République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 45e séance
IN 112-B
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
10 mars 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
10 juin 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la Commission législative, au plus tard le
10 décembre 1999
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet, au plus tard le
11 septembre 2000
5.
En cas d'opposition d'un contre-projet, adoption par le Grand Conseil du contre-projet, au plus tard le
10 septembre 2001
La Commission législative a siégé le 2 juillet 1999, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, avec l'assistance de MM. Friedrich, Bolle et Richert, pour examiner la recevabilité de l'initiative populaire 112 « Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! ».
Afin d'éviter des répétitions inutiles, il est conseillé aux députéEs de se référer au rapport du Conseil d'Etat. C'est pourquoi ce rapport est joint en annexe, ainsi que le texte même de l'initiative.
Les remarques de certains commissaires ont porté sur le fond de l'initiative ; en effet, celle-ci introduit dans la législation genevoise le référendum obligatoire qui existe déjà dans plusieurs cantons. Le Conseil d'Etat rejette l'initiative mais en accepte l'idée. Un contre-projet verra vraisemblablement le jour, une fois que le Grand Conseil se sera prononcé sur sa recevabilité.
Le rapport du Conseil d'Etat sur les conditions de recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 112 est d'excellente qualité et convaincant. L'initiative ne pose aucun problème sur le plan de la validité ; elle ne concerne que la fiscalité cantonale. L'unité du genre et l'unité de la matière ne posent aucun problème particulier.
C'est pour ces motifs que la commission a conclu, à l'unanimité, à la recevabilité de l'initiative 112.
ANNEXES
Secrétariat du Grand Conseil
Le Comité "; Halte aux déficits " a lancé l'initiative populaire intitulée "; Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
10 mars 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
10 juin 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la Commission législative, au plus tard le
10 décembre 1999
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet, au plus tard le
11 septembre 2000
5.
En cas d'opposition d'un contre-projet, adoption par le Grand Conseil du contre-projet, au plus tard le
10 septembre 2001
Initiative populaire"; Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! "
Les citoyens et citoyennes soussignés, électeurs et électrices dans la République et canton de Genève, demandent, en vertu des articles 64, 65A et 67A de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, que la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) soit modifiée comme suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 (A 2 00), est modifiée comme suit :
Art. 53A Référendum fiscal obligatoire (nouveau)
L'introduction d'un impôt nouveau, d'un droit ou d'une taxe assimilable, de même que l'augmentation du taux ou l'extension de l'assiette d'un impôt, droit ou taxe assimilable sont subordonnés à l'approbation du Conseil général (corps électoral).
Art. 54, al. 2 (abrogé)
EXPOSÉ DES MOTIFS
A Genève (canton et communes), en moyenne, on paye 75 % de plus que dans le canton de Vaud. Pourtant nos autorités veulent augmenter de 250 millions les impôts et les taxes (658 F par habitant, bébés compris) !
Impôts par habitant (canton et communes)
Une nouvelle hausse des impôts et des taxes, c'est :
Aggraver la situation économique et sociale.
Inciter les contribuables et les entreprises à fuir Genève.
Diminuer les rentrées fiscales et donc aggraver le déficit.
Nous devons nous défendre - que celui qui paie puisse se prononcer !
Exigeons un vote populaire obligatoire pour toute nouvelle hausse des impôts !
ANNEXE
Date de dépôt: 26 mai 1999Messagerie
Rapport du Conseil d'Etatau Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative 112 "; Hausses d'impôts? Aux électrices et électeurs de décider ! "
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
10 mars 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
10 juin 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la Commission législative, au plus tard le
10 décembre 1999
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet, au plus tard le
11 septembre 2000
5.
En cas d'opposition d'un contre-projet, adoption par le Grand Conseil du contre-projet, au plus tard le
10 septembre 2001
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 3 mars 1999, publié dans la Feuille d'avis officielle du 10 mars 1999. De cette date court une série de délais successifs, qui définissent les étapes de la procédure de traitement de l'initiative en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui, de par la loi, doit intervenir en l'occurrence à la séance du Grand Conseil des 10 et 11 juin 1999. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat vous soumet le présent rapport.
A. Validité de l'initiative
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative "; Hausse d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! " (IN 112) ne pose pas de problème de recevabilité, pour peu qu'elle soit interprétée de façon raisonnable, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il peut-être répondu par "; oui " ou par "; non ".
L'initiative 112 comporte comme seule et unique proposition celle de modifier le titre VI, consacré au référendum et à l'initiative, de la Constitution de la République et canton de Genève, en ce qui concerne la nature du référendum en matière fiscale et les objets qui y sont soumis.
Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2 de la Constitution).
2. Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65B de la Constitution, l'initiative répond à cette condition.
3. Unité du genre
L'unité de genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur une modification de la Constitution, soit plus précisément du titre VI consacré au référendum et à l'initiative.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité au droit
Selon ce principe, une initiative cantonale doit avoir un contenu conforme au droit supérieur. Une initiative ne peut cependant être invalidée sous ce rapport que si elle ne se prête à aucune interprétation compatible avec le droit supérieur.
En l'occurrence, bien que cela soit évident, il faut relever à titre liminaire que l'initiative 112 "; Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! " ne saurait viser les impôts, droits et taxes assimilables fixés par le droit fédéral. On ne saurait d'ailleurs prêter aux initiants eux-mêmes une autre façon de voir sur ce point.
L'initiative 112 tend à soumettre au référendum obligatoire l'introduction ou l'augmentation d'impôts, de droits ou de taxes assimilables, autrement dit des contributions publiques non causales (qui ne représentent donc pas la contrepartie de prestations étatiques déterminées, à l'inverse notamment des émoluments). Un tel projet n'est pas incompatible avec le droit supérieur.
La recevabilité matérielle de l'initiative ne saurait donc être contestée à cet égard.
2. Exécutabilité
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une initiative cantonale doit pouvoir être réalisée dans la pratique, être exécutée, faute de quoi elle doit être considérée comme invalide. Le Tribunal fédéral précise cependant que l'inexécutabilité doit être manifeste ce qui signifie qu'aucune interprétation soutenable de l'initiative permet d'envisager qu'elle puisse être exécutée ; a contrario, dans la mesure où une interprétation permet d'envisager, même dans des conditions difficiles, son exécutabilité, la décision sur ce point appartient au peuple et non pas aux seules autorités (cf. à ce sujet, Andreas Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, 1978, p. 139, avec les références jurisprudentielles citées ; Etienne Grisel, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 1997, p. 253 et ss., y compris la jurisprudence citée par l'auteur; cf. également ATF 123 I 152 et ss).
Dans le cas particulier, l'on ne saurait prétendre que l'inirtiative 112 est inexécutable. Certes, elle peut poser des problèmes d'interprétation en relation avec son exécutabilité (cf. les considérations ci-dessous sur la prise en considération de l'initiative), mais ces problèmes n'empêchent pas qu'elle soit exécutable. En conséquence, l'initiative 112 ne saurait être considérée comme invalide pour cause d'inexécutabilité.
B. Prise en considération de l'initiative
1. L'initiative "; Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! " repose sur un principe juste, lequel n'est pas divisible
Le Conseil d'Etat soutient sans équivoque le principe suivant lequel c'est au peuple de décider du niveau de ses impôts, car ce principe, à l'origine même de la démocratie, est fondamentalement juste. Selon ce principe, le Conseil d'Etat estime que non seulement les hausses d'impôts, mais également les baisses d'impôts devraient être subordonnées à l'approbation du peuple. En effet, il est indéniable qu'une diminution d'impôts, qui par hypothèse ne serait pas linéaire et favoriserait plutôt telle ou telle tranche de revenus, acquerrait une plus grande légitimité si elle était votée par le corps électoral plutôt que par le seul Grand Conseil.
Le Conseil d'Etat voit une deuxième bonne raison d'introduire le référendum obligatoire en matière fiscale : il renforce la clarté du débat démocratique. Pour le bon fonctionnement des institutions de l'Etat, mieux vaut, dans le domaine si sensible de l'impôt, s'en remettre directement et systématiquement à la légitimité populaire : contrairement à une loi fiscale soumise au référendum facultatif, qui peut donner l'impression que les autorités veulent imposer au peuple une mesure à la sauvette, l'avantage du référendum obligatoire place à cet égard les autorités au-dessus de tout soupçon. Le débat ne sera pas inutilement entaché par une suspicion ; a priori, il gagnera en clarté.
2. Flou, le contenu de l'initiative 112 donnerait lieu à controverses
Le Conseil d'Etat est d'avis que le flou du libellé de l'initiative 112 risque de conduire à des interprétations divergentes, à de nombreuses contestations sources d'une jurisprudence abondante. La notion d'impôts n'est pas correctement définie.
Plutôt que de parler "; d'un impôt nouveau, d'un droit ou d'une taxe assimilable ", le Conseil d'Etat estime qu'il faut s'en tenir aux distinctions classiques faites par le droit administratif, le droit fiscal et la jurisprudence et retenir en conséquence plus clairement la notion de contributions publiques non causales.
Enfin, le Conseil d'Etat note que l'abrogation de l'article 54, al. 2, telle qu'elle est proposée par les initiants, conduit à une conséquence qu'ils ne veulent certainement pas eux-mêmes : celle de soustraire "; une émission de rescriptions ou un emprunt sous une autre forme " à la possibilité du référendum facultatif actuellement prévue par l'article 54, alinéa 2, lettre b.
3. Partant d'une idée juste, mais mal formulée, l'initiative 112 doit être rejetée et pourrait faire l'objet d'un contre-projet
Le Grand Conseil a la faculté d'opposer un contre-projet à une initiative populaire s'il ne l'approuve pas. En l'occurrence, il ne s'agirait pas de préconiser une solution différente à un même problème, ni même de proposer une solution intermédiaire entre l'initiative et le statu quo, mais bien de conserver la substance de l'initiative tout en éliminant ses défauts.
On peut dès lors envisager que l'initiative pourrait être retirée en faveur d'un tel contre-projet, que le Conseil d'Etat souhaite. Le Conseil d'Etat fera part de ses propositions à ce sujet dans le cadre normal des travaux parlementaires.
C. Conclusion
Le Conseil d'Etat estime que l'initiative "; Hausse d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! " (IN 112) est valable (elle est recevable formellement et matériellement) et contient une idée juste qui mérite d'être prise en considération : celle du renforcement des droits populaires en matière fiscale. Le Conseil d'Etat estime judicieux de soumettre au référendum obligatoire tout impôt nouveau ou toute modification d'un impôt déjà existant, à la hausse comme à la baisse. Mais cela doit être fait dans la clarté, non dans la confusion.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter l'initiative 112 et d'étudier la possibilité de lui opposer un contre-projet qui l'élargisse et la précise à la fois.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse. Mon rapport était très bref et ce que j'ai à dire le sera tout autant : les juristes du Conseil d'Etat ont fait un excellent travail et ont parfaitement démontré la recevabilité formelle et matérielle de l'initiative !
Le président. La commission législative conclut donc à l'unanimité à la recevabilité de cette initiative. Je mets aux voix ces conclusions.
Mises aux voix, les conclusions de la commission législative (recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 112) sont adoptées.
Cette initiative est renvoyée à la commission fiscale.