République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 45e séance
PL 8091
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Champ d'application
La présente loi s'applique au réseau de relations qui a pour objet la constitution, la valorisation, la consultation et l'utilisation d'informations directement liées au territoire genevois (ci-après le système d'information du territoire à Genève, ou SITG).
Art. 2 But
La présente loi a pour but de donner au SITG un cadre juridique qui réponde aux principes suivants :
Art. 3 Définitions
Les notions particulières utilisées dans la présente loi sont définies comme suit :
Art. 4 Constitution
Le SITG se constitue lui-même par adhésion à une charte formulant les droits et obligations conférés à chaque partenaire et aux autres entités, ainsi que les autres dispositions d'organisation qui complètent la présente loi.
Art. 5 Comité directeur
1 La charte institue un Comité directeur du SITG formé de deux représentants de l'Etat, désignés par le Conseil d'Etat, et d'un représentant désigné par chacun des autres partenaires. Le Comité directeur est une autorité administrative au sens de l'article 5, lettre g, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
2 Le Comité directeur a notamment pour fonction d'adopter la charte, dont toute modification requiert la majorité des deux tiers de ses membres, et de tenir à jour la liste des partenaires qui y adhèrent; à la majorité des deux tiers de ses membres, le Comité directeur peut refuser une adhésion ou y mettre fin.
3 Le Comité directeur :
Art. 6 Dispositions financières
1 Le SITG ne constitue pas un centre de responsabilité au sens de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
2 Chaque entité assume ses responsabilités financières propres et participe équitablement aux charges, produits et investissements communs.
3 Les prestations du SITG ne peuvent être facturées au-delà d'une redevance couvrant les coûts d'infrastructure et de mise à disposition des informations, dont le tarif est fixé par le Comité directeur. Ce tarif fixe en outre le montant de droits de publication, de reproduction ou de commercialisation qui s'élèvent au plus à 20 000 F, les droits découlant de la législation fédérale sur l'utilisation des cartes nationales et des données de la mensuration officielle étant réservés.
Art. 7 Administration
1 D'entente avec le Comité directeur, le Conseil d'Etat désigne un service de l'Etat qui est chargé de l'administration du SITG.
2 Dans l'exercice de cette fonction, ce service est soumis hiérarchiquement au Comité directeur.
Art. 8 Supervision
1 D'entente avec le Comité directeur, le Conseil d'Etat désigne un mandataire ou un service rattaché à l'un des partenaires du SITG et sans autre relation directe avec ce dernier, qui est chargé de veiller au respect du but de la présente loi et des obligations conférées au Comité directeur.
2 L'organe de supervision invite le Comité directeur à prendre toute mesure qu'il estime nécessaire et en informe chaque partenaire. Il leur adresse chaque année, sous forme de lettre, un bref rapport d'activité qui est rendu public.
Art. 9 Procédure
1 Les déterminations prises en application de la présente loi ou de la charte ne sont des décisions administratives que si elles ont été prises par le Comité directeur sur demande de leur destinataire.
2 Le Comité directeur applique la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
3 La qualité pour recourir au Tribunal administratif appartient aussi à toute entité.
Art. 10 Dispositions finales
1 Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
2 Après trois ans, il confie à un organisme externe le mandat d'évaluer le fonctionnement de la présente loi et du SITG,
3 Le rapport de ce mandataire est rendu public.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Respecter et même encourager la spécificité, l'informalité et le potentiel de développement d'un objet institutionnel d'un type nouveau comme le système d'information du territoire genevois (SITG), tout en lui donnant une base légale qui assure le nécessaire contrôle démocratique et l'indispensable protection des droits individuels: tel est l'enjeu du présent projet de loi.
1. Le SITG aujourd'hui
Le système d'information du territoire genevois (SITG) est une organisation de l'acquisition, de la conservation, de la communication et de la mise en valeur des données relatives au territoire genevois, au moyen notamment des technologies informatiques, dans le but de contribuer à la réalisation économique et pertinente de produits et de prestations.
Aujourd'hui, le SITG regroupe des partenaires du secteur public (canton, communes, Ville de Genève, Services Industriels de Genève, Aéroport international de Genève), comprend des bases de données riches (globalement de plus de 3 Mios d'objets relevant de divers domaines de la gestion du territoire) et bénéficie de produits permettant la mise en valeur de ces données tant pour les partenaires eux-mêmes qu'auprès d'une gamme d'usagers allant des professionnels spécialisés au grand public.
Dans l'audit global de l'Etat de septembre 1996, Arthur Andersen SA a consacré une analyse détaillée particulière au SITG (n°45) en soulignant sa « structure originale, illustrant l'aptitude à la coordination au sein de l'Administration cantonale, entre différents niveaux d'administrations publiques ». Relevant que « le principal obstacle à la réussite d'une opération de ce type réside principalement dans la capacité à organiser et à coordonner des intervenants très divers », le consultant qualifie le SITG de « modèle de coopération et de coordination », sous deux réserves : des coûts spécifiques qui ont été pris en charge par les différents partenaires sans avoir été préalablement cernés et un cadre juridique à définir.
La réflexion autour du SITG a débuté à la fin des années 80 et s'est concrétisée en 1991 par un arrêté du Conseil d'Etat ; les principes, toujours valables aujourd'hui, qui ont guidé sa formalisation, sont :
l'approche pragmatique, soit la recherche de l'adéquation constante des objectifs aux besoins identifiés et aux moyens disponibles ;
le partenariat dans la gestion des priorités, des moyens et des données.
A l'origine et jusqu'à une période récente, la principale préoccupation des partenaires était celle de l'acquisition des données, en particulier celles de la mensuration officielle, choisies comme base de référence.
Les moyens à mettre en oeuvre pour cette acquisition étaient suffisamment importants et le temps nécessaire assez long pour que la communication et la valorisation des informations restent en arrière-plan.
Ce n'est qu'en 1995 que cette question s'est posée dans sa réelle dimension, soit au moment où la quantité des données accumulées et la surface territoriale couverte ont été suffisamment importantes pour intéresser des usagers en dehors de l'administration.
Il y a lieu de relever que cette problématique de la communication et de la valorisation des données territoriales intéresse de nombreux pays dans le cadre de l'Union européenne. Des séminaires sont organisés régulièrement sur cette question, en particulier en France et en Suisse (EPFL); le colloque de la journée SITG de novembre 1996 y a en partie été consacré.
2. Confirmer le choix d'une structure novatrice
L'émergence du produit a suscité la demande en provenance d'une part des partenaires du SITG, d'autre part de personnes extérieures appartenant à des administrations publiques ou à des entreprises privées. Pouvait-on dès lors continuer à gérer le SITG exclusivement selon des principes idéaux de coopération, d'échange informel, de gratuité ? Ou fallait-il considérer qu'après une phase de lancement il importait de le couler dans le moule de l'organisation administrative traditionnelle, qui pourrait par exemple conduire à faire du SITG une fondation de droit public ou un établissement public autonome ? Ces questions sont au coeur de l'actualité avec l'importance que prend le « réseau des réseaux », l'Internet.
Le présent projet de loi part de l'idée qu'il existe une troisième voie : celle de la création d'instruments juridiques adaptés, selon une logique de mission et non plus exclusivement de structures. C'est à ce prix que l'Etat, et en vérité le système démocratique dans son ensemble, peut relever le défi des nouvelles problématiques.
S'il devait demeurer sans cadre juridique, le SITG ne serait pas conforme à la nécessité démocratique de transparence et de contrôle. Son développement serait par ailleurs limité à ce qu'il est possible de faire dans un cadre aussi peu institutionnalisé. A l'inverse, une structure juridique inadaptée demeurerait simplement sans prise sur la réalité, qui la contournerait. Par la nature de ses prestations, le SITG ne peut en effet pas être assimilé à un organisme produisant des biens ou des services. C'est en réalité la notion de réseau elle-même, le produit de la coopération entre partenaires, qui en représente la valeur ajoutée et qu'il s'agit de préserver voire de développer.
Cela est d'autant plus important que d'autres réseaux du même type sont appelés à se mettre en place et à jouer un rôle toujours plus important socialement. C'est ainsi qu'après le SITG un système d'information pour l'environnement et l'énergie de la région genevoise (SIEnG) est en phase de démarrage. Une telle structure serait également adaptée à répondre à des besoins nouveaux dans le domaine de la santé, par exemple.
Dès lors, la législation que nous vous proposons pour le SITG, si elle se veut novatrice, doit également être reconnue comme expérimentale, au double sens du mot :
elle n'est pas définitive mais devra faire l'objet d'une évaluation en vue d'être adaptée voire corrigée par la suite ;
elle doit être ultérieurement susceptible d'autres applications.
3. La structure proposée
Le projet de loi reprend les éléments de l'organisation du SITG qui ont fait leurs preuves, en leur apportant le renforcement d'une valeur juridique assurée et en les complétant par différents instruments.
Le SITG demeure une structure virtuelle, dont les contours sont à géométrie variable définie par l'adhésion à une charte elle-même évolutive. L'unique organe prévu par la loi est un Comité directeur formé de représentants des différents partenaires. Un service de l'Etat lui est subordonné pour assurer l'administration du SITG (aujourd'hui le Service des systèmes d'information et de géomatique rattaché au Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie). Par ailleurs la loi confère à toute entité en rapport avec le SITG, quel que soit son statut juridique, la titularité d'un droit à se voir communiquer une décision la concernant (qui relève alors obligatoirement du Comité directeur) et à recourir au Tribunal administratif. C'est de cette manière que pourront être effectives tant les garanties indispensables de droits individuels que les mécanismes d'obligation, voire de sanction, que la charte pourra instituer vis-à-vis de toutes les entités en rapport avec le SITG en vue d'assurer le bon fonctionnement de celui-ci.
La souplesse et l'autonomie qui découlent d'une structure de ce type imposent des obligations d'autant plus fortes de transparence et d'information vis-à-vis des partenaires et de la société en général. Le projet de loi y pourvoit de deux manières. D'une part en fixant des règles de publication les plus générales possible : sur l'Internet. D'autre part en instituant un organisme complémentaire d'un type radicalement nouveau avec une tâche de supervision. Il peut s'agir d'un mandataire privé comme d'un service de l'Etat, de la Ville, d'une commune ou d'un autre partenaire pour autant qu'il soit extérieur au SITG. Sa mission consiste à être un observateur privilégié du fonctionnement du SITG et à se faire le gardien des objectifs et obligations qui lui sont assignés. Ses moyens d'action sont, outre le dialogue direct avec le Comité directeur ou le service chargé de l'administration du SITG, des demandes formelles qui sont alors obligatoirement répercutées directement auprès des partenaires afin qu'ils soient dûment alertés.
Enfin le projet de loi prévoit une période d'évaluation après trois ans au terme de laquelle elle sera certainement revue et adaptée.
4. Commentaire article par article
Article 1 Champ d'application
Cet article définit l'objet qui constitue le système d'information du territoire genevois (SITG), dont la réalité préexiste à la loi mais à laquelle celle-ci entend donner un cadre juridique formel.
Article 2 But
Cet article définit le but que le législateur assigne au cadre juridique qu'il entend instituer pour le SITG, sous la forme de six principes. Ceux-ci régissent non seulement les modalités que la loi mettra en place, mais également le dispositif d'application qui sera inscrit dans la charte du SITG. Ils ont également une valeur d'interprétation à la fois pour l'organe de supervision chargé de veiller au respect des objectifs du SITG et pour l'autorité de recours en cas de litige.
Article 3 Définitions
Cet article décrit quatre notions spécifiques à la présente loi en leur donnant un contenu juridique particulier.
La charte n'est à proprement parler ni un règlement, ni un contrat, ou c'est les deux à la fois. Adopté dans sa version initiale par les fondateurs, ce document qui contient les règles de fonctionnement du SITG est, d'une part, ouvert à de nouvelles adhésions et, d'autre part, susceptible de modifications ultérieures.
Les partenaires sont les fondateurs du SITG, nommés dans la loi (Etat, Ville de Genève, Association des communes genevoises et Services industriels de Genève), dont le cercle doit pouvoir être ultérieurement augmenté par adhésion : le SITG est une structure à géométrie variable. La loi limite expressément la qualité de partenaire à des collectivités, corporations de droit public ou établissements de droit public compte tenu de la nature de service public du SITG.
Le terme générique d'entité a été retenu pour désigner tout autre titulaire de droits ou d'obligations dans le SITG : fournisseurs, clients, etc. Ici il n'y a aucune restriction quelconque, le SITG est ouvert à tous et la loi confère à chacun, quel que soit son statut, une personnalité juridique spécifique lui donnant le droit, le cas échéant, d'obtenir une décision susceptible de recours au Tribunal administratif. C'est de cette manière qu'il est prévu de conserver la simplicité du dispositif de fonctionnement du SITG au travers de sa charte tout en assurant la garantie des mécanismes qu'elle met en place (obligation de tenir à jour les données, par exemple) et le respect des droits individuels (à l'égard d'un refus abusif, par exemple).
Le comité directeur est l'unique organe du SITG institué par la loi, tous les autres ne pourront découler que de la charte. C'est le Comité directeur qui est spécifiquement titulaire d'obligations au regard de la loi et c'est lui qui, en cas de litige, est seul habilité à prononcer une décision susceptible de recours au Tribunal administratif.
Article 4 Constitution
Cet article exprime la géométrie variable du SITG dans les rapports entre la charte, les partenaires et les autres entités.
Article 5 Comité directeur
Le Conseil d'Etat désigne deux représentants et chacun des autres partenaires un représentant, qui constituent ensemble le Comité directeur du SITG. C'est la charte qui définira principalement son rôle en rapport avec les autres organes qu'elle instituera. Sa nature d'autorité administrative émettant des décisions sujettes à recours est ici spécifiée, conformément à la loi sur la procédure administrative.
Pour ce qui concerne la loi, le Comité directeur est d'abord l'organe habilité à accepter l'adhésion de nouveaux partenaires et à modifier la charte ; dans les deux cas, c'est une majorité des deux tiers qui est requise : elle paraît mieux à même que la règle de l'unanimité d'exprimer la notion de consensus inscrite à l'article 2, lettre d, tout en permettant de surmonter un blocage purement circonstanciel.
Le Comité directeur est tenu d'une part de produire un rapport annuel d'activité et d'autre part d'assurer la publicité la plus large, sur l'Internet, d'informations les plus complètes sur l'état et le fonctionnement du SITG. Pour des raisons de sécurité juridique, il s'impose toutefois de prévoir la publication de la charte selon les modalités usuelle également.
Article 6 Dispositions financières
Cet article précise que le SITG ne constitue par un centre de responsabilité budgétaire de l'Etat, chaque entité devant suivre ses modalités propres pour les éléments qui dépendent d'elles. Il importe cependant de disposer d'une vision globale qui (en attendant la généralisation d'une comptabilité analytique qui permettrait la mise en place d'un instrument consolidé) découlera du rapport d'activité du SITG.
Les prestations du SITG provenant de l'exploitation de données de services publics dans le cadre de leur mission et de leurs modalités financières propres, une facturation éventuelle doit être limitée aux frais supplémentaires encourus. Un tel principe est par ailleurs celui qui est le mieux à même de contribuer à l'utilisation, donc au développement, du SITG. Il paraît cependant normal, lorsque l'utilisation excède l'usage personnel, que des droits soient perçus en cas de publication, reproduction ou commercialisation des données obtenues par le SITG, par analogie avec ce que prévoit en tout état de cause le droit fédéral dans ce domaine.
Article 7 Administration
Structure virtuelle, le SITG n'en nécessite pas moins un minimum d'infrastructure administrative pour assurer sa mise en oeuvre. Actuellement, cette fonction est effectuée par le Service des systèmes d'information et de géomatique rattaché au Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie. Le projet de loi prévoit que le Conseil d'Etat désigne un service de l'Etat pour assurer l'administration du SITG. Logiquement, dans l'exercice de cette tâche ce service est subordonné au Comité directeur dont il exécute les instructions.
Article 8 Supervision
En corollaire de la très grande souplesse et autonomie que la loi confère au SITG, il est prévu d'instituer un organe permanent de supervision chargé de veiller au respect du but de la loi et des obligations du comité directeur et d'alerter, au besoin, les partenaires.
Article 9 Procédure
Cet article institue un droit spécifique à obtenir une décision au sens de la loi sur la procédure administrative, c'est-à-dire notamment qui respecte le droit d'être entendu et comporte sa motivation et l'indication de la voie de recours au Tribunal administratif. Une telle décision ne peut être prise que par le Comité directeur. Auparavant, on se trouve en présence de déterminations pouvant être prises par n'importe quelle instance mise en place par la charte du SITG, qui ne confèrent des droits ou des obligations que par l'acceptation de ceux-ci par le destinataire. Ce système permet de combiner la souplesse informelle nécessaire avec la garantie du droit de recourir au Tribunal administratif pour toute entité qui s'estime touchée dans ses intérêts juridiquement protégés, en provoquant une décision formelle.
Article 10 Dispositions finales
Cet article prévoit qu'un organe externe (tel que la Commission externe d'évaluation des politiques publiques, par exemple) soit chargé d'un mandat d'évaluation trois années après l'entrée en vigueur de la loi. Il est à prévoir que celle-ci sera alors adaptée, par exemple pour compléter les dispositions financières si dans l'intervalle une comptabilité analytique a pu être généralisée parmi les partenaires.
5. Conclusion
Les modalités prévues par le présent projet de loi permettront de poursuivre le développement du SITG, de garantir le respect des droits individuels et d'assurer l'indispensable contrôle démocratique sur cette nouvelle structure de service public. Ce projet de loi permet aussi l'expérimentation de nouvelles pratiques et de nouveaux instruments susceptibles d'applications ultérieures à d'autres systèmes d'information qui ne manqueront pas de se mettre en place en vue de répondre aux besoins de la société.
Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ce projet de loi.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.