République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 235-1
a) M. B. D.( -)GR235
Rapport de M. Pierre Vanek (AG), commission de grâce
GR 236-1
b) M. R. P.( -)GR236
Rapport de M. Henri Duvillard (DC), commission de grâce

9. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :

M. B. D. . 1973, Algérie, cuisinier, recourt contre les peines d'expulsion judiciaire.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Je rapporte concernant le traitement par la commission de grâce du cas de M. B. D., d'origine algérienne, né le 1er février 1973, cuisinier et chauffeur de profession.

Ce monsieur est demandeur d'asile dans notre pays. Je vous passe le détail des motifs de cette demande d'asile, qui a été refusée mais fait l'objet d'un recours.

Pour aller à l'essentiel, ce monsieur, marié récemment à une Suissesse d'origine algérienne, a été condamné par jugement du Tribunal de police, respectivement le 25 février 1995 et le 15 janvier 1999, pour deux délits en rapport avec l'usage de cartes de crédit. Plus exactement, le premier délit consistait en la détention de cartes de crédit volées, qu'il n'aurait pas volées lui-même mais qui lui ont été transmises... (Rires.) J'entends des rires, mais ces éléments-là figurent dans le dossier judiciaire ! Ce que je vous expose là, ce sont des éléments factuels, je vous donnerai ensuite quelques éléments d'appréciation.

Le deuxième délit concernait une récidive du même ordre, puisque cette fois-ci il n'était pas seulement question de détention de cartes de crédit volées, mais d'usage de celles-ci à hauteur d'un montant d'environ 20 000 à 25 000 F sur une période de quelques mois, pour subvenir à différents besoins et au-delà.

Ces deux délits ont fait l'objet de répression, sous forme d'une condamnation à 45 jours d'emprisonnement en 1995, avec cinq ans d'expulsion du territoire de la Confédération, et, pour le deuxième délit qui est évidemment plus grave, à dix mois d'emprisonnement. Cette peine d'emprisonnement a été accomplie par M. B. D..

La commission de grâce, à la majorité - cette décision n'a pas été unanime, elle a été contestée - a décidé de recommander à notre Conseil d'octroyer à M. B. D. la grâce en ce qui concerne l'expulsion judiciaire du territoire de la Confédération. Eu égard à la situation de ce monsieur, à sa demande d'asile et au fait qu'il a été sanctionné par dix mois d'emprisonnement pour le délit qu'il a commis, nous avons estimé, en majorité en tout cas, que l'expulsion judiciaire en direction de l'Algérie, pays que ce monsieur a fui en déposant ici une demande d'asile, représentait une sanction supplémentaire que nous n'étions pas prêts à cautionner. Nous avons déjà eu l'occasion, lors de l'examen d'autres demandes de grâce, d'évoquer la différence qu'il y a entre l'expulsion judiciaire d'un ressortissant français, par exemple, en direction de la France, et l'expulsion judiciaire vers un pays qui connaît l'insécurité que l'on sait.

C'est essentiellement cet élément qui a motivé l'acceptation de la grâce, l'autre élément étant que nous considérions que ce monsieur avait été sanctionné de manière suffisante pour les délits commis. Voilà, très résumés, les éléments que je peux vous exposer ici. Je suis évidemment en mesure d'en dire plus si des députés l'estiment nécessaire.

M. Michel Halpérin (L). J'interviens rarement sur les questions de grâce, d'abord parce que la grâce, du fait qu'elle est un pouvoir souverain, relève, pour ceux qui en bénéficient ou plus largement pour ceux qui la demandent, de la loterie, beaucoup plus que de la justice. Comme je ne trouve pas utile d'intervenir dans les loteries, je m'abstiens généralement.

En revanche, je ne crois pas judicieux de m'abstenir cette fois-ci. J'observe que M. B. D. a été condamné une première fois, en février 1995, à une peine extrêmement modeste de 45 jours d'emprisonnement avec sursis et que, quatre ans plus tard, pour des faits identiques mais aggravés par l'usage qu'il a fait des cartes de crédit volées, il a été recondamné à dix mois d'emprisonnement, qu'il a subis, et à l'expulsion dont il demande à être gracié.

Les arguments qu'on nous sert pour nous proposer cette grâce de la peine d'expulsion tiennent à son origine, mais je ne sache pas qu'il soit obligatoire de le refouler vers l'Algérie, ni que le fait de venir d'un pays dont la situation est troublée le mette au bénéfice d'un traitement a priori plus favorable que n'importe quel délinquant étranger. En considérant que, face à la délinquance étrangère, l'expulsion est un moyen supplémentaire de protéger notre société, nous nous comportons d'une manière rigoureusement identique à celle de n'importe quel pays dans le monde. Et je ne vois pas au nom de quoi un Suisse qui aurait commis des infractions en Algérie devrait pouvoir exiger de rester en Algérie, sous prétexte qu'il n'a pas envie de retourner en Suisse.

Il y a, dans cette proposition de grâce, quelque chose de profondément choquant et dont je voudrais dire que c'est politiquement tout à fait contraire aux intérêts que vous dites vouloir servir. Nous sommes plus ou moins, selon nos appétits et nos aptitudes de coeur au sein de cette assemblée, aptes à la compassion, mais il est ridicule de demander une telle mesure de clémence pour un ex-requérant d'asile qui est un délinquant récidiviste, si on a vraiment pour préoccupation de faire avancer la cause des vrais requérants d'asile, des vrais réfugiés et des étrangers qui se conduisent avec honnêteté sur notre territoire. C'est avec ce genre de raisonnement, Monsieur Vanek, qu'on a fait la litière de certain parti il n'y a pas si longtemps, dans notre pays. Par conséquent, je vous recommande de refuser la grâce et de cesser de prendre le peuple suisse pour un ramassis d'imbéciles qui ne comprennent pas ce qu'on leur dit !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Brièvement, car les éléments du débat sont posés, je ferai une première remarque quant à ce qu'a dit Me Halpérin concernant les «vrais» et les «faux» requérants d'asile, etc. Je crois que la justice se devrait de juger et de sanctionner les Suisses, les requérants d'asile, les apatrides, ou n'importe qui, avec une égalité absolue. En l'occurrence, M. B. D. peut parfaitement être un «vrai» requérant d'asile tout en ayant commis des délits, comme on peut être un vrai Suisse et avoir commis des délits ! Le fait d'avoir commis des délits et d'être sanctionné ne remet pas forcément en cause l'une ou l'autre de ces qualités.

Deuxièmement, j'observe que Me Halpérin a indiqué qu'il s'agissait de protéger notre société. En l'occurrence, la nature des délits ne constitue pas un péril social. Je ne les approuve évidemment d'aucune manière ; j'estime qu'ils doivent être sanctionnés et ils l'ont été relativement sévèrement, notamment par la deuxième condamnation qui, comme vous l'avez indiqué, Me Halpérin, est nettement plus sévère que la première et à raison. Cette condamnation s'est traduite par dix mois d'emprisonnement, peine que ce monsieur a purgée. Reste qu'il y a un problème réel avec l'expulsion judiciaire, qui représente une inégalité en fonction du pays d'origine et de la situation de la personne condamnée. Dans ce sens, et je crois l'avoir indiqué très clairement, la commission s'est essentiellement prononcée au nom de son scepticisme par rapport à l'égalité de traitement entre justiciables, lorsque la justice inflige des peines d'expulsion du territoire de la Confédération indifféremment de l'origine et de la situation des personnes.

Maintenant, je relève aussi qu'il ne s'agit pas d'accorder à ce monsieur un droit de résidence dans notre pays. Il s'agit simplement de décider que nous levons l'expulsion judiciaire, ce qui n'empêche, et vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, ni une expulsion administrative qui pourrait être pratiquée à son égard, ni un refoulement, suite au refus de sa demande d'asile. 

Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce des peines d'expulsion judiciaire) est rejeté.

Le président. Cette demande de grâce est refusée. Nous poursuivons notre travaux. Monsieur Duvillard, vous avez la parole... (Brouhaha.) J'entends que certains souhaitent revoter par assis-debout... (Exclamations et brouhaha.) Ce serait mieux d'être attentif et de voter au moment voulu ! Monsieur Nissim, à l'endroit où vous êtes, je ne vous vois pas lever la main... Cela dit, je suis d'accord de procéder à un vote par assis et levé... (Protestations.)

Le préavis de la commission est mis aux voix par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Le préavis de la commission (grâce des peines d'expulsion judiciaire) est rejeté par 30 voix contre 25.

Le président. Je me permets de faire observer, Monsieur Nissim, que dans le coin de la salle il est difficile de voir qui vote et que je n'accepterai plus de contestation de la part de députés qui n'auraient pas été dans la salle au moment du vote !

M. R. P. . 1961, France, manoeuvre, recourt contre le montant des amendes dues.

M. Henri Duvillard (PDC), rapporteur. M. R. P. demande sa grâce. Il est Français, né en 1961, divorcé et père d'une enfant de 11 ans. Il est actuellement au chômage et bénéficie de l'aide de l'Hospice général.

M. R. P. doit aujourd'hui 3347,95 F d'amendes, plus les frais qui s'élèvent à 696 F, suite à diverses infractions au règlement sur la tranquillité publique avec, à chaque fois, abus d'alcool. L'infraction la plus importante date de février 1996, où M. R. P. a provoqué un accident de la circulation, bien qu'il fît l'objet d'une interdiction de circuler en Suisse et alors qu'il était en état d'ivresse.

Comme je l'ai dit plus haut, M. R. P. touche des indemnités chômage et une aide de l'Hospice général. Selon la personne qui s'occupe de lui à l'Hospice général, M. R. P. devrait toucher à la fin de ce mois une somme non négligeable de la SUVA, qui doit lui permettre de payer ses arriérés de pension alimentaire et de trouver un arrangement pour payer une partie de ses dettes. La commission vous propose, au vu de la situation, de gracier M. R. P. d'une partie de ses amendes, soit environ des deux tiers. Ceci surtout pour qu'il puisse continuer à payer la pension alimentaire de sa femme et de sa fille, tout en faisant l'effort de payer le montant restant de 1200 F, auquel s'ajoutent les frais qui s'élèvent à 696,55 F. 

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction des amendes de 2150 F) est adopté.