République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 51e séance -autres séances de la session
54e législature
No 51/IX
Jeudi 18 novembre 1999,
matin
La séance est ouverte à 10 h.
Assistent à la séance : Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et M. Micheline Calmy-Rey et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Bernard Annen, Pierre-Alain Champod, Hervé Dessimoz, Alexandra Gobet, Georges Krebs et Pierre-Pascal Visseur, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Le président. Nous avons reçu la proposition de motion suivante :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance du Grand Conseil.
c) de propositions de résolutions;
M. Antonio Hodgers(Ve). J'annonce le retrait de la résolution 408 et en même temps le dépôt d'une nouvelle résolution sur le même sujet :
A ce titre, il serait intéressant que cette résolution aille à la commission des droits de l'homme, telle qu'elle a été proposée par notre collègue Halpérin. C'est pourquoi je demanderai à la nouvelle présidente de la commission des droits politiques d'agender le projet de loi instituant cette commission au plus vite afin que nous puissions lui renvoyer cette résolution.
Le président. La parole est à M. Halpérin.
M. Michel Halpérin (L). Je ne peux laisser passer cela, Monsieur le président ! Ce que M. Hodgers vient de faire est trop facile : on dépose le 12 octobre une proposition de résolution tendant à déclarer M. Henry Kissinger persona non grata sur le territoire de la République et canton de Genève. C'est imprimé, cela circule partout et il faudrait que ces messieurs puissent retirer délicatement leur texte scandaleux, sur la pointe des pieds, en catimini, à 10 h, devant une salle vide, sans personne à la tribune, en espérant que personne n'aura rien vu ! Je ne laisse donc pas passer cela.
Vous voulez éviter le débat, mais je vous dirai quand même ce que je pense de votre résolution qui ne résiste à rien, ni sous l'angle de l'histoire, ni sous l'angle de la morale, ni sous l'angle de la politique. On ne peut pas, Monsieur Hodgers, on ne peut pas, Monsieur Nissim - vous le lui direz de ma part - ou on ne peut pas, Madame De Haller, s'attaquer à une personnalité de l'envergure d'Henry Kissinger, lorsqu'on est responsable politique dans ce canton, sans assumer les conséquences de ce type de choix.
Je rappelle pour ceux qui l'auraient oublié qu'Henry Kissinger a été, de 1968 à 1972, le conseiller à la sécurité des Etats-Unis du président Nixon, et de 1972 à la fin de la présidence Ford, ministre des affaires étrangères... (L'orateur est interpellé.) Oui, oui...
Le président. Monsieur Hodgers, s'il vous plaît ! M. Halpérin a la parole !
M. Michel Halpérin. Je vous remercie, Monsieur le président !
Henry Kissinger a été l'homme qui a fait avancer la politique étrangère des Etats-Unis, avec le président Nixon, dans des proportions dont nous mesurons encore aujourd'hui toutes les conséquences positives. C'est sous son égide que les Etats-Unis ont reconnu la Chine continentale. C'est sous son égide que le président Nixon et les Etats-Unis d'Amérique ont conclu un traité de paix avec le Viêt-nam du nord, ce qui a valu à M. Kissinger un Prix Nobel de la paix. C'est le même Henry Kissinger, alors secrétaire d'Etat, qui a su utiliser les circonstances de la guerre du Kippour pour permettre de lancer les bases du rapprochement qui devait aboutir au processus de paix entre l'Egypte et Israël. C'est cet homme que nos intelligents résolutionnaires veulent aujourd'hui faire déclarer persona non grata sur le territoire genevois !
C'est insupportable du point de vue historique. C'est aussi tacher notre canton d'une manière intolérable, moralement indéfendable. Parce que les arguments que vous utilisez en vous inspirant de soi-disant découvertes sur l'histoire du coup d'Etat, qui a abouti au renversement du président Allende au Chili en 1973, ne sont pas des scoops. Ce sont des documents qui sont connus depuis vingt ans et dont vous faites une lecture approximative et biaisée. Par conséquent, votre approche est insupportable, même du point de vue moral, parce que vous trichez avec les sources historiques d'une part et parce que vous occultez d'autre part la moitié du débat qui est la responsabilité d'Allende lui-même dans sa chute... (L'orateur est interpellé.) C'est trop facile, Nissim ! Je l'ai dit avant que vous n'arriviez, on ne lance pas des brûlots pour laisser incendier la République et se retirer ensuite en catimini. C'est trop simple !
Enfin, du point de vue de la responsabilité politique, un parlement comme le nôtre se déshonore lorsqu'il prétend faire la leçon aux hommes d'Etat les plus importants qu'ait connus le siècle. Vous voulez prendre ce genre de responsabilité ? Assumez aujourd'hui celle de l'outrage politique, moral et historique que j'entends personnellement vous infliger pour votre inconduite ! (Applaudissements.)
Le président. Il est pris acte du retrait de cette résolution. Monsieur Hodgers, vous avez la parole.
M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, puisque je constate qu'il est permis d'entamer des débats sur des résolutions qui ne sont plus à l'ordre du jour et que vous laissez se dérouler un tel débat, je me permettrai peut-être de répondre en quelques mots...
Le président. Non, non ! Nous n'ouvrons pas le débat. Vous avez dit que vous déposeriez une nouvelle résolution. Il est pris acte du retrait de l'autre résolution. Nous poursuivons... (Protestations.) La résolution 408 est retirée. J'en ai bien pris note.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Suite du débat
M. Charles Beer (S). La motion que nous avons à traiter semble a priori pétrie de bon sens et semble même d'une touchante naïveté. J'ai presque envie de dire qu'il ne suffit pas d'enfoncer des portes ouvertes, encore faut-il prendre de l'élan ! Mais l'acte de la motion est-il pour autant si naïf ? Eh bien, je dois dire que, sans adhérer pleinement au discours du rapporteur de minorité - s'il relève des points tout à fait exacts sur les multinationales, il caricature et donne une importance trop grande à celles-ci dans la discussion - il n'en demeure donc pas moins que cette motion n'est pas tout à fait innocente. Elle laisse penser que l'université se retrancherait derrière un certain nombre de barricades pour éviter les contacts avec la Genève économique, ce qui est particulièrement faux et ce qui est tout simplement grave. La démarche de cette motion consiste à dire que les problèmes d'emploi et les problèmes d'inadéquation entre la formation et le marché du travail, s'il y en a, relèvent de la responsabilité de l'université. Je crois que l'on ne peut pas tout à fait laisser passer des choses comme cela et se rapporter au simple bon sens qui pourrait être déduit de la première lecture, naïve, de cette motion.
J'en viens maintenant à un autre élément, à une autre dimension, qui me semble manquer un tout petit peu dans les deux rapports. Ce sont respectivement les questions de l'importance de la formation académique et de l'importance de la formation professionnelle. Nous verrons plus loin dans l'ordre du jour que ces questions reviennent.
Il existe deux filières. Une filière va d'un côté jusqu'aux HES et une filière va de l'autre côté jusqu'à l'université. Il ne faudrait pas aujourd'hui, sous prétexte de revalorisation de la filière professionnelle, ce qui est souhaitable en soi, que l'on en vienne à dire que l'université devrait se transformer en école professionnelle. Parce que l'on n'a finalement pas pris beaucoup de précautions à ce propos pour éviter cet écueil. Mais, je le concède volontiers à Mme de Tassigny, l'invite de la motion ne va pas jusqu'à dire cela. Elle dit qu'il faut créer au minimum vingt emplois. Je m'excuse, mais cette création de vingt emplois, c'est tout simplement ridicule, parce qu'il y a bien plus de vingt emplois qui sont créés et qui sont le fruit d'universitaires embauchés dans les sociétés multinationales. Et vingt, à partir d'hier, d'aujourd'hui, de demain ? Est-ce que c'est un résultat que l'on peut fixer ? Comment sera-t-il évalué ?
Je crois que l'on a voulu dire ici, après avoir pris de l'élan et enfoncé la porte ouverte, qu'il y a, au bout du chemin, la conquête du Graal et vingt emplois à la clé. Mais ce n'est tout simplement pas sérieux de l'affirmer dans ce contexte.
Il est vrai que l'on n'a pas toujours le même sens du réalisme que M. Nissim, mais je déplore pour ma part que l'on oublie, dès que l'on saupoudre un peu de développement durable dans les motions, quelques principes de base, comme cette question de l'attrait de l'université qui est malgré tout évident par rapport aux sociétés multinationales.
Je ne suis pas très à l'aise avec un discours visant à caricaturer les sociétés multinationales, même si leur logique est bien celle démontrée par le rapporteur de minorité. Mais je dois dire que jeter le discrédit sur l'université en se faisant le petit télégraphiste des sociétés multinationales n'est pas la position du groupe socialiste. C'est pourquoi nous voterons quand même le rapport de minorité.
Mme Martine Brunschwig Graf. Je crois qu'il faut tout simplement remettre la motion à la place où elle doit être - je parle de la motion telle que l'a votée la commission. Je vous rappelle tout d'abord que nous inaugurerons et présenterons demain à la presse la cellule Uni-emploi, qui est une collaboration entre l'office d'orientation professionnelle du département de l'instruction publique et l'université.
Au-delà de ce débat, j'aimerais quand même vous dire que ce que prévoit la motion, telle qu'elle est libellée, n'est pas vraiment différent de ce que toute université ou école polytechnique normale fait, à savoir trouver des plates-formes et des lieux de rencontre qui offrent véritablement, entre les entreprises qui cherchent des diplômés et des diplômés qui cherchent un emploi, un chemin naturel qui permette aux uns et aux autres d'atteindre leurs objectifs.
Je crois qu'aucun d'entre vous ne peut s'opposer à l'idée qu'un diplômé trouve du travail à la sortie de l'université, pas plus qu'aucun d'entre vous ne peut s'opposer à l'idée que des multinationales - qui souhaitent rester sur le sol européen, notamment dans la région lémanique, pour éviter les délocalisations - puissent trouver dans la région où elles s'implantent les collaboratrices et collaborateurs dont elles pourraient avoir besoin pour des postes à haute valeur ajoutée. Il me semble que personne dans ce Grand Conseil ne peut logiquement et sainement s'opposer à une telle démarche, parce que même les plus enclins à blâmer les multinationales ne peuvent que saluer les efforts entrepris dans ce but. Les cadres européens souhaitent véritablement que les centres de décisions restent en Europe, en Suisse notamment et pour beaucoup dans la région lémanique. Il est donc aussi du devoir de la région de se préoccuper de favoriser la rencontre des entreprises avec ceux que l'on forme et qu'elles pourraient engager. Cette motion ne propose rien d'autre que cela. Je peux vous dire à titre de comparaison que l'université de Lausanne ou l'école polytechnique fédérale sont beaucoup plus présentes et beaucoup plus actives dans ce domaine. Il est donc naturel de mettre en place un forum qui n'accueille pas seulement les étudiants en sciences économiques, mais l'ensemble des étudiants, et qui permette véritablement à ceux-ci de s'insérer.
Si l'on considère Uni-emploi comme étant l'un des éléments de l'une de nos institutions - je précise cela pour M. Beer et sa légitime préoccupation pour les hautes écoles spécialisées - je crois que cette mission peut être considérablement et facilement remplie. Ceci dit, il y a effectivement un malentendu dans le libellé de la motion, malentendu qui cause probablement quelques distorsions dans le débat. Je vous proposerai donc de la modifier pour éviter ce malentendu. Il est clair qu'il ne peut être question de favoriser la création d'emplois, quelle que soit l'opération menée par Uni-emploi ou l'université. Ce n'est pas l'objectif. Mais ce que l'on doit en revanche viser, c'est favoriser l'engagement de jeunes diplômés dans une proportion d'une vingtaine au moins par année. Si vous formulez ce souhait sous cette forme-là, cela permettra de répondre véritablement aux objectifs visés, c'est-à-dire de permettre la construction de la plate-forme nécessaire pour que des entreprises qui cherchent à engager des diplômés puissent véritablement le faire.
Mesdames et Messieurs les députés, nous parlions tout à l'heure de l'école d'ingénieurs. J'aimerais vous dire que le même problème existe pour notre université et que nous rencontrons effectivement des entreprises, pas seulement multinationales, qui nous expliquent qu'il leur est très difficile de trouver le chemin pour accomplir leur mission, à savoir créer des emplois et les offrir à la place économique dans laquelle elles sont intégrées. Aussi, je vous propose de modifier cette motion et de mettre simplement, au lieu de «favoriser la création d'emploi» - si quelqu'un veut bien en prendre note pendant, je vous en remercie - «favoriser l'engagement de jeunes diplômés dans une proportion d'une vingtaine au moins», ce qui permet de répondre aux soucis de ceux qui veulent des objectifs chiffrés et de répondre aux soucis de ceux qui ne veulent pas entendre parler de cette motion sous la forme de création d'emplois. Parce qu'il est vrai que l'université n'a pas pour mission de créer directement des emplois.
Le président. Nous avions clos la liste des orateurs tout à l'heure. Une nouvelle proposition est cependant formulée. C'est un peu particulier que le Conseil d'Etat amende une motion du Grand Conseil l'invitant à présenter un rapport. Je vous propose donc un nouveau tour de parole. Monsieur Beer, vous avez la parole, puis M. Nissim, M. Godinat et M. Lescaze. Je clôturerai ensuite la liste des orateurs. Monsieur Beer, vous avez la parole !
M. Charles Beer (S). J'aimerais juste dire que la proposition de la présidente du département semble effectivement meilleure que le texte de la motion. Cela dit, la réalité est aujourd'hui, vous le savez, Madame la présidente, bien supérieure à une vingtaine. C'est pour cela qu'il ne me paraît pas judicieux de mentionner des éléments chiffrés. Je ne m'en prends pas à votre argumentation, mais vouloir articuler des chiffres qui se situent bien en deçà de la réalité relève tout simplement de la bonne conscience et de l'inutilité, voire du danger.
Le président. La parole est à M. Nissim.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je renonce, Monsieur le président !
Le président. Monsieur Lescaze, s'il veut bien regagner sa place... Il ne souhaite pas s'exprimer ! Monsieur Godinat !
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur de minorité. La nuance apportée par Mme la cheffe du département montre effectivement bien qu'il n'est pas de la compétence des milieux universitaires de créer des emplois. Je prends donc acte de cette reconnaissance. Maintenant, la démarche soutenue par cette proposition reste identique à celle proposée par la motion, à savoir de privilégier des liens avec un secteur économique. Et c'est bien ce qui nous gêne ! Nous pensons en effet que l'université n'a pas comme mission prioritaire, comme l'indique aujourd'hui cette motion, de favoriser des liens avec les multinationales. Je le répète, ces liens existent. Toutes les personnes qui se sont exprimées ici l'ont reconnu. Nous avons souligné les problèmes que pose le fait de vouloir privilégier ces liens, connaissant le rôle que ces entreprises jouent. Pour ma part, je ne vois pas de changement fondamental par rapport au sens de la motion. Je m'abstiendrai donc personnellement sur cette proposition, mais je continue à appuyer mon rapport concernant l'ensemble du texte proposé.
Le président. Je vous donne lecture du texte de l'amendement rédigé par M. Lescaze, modifiant la fin de l'invite ainsi :
«...visant à favoriser l'engagement de jeunes diplômés dans une proportion d'une vingtaine au moins par année.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
La proposition de motion est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette motion ainsi amendée est adoptée par 43 oui contre 33 non.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1096)
Un plan de carrière pour nos jeunes diplômés
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
l'importance de continuer à explorer toutes les pistes permettant de favoriser l'emploi, de développer les interfaces entre le monde de la formation et celui de l'emploi et de pouvoir proposer un avenir professionnel, notamment aux jeunes diplômés des universités et des hautes écoles
la mise en place dès la rentrée 1999 du Centre Uni-Emploi
le souhait exprimé par le Groupement des entreprises multinationales de Genève d'intensifier ses contacts avec l'Université de Genève dans l'objectif d'employer davantage de diplômés de l'Université de Genève
Le Grand Conseil,considérant :
que l'emploi reste une préoccupation primordiale des politiques actuelles ;
que les jeunes sont particulièrement touchés par ce problème ;
que des mesures préventives ont les meilleures chances d'être, à terme, efficaces,
invite le Conseil d'Etat
à considérer toutes les mesures pouvant favoriser une meilleure adéquation de la formation des élèves aux exigences d'insertion dans le monde du travail, tout en préservant l'indispensable acquisition d'une culture générale ;
à rapprocher le monde de l'école et celui de l'économie, cela sans asservir l'un à l'autre, mais en favorisant la connaissance réciproque et les contacts,
et notamment,
- à évaluer les programmes scolaires dans ce sens ;
- à considérer l'accueil de professionnels dans les écoles ;
- à mettre un accent majeur sur les stages en entreprises.
La proposition de motion 1103 a été déposée en novembre 1996. A un moment où, à Genève, comme le précisaient les motionnaires dans leur exposé des motifs, les moins de 25 ans constituaient plus de 12 % de l'ensemble des personnes sans emploi. Aujourd'hui, le nombre de chômeurs a diminué de façon significative et la proportion des jeunes de moins de 25 ans parmi eux est descendue à moins de 10 %. Cette baisse touche aussi bien les apprentis que les étudiants.
L'amélioration de la situation est due, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi aux premiers effets des mesures prises par le Département de l'instruction publique pour que l'école, d'une manière générale, prépare mieux les jeunes aux exigences du monde dans lequel ils seront appelés à vivre.
Première invite :
« ...considérer toutes les mesures pouvant favoriser une meilleure adéquation de la formation des élèves aux exigences d'insertion dans le monde du travail, tout en préservant l'indispensable acquisition d'une culture générale ».
Cette invite est au centre de toute politique de l'éducation et de la formation. Elle fait partie des préoccupations du Conseil d'Etat et du Département de l'instruction publique en particulier.
Ce postulat posé, reste à résoudre la question suivante : quelles mesures prendre dans une société qui s'inscrit dans une dynamique du changement ; dans une société qui implique une adaptation et une évolution permanentes de ses acteurs ?
Une des caractéristiques de notre monde est que la plupart des connaissances acquises aujourd'hui seront dépassées demain. L'accumulation des savoirs ne suffit plus. Et l'on sait aussi que l'école ne constitue plus le seul lieu et le seul « temps » d'appropriation de la culture, de l'histoire ou des sciences. La formation s'étend donc tout au long de la vie active. Elle est continue.
Dans ce contexte, l'école a pour première priorité de faire acquérir à ses élèves de solides connaissances dans les disciplines fondamentales. Disciplines fondamentales dont font partie, notamment, le français, les mathématiques, les langues nationales et l'anglais.
C'est à ce titre, par exemple :
que l'enseignement des mathématiques dans l'enseignement primaire a été réformé au niveau romand. Il est basé sur l'appropriation des outils, notions et techniques qui permettent de mieux résoudre des problèmes concrets ;
que l'enseignement de l'allemand a été rénové à l'école primaire et au Cycle d'orientation. Les méthodes « Tamburin » dans l'enseignement primaire (appliquée au 3e degré dès l'an 2000) et « Sowieso » au Cycle d'orientation tiennent compte à la fois des goûts et dispositions psychologiques des élèves ;
que le nouveau plan d'études du français au Cycle d'orientation insiste sur l'idée d'inter et de transdisciplinarité. L'application de cette notion permettra aux élèves de répondre aux exigences des autres disciplines en matière d'exposés et de réalisation de dossiers ;
que l'anglais, langue de communication internationale, figure désormais au programme de l'ensemble des élèves du Cycle d'orientation ;
que la culture générale a été renforcée dans les écoles de formation professionnelle dans le cadre d'un plan d'études cadre mis en place par la Confédération.
Renforcement et renouveau des disciplines de base afin qu'elles soient assimilées et maîtrisées dans le temps constituent donc la première priorité de l'école. Mais l'école, comme la société, se transformant, elle se doit, pour préparer l'insertion professionnelle, culturelle et sociale de ses élèves, de transmettre des compétences axées sur l'ouverture et l'adaptation au monde environnant. Telle est la seconde priorité de l'école.
Et la première des compétences que l'école transmet est la capacité et l'envie d'apprendre car elle est un facteur permanent d'insertion. L'école doit également permettre d'atteindre une certaine autonomie, de s'adapter à des situations nouvelles, de savoir organiser son travail personnel, d'améliorer son aptitude à communiquer, de gérer l'information et de travailler en réseau. Pour, en fin de compte, pouvoir développer des projets et devenir responsable et solidaire dans la société de demain.
Ces objectifs, les trois ordres d'enseignement en ont fait les leurs :
dans l'enseignement primaire, la rénovation a des objectifs précis. Il s'agit notamment de renforcer les compétences transversales ;
au Cycle d'orientation, les six priorités définies en 1996 mettent l'accent sur la responsabilisation de l'élève, la construction d'un projet personnel et l'amélioration de ses capacités à communiquer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'école ;
au Collège de Genève, l'introduction de la nouvelle maturité offre la possibilité de personnaliser son programme par des options. Ses ambitions : développer l'ouverture d'esprit, la responsabilisation et l'autonomie de jugement, favoriser la curiosité et accroître les facultés de communication.
De nombreux autres exemples pourraient venir alimenter cette argumentation. Les réformes entreprises depuis 1993 dans le domaine de la formation, tant au niveau fédéral que cantonal, vont toutes dans le même sens : aider les élèves à acquérir, durant leur scolarité, quel que soit le niveau où ils se situent et la voie qu'ils empruntent, un solide bagage de connaissances et de compétences, garant, à moyen et long termes, des meilleures chances d'insertion professionnelle et sociale.
Seconde invite :
« ...rapprocher le monde de l'école de celui de l'économie, cela sans asservir l'un à l'autre, mais en favorisant la connaissance réciproque et les contacts,
et notamment,
à évaluer les programmes scolaires dans ce sens ;
à considérer l'accueil de professionnels dans les écoles ;
à mettre un accent majeur sur les stages en entreprises. »
Le Département de l'instruction publique oeuvre constamment dans cette optique.
Sur le plan des programmes scolaires, comme nous l'avons montré dans la réponse à la première invite, les adaptations aux évolutions scientifiques, technologiques et sociales sont permanentes.
Dans le domaine de la formation professionnelle les exemples ne manquent pas non plus :
regroupements dans les formations des professions du bois et de la mécanique, projets de regroupements dans les professions du dessin technique et de l'informatique menés en étroite collaboration avec les milieux professionnels ;
mise en place de stages en entreprises pour les apprentis en école du CEPTA (Centre d'enseignement des professions techniques et artisanales) afin que leur formation colle mieux aux réalités du terrain ;
mise en place de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées, équivalentes, en termes d'ambition et de niveau, à la voie universitaire.
Dans le domaine des relations entre les professionnels et les écoles, les contacts ont été établis depuis de nombreuses années et sont aujourd'hui pratique courante dans le canton. L'Office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP), avec les associations professionnelles et les entreprises, organise chaque année, essentiellement pour des élèves du cycle et des 10es degrés de la scolarité postobligatoire des Rencontres d'information professionnelle et des visites en entreprises. En 1998/99, environ 4 500 personnes ont bénéficié de ces prestations. Mais les contacts des élèves avec le monde du travail ne se limitent pas à ces opérations :
au Cycle d'orientation, plus de 200 maîtres d'information scolaire et professionnelle (MISP) - dont la mission à côté des conseillers d'orientation scolaire et professionnelle est de préparer les élèves au choix d'une formation ou d'une profession - sont en contact régulier avec les responsables de formation, les responsables d'entreprises et les associations professionnelles genevoises. Le Cycle d'orientation contribue ainsi depuis de nombreuses années à faire connaître aux élèves - et à promouvoir - tous les secteurs de l'économie genevoise (visites de classes lors des journées des portes ouvertes du CEPTA, visites de chantiers de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), d'entreprises de l'Union industrielle genevoise (UIG) ;
dans les écoles du postobligatoire, des dispositifs de préparation au choix sont en place tant au collège que dans les écoles de commerce et de culture générale : semaines d'information sur les études et professions, cours de projet professionnel à l'Ecole de culture générale Henry-Dunant, ateliers de développement de projet au Collège (Boussole), toutes prestations qui mettent en contact les élèves avec des professionnels, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des établissements.
Quant aux stages, ils constituent le facteur essentiel de rapprochement entre les élèves et les entreprises et tout est fait pour faciliter leur organisation.
On estime qu'actuellement, près de 8 000 stages sont organisés chaque année dans le canton, et que 90 % d'entre eux sont mis en place par le Département de l'instruction publique au bénéfice des élèves du cycle, de l'école de culture générale, des écoles professionnelles et du postobligatoire en général. Mais bien entendu, tous les stages organisés ne sont pas de même nature et concernent des élèves de différentes filières. Le contenu des stages et leur durée varient donc en fonction des objectifs recherchés (découverte d'une profession, recherche d'une place d'apprentissage, validation d'un projet, reconnaissance des acquis, acquisition d'une expérience, insertion dans le monde du travail, formation, etc.), et toutes les entreprises ne sont pas à même de recevoir toutes les requêtes. La demande est donc forte quantitativement, et si diversifiée qualitativement, qu'une coordination a été mise en place à la demande des associations professionnelles et des entreprises. « Interface Entreprises » a été créé en juin 1998 à cet effet. Petite structure commune au Département de l'instruction publique et au Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, « Interface Entreprises » est soutenu par le Conseil central interprofessionnel et financé à 80 % par la Confédération. Il propose :
une base de données informatique sur les entreprises à même de recevoir des stagiaires pour informer les demandeurs des possibilités existantes et des limites, en termes quantitatifs et qualitatifs (en cours de réalisation) ;
la recherche de places de stages et de formations en entreprises pour des institutions abonnées (par exemple : Ecole d'ingénieurs de Genève, Office cantonal de l'emploi, Office d'orientation et de formation professionnelle).
L'énumération de l'ensemble des types de stages organisés et des élèves concernés par des stages en entreprises serait trop longue et fastidieuse dans le cadre de la réponse à cette motion. Nous choisirons donc quelques exemples significatifs :
avec la création de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées (HES) sont apparus de nouveaux besoins. Les porteurs d'un diplôme d'études commerciales, par exemple, ont la possibilité d'obtenir une maturité professionnelle commerciale moyennant un stage en entreprise de 39 semaines. Les candidats suivis par deux répondants, l'un de l'entreprise, l'autre de l'école, doivent passer un examen final de « travaux pratiques ». A l'Ecole d'ingénieurs de Genève (EIG), les élèves qui terminent leur 3e à l'Ecole d'enseignement technique (EET) doivent, pour entrer en HES, effectuer un stage en entreprise de 12 semaines ;
les écoles de commerce, qui ont depuis longtemps le souci constant d'intensifier des contacts avec les milieux économiques, organisent des stages en entreprise pour les élèves de 2e année qui préparent le diplôme, pour les candidats à la formation commerciale pour porteurs de maturité, ainsi que pour les candidats à la maturité professionnelle commerciale postdiplôme ;
au Centre d'enseignement pour les professions techniques et artisanales (CEPTA), les élèves des filières à plein temps bénéficieront tous à terme d'une première expérience de pratique professionnelle en entreprise ;
le centre de séjours à l'étranger quant à lui, a développé le concept « la langue comme atout professionnel ». Ces stages à l'étranger conduisent le jeune à un niveau linguistique assez avancé dans un contexte professionnel qui lui est proche. Le centre offre les conseils nécessaires au développement du projet, il guide le jeune qui sera déjà au bénéfice d'une formation scolaire (maturité, maturité professionnelle, CFC, titre HES ou universitaire) ;
enfin, la pratique courante des langues vivantes par des stages linguistiques, des cours d'enseignement général donnés dans une langue étrangère, des semaines hors cadre d'immersion linguistique, est à l'étude dans les écoles du postobligatoire.
Quant à organiser des stages, d'assez longue durée, pour des élèves du cycle ou du collège qui suivent une formation dite de culture générale, il n'est pas sûr que les entreprises seraient d'accord de les prendre en charge. Pour préparer des projets dans quels domaines ? Pour évaluer les performances des entreprises sur quels critères ? Et avec quelles compétences ? La généralisation de ce type de stages reviendrait, en fait, à amputer notre système de formation de filières clairement définies et offrant des possibilités diversifiées.
Conclusion
Les auteurs de la motion réclament des gens compétents. Ils pensent et proposent la généralisation de stages pratiques de formation de longue durée pour l'ensemble des filières de formation.
La solution n'est pas là. Les stages de formation existent déjà dans l'ensemble des filières professionnelles et les passerelles entre le monde l'économie et les filières de culture générale sont nombreuses et se développent.
La solution aux demandes des motionnaires passe par un rééquilibrage de la répartition des élèves entre les filières de culture générale, très prisées, et les filières professionnelles qui le sont moins.
La revalorisation de la filière professionnelle est une opération de longue haleine à laquelle le Département de l'instruction publique travaille depuis plusieurs années.
Cette revalorisation est en cours, grâce à l'introduction de la maturité professionnelle et la création des HES. Elle sera complétée et achevée en 2003 avec l'introduction d'une nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle.
La réhabilitation de la filière professionnelle passe aussi par des actions de promotion des apprentissages. Comme celles qui sont menées depuis 1997 en Suisse, en Suisse romande et à Genève en particulier, avec l'appui de la Confédération, le soutien et la collaboration permanente des partenaires sociaux.
C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à Genève depuis 1996, le nombre de places d'apprentissage a augmenté de 15 % et le nombre de contrats d'apprentissage de 14 % (chiffres juillet 99). Ces résultats positifs sont encourageants. Ils sont à mettre au bénéfice de l'ensemble des partenaires et institutions cités dans ce rapport. Les efforts seront poursuivis dans ce sens. Ils permettront d'amener peu à peu, mais certainement, de plus en plus de candidats vers la maturité professionnelle et les HES. En dehors de la généralisation des stages pratiques de formation à l'ensemble des filières qui n'est pas la solution aux problèmes évoqués dans la motion 1103, l'ensemble des autres mesures préconisées sont réalisées.
Mesdames et Messieurs les députés, notre Conseil espère - par les éléments relativement exhaustifs évoqués dans sa réponse - vous démontrer que l'action menée répond aux attentes du parlement.
Débat
Mme Barbara Polla (L). Les motionnaires souhaitent remercier le Conseil d'Etat et en particulier la présidente du département de l'instruction publique pour son rapport sur la motion 1103. Ce rapport nous apporte en effet des informations particulièrement encourageantes, notamment sur le fait que depuis 1996, date du dépôt de cette motion, le nombre de places d'apprentissage a augmenté de 15 % et le nombre de contrats d'apprentissage de 14 %. C'est à souligner dans notre pays, où le système d'apprentissage constitue l'un des fleurons de la formation.
Nous apprenons aussi que les passerelles entre l'économie et les filières de la culture générale, par exemple, sont nombreuses et se développent, alors que les écoles de commerce organisent des stages en entreprises pour plusieurs catégories de leurs élèves. Ces données sont particulièrement réjouissantes lorsqu'on considère, comme on vient de le faire, la résistance que l'on peut rencontrer encore aujourd'hui à l'égard des interactions entre écoles et économie. Ces interactions se développent visiblement dans le respect de chacun des deux domaines, sans asservissement de l'un à l'autre, comme le précisait d'ailleurs la motion, mais en favorisant réellement les contacts indispensables pour l'emploi futur. C'est bien dans ce sens que vont l'ensemble des actions décrites dans ce rapport et nous ne pouvons que nous en réjouir et réitérer nos remerciements à la présidente du DIP et au Conseil d'Etat.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : M. Jean-François Courvoisier
Le mercredi 1er septembre, à la demande de la présidente Mme Jeannine de Haller, nous interrompons l'étude du projet de loi 7787 modifiant la loi sur l'instruction publique pour étudier la pétition 1195 sur l'enseignement du français dans les collèges, pétition qui date de 18 mois.
Plusieurs commissaires pensent qu'il faudrait intégrer cette pétition au projet de loi 7787. La présidente répond que c'est à cause de cette éventualité qu'elle a prévu de mettre cette pétition à l'ordre du jour et qu'elle a invité les deux pétitionnaires, Mmes Catherine Fuchs et Anne Zanoni-Jeanrenaud, pour être auditionnées par notre commission.
Une discussion reprend entre les commissaires qui veulent intégrer cette pétition au projet de loi 7787 et ceux qui veulent la traiter séparément. La présidente met fin au débat et note qu'il faudra clarifier cette question.
Nous accueillons ensuite les deux pétitionnaires suivies de Mme Extermann, représentante du DIP, qui pourra répondre à nos questions au sujet de la nouvelle grille horaire des collèges genevois.
Mme Zanoni-Jeanrenaud prend la parole la première et nous informe qu'en automne 1997 les maîtres ont pris connaissance de la nouvelle grille horaire. D'après elle, il y a deux grilles. Soit les heures que les élèves doivent suivre à l'école et la grille horaire des maîtres, les heures pendant lesquelles ils doivent enseigner. Dans l'opération, les professeurs de français ont perdu une heure et les élèves une demi-heure.
Pour expliquer cette différence, la pétitionnaire indique que les élèves bénéficiaient jusqu'alors d'une heure de français en demi-groupes tous les quinze jours ou sous un plan plus individualisé. Le maître enseignait quant à lui cette heure chaque semaine.
En réaction à cette nouvelle grille, la Commission des présidents des groupes de français, dont font partie Mmes Fuchs et Zanoni-Jeanrenaud, a exprimé son mécontentement en rédigeant cette pétition qui a été signée par 322 maîtres dont beaucoup n'enseignent pas le français.
C'est au tour de Mme Fuchs de prendre la parole pour nous dire que ces nouvelles dispositions aggravent les conditions de l'enseignement du français. D'après l'accord de 1989, on sait que les corrections bien faites prennent énormément de temps. Au collège de Saussure où elle enseigne tout comme sa collègue Mme Zanoni-Jeanrenaud, il n'y a que deux maîtres sur 23 qui enseignent le français à plein temps. Mme Fuchs mentionne aussi l'augmentation d'élèves non francophones et le niveau de plus en plus préoccupant des francophones dans la maîtrise de leur langue maternelle. Ce fait est confirmé par des collègues qui enseignent à l'Université et qui se plaignent de la médiocrité de la qualité de rédaction des élèves qui fréquentent leur cours. Enfin, Mme Fuchs déplore l'augmentation des effectifs dus en partie à l'instauration de la nouvelle maturité.
L'oratrice réclame le retour au système des demi-groupes comme elle l'explique plus loin. Mme Fuchs dénonce un paradoxe. Les Plans d'études cadres insistent sur l'importance de la langue première mais, dans le même temps, les maîtres de français ont de moins en moins de temps. Elle concède que des professeurs d'autres disciplines pourraient faire le même constat mais les deux pétitionnaires jugent indispensable de ne pas laisser un tel état de fait à leur niveau.
A la demande des commissaires sur les raisons qui ont conduit à la suppression de cette heure, Mme Zanoni-Jeanrenaud répond que c'est une question de coût. Elle pense que le but du DIP était en réalité de diminuer le nombre d'heures.
Mme Fuchs exemplifie : En quatrième année, les élèves suivaient 3 heures en classe entière et 1 heure en demi-groupe, mais le maître suit ses classes 3 heures plus les deux demi-groupes. Le compte est donc de 5 heures pour l'enseignant et de 4 heures pour l'élève. Or cela a disparu. Actuellement, professeurs et élèves voient leurs compteurs égalisés, soit 4 heures de part et d'autre. Il s'ensuit, déplore la pétitionnaire, une baisse évidente de la qualité. L'enseignement individualisé, poursuit Mme Fuchs, est fondamental. Alors avec des classes de 25 élèves !
Mme Fuchs sait qu'il y a des problèmes financiers et assure que les maîtres en sont conscients. Mais il est nécessaire d'après elle que les gens réalisent le hiatus grandissant entre ce qu'on exige des enseignants et ce qu'on leur permet de faire. Il faut savoir, ajoute Mme Fuchs, que ces changements ont été constatés mais que le corps enseignant n'en a pas été informé.
A l'issue des auditions, Mme Extermann s'étonne des revendications des pétitionnaires. Auparavant, il y avait une grande disparité entre les 8 établissements. La nouvelle grille horaire sera valable pour l'ensemble des collèges genevois. Mme Extermann insiste sur l'importance que le DIP accorde à la maîtrise du français. Elle s'étonne aussi que Mmes Fuchs et Zanoni-Jeanrenaud n'en parlent pas.
Après le départ des pétitionnaires, les commissaires se demandent s'il faut à tout prix, avec les difficultés financières actuelles, privilégier l'enseignement du français. Il semble évident que chaque enseignant estime nécessaire de privilégier la branche qu'il enseigne. Certains d'entre nous pensent que la dégradation dans la maîtrise de notre langue commence à l'école primaire.
Nous reprenons nos travaux le mercredi 8 septembre. Plusieurs commissaires se posent la question de savoir si une heure partagée en demi-classe pourra sérieusement améliorer l'apprentissage du français. Il n'est pas possible de répondre à cette question de manière catégorique, mais les commissaires qui désirent envoyer cette pétition au Conseil d'Etat veulent de cette manière envoyer un signe sur l'importance de l'enseignement du français qui semble être sacrifié par ce changement.
Nous passons au vote. La présidente précise que la pétition 1195 sera traitée séparément du projet de loi 7787. Le vote donne le résultat suivant :
Dépôt sur le bureau du Grand Conseil
4 pour 2 DC, 1 L, 1 R
6 contre 2 AdG, 3 S, 1 Ve
Renvoi au Conseil d'Etat
6 pour 2 AdG, 3 S, 1 Ve
4 contre 2 DC, 1 L, 1 R
La majorité de la commission vous recommande donc d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Comme je l'ai écrit plus haut, ceux d'entre nous qui soutiennent l'envoi de cette pétition au Conseil d'Etat ne pensent pas que ce sera le miracle qui permettra à tous les collégiens de s'exprimer comme Anatole France. Et c'est certainement à tous les degrés qu'il faudra valoriser l'étude de la langue française. Malheureusement, peu après notre vote, M. Claude Cottier, directeur du Service de l'enseignement du Cycle d'orientation, nous a dit que les heures d'enseignement de l'anglais au C.O. seraient prises au détriment de l'enseignement du latin et du français. Les heures de français vont diminuer de 6 à 5 heures.
En maintenant l'enseignement du français à un haut niveau, c'est notre culture et notre civilisation que nous défendons et par conséquent notre patrie qui nous a confié sa destinée.
C'est pourquoi la majorité de la commission vous recommande d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Pétition(1195)
pour la défense du français
Mesdames etMessieurs les députés,
N.B. : 322 signatures
. .
Collège de Saussure, 9, Vieux chemin d'Onex, 1213 Petit-Lancy
page 7
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : Mme Janine Hagmann
La majorité de la commission (AdG, S, Ve) a décidé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Cela signifie donc qu'elle acquiesce à la demande des pétitionnaires pour que les conditions d'enseignement du français restent les mêmes que la moyenne actuellement en vigueur dans les divers collèges genevois, à savoir une différence d'une heure par degré, diction comprise, entre la grille élèves et la grille maîtres. Ce qui signifie la possibilité de continuer à enseigner en demi-classe soit 1 heure tous les 15 jours, soit 1 heure toutes les semaines selon le collège où l'on enseigne, en 2e, 3e, ou 4e année, comme c'était le cas avant l'introduction de la nouvelle grille-horaire.
Pour atteindre les objectifs d'apprentissage, il a fallu tenir compte des demandes de dotation horaire des différents groupes. L'enseignement du français garde une place importante... mais il n'est pas envisageable de sacrifier les autres apprentissages tels que mathématiques, sciences ou langues. La demande des pétitionnaires est-elle donc bien raisonnable en ce moment ?
Il est évident qu'un enseignement en demi-classe est plus facile qu'avec une classe complète, mais est-il vraiment plus stimulant et plus efficace ?
Là-dessus, les avis des enseignants divergent car un nombre trop bas d'élèves ne favorise pas nécessairement la qualité des échanges et la richesse des débats. La qualité de l'enseignement est-elle gravement péjorée, au collège, par cette modification des horaires ? On peut sûrement répondre par la négative.
Il faut bien préciser que la grille horaire proposée ne pénalise pas les élèves mais modifie quelque peu les heures du maître.
La minorité de la commission, quant à elle, pense que la demande des enseignants pétitionnaires est irrecevable.
En effet, elle s'appuie sur une hiérarchisation des disciplines d'enseignement. La maîtrise de la langue française ne s'acquiert pas que lors des séquences d'enseignement. Qu'en est-il de l'interdisciplinarité ? Et des acquis hors cadre scolaire ? Chacun sait par expérience que les sources d'apprentissages sont très variées.
En outre, les collèges ne procèdent pas de manière identique quant à l'organisation des heures dévolues à l'enseignement du français.
La demande des pétitionnaires relève donc davantage de la préservation de conditions de confort de certains enseignants que de préoccupations pédagogiques partagées par tous. Pour les raisons évoquées ci-dessus, la minorité de la commission (DC, R, L) vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt de la pétition 1195 sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement.
Cette pétition a eu, par contre, le mérite de soulever des discussions animées au sein de la commission sur l'évolution de l'enseignement du français.
L'unanimité s'est faite sur l'importance de l'apprentissage de la langue du pays dans lequel on fait ses études. Les commissaires ont également unanimement reconnu que s'il existait une méthode d'enseignement qui soit considérée comme la seule, l'unique et la plus efficace, elle serait depuis longtemps appliquée ! Par contre, la majorité a refusé de participer à la création d'une motion qui se veut constructive. Le clientélisme l'a sans doute emporté sur l'intérêt général.
C'est donc la minorité de la commission qui vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la motion suivante :
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition présentée par les députés:Mmes et MM. Janine Hagmann, Michel Balestra, Janine Berberat, Madeleine Bernasconi, Philippe Glatz, Nelly Guichard et Marie-Françoise de Tassigny
Date de dépôt: 7 octobre 1999Messagerie
Proposition de motionpour un renforcement de la qualité de l'enseignement du français
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
que le français, langue de scolarité des élèves des écoles genevoises, n'est pas la langue maternelle d'une proportion importante d'entre eux ;
que la maîtrise de la langue de scolarité joue un rôle fondamental dans l'ensemble de la formation scolaire et professionnelle ;
qu'en particulier, les exigences de la nouvelle maturité gymnasiale augmentent quant aux capacités des élèves à exprimer leur pensée dans une forme synthétique, précise et structurée ;
que les plans d'étude cadre assignent à l'enseignement de la langue de scolarité une place prépondérante dans la formation dispensée par les écoles préparant à la maturité ;
que, de façon plus générale, la maîtrise de la langue française devient de plus en plus nécessaire pour participer de façon efficace à la vie professionnelle, sociale, politique, associative, culturelle, d'une société qui devient elle-même de plus en plus complexe ;
que le développement des nouveaux moyens d'information et de communication, loin de reléguer l'usage de la langue au second plan, nécessite au contraire une maîtrise plus étendue tant du code écrit que du code oral, et une capacité de décryptage et de synthèse de l'information à la fois plus rapide et plus sélective, dans tous les domaines cités plus haut ;
que la maîtrise de la langue de scolarité (et/ou de la langue maternelle) est la condition sine qua non de la bonne acquisition des langues secondes ;
que la qualité de l'enseignement dépend pour une bonne mesure des conditions de celui-ci (possibilité de prise en compte de l'hétérogénéité croissante des élèves, même s'il s'agit de collégiens, travail et soutien personnalisés dans les domaines de la dissertation et de la rédaction) ;
à étudier les moyens de parvenir à renforcer la qualité de l'enseignement du français à Genève, tout au long du cursus de l'élève, tant dans la scolarité obligatoire que dans la scolarité postobligatoire, et en tenant compte des particularités des diverses filières ;
à faire en sorte que l'ensemble des disciplines de l'enseignement secondaire prenne en compte, en particulier lors des évaluations, la qualité et la correction de l'expression orale et écrite des élèves.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames etMessieurs les députés,
Le rapport de minorité de la pétition 1195 tient lieu d'exposé des motifs de cette motion.
Les commissaires signataires de cette motion tiennent à être rassurés sur la qualité de l'enseignement du français à Genève. Ils savent que la langue est d'abord un outil de communication. Ils savent aussi que la langue de Voltaire n'est pas celle de Balzac qui n'est pas celle de Ramuz. Ils sont conscients de l'évolution de la langue et des difficultés à mettre en place des outils d'évaluation. Ils sont las d'entendre le sempiternel « de mon temps, on savait lire et écrire » ! Ils aimeraient être sûrs que, dans toutes les disciplines d'enseignement de la scolarité genevoise, on inculque des notions qui, à l'oral comme à l'écrit, permettent d'acquérir une maîtrise et une qualité linguistiques irréprochables.
C'est pourquoi ils vous prient de faire bon accueil à cette motion.
Débat
M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de majorité. Je dirai tout d'abord deux mots au sujet de la motion. Elle fait semblant de répondre à la pétition. Nous sommes tout à fait d'accord avec ses considérants, notamment le dernier qui précise que l'enseignement dépend pour une bonne mesure des conditions de celui-ci et demande travail et soutien personnalisés dans les domaines de la dissertation et de la rédaction. C'est exactement ce que demandent les pétitionnaires, puisqu'ils veulent des classes moins nombreuses et des demi-classes qui permettraient justement cet enseignement personnalisé. Quant à l'invite : «étudier les moyens de parvenir à renforcer la qualité de l'enseignement du français tout au long du cursus de l'élève» elle est déjà annulée par la décision du département de l'instruction publique que nous a signalée M. Cottier. Au cycle d'orientation, il est prévu de supprimer des heures de latin et de français au profit de l'anglais. Cette invite est donc déjà éliminée. Quant à «faire en sorte que l'ensemble des disciplines de l'enseignement secondaire prenne en compte, en particulier lors des évaluations, la qualité et la correction de l'expression orale et écrite des élèves», cela veut dire que l'on va quasiment éliminer des études supérieures tous les élèves non francophones. Ceux qui ont déjà de la difficulté en français seront aussi pénalisés lorsqu'ils rédigeront des travaux de sciences naturelles, de géographie ou d'histoire. Si l'on voulait éliminer tous les élèves non francophones des études supérieures, on ne s'y prendrait pas différemment ! Nous rejetons donc tous cette motion avec grand plaisir !
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de minorité. Nous avons donc décidé de traiter conjointement la pétition et la motion. J'aimerais quand même vous rappeler un principe à ce sujet.
Lorsqu'une pétition est renvoyée au Conseil d'Etat, cela signifie que nous, députés, demandons au Conseil d'Etat de faire exécuter, de faire respecter la demande des pétitionnaires. En l'occurrence, la demande des pétitionnaires est ici une demande corporatiste. C'est une demande de personnes souhaitant conserver des avantages qu'ils ont obtenus jusqu'à présent, avantages tout de même un peu discutables. Les élèves qui vont au collège bénéficient déjà d'un enseignement de la langue française privilégié par rapport aux élèves d'autres écoles de Genève. Ils avaient jusqu'à présent la chance - c'est une chance, on ne veut pas le nier - de bénéficier de quatre heures d'enseignement, alors que les enseignants avaient cinq heures à disposition. Ce qui veut dire que les enseignants avaient la possibilité, selon les collèges et selon certains arrangements avec les directeurs, d'organiser leur cinquième heure, soit en demi-classe, soit en cours individuels.
Il s'agit là d'un avantage indéniable, Mesdames et Messieurs, un privilège d'une société qui n'a pas trop de soucis existentiels. Dire que l'enseignement du français sera péjoré parce qu'il n'est plus possible d'avoir en quatrième année, année de maturité, des classes de douze, de dix ou même de huit élèves, plutôt que des classes de dix-huit ou vingt élèves me semble quelque peu abusif. Prouvez-moi que l'enseignement du français sera péjoré ! La minorité de la commission, ayant été interpellée par cette demande, s'est dit qu'il s'agissait d'une demande qu'il n'était actuellement pas vraiment possible de soutenir.
La minorité de la commission - la majorité aussi, je crois - a l'impression qu'en dehors de toute polémique, en dehors de toute nostalgie, l'enseignement du française s'avère de plus en plus difficile et peut-être de moins en moins efficace. Mais quelle preuve a-t-on de cela ? Quels sont les indicateurs qui ont été trouvés pour mesurer cela ? D'où l'idée de dire qu'une motion est un acte législatif plus important qu'un renvoi de pétition, qui est lui basé sur une demande, et de rédiger une motion. Dommage que cette motion n'ait pas été signée par la majorité de la commission. Parce que je suis persuadée, Monsieur Courvoisier, quoi que vous en disiez, que vous êtes d'accord soit avec les invites, soit avec l'exposé des motifs de cette motion. Nous savons tous très bien que l'enseignement de la langue française, pour qu'il soit efficace, doit être vu dans sa globalité. La langue, c'est à la fois une liberté et une contrainte. La liberté, dans la mesure où elle permet à chaque individu de s'exprimer et de s'affirmer, la contrainte, parce qu'elle doit être étudiée dans la mesure où tout code est par définition contraignant pour communiquer.
Nous estimons donc que le français revêt une énorme importance. C'est pourquoi la minorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Sa première invite demande une étude sur les moyens de parvenir à renforcer la qualité de l'enseignement - je ne vois pas comment l'on pourrait s'opposer à cela - tout au long du cursus de l'élève. Nous nous sommes tous rendu compte en commission que l'enseignement du français était important depuis les plus bas degrés jusqu'aux degrés les plus élevés. La deuxième invite demande ensuite que l'ensemble des disciplines soit pris en compte.
Je crois qu'il y a peut-être eu une mauvaise compréhension de la demande d'évaluation, en ce sens qu'en demandant une évaluation dans les branches autres que celle du français, jamais les motionnaires n'ont souhaité qu'un élève soit pénalisé, par exemple, dans un travail d'histoire parce qu'il aurait fait des fautes d'orthographe. Mais nous tenons à ce que le français soit pris en compte, même dans un travail d'histoire ou de géographie. Il faut que le français soit enseigné à travers toutes les branches. C'est pourquoi nous parlons d'évaluation, afin que le français ait aussi sa part d'évaluation dans d'autres branches.
Je me permettrai peut-être de reprendre la parole, Monsieur le président, selon ce que diront les prochains orateurs.
M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur de majorité. Deux choses me heurtent beaucoup dans le rapport de minorité. On peut ne pas être d'accord, mais il y a là un procès d'intention, lorsqu'il est dit que la pétition relève d'abord de la préservation de conditions de confort, alors que les pétitionnaires désirent simplement pouvoir faire leur travail le mieux possible.
Lorsque Mme Hagmann nous explique que le clientélisme l'a emporté dans la décision de la commission, je ne vois pas quel est ce clientélisme, surtout lorsque l'explication provient d'un parti qui a réussi à faire adopter par le peuple de Genève une diminution d'impôt. Cela, c'est du clientélisme ! Pour notre part, nous voulons surtout que les conditions d'enseignement du français soient respectées, car il y va, au-delà de la manière de s'exprimer ou de lire, de l'accès à notre culture. La culture fait partie de notre civilisation et de notre patrie. Elle est absolument nécessaire pour nous situer par rapport au reste du monde. Je demande donc que l'on puisse respecter le voeu des pétitionnaires et je vous demande de prendre en considération cette pétition des enseignants, qui ne demandent qu'à travailler de manière confortable, c'est vrai, mais aussi de pouvoir faire leur métier le mieux possible. Ils ne demandent pas de travailler moins ou d'être mieux payés. Ils veulent seulement travailler dans de meilleures conditions. Et c'est tout à fait respectable de leur part.
Mme Jeannine de Haller (AdG). Oui, nous soutenons entièrement les propos de M. Courvoisier. Il ne s'agit absolument pas d'une demande corporatiste des enseignants, ni d'un privilège qu'ils voudraient continuer à avoir. C'est parfaitement ridicule ! Il s'agit ici de pouvoir dispenser un enseignement - comme vous le demandez vous-mêmes dans votre motion qui ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes - de pouvoir offrir un soutien personnalisé dans les domaines de la dissertation et de la rédaction entre autres. Vous demandez ensuite, vous invitez le Conseil d'Etat à étudier les moyens de parvenir à renforcer la qualité de l'enseignement, en supprimant cette possibilité à disposition des enseignants d'enseigner en demi-classes. Actuellement, les classes comptent la plupart du temps 24 élèves au collège.
Vous êtes donc totalement incohérents dans votre demande. Nous demandons dès lors que cette motion soit tout simplement oubliée et abandonnée. Nous demandons également d'envoyer la pétition au Conseil d'Etat.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Si l'on pousse la réflexion au bout, il convient de se poser une première question. L'enseignement du français est-il toujours adéquat ? Est-il toujours indispensable de savoir écrire le français comme on l'écrit actuellement, si toutefois on l'écrit juste ? N'y a-t-il pas quelque chose d'absurde à passer des heures, des jours et des années à se mettre en tête un ensemble, ma foi absurde, il faut le dire, de règles, de conventions et d'autres tortures intellectuelles. A l'heure où les élèves sont surchargés de branches nouvelles et de nouveaux enseignements de tous genres, faut-il vraiment continuer à enseigner les règles d'orthographe, de grammaire, de syntaxe et toutes ces complications inhérentes à la langue française ?
Si l'on estime qu'il le faut, si l'on estime que le français est une belle langue, qu'il s'agit du véhicule de notre culture et que nous y tenons - c'est en tout cas mon opinion - il faut alors lui consacrer du temps, car c'est effectivement une langue compliquée et difficile et elle a besoin de temps pour être enseignée. Je serais pour ma part un petit peu moins catégorique que la préopinante, en pensant que motion et pétition, l'une et l'autre, ne sont pas absolument satisfaisantes, mais peut-être un peu complémentaires et qu'il convient soit de les interpréter, soit éventuellement de les modifier quelque peu.
Si je prends la pétition, je pense qu'il est légitime de reconnaître cette inquiétude des enseignants, alors que tant de branches nouvelles sont apparues. Cette inquiétude de voir l'importance du français diminuer dans l'enseignement est légitime, même s'il ne faut peut-être pas prendre à la lettre ce calcul compliqué de demi-classes tel qu'il est proposé dans la pétition, mais le prendre dans le sens qu'il ne faut pas prétériter l'enseignement de la langue française, qu'il ne faut pas lui faire perdre ce qu'il a acquis jusqu'à présent.
Quant à la motion, nous ne pouvons pas être contre la première invite, alors qu'elle n'apporte pas grand-chose de nouveau. Il est juste de demander le renforcement de la qualité de l'enseignement du français. La seconde invite prête par contre réellement à confusion. Les propos de Mme Janine Hagmann correspondent-ils réellement à ce qui a été voulu par les motionnaires ? Je veux bien le croire, mais alors le texte prête vraiment à confusion. Lorsqu'on se réfère en particulier aux évaluations, cela veut à mon avis dire qu'il faut donner des notes aux prestations de français dans l'ensemble des disciplines. Cela, nous ne pouvons évidemment pas l'accepter, car nous ne pouvons pas prétériter encore les élèves peu doués pour cette langue dans l'enseignement des mathématiques, de l'histoire, des sciences ou de toutes les autres matières. Si l'on voulait donc accepter cette motion, il faudrait au minimum supprimer cette partie de phrase : «en particulier lors des évaluations». Ce qui donnerait : «à faire en sorte que l'ensemble des disciplines de l'enseignement secondaire prenne en compte la qualité et la correction de l'expression orale et écrite des élèves.» Cela pourrait encore aller. On pourrait peut-être même ajouter « hors notation » afin d'être bien précis sur ce point et pour qu'il n'y ait aucune confusion. Dans ce cas-là, nous serions prêts à accepter la motion, mais également à renvoyer la pétition au Conseil d'Etat pour qu'il prenne en compte l'importance de cette demande.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de minorité. Je voulais réagir à l'intervention des deux premiers préopinants, M. le rapporteur de majorité et Mme De Haller. Je trouve triste d'entendre que le français, l'enseignement du français dans sa globalité, est pour vous conditionné à une demi-classe en dernière année. Vous prétendez que sa suppression va péjorer l'enseignement du français. Cela me paraît tout de même un peu fort. D'autre part, Madame De Haller, vous dites que nous enfonçons des portes ouvertes avec notre motion. C'est assez amusant d'entendre cela. Vous devez tout de même être un tout petit peu ennuyés, car vous vous rendez compte que vous avez refusé de participer avec nous à la rédaction de la motion en commission, rédaction qui visait à réunir une majorité de commissaires. Il paraît incroyable qu'un groupe ose prétendre qu'il n'est pas d'accord sur la question de l'importance du français. Vous pouvez relire toutes les invites, elles reflètent exactement les discussions que nous avons eues en commission et soulignent l'importance d'avoir un enseignement du français généralisé.
Nous avons voulu introduire, avec la deuxième invite, la notion de transdisciplinarité. Il n'est en effet pas juste de vouloir tout rendre sectoriel. Il faut une sorte de globalité. C'est le sens de la deuxième invite.
L'enseignement du français est un sujet totalement récurrent. Nous pouvons trouver des articles du début du siècle constatant que la population ne sait plus lire et ne sait plus écrire. Si l'on avait trouvé depuis une méthode miracle, il est certain que tout le monde l'utiliserait aujourd'hui !
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés. Il y a encore cinq orateurs inscrits. Or, nous devons procéder au huis clos. Je crains que nous n'arrivions pas à finir avant midi si nous ne prononçons pas ce huis clos le plus rapidement possible. Je vous propose dès lors d'interrompre les débats sur la motion et de les reprendre après le huis clos.
Je me permets de saluer à la tribune la présence de Mme Stroumza, notre ancienne collègue députée. Nous allons malheureusement prononcer maintenant le huis clos, mais je pense que nous aurons l'occasion de la revoir !
Je prononce donc le huis clos.
La séance publique est levée à 10 h 40.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Les conclusions du rapport de majorité de la commission législative (rejet de la demande de levée d'immunité de M. Laurent Kasper-Ansermet) sont adoptées.
Mise aux voix, la proposition de rendre publics les rapports de majorité et de minorité est adoptée.
Mise aux voix, la proposition d'y faire figurer les noms des rapporteurs est adoptée.
Le rapporteur de majorité est M. Bernard Lescaze (R).
La rapporteuse de minorité est Mme Barbara Polla (L).
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La séance est levée à 12 h 40.