République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8150
19. Projet de loi de Mme et MM. Christian Grobet, Pierre Vanek et Jeannine de Haller modifiant la loi sur l'enseignement professionnel supérieur (C 1 26). ( )PL8150

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'enseignement professionnel supérieur, du 19 mars 1998, est modifiée comme suit :

Art. 9 Comité stratégique de la HES-SO (nouvelle teneur)

Le conseiller d'Etat chargé du Département de l'instruction publique représente le canton de Genève au Comité stratégique de la HES-SO. A ce titre, il est tenu de demander au Conseil d'Etat de soumettre à l'approbation du Grand Conseil les décisions soumises à ce comité, telles qu'énumérées à l'article 38, alinéa 2. Il est lié par la décision du Grand Conseil, qui est prise sous forme de loi.

Art. 12, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Conformément à l'article 24 du concordat, il est institué un Conseil des écoles genevoises de la HES-SO, qui se réunit au moins six fois par an sur convocation du président ou sur demande du quart de ses membres.

Art. 12, al 2, lettres i, j, k (nouvelles teneurs)

Art. 14, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Cette liberté prend en considération les exigences découlant notamment des domaines de spécialisation et des centres de compétences attribués à chaque école par la HES-SO et de sa participation à des programmes communs de recherche appliquée et de développement avec d'autres écoles ou avec des entreprises, ainsi que du devoir de fidélité que lui impose l'exécution de mandats pour le compte de tiers.

Art. 15 Participation du personnel et des étudiants (nouvelle teneur)

1 Une commission mixte est instituée dans chaque école, composée des membres du Conseil de direction et de représentants élus du corps enseignant, du corps intermédiaire, du personnel administratif et technique et des étudiants.

Le règlement précise la composition et les compétences de la Commission mixte, la fréquence de ses réunions et le mode d'élection des représentants des différents corps.

La Commission mixte peut se saisir de tous les problèmes que la direction, les enseignants, les membres du corps intermédiaire, le personnel administratif et technique, ou les étudiants désirent étudier.

2 Les associations représentatives des enseignants, du corps intermédiaire, du personnel administratif et technique ou des étudiants sont informées et consultées par les directions générales et par les directeurs des écoles sur les problèmes qui les concernent.

3 Dans chaque école, les enseignants sont réunis régulièrement en Conférence générale selon les modalités prévues par le règlement. La Conférence est un lieu d'échange d'informations sur les questions relatives à la marche de l'établissement. Elle peut exprimer des avis.

4 Le règlement de chaque école précise les modes de participation des enseignants relativement :

5 Les enseignants d'une même filière ou discipline peuvent former des groupes d'étude, qui sont consultés régulièrement et font à la direction des propositions concernant les programmes, l'harmonisation et la coordination des enseignements, les méthodes d'enseignement, les moyens et équipements nécessaires.

Art. 38 Approbation du Grand Conseil (nouvelle teneur)

1 Les contributions du canton de Genève au budget de la HES-SO sont soumises à l'approbation du Grand Conseil, conformément aux procédures budgétaires.

2 Il approuve également le plan de développement des écoles genevoises de la HES-SO, ainsi que leurs budgets, plans financiers et comptes consolidés avant qu'ils ne soient soumis au Comité directeur de la HES-SO. Le Grand Conseil contrôle en particulier que le nombre d'étudiants par classe soit adéquat, que le corps enseignant soit en nombre suffisant pour assurer un enseignement de qualité et que les exigences d'accès aux écoles genevoises favorisent une ouverture aussi large que possible de celles-ci.

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Le but du présent projet de loi est de combler les lacunes, très visibles aujourd'hui, de la loi sur l'enseignement professionnel supérieur (C 1 26).

Cette loi, adoptée le 19 mars 1998 et entrée en vigueur le 16 mai 1998, n'a hélas de loin pas atteint ses buts et n'a souvent pas été respectée (art. 35 par exemple).

La dégradation des conditions d'enseignement à l'Ecole d'ingénieurs, la mise à l'écart de cette école des principales instances sensibles de la HES-SO, les démissions de plusieurs membres de la direction de l'école, deux directeurs-adjoints et l'administrateur, révèlent de graves dysfonctionnements des structures administratives lourdes et coûteuses qui ont été mises en place. Cette situation extrêmement tendue, comme l'attestent les divers courriers adressés par les enseignants au Grand Conseil et au Conseil d'Etat, le mouvement important lancé par les étudiants et le préavis de grève recommandé et décidé par une forte assemblée des enseignants démontrent l'urgence d'une modification de la loi. Il s'agit de permettre au Grand Conseil d'exercer le contrôle indispensable au bon fonctionnement des écoles genevoises faisant partie de l'enseignement professionnel supérieur et de garantir aux acteurs de la formation, ainsi qu'aux étudiants et au personnel administratif et technique, le droit à une réelle participation aux structures de concertation.

Le présent projet de loi présente certains des amendements qui avaient été proposés à l'époque de l'adoption de la loi, lesquels n'avaient pas rencontré l'approbation de la majorité des députés. Au vu des faits relatés ci-dessus, les auteurs du présent projet de loi espèrent qu'ils recevront maintenant un meilleur accueil.

Commentaire article par article :

Art. 9 Comité stratégique de la HES-SO

Le texte proposé vise à renforcer les prérogatives du Grand Conseil.

Art. 12 Conseil des écoles genevoises de la HES-SO

Le texte proposé vise à garantir une représentation de chacune des quatre écoles soumises à la loi au sein du Conseil des écoles genevoises de la HES-SO, en ce qui concerne le corps enseignant, le corps intermédiaire et les étudiants. Le Conseil devra se réunir au moins six fois par année.

Art. 15 Participation du personnel et des étudiants

Le texte proposé vise à préciser dans la loi les modes de participation du personnel et des étudiants.

Art. 38 Approbation du Grand Conseil

Le texte proposé vise à donner la possibilité pour le Grand Conseil de se prononcer sur les budgets, plans financiers et comptes consolidés des écoles genevoises de la HES-SO. En outre, le Grand Conseil devra contrôler le nombre d'étudiants par classe et s'assurer que le corps enseignant soit en nombre suffisant pour que la qualité de l'enseignement soit préservée, ce qui n'est pas le cas actuellement à l'EIG en raison de la surcharge de certaines classes et du manque d'enseignants. Enfin, il s'agit de veiller à ce que les exigences d'accès aux écoles genevoises ne soient pas excessives par rapport notamment aux autres écoles romandes et que l'accès de l'EIG notamment soit mieux garanti que c'est le cas actuellement. Certaines technologies nouvelles devraient notamment être enseignées, par exemple dans le domaine des communications.

Enfin, il est demandé que l'accord du canton sur certaines décisions importantes du Comité stratégique de la HES-SO soient approuvés par le Grand Conseil.

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons adopté il y a environ deux ans la loi cantonale sur les HES. A l'époque, nous avions proposé quelques amendements pour que cette loi soit plus précise et règle mieux le fonctionnement de nos HES cantonales. Le débat s'est déroulé dans une certaine confusion et la majorité a considéré finalement que la base légale était suffisante.

Depuis, nous avons constaté qu'une série de problèmes se sont posés à l'école d'ingénieurs et que cette école, qui constituait un fleuron important de notre dispositif d'enseignement supérieur à Genève, est en train de traverser une phase assez critique. Je crois même que le nombre des élèves est en train de plafonner, voire de diminuer et cela paraît assez paradoxal lorsqu'on sait que l'école d'ingénieurs du canton de Vaud voisin a beaucoup de succès et envisage d'importantes extensions.

En l'état, nous estimons que les problèmes de l'EIG ne sont pas pris en compte d'une manière satisfaisante, que l'école d'ingénieurs ne peut pas s'exprimer d'une façon satisfaisante dans le cadre de la structure mise en place par le département de l'instruction publique, sur la base de la loi que le Conseil d'Etat nous avait proposée. Nous demandons donc que ce projet soit renvoyé en commission, que l'on entende les personnes intéressées et que l'on s'efforce de trouver une structure à la fois plus démocratique et plus efficace pour les HES genevoises et plus particulièrement pour l'école d'ingénieurs.

Mme Nelly Guichard (PDC). Certes, l'école d'ingénieurs connaît des problèmes, des dysfonctionnements graves, et jusque-là je suis tout à fait d'accord avec ceux qui ont rédigé le projet de loi et son exposé des motifs. Mais la solution ne réside pas simplement dans une nouvelle mouture de la loi sur l'enseignement supérieur. Ce n'est même pas un emplâtre sur une jambe de bois, c'est plutôt un garrot ! Et un garrot, quand on le serre trop et qu'on le laisse trop longtemps, c'est plutôt dangereux ! En outre, ce n'est pas parce qu'il y a des problèmes à l'école d'ingénieurs qu'il faut élaborer une loi sclérosante pour les quatre écoles concernées par l'enseignement professionnel supérieur.

Je ne vais pas analyser ici par le menu tous les articles proposés dans ce projet de loi en matière de commissions en tous genres et en tous lieux. Leur composition, leur rôle méritent une étude plus détaillée en commission. Par contre, globalement, on voit bien que ce projet de loi vise avant tout à figer la situation, dans la mesure où le Grand Conseil devrait exercer un contrôle non seulement sur le budget mais sur toute l'évolution de l'école. Et je dis bien à dessein l'école au singulier, parce que c'est avant tout de l'école d'ingénieurs qu'il s'agit, comme M. Grobet l'a précisé tout à l'heure.

L'article 38 décrit soigneusement et par le menu tout ce qu'il ne faut surtout pas toucher : il faudrait ainsi soumettre à l'approbation du Grand Conseil la suppression de l'une des écoles genevoises - ceci me paraît encore correct - mais aussi toute suppression de filière d'enseignement de l'une de ces écoles. De même, il faudrait soumettre au Grand Conseil toute modification des filières d'études et des programmes d'enseignement, toute modification de la définition et de la répartition des centres de compétences. Le Grand Conseil devrait aussi contrôler - tenez-vous bien ! - le nombre d'étudiants par classe, ainsi que le nombre de professeurs !

Alors, d'un côté on veut un conseil des HES qui singe celui de l'université - qui elle compte 12 000 étudiants et pas 800, ou 400 s'il s'agit uniquement de l'école d'ingénieurs - et en même temps on réclame, d'un autre côté, un contrôle similaire à l'école primaire, pour ne pas dire l'école enfantine !

N'en déplaise aux auteurs du projet de loi, l'école d'ingénieurs, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas un mausolée. Nous souhaitons que cette école vive, évolue et qu'elle offre à nos jeunes une formation dynamique en prise avec le tissu économique de notre canton, avec les évolutions technologiques, une formation à la hauteur d'une haute école spécialisée. Nous souhaitons une école d'ingénieurs qui ait sa place au sein de la HES de Suisse occidentale et je suis persuadée que de nombreux professeurs qui oeuvrent dans ce sens souhaiteraient qu'on les respecte et que de tels projets de lois ne jettent pas l'opprobre sur ceux qui font bien leur travail - dans des conditions difficiles pour tous aujourd'hui, je vous le concède. J'espère qu'à cet égard on arrivera à trouver rapidement une solution pour l'école d'ingénieurs.

M. Georges Krebs (Ve). Ce projet de loi est l'expression d'un malaise ressenti essentiellement à l'école d'ingénieurs. Nous comprenons qu'il ait été déposé, mais pour ce qui est de ses effets, je pense que Mme Guichard a tout à fait raison et que ce n'est pas au Grand Conseil d'entrer dans le détail de la gestion d'une école.

Cela dit, il y a effectivement quelque chose qui ne joue pas au niveau de la structure administrative. Il est impossible de diriger une école avec deux têtes différentes : d'un côté le DIP, de l'autre la HES-SO. Il y a donc énormément à faire au niveau de la structure administrative et c'est de ce côté-là que la conseillère d'Etat devrait regarder. Mais pour ce qui est d'entrer plus en détail dans l'organisation même de l'enseignement et de l'école, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Mme Guichard.

Notre groupe propose le renvoi de ce projet de loi en commission de l'enseignement supérieur.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste examinera avec intérêt les propositions contenues dans ce projet de loi, visant à renforcer le poids du Grand Conseil sur les orientations prises par le canton de Genève et discutées au sein du comité stratégique de la HES-SO.

S'il nous semble en effet important de promouvoir une réelle participation des enseignants, ainsi que des étudiants et du personnel technique et administratif, aux différentes structures de concertation - tel que cela est prévu par exemple à l'article 12 relatif à l'établissement d'un conseil des écoles genevoises de la HES-SO - le système proposé notamment à l'article 15, soit une commission mixte dans chaque école et des structures de participation propres à chaque catégorie, nous semble en revanche un peu lourd. De même, nous nous interrogeons sur l'opportunité de donner au Grand Conseil des compétences aussi spécialisées que, par exemple, le contrôle du nombre d'étudiants dans les classes.

Il est à craindre que ce projet visant plus de transparence et une amélioration du processus démocratique n'aille à fin contraire du but recherché, par excès de détails, par la multiplication des échelons de contrôle et par les problèmes de coordination que ces structures vont engendrer.

Comme d'autres l'ont rappelé tout à l'heure, la commission de l'enseignement supérieur est en train d'étudier une pétition qui est au coeur des préoccupations liées aux dysfonctionnements de l'école d'ingénieurs. Nous pensons que l'étude de ce cas concret va nous permettre de mettre en place des structures de concertation adéquates. Nous nous réjouissons néanmoins de pouvoir débattre de ce projet au sein de la commission de l'enseignement supérieur.

M. Bernard Lescaze (R). Le dossier de la HES-SO est un dossier difficile, délicat, qui a suscité beaucoup d'incompréhension de part et d'autre. Finalement, le peuple a tranché et une haute école est entrée en fonction, plus ou moins difficilement, dans notre canton.

Le projet de loi qui nous est présenté nous paraît être l'expression d'une méfiance vis-à-vis du Conseil d'Etat et c'est pourquoi nous ne pourrons pas le suivre. Ce d'autant plus que, comme le reconnaissent ses auteurs, certaines des propositions qu'il contient avaient déjà été soumises à ce Conseil sous forme d'amendements et avaient été, en tout cas dans l'esprit, rejetées également par le peuple.

Nous ne nous opposons pas à un renvoi à la commission de l'enseignement supérieur, mais nous disons d'ores et déjà que nous ne pourrons pas accepter ce texte, qui complique d'une manière effroyable la gestion de cette école. Il y a des problèmes, nous le savons : nous traitons en ce moment même une pétition des élèves de la HES-SO et de certains enseignants. Mais comment accepter, à lire l'exposé des motifs, qu'un préavis de grève soit recommandé et décidé par des enseignants qui touchent régulièrement leur salaire ? C'est inadmissible, alors même que la fonction publique a conclu des accords avec le Conseil d'Etat prévoyant une adaptation des salaires en échange précisément de la renonciation à une menace de grève !

Dans ces conditions, on voit que pour l'instant les ponts semblent totalement coupés entre le département de l'instruction publique et l'école d'ingénieurs. Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est que le dialogue soit patiemment renoué entre les deux interlocuteurs : nous ne pensons que ce projet de loi soit la meilleure façon de renouer ce dialogue !

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je ne vais pas m'attacher au projet de loi lui-même, étant donné que le travail se fera en commission. En revanche, j'aimerais dire certaines choses en préambule.

Tout d'abord, l'EIG constitue aujourd'hui encore un centre de formation important et apprécié, même s'il y a des problèmes dans cette école en transformation. Celle-ci s'est d'ailleurs toujours transformée difficilement et mes deux prédécesseurs ont aussi connu des problèmes, quand bien même l'un d'entre eux en était issu ! L'histoire se répète et se prolonge...

Cette école a donc des problèmes d'organisation et le département, loin d'avoir coupé les liens, s'attache à mettre en place une structure adaptée à un établissement comprenant maintenant deux entités : l'une de niveau postobligatoire dans le domaine technique, qui aboutit à une maturité professionnelle, l'autre dans le domaine tertiaire supérieur. C'est une nouvelle culture qui doit être implantée et cela se fait forcément avec difficulté. Mais, dans le même temps, il faut quand même relever que trente-trois projets de recherche appliquée sont en cours, en collaboration avec les milieux économiques, avec la haute école spécialisée de Suisse occidentale, ou grâce au financement fédéral. C'est dire que, si l'école a des difficultés, je refuse qu'on dise qu'elle est en déclin, parce que tel n'est pas le cas. A Telecom, j'ai entendu, de la part de Swisscom et d'autres grandes entreprises, le voeu d'engager des élèves sortant de cette école, mais aussi le voeu de collaborer davantage dans ses projets. En effet, ce dont souffre cette école avant tout, c'est d'une difficulté à communiquer avec l'extérieur.

Enfin, dernier point pour ceux qui ne sont pas membres de la commission de l'enseignement supérieur : oui, il se trouve que le nombre d'élèves diminue, non pas parce qu'il y aurait moins d'intérêt pour l'école, mais simplement parce que la voie qui conduit à cette école, à savoir l'école d'enseignement technique, a dû ajouter une année. Une volée entière manquera donc à l'appel, à la rentrée 1999, puisqu'elle doit accomplir une troisième année pour que la formation soit eurocompatible et reconnue. La voie d'alimentation naturelle durera une année de plus et il est évident que la volée en question ne pourra pas se trouver en même temps dans la HES et à l'école d'enseignement technique ! Je précise en outre, pour vous rassurer tout à fait, que le léger recul du nombre d'élèves n'est de loin pas proportionnel au nombre d'élèves de ladite volée. Ce qui signifie bel et bien que l'intérêt pour cette école est grand et qu'elle peut attirer des étudiants d'ailleurs, pour autant qu'on arrête de débattre continuellement et sur la place publique de ses problèmes administratifs et qu'on se contente d'exiger d'elle ce qu'elle est capable de faire, à savoir développer en qualité et en collaboration les potentiels qu'elle a.

Alors, oui, c'est une école qui a des problèmes, mais dans laquelle nous passons beaucoup de temps, qui n'est pas abandonnée par le département, et j'ai bon espoir qu'on arrive à des solutions. A cet égard, ce projet de loi non seulement n'apporte rien, mais aggrave la situation. Il y a un point qui a sans doute échappé à ces auteurs, c'est qu'aucun département, fût-il le mien, aucune présidente de département, même moi, ne peut supprimer une école sans modifier la loi. Toutes les écoles du département figurent dans la loi, aucune ne peut disparaître sans que le Grand Conseil ait à en débattre. C'est dire si la protection est suffisante et si ce projet de loi est inutile.

En conclusion, je pense qu'il serait bon que tous les auteurs de ce projet viennent en commission, lorsqu'il sera débattu, et reçoivent les informations données maintenant depuis bien des semaines à la commission de l'enseignement supérieur.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement supérieur.

20. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Elisabeth Häusermann, Roger Beer, Dominique Belli, Thomas Büchi, Jean-Philippe de Tolédo, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Pierre Kunz, Bernard Lescaze, David Revaclier, Michèle Wavre et Françoise Saudan concernant des cours d'éducation de la santé. ( -)

La motion 974 concernant des cours d'éducation à la santé, déposée par Mmes et MM. Elisabeth Häusermann, Roger Beer, Dominique Belli, Thomas Büchi, Jean-Philippe de Tolédo, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Pierre Kunz, Bernard Lescaze, David Revaclier et Michèle Wavre, a été renvoyée à la Commission de l'enseignement et de l'éducation, le 30 mars 1995.

Cette proposition de motion invitait le Conseil d'Etat « à introduire dans l'instruction publique tant primaire qu'au Cycle d'orientation et dans les écoles secondaires de l'enseignement postobligatoire, une éducation à la santé intégrée dans les horaires scolaires à raison de deux heures-leçons mensuelles par exemple, conçue et assurée par des professionnels de la santé ».

La Commission de l'enseignement et de l'éducation, après les auditions de Mme M. Brunschwig Graf, présidente du Département de l'instruction publique, de Mme M.-L. François, secrétaire générale du Département de l'instruction publique, et de Mme D. Lecomte, médecin responsable de l'éducation pour la santé au Service de santé de la jeunesse, a présenté son rapport le 24 septembre 1996. Dans ses conclusions, elle faisait les observations suivantes :

« Au vu des différentes auditions, il convient de souligner l'importance et l'intérêt d'une approche transversale, sorte de « mosaïque » pour transmettre les multiples éléments qui concourent à améliorer les conditions de vie, de santé mentale et physique des élèves, partant des adultes de demain. Cette approche globale ne se prête guère à être comptée en nombre d'heures.

Changer des habitudes de vie, rompre la chaîne des violences implique une action continue du primaire au postobligatoire, et non pas des interventions ponctuelles, même si elles sont nombreuses. Elles doivent garder une cohérence et faire l'objet d'une réflexion et d'une évaluation globale ».

La commission proposait de soutenir la motion 974-A amendée, reformulée comme suit:

« Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à intensifier dans les trois ordres d'enseignement de l'instruction publique :

-  l'éducation à la santé conçue par des professionnels de la santé, en collaboration avec tous les partenaires de l'école ;

-  la prévention prenant en compte la promotion globale de la santé, ainsi que des actions de prévention spécifiques ».

Après deux ans d'expériences nouvelles, le Conseil d'Etat peut répondre de la manière suivante à la première invite :

1. Profil des intervenants et collaboration avec les partenaires de l'école

Les programmes de prévention et de promotion de la santé du Service de santé de la jeunesse en milieu scolaire sont réalisés par des éducateurs pour la santé, des infirmières de santé publique et des médecins. Les éducateurs pour la santé sont des professionnels formés à cet effet après leur diplôme en médecine, en soins infirmiers, en travail social, en psychologie ou dans l'enseignement.

Ces intervenants du Service de santé de la jeunesse travaillent en lien étroit avec les conseillers sociaux des établissements, les travailleurs sociaux et les professionnels des autres services de l'Office de la jeunesse, les animateurs des centres de loisirs ; ils interviennent auprès des jeunes, des familles et des enseignants. N'étant pas impliqués dans l'évaluation scolaire des élèves, étant tenus à la confidentialité, ces professionnels peuvent aborder différentes thématiques touchant personnellement le jeune et son environnement. Ils peuvent, le cas échéant, orienter ceux qui ont des questions ou un problème particulier vers les différentes structures à disposition.

D'autres personnes interviennent également dans le cadre de la prévention auprès des jeunes : conseillers sociaux, enseignants, doyens et, à l'extérieur, animateurs de centres de loisirs, éducateurs, travailleurs sociaux.

De nombreuses collaborations se sont ainsi créées. On relève notamment des partenariats étroits entre les conseillers sociaux des établissements scolaires, l'équipe de prévention communautaire EPIC (Hospice général), le Carrefour prévention (CIPRET, FEGPA) et, pour des questions liées à la violence, avec Le Point (office de la jeunesse), la brigade des mineurs et les îlotiers de la gendarmerie. Ces collaborations pour des actions communautaires se sont étendues à d'autres partenaires tels que maisons de quartier, centres de loisirs, autres associations.

Ces collaborations se sont concrétisées par la création en 1994, sous l'égide de la Direction générale de l'Office de la jeunesse, du « Groupe liaison prévention jeunesse ». Cette plate-forme de concertation et de collaboration réunit l'ensemble des intervenants des divers services, actifs dans la prévention, y compris des représentants de la police et d'associations privées.

Nous répondons ainsi à la deuxième invite :

2.1 Promotion globale de la santé

Le développement des approches de promotion de la santé auprès des jeunes s'inscrit dans une importante évolution générale qui touche aussi bien les besoins de santé des jeunes que les conceptions et les pratiques dans ce domaine.

Concernant les besoins de santé des jeunes, l'évolution est marquée par l'importance toujours plus grande de problèmes qui concernent la santé dans toutes ses dimensions, physique, psychique et sociale. Il s'agit en particulier des toxicodépendances, de la violence, des abus sexuels. Ce sont des problèmes complexes qui ont, outre leur dimension individuelle, une dimension collective et qui concernent plusieurs secteurs dont la santé, l'éducation, le social et le secteur judiciaire. La prévention de ces problèmes doit faire appel à des approches interdisciplinaires et communautaires, basées non seulement sur des informations, mais sur un développement de ressources et de compétences et prenant en compte les droits des jeunes.

Au plan des conceptions, la santé n'est pas un but en soi, elle est une ressource essentielle pour l'individu. D'autre part, la santé de chacun est aussi l'affaire de tous. Elle ne concerne pas seulement l'individu, mais implique directement tout son environnement, familial, social, physique. La prévention de la santé des jeunes est l'une des missions prioritaires de l'école qui doit être non seulement un lieu favorable à la santé, mais devenir également un lieu de promotion de la santé.

Mise en place des nouvelles approches préventives

De cette évolution des besoins et de cette conception de la santé découlent de nouvelles approches préventives, centrées non pas sur les difficultés, mais d'abord sur les ressources et les compétences des jeunes et de leur milieu. La mise en oeuvre et le développement de ces ressources impliquent la participation active des jeunes eux-mêmes dans la conception et l'évaluation des programmes et des approches non pas individuelles, mais réellement communautaires.

Dans cette perspective, le Service de santé de la jeunesse (Office de la jeunesse - Département de l'instruction publique) a développé plusieurs programmes d'éducation à la santé auprès des jeunes, du degré élémentaire au postobligatoire. Ces programmes permettent d'aborder de façon pertinente les besoins de santé et les difficultés que rencontrent les enfants et les adolescents, notamment la violence et la maltraitance sous toutes ses formes, la consommation de produits toxiques, l'exclusion.

Les cours d'éducation à la santé, organisés systématiquement ou à la demande (voir descriptif Mémorial 1996, p. 5988) restent souvent au centre des activités de prévention.

Leur contenu a été développé et enrichi pour mieux répondre à des problématiques nouvelles et complexes, telles que la violence ou les abus sexuels. Ces cours font de plus en plus appel à la participation active des jeunes eux-mêmes dans la définition du contenu et des réponses pertinentes aux problèmes qu'ils rencontrent.

La portée de ces interventions a été renforcée par le développement de nouveaux programmes faisant appel à l'ensemble des ressources professionnelles présentes auprès des jeunes, voire aux jeunes eux-mêmes.

Nouveaux programmes communautaires et pluridisciplinaires

Basés tant dans les établissements scolaires qu'à l'extérieur dans des lieux où se retrouvent les jeunes, ces programmes constituent une nouvelle approche de la prévention qui est passée ainsi d'une information factuelle sur les risques à des programmes interactifs et participatifs.

Cette évolution appelle la participation de tous ceux qui sont en relation avec les jeunes : parents, enseignants, professionnels des domaines social et de la santé, en vue de créer un contexte favorable à la responsabilisation et à la participation des individus et des collectivités. Cette politique de prévention tient ainsi compte des facteurs personnels et environnementaux qui peuvent contribuer à freiner ou empêcher l'apparition de conduites à risque.

Description des programmes de prévention communautaire

Ces programmes de prévention ont les objectifs suivants :

Permettre aux jeunes de développer leurs compétences pour faire des choix positifs concernant leur santé et les comportements reliés à la santé.

Développer des activités visant à la promotion de la santé en intégrant des actions de prévention spécifiques, visant notamment les toxicodépendances légales ou illégales, le sida, les maladies transmises sexuellement, la contraception, les abus sexuels ou la violence.

Mobiliser tous les partenaires entourant le jeune - parents, enseignants, travailleurs psychosociaux, amis - dans un réseau d'aide, de soutien, d'orientation et de prise en charge.

Soulignons ici - suite aux polémiques qui ont agité des cantons voisins - que les parents sont informés et associés à l'établissement des programmes de prévention. Ils sont appelés à y jouer un rôle primordial.

2.2 Actions spécifiques

Dans le cadre défini ci-dessus, certaines actions spécifiques sont développées :

Groupes de santé :

Au coeur des programmes se situent souvent les « Groupes de santé » qui ont été développés avec succès dans plusieurs établissements de l'enseignement secondaire (cycles et postobligatoire). Leur mission est de contribuer au sein de l'établissement à l'amélioration de la qualité de la vie et à la promotion de la santé des jeunes. Leur développement se systématise, notamment dans l'enseignement postobligatoire. Le noyau de base est représenté par l'infirmière et l'éducateur pour la santé du SSJ, le conseiller social et un représentant de la direction. Ces groupes favorisent un partenariat étroit des professionnels et permettent, selon les besoins et les ressources, de réaliser des projets de prévention à court ou à long terme.

Prévention des toxicodépendances légales :

- « Abracadabra » est un spectacle de clowns sur les thèmes du tabac et de l'alcool. La pièce, suivie d'une animation, est présentée à tous les élèves des classes de 6e primaire (environ 4 000 élèves). Elle a fait l'objet d'une évaluation externe intéressante et positive (cf. Rapport du service de santé de la jeunesse : Evaluation du spectacle « Abracadabra, module de prévention tabac/alcool à l'école primaire »/octobre 1998).

- « Prendre l'adolescent du bon côté » est une exposition destinée à la formation des parents et des enseignants. Elle est proposée aux associations de parents et aux enseignants désireux de donner une suite dans leurs cours sur les thèmes suscités par la pièce de théâtre.

Les partenaires de ces actions sont le Théâtre Versus, Carrefour prévention (CIPRET, FEGPA). Ces programmes ont pu voir le jour grâce à l'apport financier du Fonds genevois de prévention contre la drogue et la Fondation Radix.

Prévention des toxicomanies illégales au Cycle d'orientation :

« Père en pétard » (association Caméléon, Théâtre Forum) est un spectacle tout public qui, à ce jour, a été présenté à toutes les classes de 9e du Cycle d'orientation (soit 3 500 adolescents) et dans une dizaine de quartiers. Chaque représentation réunit 70 à 200 spectateurs.

Cette action, menée depuis octobre 1997, a fait appel à un grand nombre d'intervenants, notamment pour conduire les animations prolongeant le spectacle. C'est une expérience positive de partenariat réunissant le Service de santé de la jeunesse (SSJ), l'Equipe de prévention et d'intervention communautaire (EPIC), le Point (office de la jeunesse), les animateurs des centres de loisirs et les conseillers sociaux des CO. Elle a permis de développer et de prolonger les actions en éducation pour la santé en dehors du cadre scolaire par la collaboration d'autres professionnels proches des adolescents.

Ce programme a également été soutenu financièrement par le Fonds genevois de prévention contre la drogue; il a aussi fait l'objet d'une évaluation externe (cf. Rapport du service de santé de la jeunesse : Evaluation de l'action « Père en Pétard »/octobre 1998).

Education par les pairs dans les écoles de culture générale :

Un programme d'éducation par les pairs a été introduit avec succès dans ces établissements. Ce programme invite les élèves de 3e année à étudier un problème de santé et à proposer aux élèves de 1re année une intervention mettant en valeur leurs compétences acquises et personnelles. Ces interventions ont lieu lors de journées-santé, au troisième trimestre.

Prévention des abus sexuels et de la maltraitance :

Comme nous l'avions déjà décrit devant la Commission de l'enseignement, un fort accent est mis sur la prévention des abus sexuels d'une part, mais aussi sur la détection et la prise en charge rapide des victimes mineures. Ainsi, la Direction générale de l'enseignement primaire a-t-elle édité une brochure « Violences, mauvais traitements, abus sexuels, comment prévenir, comment agir » (septembre 1997) qui permet à l'adulte, à l'enseignant notamment, de pouvoir agir de manière claire et efficace dans ces situations sensibles et douloureuses.

Prévention de la violence :

Les professionnels qui entourent les jeunes (directions d'établissements scolaires, enseignants, équipes psychosociales, animateurs, éducateurs, travailleurs sociaux) sont extrêmement attentifs au phénomène de violence qui émerge dans les milieux fréquentés par les jeunes. Le phénomène n'est certes pas propre aux jeunes ; la société entière souffre de ce mal. C'est toutefois auprès des jeunes, en prévention, à l'âge où ils sont très réceptifs au positif comme au négatif, que l'on peut intervenir.

Dans ce domaine aussi, on traite d'une part les jeunes personnellement lorsqu'ils en ont besoin, lorsqu'ils ont passé à l'acte, mais on tente d'autre part d'agir en amont, de prévenir ces phénomènes dont on commence à comprendre pourquoi ils se multiplient et d'où ils viennent : on essaie d'aider le jeune à s'intégrer correctement dans la société qui l'entoure, en premier lieu dans l'établissement scolaire qu'il fréquente. Pour ce faire, on revalorise les règles, les règlements d'école, les chartes que chaque établissement est appelé à élaborer dans un travail communautaire qui permet à chacun de trouver sa place, son rôle et sa mission d'enseignant, de directeur, de travailleur social ou d'élève.

Les expériences étrangères et suisses montrent que l'on arrive peu à peu à de bons résultats lorsque tous les partenaires scolaires ou extérieurs à l'école se mettent ensemble et élaborent des programmes communs compris de tous et dans lesquels tous sont partenaires.

L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) appelle aujourd'hui les cantons à lui présenter des projets de partenariat dans ce sens, qu'il s'agisse de médiation scolaire, d'éducation à la citoyenneté ou de projets semblables. Le canton de Genève a répondu à cet appel en présentant deux projets novateurs dans le cadre du projet de recherche fédéral Supra F : Transit Meyrin et Années humanitaires Croix-Rouge, visant à la prise en charge précoce de jeunes en voie de désinsertion.

Par ailleurs, un groupe de travail animé par le Département de l'instruction publique, comprenant les trois ordres d'enseignement, des professionnels de l'Office de la jeunesse et du Service de la recherche en éducation, accompagné du sociologue de la police genevoise, s'est mis sur pied et réfléchit à toute cette problématique afin d'assurer dans la cohérence une prévention efficace. Un projet intercantonal romand est soumis en été 1999 à l'OFSP dans le cadre de « Ecoles et santé ».

Conclusion : de nouveaux défis

Les expériences positives développées au cours des dernières années confirment la valeur et la pertinence des approches de santé communautaire pour prévenir les problèmes qui touchent la santé des jeunes aujourd'hui et qui mettent en jeu leur avenir.

L'évolution récente des programmes de prévention va dans le sens d'approches positives visant à la promotion de la santé et favorisant un partenariat étroit avec les personnes proches et les différents professionnels. Cette pluridisciplinarité est imposée par la nature complexe de problèmes qui concernent non seulement les jeunes, mais aussi la société dans ses fondements, par une nécessaire approche globale des problèmes.

Les nouveaux programmes permettent de diversifier les actions en fonction des besoins et des demandes locales ; ils permettent la sensibilisation des enseignants et des parents, le travail en pluridisciplinarité et la collaboration avec les communes.

La violence qui émerge aujourd'hui dans des proportions inquiétantes est un nouveau défi auquel doit répondre la société dans son ensemble et les professionnels de la jeunesse en particulier.

Les programmes de prévention doivent chaque jour s'adapter aux besoins nouveaux, aux résultats d'expériences et d'évaluations faites non seulement chez nous, mais également à l'étranger. Le Conseil d'Etat, plus particulièrement le Département de l'instruction publique, est attentif à l'évolution de ces besoins.

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