République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1294
18. Proposition de motion de Mmes Véronique Pürro, Erica Deuber Ziegler et Marie-Françoise de Tassigny pour la poursuite et le développement de la politique contractuelle de l'Etat au niveau culturel. ( )M1294

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

que la pratique des contrats de confiance (d'une durée de trois ans et renouvelables deux fois) instituée par le DIP au bénéfice d'un certain nombre de compagnies dans les domaines de la danse, de la musique et du théâtre, a permis de développer un tissu culturel dense et riche ;

qu'en 1998, l'arrivée à échéance des contrats de confiance les plus anciens menace de créer une rupture dans l'existence de ces compagnies, voire leur disparition ;

qu'en 1999, la pratique budgétaire des douzièmes provisionnels a amené à suspendre l'examen des nouvelles demandes de contrats de confiance ;

qu'il est indispensable de développer les outils adéquats, d'une part pour poursuivre la politique des contrats de confiance et, d'autre part, pour assurer la suite de ces contrats pour les compagnies qui ont fait leurs preuves ;

qu'il convient de pousser la réflexion sur les outils à mettre en place pour favoriser une véritable relation de partenariat entre l'Etat et les institutions et les associations culturelles subventionnées ;

invite le Conseil d'Etat

à maintenir le dispositif des contrats de confiance de trois ans, renouvelables deux fois et à assurer la somme jusqu'alors consacrée à cet effet ;

à garantir aux compagnies, dont les contrats de confiance arrivent à échéance après neuf ans et dont la qualité du travail est évaluée positivement, de pouvoir bénéficier d'un financement public nécessaire à leurs activités ;

à étudier, dans ce but, le développement de conventions liant l'Etat aux compagnies, en concertation avec les autres collectivités publiques subventionnantes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 1990, de manière à contribuer à l'essor de compagnies de théâtre ou de danse, ainsi qu'au développement des activités d'ensembles musicaux indépendants, l'Etat de Genève a décidé d'accorder son soutien à des institutions et des associations culturelles sous une forme contractuelle, par le biais de contrats dits de confiance. Ces derniers assurent aux bénéficiaires un soutien financier d'un montant qui varie selon les cas et sur une durée de trois ans. Les contrats de confiance peuvent être, suite à une évaluation, renouvelés deux fois. Après neuf ans d'existence, ces contrats soulèvent quelques interrogations auxquelles la motion qui vous est présentée tente de répondre.

Parmi les institutions culturelles concernées, le Théâtre du Loup, les Ateliers d'ethnomusicologie et contrechamps arrivent au terme de leur troisième contrat. Selon le dispositif mis en place, il n'est donc plus possible pour ces piliers de la vie culturelle genevoise de recevoir l'aide financière étatique, qui durant presque une décennie est devenue essentielle à leur fonctionnement et à leur rayonnement actuel. Il convient dès lors d'assurer à ces institutions culturelles un soutien financier, de manière à ne pas mettre en péril leurs activités, voire même leur existence. Dans ce sens, la motion invite le Conseil d'Etat à garantir un financement public aux compagnies, dont les contrats de confiance arrivent à échéance après neuf ans et dont la qualité du travail est évaluée positivement. Par ailleurs, considérant que la pratique contractuelle offre de nombreux avantages, tant pour l'Etat que pour les institutions culturelles notamment en favorisant une relation de partenariat, la motion suggère au Conseil d'Etat d'étudier le développement de conventions liant l'Etat aux compagnies, ceci en concertation avec les autres collectivités publiques subventionnantes. Enfin, la motion demande au Conseil d'Etat de maintenir le dispositif des contrats de confiance, ce dernier ayant favorisé le développement d'un tissu culturel vivant, dense et riche dans notre canton.

En espérant que vous réserverez un bon accueil à cette motion, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés-ées, à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Véronique Pürro (S). Lorsque nous avons déposé cette motion, en juin dernier, nous souhaitions poursuivre deux objectifs. Le premier était de nous assurer que les trois institutions qui arrivaient au terme de leurs contrats dits de confiance, c'est-à-dire les Ateliers d'ethnomusicologie, le Théâtre du Loup et Contrechamps, ne seraient pas mises en péril par un arrêt brutal du soutien financier accordé par l'Etat de Genève. Renseignements pris auprès de Mme Brunschwig Graf et après examen du projet de budget 2000, nous avons pu nous assurer que cet objectif était atteint, bien qu'à notre avis on puisse désigner plus clairement ces institutions dans le cadre du budget, en leur attribuant par exemple une ligne budgétaire. C'est en l'occurrence quelque chose qui devra être examiné lors des travaux de la commission des finances.

Notre deuxième objectif concernait les contrats de confiance d'une manière plus générale : il s'agissait pour nous d'affirmer que le contrat de confiance est un instrument qui doit être développé, qui mérite d'être développé, dans la mesure où il a permis aux institutions qui en ont bénéficié et qui en bénéficient encore d'établir une relation particulièrement intéressante avec l'Etat. En effet, en étant assurées d'un soutien financier allant au-delà d'une année, certaines institutions ont pu développer des activités qu'elles n'auraient pu développer avec une subvention annuelle. Je pense aux coproductions, aux échanges et à beaucoup d'activités qui n'auraient pu être développées sans cette forme contractuelle.

Nous demandons donc au Conseil d'Etat de poursuivre cette forme de subventionnement contractuel, voire de la développer, ceci en partenariat avec les autres instances subventionnantes - je pense là plus particulièrement à la Ville de Genève et aux autres communes...

M. Claude Blanc. Il n'y a plus de Ville de Genève !

Mme Véronique Pürro. La Ville de Genève existe encore ! Et on le voit bien quand on examine qui subventionne ce genre d'institution. 

Mme Barbara Polla (L). Mesdames et Messieurs les députés, les contrats de confiance, comme vous l'a expliqué ma préopinante, sont effectivement un excellent système, qui a contribué au développement du tissu culturel de Genève, tissu qui est particulièrement riche et diversifié. Comme on vous l'a expliqué également, ces contrats sont par nature limités dans le temps, d'une durée de trois ans, renouvelables deux fois, ce qui signifie qu'il faut donc qu'une autre solution soit préparée pendant ces neuf ans. Or, il apparaît aujourd'hui que ces solutions n'ont pas été trouvées, si ce n'est pour certaines des institutions dont Mme Pürro a parlé, et qu'apparemment elles ne viendront pas toutes seules. C'est la raison pour laquelle le département a instauré un moratoire et c'est aussi pourquoi nous serons intéressés à étudier cette motion en commission de l'enseignement supérieur.

Cela dit, les solutions qu'il nous faudra trouver nous paraissent en revanche clairement différentes de celles qui sont proposées par les motionnaires. En fait, cette motion porte en elle-même ses propres contradictions, puisque dans le titre on nous parle de poursuivre et de développer la politique contractuelle de l'Etat au niveau culturel, alors que dans les invites on nous parle «d'assurer et de garantir». Evidemment, assurer et garantir, ce n'est pas compatible avec la politique contractuelle telle qu'elle avait été conçue et avec le concept même d'un contrat réciproque limité dans le temps. Ce n'est pas compatible non plus avec une politique culturelle souple et évolutive. Ce sera donc à nous, en commission de l'enseignement supérieur, de trouver des solutions originales, tous ensemble, qui permettent effectivement et à proprement parler le développement de l'intéressante politique contractuelle du DIP. 

Mme Nelly Guichard (PDC). Même si la dernière invite est intéressante, nous ne pouvons pas soutenir sans autre cette motion, qui invite le DIP à passer outre à la loi sur la culture que tous les partis ont très activement soutenue à l'époque. C'est précisément ce soutien durant trois ans, renouvelable deux fois, qui est un des axes dynamiques de cette loi et c'est par ce biais-là que le département peut épauler, puis accompagner un projet novateur. Après ce laps de temps, nous avions tous estimé que nous ne pouvions pas laisser la situation perdurer indéfiniment, parce que ce serait malheureusement au détriment de projets nouveaux. Il ne s'agit donc pas ici d'un système de subventionnement à long terme, mais d'un soutien à l'innovation, à la création.

Bien sûr, nous savons très bien que certains projets sont intéressants, qu'ils tiennent à coeur aux uns ou aux autres, mais nos moyens sont limités et de toute manière, comme je l'ai déjà dit, il ne s'agit pas d'un soutien à long terme et il faudra trouver d'autres solutions qu'une institutionnalisation systématique. Nous débattrons donc de cette problématique devant la commission de l'enseignement et de l'éducation, qui a traité le projet de loi - plutôt que devant la commission de l'enseignement supérieur, comme il a été proposé.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Contrairement à certaines de mes préopinantes, je ne pense pas que le système des contrats de confiance tel qu'il est actuellement soit un bon système ; c'est un système qui est au contraire absurde en l'état, dans son fonctionnement actuel.

Une institution culturelle conclut avec l'Etat un contrat de confiance pour trois ans, renouvelable deux fois, à l'issue duquel, en principe, ce financement devrait s'arrêter de manière abrupte. On donne ainsi la possibilité à une institution culturelle de vivre, de développer des activités et tout à coup, au bout de neuf ans, le financement tombe et l'institution est censée trouver d'autres modes de financement, que ce soit par des subventionnements - mais où ? on ne le dit pas, ce n'est pas prévu - ou auprès de sa clientèle, ce qui est tout à fait impossible. Le système actuel est donc bancal et le problème que nous rencontrons aujourd'hui était prévisible dès le départ.

De ce point de vue, cette motion a un côté très positif, puisqu'elle met le problème sur la table et nous propose d'y remédier en consacrant une ligne budgétaire aux institutions culturelles qui ont bénéficié d'un contrat de confiance depuis neuf ans et en continuant à octroyer de nouveaux contrats de confiance. Pour ma part, j'y suis favorable : je trouve qu'il est bon d'encourager les institutions culturelles, la culture et les acteurs culturels. Mais un problème de financement se posera. En effet, il faut se rendre compte que, dans une enveloppe budgétaire fermée comme c'est le cas actuellement, il faudra bien trouver un endroit où prendre la subvention que nous voulons donner aux acteurs culturels. Cela reste à discuter en commission et pour ma part je me réjouis d'en débattre et d'y réfléchir. 

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Il est dommage que Mme Brunschwig Graf ne soit pas là pour nous donner au moins un aperçu de la manière dont elle envisage la poursuite de cette politique de subventionnement de la culture novatrice, créative.

J'aimerais pour ma part dire deux choses. D'abord, Mme Polla a raison : l'invention des contrats de confiance a permis incontestablement des développements. Elle s'est avérée extrêmement fructueuse dans quelques cas, moins fructueuse dans d'autres, où il s'est trouvé que certaines compagnies ainsi subventionnées n'avaient pas fait un chemin aussi performant que d'autres. En ce qui concerne les trois compagnies que Mme Pürro a nommées, soit les Ateliers d'ethnomusicologie, Contrechamps et le Théâtre du Loup, elles ont fait une percée remarquable, non seulement sur la scène locale et régionale, mais sur la scène nationale et même, en ce qui concerne les Ateliers d'ethnomusicologie et Contrechamps, sur la scène internationale. Ces dernières sont deux institutions uniques en Suisse, l'une autour des musiques d'ailleurs, l'autre autour de la musique contemporaine ; leur rayonnement à l'étranger est extrêmement important et leur discographie commence à l'être.

Il s'agit donc d'institutions importantes, mais malgré cela, Madame Guichard, il n'est pas possible qu'après neuf ans de performances elles rejoignent ce qu'on appelle le marché. Nous ne sommes pas face à un théâtre de vaudeville à Paris, où après un certain rodage on conquiert un public et on peut marcher avec la même pièce pendant dix ans. Cela n'existe ni à Genève, ni en Suisse, et surtout pas pour des gens qui s'occupent de domaines culturels aussi particuliers. Par conséquent, une fois encouragés à émerger, à réunir des équipes, à devenir des professionnels, à acquérir une position dans le réseau - national et international - qui les concerne, à faire rayonner la culture genevoise et à apporter à Genève ce plus et cette richesse, ces acteurs culturels ne deviennent pas pour autant des protagonistes d'un marché de la culture pouvant voler de leurs propres ailes.

Et c'est bien là que le bât blesse. Rassurez-vous, je n'ai pas la science infuse, je ne sais pas quelle est la solution, mais je sais en revanche qu'il n'est pas possible de les laisser tomber. En effet, ce serait alors, Madame Guichard, un investissement à perte ; ce serait les pousser à fermer boutique, à abandonner les équipements, les investissements. Je vous rappelle que, derrière ces institutions, il y a des bâtiments, comme celui que la Ville a restauré et mis à disposition des Ateliers d'ethnomusicologie et de l'AMR : le bâtiment du Sud des Alpes. C'est d'ailleurs une très grande réussite et un lieu extrêmement fréquenté. Le Théâtre du Loup, quant à lui, grâce au sponsoring privé et à la solidarité du milieu du théâtre, en particulier à celle de Langhoff, a construit son grand bâtiment du Loup aux Gravières, à la Queue-d'Arve. Contrechamps dispose aussi de locaux ; on envisage de loger à l'avenir les Ateliers d'ethnomusicologie dans le futur musée d'ethnographie de la Ville, et ainsi de suite... Vous ne pouvez donc pas leur conseiller simplement de rejoindre le marché et de se débrouiller. C'est impossible, ce serait de la politique de subventionnement en pure perte.

A côté de ce problème, il y en a un deuxième, c'est que personne, ni vous, ni moi, ni les meilleurs connaisseurs du terrain ne savent quand émergera quelque chose d'intéressant, ici en danse, là en art plastique, là encore en musique, etc. Il n'y a rien de plus mystérieux que l'émergence d'une créativité dans une société donnée. Genève peut s'enorgueillir, à travers ses très bonnes écoles, d'avoir une relève et elle doit s'attendre, puisqu'elle investit dans les écoles de musique, d'art, de théâtre, à voir émerger des talents. Elle doit s'attendre à les encourager un peu plus avant et c'est cette politique globale entre les instances subventionnantes que nous entendons éclairer d'un jour nouveau.

Je vous rappelle qu'est toujours pendant à la commission de l'enseignement un projet de fondation pour la culture. Peut-être devrait-on discuter de cette fondation en même temps qu'on discute de cette motion. C'est en effet un des aspects annexes de la question, puisqu'il s'agit bien ici du financement de la culture.

En tout état de cause, on ne peut pas raisonner comme on vient de le faire sur les bancs du parti démocrate-chrétien. J'aimerais bien que ses membres changent de point de vue à cet égard et que ce Conseil renvoie cette motion pour examen en commission de l'enseignement. 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, Mme Deuber vient de faire la troisième proposition de renvoi en commission, après Mme Polla et Mme Guichard. Je vous propose de voter sur ce renvoi. Quelqu'un veut-il s'exprimer sur le renvoi en commission ? Monsieur Cramer, vous avez la parole.

M. Robert Cramer. J'observe que cet objet est aujourd'hui inscrit à l'ordre du jour pour la troisième fois. Il a été reporté à deux reprises en séances ordinaires et, maintenant qu'il arrive pour la troisième fois devant le Grand Conseil, c'est à l'occasion d'une séance supplémentaire, pour laquelle ma collègue Mme Brunschwig Graf a dû s'excuser. Vous comprendrez qu'ayant assisté aux deux séances ordinaires, Mme Brunschwig Graf puisse ne pas être là à la séance supplémentaire. C'est la raison pour laquelle je soutiens le renvoi en commission, qui lui permettra de vous donner les explications qu'elle n'a pas pu vous donner aujourd'hui.

De même, concernant la suite des travaux, je vous demande très respectueusement, Monsieur le président, et sans vouloir en rien contraindre votre autorité qui est grande, d'accepter que nous ne traitions pas, en l'absence de Mme Brunschwig Graf, les points 21 et 22, et que nous passions directement au point 23, dès lors que mon collègue Moutinot est là, bien présent, et qu'il se réjouit que l'on aborde les points qui concernent son département !

Le président. Cette motion est donc renvoyée en commission de l'enseignement. Nous passons au point suivant... Ah, pardon, vous avez raison, Monsieur Blanc, il nous faut voter sur le renvoi en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

Le président. Je vais vous faire voter encore une fois - puisque vous aimez voter, Monsieur Blanc ! - sur la proposition du Conseil d'Etat de modifier l'ordre du jour et de passer au point 23, en raison de l'absence de la présidente.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.