République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 45e séance
Q 3562
Secrétariat du Grand Conseil
QUESTION ÉCRITE
de M. Walter Spinucci (R)
Dépôt : 11 juin 1999
Limite d'âge des jurés
L'article 37C de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ, E 2 05) a la teneur suivante : « Les jurés sont pris parmi les électeurs âgés de plus de 25 ans et de moins de 60 ans, domicilié à Genève. »
L'article 60D, al. 1, LOJ, prévoit que les magistrats du pouvoir judiciaire doivent se retirer à l'âge de 65 ans. L'article 60D, al. 2, LOJ, porte même cette limite d'âge à 72 ans pour les magistrats occupant certaines fonctions.
Voici mes questions :
Pourquoi la limite d'âge des jurés est-elle fixée à 60 ans ?
Quels motifs s'opposeraient à fixer cette limite à 65 ans ?
Réponse du Conseil d'Etat
1. L'article 137, alinéa 2 de la constitution genevoise (cst. gen.), dont il n'est pas fait mention dans le texte de la question écrite, dispose que les jurés sont pris parmi les citoyens suisses, sans distinction de sexe, âgés de plus de vingt-cinq ans et de moins de soixante ans.
L'article 37C de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), qui prescrit que les jurés sont pris parmi les électeurs âgés de plus de vingt-cinq ans et de moins de soixante ans, domiciliés à Genève, correspond à l'article 137 cst.gen.
Porter de soixante à soixante-cinq ans la limite d'âge des jurés pour la faire coïncider avec celle des magistrats du pouvoir judiciaire (art 60D LOJ), impliquerait une modification de notre loi fondamentale.
Cette contrainte avait conduit le Conseil d'Etat et le Grand Conseil à renoncer à élever l'âge limite pour être juré à l'occasion de l'introduction, en 1978, de l'article 37C LOJ qui succédait à l'article 216 de l'ancien Code de procédure pénale, du 7 décembre 1940 (aCPP) (cf. Mémorial 1978, pages 513 et 2016).
2. Historiquement, cette limite d'âge a son origine dans le projet de loi d'un député, déposé en 1948, modifiant l'article 216, alinéa 1 aCPP (cf. Mémorial 1948, p. 637), dans le but de permettre aux femmes, qui n'avaient pas le droit de vote et n'étaient pas éligibles aux fonctions de juge, de pouvoir siéger dans les jurys.
A l'époque, la constitution disposait :
« L'institution du jury en matière criminelle est garantie par la Constitution, sauf en ce qui concerne les tribunaux chargés de connaître des infractions commises par des mineurs » (art 96, al. 1, renuméroté 137 à l'occasion de la mise à jour de la Constitution en 1958).
L'article 216, alinéa1 aCPP avait alors la teneur suivante :
« Les jurés sont pris parmi les électeurs cantonaux âgés de plus de vingt-cinq ans ».
La modification proposée était la suivante :
« Les jurés sont pris parmi les citoyens et citoyennes suisses âgés de plus de vingt-cinq ans et de moins de soixante ans ».
Ayant des doutes sur la constitutionnalité de l'article 216, al. 1 proposé, le Grand Conseil demanda un avis de droit au professeur Maurice Battelli, qui parvint à la conclusion que cet article n'était pas conforme à la Constitution pour le motif que, selon les principes généraux du droit public, l'éligibilité aux fonctions publiques était liée à la qualité d'électeur (cf. Mémorial 1951, p.187 et suivantes).
La majorité du Grand Conseil suivit cet avis et vota, le 3 mai 1952, l'insertion à l'article 96 cst. d'un alinéa 2 rédigé en ces termes « les jurés sont pris parmi les citoyens suisses de l'un ou l'autre sexe, âgés de plus de vingt-cinq ans et de moins de soixante ans », qui trouva grâce devant le Souverain et entra en vigueur le 18 juillet suivant.
3. La lecture du Mémorial ne permet malheureusement pas de retrouver les raisons de la limite de soixante ans proposée par le député Maillard, les débats s'étant focalisés sur la possibilité d'élire des femmes dans les jurys (cf. Mémorial 1948, p.639 ; 1949, p.361ss ; 1951, p.179ss ; 1952, p.718ss).
4. Ce n'est qu'à partir de 1958 que des limites d'âge furent introduites dans la loi sur l'organisation judiciaire pour l'accession aux fonctions de magistrat du Pouvoir judiciaire (cf. Mémorial 1955, p.805 ; 1958, p.2383 et suivantes).
Fixé tout d'abord à septante ans, l'âge de la retraite des juges fut ramené à soixante-cinq ans en 1976, à l'instar de ce qui avait été décidé pour les professeurs d'université (Mémorial 1976, p.2947 et suivantes). L'âge minimum introduit en 1958 (vingt-cinq ans) n'a, en revanche, jamais varié.
5. Il résulte de ce qui précède qu'aucune raison de principe ne s'oppose à ce que la limite d'âge des jurés soit portée de soixante à soixante-cinq ans. Toutefois, il faudrait pour cela modifier la Constitution genevoise. Or, il n'apparaît pas justifié au Conseil d'Etat de consulter le peuple sur cette seule question, hors du contexte d'une réforme se rapportant à l'administration de la justice.