP et de M. Nicolas Baumgartner, contrôleur de gestion, CTI.
La Commission des finances a examiné ce projet de loi lors de la séance du 22 septembre 1999, présidée par M. Bernard Lescaze et avec la participation de M. Raymond Morel.
L'exposé des motifs accompagnant ce projet de loi décrit dans le détail les enjeux et les objectifs pédagogiques dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC).
Les paragraphes suivants qui les résument sont repris d'un texte publié dans la revue Informatique-Informations n° 33, pages 6 à 10 (en juin 1997).
Les TIC au DIP
Objectif du document
Ce texte constitue le projet-cadre du Département de l'instruction publique en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le domaine de la formation : il montre dans quel cadre s'inscriront les projets pédagogiques du département, lesquels seront présentés - après avoir obtenu l'approbation départementale - aux responsables de la gestion du portefeuille de la réforme Symphonie.
Ce document définit d'une manière générale ce que sont les TIC, à quoi elles servent, comment elles s'intègrent dans un système éducatif en mutation et quel est leur impact dans la formation des jeunes, aujourd'hui et demain.
Ensuite, chaque ordre d'enseignement décrira plus spécifiquement à partir des tableaux ci-dessous les compétences et les savoirs développés dans leurs écoles.
Préambule
Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont en passe de bouleverser considérablement les sociétés qui y ont accès, les rapports des citoyens au travail et aux loisirs. Plus particulièrement, elles bouleverseront, selon toute hypothèse, autant sinon plus que l'irruption des mass médias et de la télévision, les rapports des individus et des collectivités aux savoirs. A ce titre, il n'est pas concevable qu'un système d'éducation, de surcroît lorsqu'il est engagé dans un processus de réforme ou de rénovation, se permette d'ignorer les défis, les apports et les risques que ces technologies entraînent de facto.
On compare souvent la révolution induite par l'apparition des TIC à celle de l'émergence de l'écriture dans les sociétés antiques ou à celle de l'invention de l'imprimerie à la Renaissance. Sans recul historique, ces affirmations ne sont pas vérifiables. Dans une vision prospective, il est néanmoins nécessaire d'en tenir compte:
A l'instar de l'écriture, les TIC surgissent comme un code nouveau réservé à un groupe d'initiés alors qu'elles possèdent un potentiel d'universalité dont il ne faut pas tenir éloignés les élèves.
Elles reposent sur des savoir-faire techniques spécifiques qui, comme dans l'apprentissage de l'écriture, peuvent se décliner dans un éventail d'aptitudes qui vont des plus simples aux plus sophistiquées.
En tant que média, et support d'informations et de connaissances, les TIC donnent naissance à de nouvelles conventions de lecture et d'écriture, de la même manière que l'imprimé ou la télévision, en des temps différents, ont changé les habitudes de leurs « utilisateurs ».
Les TIC, dans les domaines du savoir, ne s'appliquent pas particulièrement à telle ou telle discipline constituée. Elles n'ont pas plus de préférences pour les sciences que pour l'étude des langues. Elles se plient volontiers aux usages actuels de chaque discipline et ouvrent des possibilités nouvelles qui sont encore largement à explorer.
Les TIC revalorisent paradoxalement l'écrit dans une culture qu'on a parfois identifiée à celle de l'image. Le numérique est aujourd'hui le dénominateur commun de domaines d'expression jusqu'ici disjoints : l'écrit, l'image, le son, la vidéo, etc. Il est assez naturel dès lors de chercher à unifier l'approche et l'analyse de ces différents domaines. C'est un des rôles des systèmes d'éducation et des enseignants que de ré-élaborer les connaissances nouvelles pour les mettre à la portée des élèves, sans les simplifier à outrance ni les déformer.
La place et le statut des TIC dans les processus de réforme de l'enseignement et des apprentissages
A la fin du XIXe siècle, savoir lire, écrire, compter a été jugé primordial pour vivre et travailler dans la société qui s'annonçait. Apprendre, être autonome et exercer des choix en tant qu'individu et citoyen dans une société en mutation peut difficilement se concevoir à l'aube du prochain siècle sans une connaissance et une pratique des TIC. L'école doit armer les élèves pour un futur changeant et incertain, pour des processus d'apprentissage et de formation continue qui prendront place dans un décor en permanente mutation, pour des métiers qui n'existent pas encore. A l'heure des réflexions sur les nécessaires changements qui doivent affecter les systèmes d'éducation, les TIC et ce qu'elles mettent en jeu dans le domaine des savoirs s'inscrivent comme incontournables.
L'apprentissage de l'autonomie des élèves implique désormais l'apprentissage et la maîtrise des TIC. L'école ne réussira à intégrer ces technologies valablement qu'en plaçant les élèves dans des situations d'apprentissage actif. Le passage d'une logique de l'enseignement à une logique des apprentissages est autant une condition qu'un objectif d'une mise en oeuvre réussie des TIC.
Défi pour l'école
Les TIC constituent une source d'informations et de savoirs en compétition avec les mass médias (en particulier pour le public qui relève de l'école obligatoire). Il est probable que l'école, en tant que prestataire de savoirs, restera la seule source ayant une réelle capacité d'analyse et de synthèse des différents domaines de la connaissance et de ses modes de diffusion. Maintenir cette capacité, c'est là le défi majeur que l'école doit relever à brève échéance.
Par ailleurs, il est difficile de considérer les TIC comme un domaine particulier de savoirs, de compétences à acquérir, d'aptitudes à développer de manière spécifique. Elles ne sont pas une nouvelle branche de l'arbre des connaissances utiles à l'Homme du XXIe siècle. Si l'on compare les TIC avec l'émergence de l'écriture, c'est plutôt comme un contenant, une forme, un équivalent général, comme une langue ou un langage qu'il faut les considérer. Il est urgent que les institutions scolaires prennent conscience que se produit actuellement un changement qui affecte toute la société. Il faut qu'elles s'engagent à tirer les conséquences qui s'imposent au regard des compétences de base qu'elles doivent développer chez les élèves. L'école doit agir de manière responsable face aux dangers du chômage et des exclusions sociales. Voilà encore un défi pour l'école.
Heureusement, l'école n'est pas démunie pour donner les réponses qui s'imposent et intégrer les TIC de manière adéquate. Il est possible d'analyser les besoins actuels en formation, pour autant que l'on sache les replacer dans un cadre général.
Compétences et savoirs à développer dans les systèmes d'éducation
Les tableaux ci-après essaient de répertorier les besoins en formation des générations actuelles d'élèves. Ils sont volontairement assez généraux pour intégrer les ordres d'enseignement primaire, secondaires I et II, y compris les écoles professionnelles. Il faut cependant les lire de manière dynamique.
Il revient à chaque type d'école ou à chaque centre de concertation de porter un accent préférentiel sur tel ou tel type d'approche (certains aspects techniques seront plus développés dans telle école, certains aspects critiques davantage dans telle autre, par exemple). Tous les niveaux éducatifs sont néanmoins concernés par les compétences et les savoirs liés aux notions fondamentales des TIC.
Ces tableaux restent ouverts...
A. Compétences et savoirs liés aux TIC en particulier
Les TIC sont considérées comme un objet de connaissance (rapport sujet-objet) :
traiter l'information ;
communiquer ;
utiliser des interfaces (dialogue homme-machine) ;
comprendre le fonctionnement d'un automate ;
savoir utiliser les applications professionnelles.
B. Compétences et savoirs liés aux TIC en tant que média
Les TIC sont considérées comme un vecteur de connaissance (rapport sujet-sujet) :
être capable de lire, de produire et de traiter des documents, y compris multimédia ;
diffuser, mettre à disposition de l'information (processus de communication) ;
rechercher, organiser, critiquer l'information ;
réalité/« réalité » virtuelle.
C. Compétences et savoirs liés aux TIC dans les disciplines scolaires
Les TIC sont considérées en tant qu'apport dans les domaines constitués du savoir :
utiliser les nouvelles possibilités de représentation des savoirs liés à une discipline particulière ;
simuler et modéliser ;
traiter des informations de divers types et de différentes sources ;
développer le caractère opératoire lié aux différents savoirs ;
compléter certains apprentissages de base existants ;
renforcer la communication ;
favoriser la créativité.
D. Compétences et savoirs liés aux TIC et au statut du savoir
Les TIC sont considérées comme facteur de changement des savoirs et des rapports aux savoirs (approches « méta- » (y compris didactiques), philosophiques, éthiques).
anticiper les modifications de statut du savoir (information dynamique, récepteur-auteur) ;
renforcer le potentiel transdisciplinaire des TIC ;
favoriser l'élaboration et l'exécution de projets pédagogiques, au niveau des élèves, des enseignants, des écoles ;
renforcer le travail collaboratif ;
tenir compte de nouveaux besoins liés à l'évolution de la relation entre les divers partenaires de l'école ;
faciliter les interactions entre l'école et la société.
Formation des maîtres
La définition d'un projet-cadre du Département de l'instruction publique en matière de TIC, la reconnaissance de la nécessaire mise sur pied de projets pédagogiques donnant leur place aux TIC dans un système éducatif en mutation ne peuvent se limiter à tracer le profil des apprentissages des élèves.
En amont, la question de la formation des enseignants se pose avec acuité, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue. Du point de vue des divers aspects du perfectionnement professionnel des enseignants, on peut considérer les TIC tour à tour comme un domaine de compétence en tant que tel, comme une panoplie d'outils au service des processus d'apprentissage, et, last but not least, comme un champ de savoirs de référence ouvrant à une nécessaire pratique réflexive. Une formation bien pensée à l'intention des enseignants ne devrait pas négliger des dimensions aussi importantes que celles de la communication et des méthodes de travail (pédagogie), des conditions d'appropriation et de construction des savoirs (didactique), ainsi que les dimensions psychologiques et sociologiques de ces technologies.
Il est nécessaire dès lors que les différentes instances du département concernées par la formation des maîtres coordonnent leurs visées et leurs démarches en vue de proposer aux enseignants actuels et futurs l'acquisition des compétences qui leur permettent de mieux connaître les TIC, d'en user à bon escient dans leur pratique professionnelle, d'y former les élèves de manière adéquate, d'être conscients de leurs limites, de se préserver des dérives toujours possibles lorsqu'un domaine du savoir n'est pas suffisamment pris en compte par les systèmes éducationnels.
Des réponses concrètes
Parmi les difficultés rencontrées par les systèmes éducationnels, il faut mentionner l'apparition périodique de nouveaux champs du savoir et l'explosion des connaissances, en particulier scientifiques. L'école ne peut faire face à ces transformations par un simple procédé d'addition. Pour répondre à cette explosion, elle est amenée à modifier ses pratiques et ses objectifs.
L'introduction ou plutôt la prise en compte des TIC ne doit pas se profiler comme la possibilité d'une crise à venir mais plutôt comme une réponse partielle mais pertinente à certaines difficultés actuelles. L'intégration des TIC est une composante nécessaire des rénovations en cours. A ce titre, il faut engager l'autorité scolaire et les professionnels de l'enseignement à envisager les TIC comme une opportunité de développement...
Que demande le projet de loi ?
Il s'agit d'installer 92 ateliers de 12 postes de travail dans des établissements de l'enseignement primaire, du cycle d'orientation de l'enseignement post obligatoire, du CEPSPE, de l'OJ/service médico-pédagogique (voir le tableau résumé ci-dessous). Ceux-ci seront déployés d'ici à 2001.
Le prix de l'équipement est de 30 000 F, soit 2500 F par poste, comprenant tant les PC que les logiciels nécessaires. Ce prix est tout à fait raisonnable.
Le décompte total retenu pour les ateliers à installer est le suivant sur les trois ans :
Nombre d'ateliers
F
Observations
Enseignement primaire
30
900 000 F
passage d'un poste pour 40 élèves à un poste pour 20 élèves
Cycle d'orientation
20
600 000 F
3e atelier
Enseignement postobligatoire
36
1 080 000 F
(n+1)e atelier
CEPSPE
3
90 000 F
3 lieux
OJ/Service médico-pédagogique
3
90 000 F
à répartir
Total
92
2 760 000 F
Il conduit au plan d'investissement suivant :
La Commission des finances, après avoir entendu M. Morel, a souhaité avoir des garanties concernant d'une part la demande et la véritable utilisation de ces équipements, et d'autre part quels seraient les critères de répartition dans les divers établissements, si des efforts étaient entrepris pour ne pas porter préjudice aux établissements des quartiers populaires, quartiers dans lesquels les possibilités d'utilisation de l'informatique étaient à la maison sont moindres.
M. Morel a précisé que les propositions de projets étaient nombreuses et la répartition géographique et sociale variée.
La Commission des finances a voté l'entrée en matière et le vote final à l'unanimité.
Mesdames et Messieurs les députés, la Commission des finances vous recommande de suivre sa recommandation et d'approuver ce projet de loi qui relève de la pédagogie et non de l'informatique administrative de l'Etat de Genève.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8054)
ouvrant un crédit d'investissement pour l'acquisition du matériel et de logiciels nécessaires au projet « Apprendre à communiquer » dans les écoles
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
Un crédit de 2 760 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition du matériel et de logiciels nécessaires au projet « Apprendre à communiquer ».
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en trois tranches annuelles inscrites au budget d'investissement en 1999 (360 000 F), 2000 (1 200 000 F) et 2001 (1 200 000 F) sous la rubrique 17.00.00.506.49 du centre des technologies de l'information.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.