République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 50e séance
P 1196-A
Lors de sa séance du 19 mars 1998, le Grand Conseil a renvoyé la pétition 1196 des résidants de la Maison de retraite du Petit-Saconnex contre une augmentation du prix de pension à la Commission des pétitions. Cette dernière a traité ce sujet lors des séances des 27 avril et 15 juin 1998 sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher et les 5 juillet et 30 août 1999 sous la présidence de M. Louis Serex. La teneur en est la suivante :
Pétition(1196)
Mesdames etMessieurs les députés,
Nous soussignés, résidents de l'E.M.S. du Petit-Saconnex, avons appris avec stupéfaction que le prix mensuel de la pension des personnes de la catégorie « A » augmenterait probablement de Fr. 25.- par jour, ce qui ferait Fr. 750.- par mois, soit une augmentation d'un quart du prix fixé jusqu'à ce jour.
En plus de la stupéfaction et de l'angoisse pour l'avenir, il y a un sentiment très vif d'impuissance. Quel est le groupe social dont on oserait d'un coup augmenter les charges de 25 % ? Est-ce parce que ces personnes ne sont pas (encore) organisées ? En tous les cas, une telle mesure est en contradiction avec tout ce que l'Etat ne cesse de nous dire concernant sa préoccupation pour les citoyens du 3e et 4e âge.
Nous demandons donc aux autorités responsables de bien vouloir comprendre à temps qu'une telle mesure n'est pas seulement peu sociale, pour ne pas dire injuste, mais qu'à long terme elle ne pourra vraisemblablement apporter aucun soulagement appréciable au budget cantonal.
N.B. : 125 signatures
Mmes et MM. Joseph Moermann, Pierre Philippon, Yvette Pernollet, Renée Zürcher ; MRPS, 12, avenue Trembley, 1209 Genève
Auditions
Le lundi 27 avril 1998, la commission se rend à la Maison de retraite du Petit-Saconnex dans le bâtiment « Les Cèdres ». Elle auditionne les pétitionnaires (Mmes et MM. Y. Pernollet, R. Zürcher, P. Philippon et Magnin) tous quatre pensionnaires de la MRPS et M. Raaflaub, assistant social
Chacun exprime son appréhension et se plaint de l'augmentation de tarif proposée. Aucune parmi les personnes présentes ne trouve de justification à cette proposition. Il y a trois catégories de pensionnaires. A chaque catégorie correspond un coût hospitalier. Avec les mesures proposées, quatre pensionnaires, dans les catégories médicalisées, perdraient leurs droits aux prestations complémentaires. Par contre, quarante personnes devraient demander des prestations complémentaires. Les pensionnaires de la MRPS ont des réticences à formuler des demandes de prestations complémentaires qui signifient, pour elles, une pente qui conduit à l'assistance. Chacun déplore une absence de concertation en ce qui concerne le projet d'avenir des résidants en matière de financement de leur pension.
Audition de Mme J. Badel, représentante des résidants à la Commission administrative, M. Virdaz, membre de la Commission administrative nommé par le Grand Conseil, M. Baud, président de la Commission administrative et M. Minger, directeur de la MRPS.
Toutes les personnes auditionnées désirent défendre la politique d'accueil de la MRPS. Les pensionnaires « A » ont trouvé à la MRPS un autre lieu de vie qui leur convient. Ce lieu n'est pas en concurrence avec le service d'aide et de soins à domicile, il en est complémentaire. Il serait regrettable qu'une augmentation des coûts hospitaliers retarde l'entrée en EMS pour des gens valides qui n'accepteraient ce mode de vie qu'obligés par une dépendance médicale. Ils aimeraient que le DASS tienne compte de la spécificité de la MRPS qui accueille 80 % de cas « A ». Ils rappellent que les pensionnaires « A » de la MRPS payent 106 F par jour depuis 1996. Ces prix sont nettement inférieurs à ceux des pensionnaires « B » et « C ».
En 1998, l'OCPA, en application de la nouvelle LEMS (J 7 20), a défini un seul prix pour la MRPS, de 131 F.
Cette décision n'a jamais été appliquée par la direction de la MRPS aux anciens pensionnaires « A », justifiant cette pratique par le recours qu'elle a interjeté.
Un historique des prix de pension 1998 est présenté :
Juillet 97 :
L'OCPA transmet un plan comptable uniformisé.
Octobre 97 :
La MRPS transmet son budget, les charges hôtelières = Frs 104,87 (imputations = directives de l'OCPA).
Prix demandés par la MRPS Cat. A = Frs 106.- ; B et C = Frs 244.-
Novembre 97 :
Direct. et comptable MRPS convoqués à l'OCPA qui demande de modifier le budget et informe que le prix hôtelier sera calculé d'une autre manière et se montera à env. Frs 135.- par jour.
10 novembre :
Réaction de la MRPS qui demande à maintenir les prix A à Frs 106.-.
23 décembre :
Prix de pension fixés à Frs 131.- par l'OCPA. La colonne "; coût hôtelier a disparu "
13 janvier 98 :
Réclamation officielle de la MRPS à l'OCPA.
12 février :
Réponse négative de l'OCPA, maintien à Frs 131.-.
23 février :
Remise d'une pétition des résidants à la Direction.
27 février :
Lettre de M. G.-O. SEGOND pour trouver un arrangement.
10 mars :
Transmission de la pétition au Grand Conseil.
19 mars :
Recours de la MRPS au Tribunal Administratif.
31 mars :
Entrevue avec Monsieur SEGOND qui refuse d'entrer en matière sur les prix de pension.
15 juin 1998 : audition de M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat
En première partie, M. Segond présente le fonctionnement des EMS.
Jusqu'au 31 décembre 1997, il y avait environ 50 à 60 EMS sur le territoire du canton de Genève qui mettaient à disposition de la population près de 3500 lits. Ce qui représente davantage que les 2500 lits des hôpitaux publics et privés établis sur le canton de Genève.
Pendant des années, le prix de pension dans les EMS était calculé en fonction de différentes variables, tels que la taille, la nouveauté, l'état des bâtiments ou encore le degré de dépendance des patients.
Il existe trois degrés de dépendance : « A » : sans dépendance, « B » : moyennement dépendant et « C » : forte dépendance. Les prix de pension sont différents selon les catégories.
Genève consacrait, ces dernières années, environ 160 millions de francs pour la prise en charge des personnes âgées vivant en EMS à travers les prestations complémentaires aux rentiers AVS/AI ou/et les prestations d'assistance.
Ce système ne permettait pas, premièrement, d'avoir un contrôle sur l'administration et la gestion complémentaire des EMS. Deuxièmement, comme le prix de pension était élevé, les 2/3 des personnes étaient à l'assistance publique et les ¾ des personnes y parvenaient au moment de leur décès.
Au moment du décès et de la succession, l'Etat de Genève produisait la créance d'assistance. Dans la plupart des cas, les héritiers se voyaient obligés de répudier les successions. En 1995, le Conseil d'Etat a mandaté une commission d'experts, menée par M. Duquenne, pour réfléchir à cette problématique. Cette commission a élaboré le rapport dit « rapport Duquenne ». Ce rapport a donné lieu à un projet de loi voté par le Grand Conseil. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1998.
La nouvelle loi n'a pas modifié le montant des dépenses de l'Etat en faveur des EMS, il s'agit toujours de 150 à 160 millions de francs, mais ce montant est réparti différemment : d'une part, l'Etat verse des subventions directement aux EMS et, d'autre part, il fixe le montant des prix de pension.
Par le versement de subventions, l'Etat peut imposer des conditions aux EMS. Il peut, par exemple, examiner les dotations en personnel dans chaque EMS. Par le biais de ses subventions, l'Etat contrôle le fonctionnement des institutions.
D'autre part, le subventionnement des EMS permet la baisse des prix de pension. Ce qui reste à payer est, soit pris en charge par les assurances maladie, soit par les prestations complémentaires.
Pour M. Segond, l'introduction de cette nouvelle loi est synonyme d'un changement profond, mais nécessaire. Elle rend possible les contrôles autant financiers que sanitaires.
C'est l'OCPA qui s'occupe de la population des rentiers AVS/AI. Cet office analyse les documents en provenance des EMS et fixe ensuite un prix de pension pour l'année à venir. Ce prix est fixé sur la base des documents comptables et budgétaires des 59 EMS.
Si ce prix est contesté, alors l'EMS doit adresser une réclamation à l'OCPA qui va examiner à nouveau le dossier. Cet office va soit infirmer soit confirmer sa décision. Sur la base de cette décision, l'institution peut adresser un recours auprès du Tribunal administratif.
M. Segond signale que le prix de pension dans un EMS n'est pas un acte politique, mais qu'il est d'ordre administratif.
Dans la deuxième partie de son exposé, M. Segond se concentre sur le cas de la MRPS.
M. Segond rappelle que la politique constante de la MRPS, qui est une institution publique, a toujours été de privilégier l'accès des pensionnaires les plus faciles, à savoir les patients de la catégorie « A ». Elle a toujours accordé la priorité aux pensionnaires de la catégorie « A ». La proportion des cas de catégorie « A » est anormalement élevée. Il y a, en revanche, peu de cas « B » et peu de cas « C ».
M. Segond rappelle les prix 1997 de pension de chacune des trois catégories : pour les « A » : 106 F par jour, pour les « B » et « C »: 231 F par jour.
En ce qui concerne les prix pour l'année 1998, l'OCPA souhaitait renforcer les catégories « B » et « C » et a donc élevé le prix de pension de la catégorie « A ». Ce prix est passé de 106 F par jour à 131 F par jour. En revanche, le prix de pension quotidien des catégories « B » et « C » est passé de 231 F à 131 F. Ce qui représente une augmentation de 25 F pour la catégorie « A », mais une baisse de 100 F pour les catégories « B » et « C ».
C'est l'OCPA qui a souhaité ces nouveaux prix de pension. Pour cet office, il n'était en effet pas acceptable qu'il y ait des EMS qui se spécialisent dans les patients de catégorie « A » et d'autres EMS qui doivent se transformer en petits hôpitaux pour accueillir les cas « B » et « C ».
La MRPS a mal accepté les nouveaux tarifs. Elle a fait une réclamation à l'OCPA qui a confirmé sa décision. La MRPS a fait recours au Tribunal administratif qui jugera.
M. Segond conclut en rappelant que les 2/3 des personnes âgées vivant en EMS ne payent pas le prix de pension qui est, en fait, payé par l'OCPA.
Discussion et vote
En raison du recours pendant au Tribunal administratif, la Commission des pétitions a attendu une année pour prendre une décision sur ce dossier. Bien lui en a pris puisqu'un accord a été signé entre le DASS et la MRPS. Entendues par le Tribunal le 27 novembre 1998, les deux parties se sont mises d'accord pour négocier une convention afin de régler ce problème. Cette convention est qualifiée de bon compromis par la direction de la maison de retraite puisqu'elle prévoit le maintien d'un prix spécifique pour les résidants encore indépendants permettant ainsi à la MRPS de recevoir en son sein des personnes certes très âgées, mais encore relativement indépendantes, ceci à des prix abordables et dans la majorité des cas sans aide de l'Etat. Elle permet également à cette grande maison de rester un lieu de vie tout en garantissant aux aînés qui y entrent de pouvoir y finir leur vie quelle que soit l'évolution de leur état de santé.
La convention prévoit également une augmentation assez sensible du nombre de lits médicalisés de cette institution qui passera de 130 au début 1999 à 200 en l'an 2000.
Tout est donc bien qui finit bien pour l'unique maison de retraite de Suisse a avoir été créée par une loi cantonale en juin 1849. C'est donc dans les réjouissances que se fêteront, le 18 septembre 1999, les 150 ans de cette vénérable institution genevoise.
C'est pourquoi, à l'unanimité des membres présents, les commissaires de la Commission des pétitions vous recommandent, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt de la pétition 1196 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Débat
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je voudrais rappeler que cette pétition a été déposée en mars 1998, qu'en une année et demie beaucoup de choses ont évolué et qu'en l'occurrence - tant mieux pour les pétitionnaires - un accord a été signé entre le département et la Maison de retraite du Petit-Saconnex qui a donné satisfaction à tout le monde. Si bien que cette pétition peut être déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement à la satisfaction générale.
Dans le rapport, je signalais qu'au mois de septembre la maison de retraite fêterait ses 150 ans, et je lui souhaitais un bon anniversaire. Depuis, cette fête a eu lieu et je peux vous dire qu'elle s'est effectivement déroulée dans la joie. Je vous recommande enfin la très belle plaquette qui a été éditée sur la Maison de retraite du Petit-Saconnex et vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.