République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 55e séance
IU 760
M. Guy-Olivier Segond. M. Charles Beer a demandé au Conseil d'Etat, d'une part, combien de salariés travaillant dans les secteurs du commerce de détail et de l'hôtellerie-restauration, gagnant moins de 3 400 F brut par mois, étaient assistés par l'Hospice général - question à laquelle je répondrai - et, d'autre part, ce que l'autorité cantonale entendait entreprendre pour que l'Etat n'ait pas à subventionner ces bas salaires, question à laquelle M. Carlo Lamprecht répondra.
En ce qui concerne, tout d'abord, les salariés du commerce de détail et de l'hôtellerie-restauration qui sont assistés par l'Hospice général, il est impossible de répondre avec toute la précision voulue par M. Charles Beer. Toutefois, le Conseil d'Etat peut indiquer, sur la base des statistiques de l'Hospice général, que sur 3 811 dossiers d'assistance, 293 dossiers concernent des personnes dont les salaires sont inférieurs aux normes d'assistance. Sur ces 293 dossiers, 19%, soit 55 dossiers, concernent le secteur du commerce de détail et 16%, soit 47 dossiers, concernent le secteur de l'hôtellerie-restauration.
M. Carlo Lamprecht. Par son interpellation, M. Beer souhaite enfin savoir ce que notre canton peut entreprendre en ce qui concerne les bas salaires. Il faut reconnaître qu'en la matière les pouvoirs cantonaux sont particulièrement faibles, étant d'emblée précisé qu'il n'est pas question de refuser notre assistance à des personnes qui seraient dans le besoin faute de revenus suffisants.
Comme vous le savez, le principe qui est à la base de notre droit du travail est celui de la liberté contractuelle qui veut que les parties négocient et s'entendent sur les salaires qui seront versés en contrepartie du travail effectué.
La Suisse ne connaît pas de salaire minimum imposé, toutes branches confondues, pour un emploi à plein temps et seule la Confédération aurait le pouvoir d'édicter une telle norme. Vous savez, d'ailleurs, que les avis sont très divergents sur cette question. Cela ne signifie pas pour autant que rien ne peut être entrepris sur le plan local. Cela suppose, cependant, le concours actif des partenaires sociaux.
C'est ainsi que ceux-ci ont la possibilité de négocier des salaires minimums dans une branche particulière au travers de conventions collectives de travail, qui peuvent être étendues par le Conseil d'Etat à l'ensemble des entreprises du secteur concerné si, pour l'essentiel, plus de 50% des employeurs sont déjà liés par la convention.
C'est notamment ce qui a été fait dans un des secteurs qui vous préoccupe, à savoir celui de l'hôtellerie, puisque, à Genève, suite à un arrêté du Conseil d'Etat du 28 juillet 1999, le salaire minimum pour des collaborateurs sans apprentissage ni formation s'élève à 2 980 F par mois, salaire auquel s'ajoute, partiellement dès le septième mois d'engagement et totalement dès la troisième année d'engagement, un treizième salaire.
Nous sommes donc, dans ce secteur, parfaitement dans la cible des revendications de l'Union syndicale suisse. Pour le Conseil d'Etat, c'est assurément cette voie, dont le fondement est la négociation entre partenaires sociaux, qu'il convient de poursuivre. Etant précisé que, au travers des mesures d'accompagnement des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, il sera possible, pour autant, bien évidemment, que ces accords soient ratifiés, d'étendre plus facilement le champ d'application des conventions collectives, dès lors qu'il suffira, lorsque des abus ont été constatés dans la profession concernée, que 30% des employeurs soient déjà liés par la convention en question.
Pour les professions qui ne sont pas organisées, reste la solution des contrats types de travail qui peuvent être édictés par la nouvelle Chambre des relations collectives du travail, récemment créée par ce Grand Conseil. Il est vrai que l'instrument du contrat type de travail n'est pas parfait, dès lors qu'il est légalement possible d'y déroger par un accord individuel. Là encore, une amélioration bienvenue interviendra avec l'entrée en vigueur des mesures d'accompagnement, car il sera alors possible d'édicter, lorsque des abus répétés ont été constatés, des salaires minimums obligatoires.
En conclusion, des instruments, certes imparfaits, existent déjà pour lutter contre le phénomène des «working poors» et le Conseil d'Etat ne peut qu'encourager les partenaires sociaux à en faire usage.
Cette interpellation urgente est close.