République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1200-A
6. Rapport de la commission du logement chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Thomas Büchi, Olivier Lorenzini et Bernard Annen visant à rétablir une juste équité entre l'ensemble des contribuables et des «squatters», quant aux modalités de facturation des énergies consommées à Genève. ( -) M1200
Mémorial 1998 : Développée, 2245. Renvoi en commission, 2257.
Rapport de M. Jean-Louis Mory (R), commission du logement

Sous la présidence de Mme Alexandra Gobet le 22 février 1999 et de M. Bénédict Fontanet les 1er et 8 mars 1999, les membres de la Commission du logement ont consacré trois séances à l'examen de la motion 1200.

Ont participé à la séance du 22 février 1999 consacrée à l'audition de Mme B et M. A., squatters au 5, rue Guillaume-Tell, et M. C., squatter indépendant : M. Yves Duchemin, secrétaire général adjoint, Mme Margelisch, juriste, et M. André Maury, installateur, représentants des SIG, de même que M. Christian Pasquier, brigade de la police des squatters.

Ils ont également participé à la séance du 1er mars à l'audition de M. Mark Muller et Pierre Félicité Ivanes, de la CGI.

La commission a pu bénéficier de la présence de M. Albert Georges, directeur de l'Office du logement, aux 3 séances.

Les commissaires remercient Mme Nicole Seyfried, procès-verbaliste, pour ses excellents procès-verbaux.

Rappel

Déposée en mars 1998 par trois députés, la motion 1200 invite le Conseil d'Etat :

à présenter au Grand Conseil un rapport qui répertorie le nombre d'appartements occupés illégalement en faisant ressortir le volume et le coût de la consommation d'eau, de gaz et d'électricité ;

à demander aux Services industriels de Genève (SIG) d'établir le montant global des factures qui n'ont pas été payées durant ces dix dernières années ;

à déterminer, de cas en cas, quelle est l'autorité qui a décidé d'offrir gratuitement les prestations et fournitures aux occupants illégaux ;

à informer le Grand Conseil sur la façon dont à l'avenir l'Etat (ou les Services industriels), entend répercuter le coût des prestations et fournitures aux « squatters », soit sur les autres consommateurs, soit sur l'ensemble des contribuables ou s'il entend créer un fonds spécial qui serait alimenté de façon autonome.

Auditions

Audition d'Intersquat. M. A. et Mme B., squatters au 5, rue Guillaume-Tell et M. C., squatter indépendant

Mme Mme B. signale qu'aucun des trois ne représente Intersquat, qui n'est pas une association et par conséquent ne peut avoir de représentants. Il faudrait ainsi auditionner chaque squat séparément.

Mme Mme B., qui squatte au 5, rue Guillaume-Tell, ajoute que dans tous les squats où elle a logé, il y avait des compteurs et qu'elle payait sa consommation d'électricité. Mais le plus important, c'est qu'il y a plusieurs maisons qui ont fait des demandes aux SIG pour obtenir des compteurs, demande qui a été refusée pour des raisons d'illégalité.

Audition des SIG

Yves Duchemin, Mme Nathalie Margelisch et M. André Maury :

Mme Margelisch précise que la procédure actuellement en vigueur date du début 1996. Avant, la politique des SIG consistait à supprimer systématiquement les compteurs dès qu'un squat était signalé et à déposer une plainte. Or très souvent les squatters trouvaient le moyen de rétablir le courant.

Depuis 1996, la politique des SIG a changé et désormais des compteurs sont systématiquement posés aux endroits possibles et un relevé de consommation est envoyé mensuellement. A l'heure actuelle 56 plaintes ont été déposées. Le relevé n'institue aucune relation légale, sachant que l'intitulé de la facture n'est pas nominatif et que seul figure l'étage. Toujours du point de vue légal, un contrat d'abonnement est souscrit pour autant qu'il existe un contrat de confiance. Dès lors on considère qu'il existe un rapport d'usage légal. Cependant, du moment que le propriétaire dépose une plainte, il n'y a pas de rapport d'usage.

M. Duchemin précise que les 300 compteurs relevés comprennent des appartements et des villas. Quant aux plaintes, elles n'ont pas forcément de suite. Pour le moment elles permettent principalement de faire pression sur les squatters pour qu'ils paient.

M. Duchemin poursuit en indiquant que pour la période 1997/98, soit depuis la pose des compteurs, le montant de l'énergie consommée par les squats s'élève à 825 000 F, somme qui comprend également une partie de la consommation des années précédentes. Sur ces 825 000 F, seulement 303 000 F ont été payés et les pertes sont comptabilisées dans la rubrique pertes et profits.

M. Maury répond que la sécurité est principalement abordée sous l'angle de la prévention. L'option choisie est de dire que, plutôt que de fermer les yeux, on fait de la prévention, notamment par le biais de la pose des compteurs. C'est dans la vétusté des bâtiments et des installations que réside le problème. La seule façon de régler le problème à 100 % serait de couper sur rue, ce qui est impossible. C'est pourquoi M. Maury estime que la solution choisie par les SIG est effectivement celle du moindre mal.

Audition de M. Pasquier, brigade des squats

M. Pasquier nous informe que les 56 plaintes déposées par les SIG représentent beaucoup de travail au niveau de l'instruction, qui nécessite l'audition de 500 personnes environ. Les squatters demandent que soient installés des compteurs, alors que 40 à 50 % d'entre eux ne paient pas leur consommation. Il nous précise qu'il y a 130 squats dans 40 % d'immeubles, le reste représentant des villas ou appartements.

A cela s'ajoute tout un aspect de travail social. Aujourd'hui, on compte 50 % de personnes désoeuvrées. Il n'est d'ailleurs pas rare de rencontrer des squatters de 14 à 16 ans. M. Pasquier indique que dans toute la Suisse, en dehors de Genève, il n'existe que 13 à 15 squats. Il tient à préciser que le terme de « vidés » n'est pas approprié. En effet, il y a eu 105 fins d'occupations où les squatters sont partis d'eux-mêmes.

Audition de MM. Mark Muller et Pierre Félicité Ivanes, de la CGI

M. Muller, d'une manière générale, estime que la motion doit être envoyée au Conseil d'Etat pour nous fournir un rapport sur les coûts engendrés pour la collectivité publique, ainsi que les surcoûts lors de rénovations d'immeubles squattés, exemple à la rue Leschot, le surcoût étant de 400 000 F.

La position de la CGI par rapport aux squats est d'affirmer qu'il s'agit d'une atteinte au droit de propriété, principe fondamental de notre société. On ne peut tolérer ce genre d'atteintes.

M. Félicité Ivanes nous explique que les locaux commerciaux ont été construits en fonction des besoins spécifiques d'entreprises, mais que l'on a de moins en moins trouvé preneurs. Ce problème se retrouve au niveau des locaux industriels, dont certains ont été construits à l'étage, ce qui est totalement inadéquat. Ainsi, non seulement il y a suroffre, mais également inadéquation avec les besoins des entreprises. On continue à construire des locaux plus adaptés, tout en ayant des surfaces inexploitées.

M. Muller précise que le rôle de la CGI est de défendre les propriétaires. Lorsque des gens violent le droit, on a de la peine à rester sereins. On pourrait imaginer que ces gens lancent une interpellation de manière plus civilisée qu'en forçant des portes et en criant ensuite à l'incompréhension. Or, il faut du temps aux propriétaires pour réaliser qu'ils n'arriveront pas à louer leurs locaux. A cela s'ajoute le fait que les solutions ne sont pas nombreuses. Par exemple les zones industrielles ont été déclarées impropres au logement. De plus, les propriétaires hésitent à convertir leurs locaux en habitation sachant qu'ils ne pourront pas revenir en arrière et pour certains il s'agit peut-être de besoins financiers.

Discussion de la commission

Les auditions des SIG de Genève, de la Brigade des squatters et de la Chambre immobilière genevoise nous ont permis de répondre aux premières invites. Les commissaires ont appris que 130 squats environ étaient occupés dans le canton répartis pour 40 % en immeubles et le reste en villas ou appartements, le reste de la Suisse n'en comportant que 13 à 15. Pourquoi notre canton est-il arrivé à une telle situation ? Depuis la pose systématique des compteurs, la facture d'énergie s'élève à 825 000 F et seulement 303 000 F ont été payés.

A l'électricité impayée, il faut encore ajouter les frais du personnel des SIG, de la police des squats, le coût supérieur des rénovations des bâtiments après l'occupation des squatters ; c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés-ées, en conclusion de ses travaux par 7 oui (3 L, 2 R, 2 DC) et 6 abstentions (2 S, 1 Ve, 3 AdG), la commission vous demande de soutenir la motion 1200 en gardant la 4e invite.

Proposition de motion(1200)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

demande au Conseil d'Etat

d'informer le Grand Conseil sur la façon dont à l'avenir l'Etat (ou les Services industriels) entend récupérer le coût des prestations et fournitures aux "squatters", soit sur les autres consommateurs, soit sur l'ensemble des contribuables ou s'il entend créer un fonds spécial qui serait alimenté de façon autonome.

Débat

M. Jean-Louis Mory (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1200 de MM. Bernard Annen et Thomas Büchi sur les squatters nous fait connaître le coût réel des squats. Sur 825 000 F d'électricité facturée par les Services industriels de Genève, les squatters ont payé seulement 303 000 F, soit un manque à gagner de 522 000 F, plus le coût du personnel occupé à cette charge.

On peut ajouter à ce coût la police des squatters... En effet, deux à trois fonctionnaires ne s'occupent que de ces gens.

On peut ajouter encore la dégradation des biens occupés par les squatters.

Une question peut se poser : pourquoi compte-t-on cent trente squats à Genève et seulement treize ou quinze pour le reste de la Suisse ? Il semble que les squatters bénéficient d'un vent favorable ! (L'orateur est interpellé par M. Vaucher.)

Une voix. Tais-toi Vaucher !

M. Jean-Louis Mory, rapporteur. Pensez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que notre canton ne fait pas assez de social pour nos citoyens ?

Le but de la motion qui vous est proposée est de renseigner le Grand Conseil, mais aussi tous les citoyens de ce canton pour connaître le coût des squatters à Genève. Des réponses pourraient nous aider pour notre politique sociale dans le futur. En effet, j'aimerais bien savoir si les squatters sont des pauvres malheureux que la société n'est pas capable d'aider... Malgré tout le social qui est fait à Genève, peut-être que vous ne dépensez encore pas assez d'argent, Monsieur Segond !

Enfin, j'aimerais vraiment que les députés de gauche qui soutiennent ces squatters nous disent jusqu'où nous devons aller...

M. Jacques Béné (L). Je vais compléter les propos de M. Mory.

Nous avons auditionné les Services industriels de Genève en commission. Au 22 février de cette année, cinquante-six plaintes étaient déposées sur les trois cents logements annoncés et référencés aux Services industriels de Genève - il s'agit d'appartements et de villas. Les Services industriels de Genève n'adressent leurs factures qu'à l'adresse où loge le squatter, qui paye s'il le veut bien. Il y a donc un problème évident de contentieux, puisqu'il n'est pas possible d'engager des procédures de recouvrement si une facture n'est pas nominative.

Le service des squats de la police indique parfois quels sont les occupants illicites aux Services industriels de Genève, mais ce n'est pas toujours le cas.

On nous a dit en commission que les factures pouvaient atteindre 2 à 5 000 F par mois, dans un immeuble sans chauffage, car, bien évidemment, les squatters utilisent des radiateurs électriques en les branchant sur le réseau électrique pour se chauffer.

Les créances non recouvrables aux Services industriels de Genève représentent, dans les cas usuels, environ 1% des montants facturés. Comme cela a été relevé par M. Mory, pour les squatters et pour autant qu'on connaisse leur nom, on arrive à 66%... Vous jugerez le rapport par vous-mêmes !

M. Mory a également évoqué le problème du coût de ces squatters : le manque à gagner pour les Services industriels de Genève, auquel il faut rajouter les personnes chargées de s'occuper des problèmes de contentieux mais aussi le service squatters - problème auquel je veux en venir.

Le service squatters nous a dit que le personnel de la brigade engagée pour s'occuper des squats utilisait, tout du moins à l'époque, 30 à 40% de son temps de travail pour gérer les plaintes. Il a en effet procédé, durant les deux dernières années, à plus de cinq cents auditions de personnes susceptibles d'avoir occupé des logements illicitement et dont les factures d'électricité n'ont pas été payées.

Ce service nous a également annoncé et confirmé qu'il y avait environ cent vingt à cent trente lieux squattés sur le canton - environ 40% dans des immeubles et 60% dans des appartements - et j'ai tout de même été interloqué lorsque j'ai appris qu'il y avait dix à douze squats référencés par les différentes polices cantonales pour tout le reste de la Suisse. Je ne sais pas si c'est parce qu'on ne sait pas gérer le problème squatter ou parce qu'on ne sait pas gérer le problème du logement, mais je doute qu'il y ait dans tout le reste de la Suisse dix fois moins de problèmes que dans le canton de Genève...

Le problème des évacuations forcées a également été évoqué. Cela me paraît intéressant, parce qu'on a tendance, à mon avis, à trop les médiatiser. En effet, en 1998, il y a eu cent quinze occupations nouvelles et cent cinq fins d'occupation sans évacuation forcée. Il faut donc se rendre compte que la presse relate toujours les évacuations forcées, comme pour Guillaume-Tell, Arquebuse, Fort-Barreau, etc., mais tait les évacuations qui se passent bien, sans recours à la force publique, dans des situations où des arrangement ont été trouvés avec les propriétaires, avec l'Etat, dans des négociations tripartites.

En 1997, cent soixante-sept occupations ont été annoncées, mais - c'est ce qui est intéressant - il n'y en avait que treize en 1991 ! Or, Mesdames et Messieurs les députés, la crise du logement existe depuis déjà plusieurs années et elle était déjà très forte en 1991, voire plus forte que maintenant. J'ai donc de la peine à comprendre, en tant que député, qu'on ait laissé la situation se dégrader au point d'arriver à cent quinze occupations nouvelles. En tout cas, à l'époque, les taux de vacance étaient plus faibles qu'aujourd'hui, ce qui veut bien dire que la crise du logement était plus forte.

Mesdames et Messieurs les députés, je veux simplement prouver que le problème est social et que nous devons l'examiner avec attention. Ce phénomène a été évoqué par le service squatters : deux ans auparavant - avant leur audition - les squats étaient en grande majorité occupés - 80% - par des étudiants qui voulaient savoir jusqu'où ils pouvaient aller... Aujourd'hui, la situation des squats est complètement différente. Il s'agit d'une population de plus en plus jeune, dont les parents démissionnent de plus en plus. Comme vous le savez certainement, la police des squatters est obligée d'informer les parents si des enfants mineurs occupent illicitement des locaux. Dans la plupart des cas, ces parents répondent à la police qu'au moins leurs enfants se trouvent dans un endroit connu de la police et que c'est tant mieux, car ils ne savent plus quoi en faire à la maison...

Le service squatters nous a également dit qu'il y avait une recrudescence de cas plutôt farfelus, non étudiés - pas suffisamment en tout cas - d'occupations de villas alors même qu'elles bénéficient d'une autorisation de construire en force ou de démolition en force. Lorsque les trax arrivent, la brigade des squatters constate que les locaux sont occupés et que les squatters n'étaient pas au courant. Avant, cela n'arrivait pas. Il n'arrivait pas non plus que les logements de personnes âgées - ces cas nous ont été rapportés - soient squattés durant leur séjour à l'hôpital, où elles ont dû se rendre suite à un problème de santé. Comme je l'ai déjà dit ici, un jour on se fera squatter notre appartement quand on partira en vacances...

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je me demande comment régler le problème des squats. Je pense qu'un jour il faudra bien que notre parlement examine ce problème à fond. Nous allons présenter prochainement une proposition de motion à ce sujet pour apprécier exactement quelle est la nature de ce problème : si c'est un problème culturel, si c'est un problème de logement, si c'est un problème social, si c'est un problème financier ou si c'est un problème de société auquel nous ne sommes pas capables de faire face de la meilleure manière qui soit.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite, comme cela a été le cas en commission, à accepter cette motion qui ne couvre qu'une toute petite partie du problème des squatters. J'espère que ce parlement aura le courage de revenir dessus sans trop le médiatiser et que, d'ici quelque temps, nous aurons l'occasion d'en reparler.

Je vous invite à accepter cette motion, comme M. Mory l'a proposé dans son rapport, en supprimant les trois premières invites mais en conservant la quatrième.

Mme Esther Alder (Ve). Je vous rappelle que cette motion concerne les problèmes de facturation de l'énergie dans les squats. Ainsi les Verts s'en tiendront là.

Nous considérons que toutes les réponses ont été données par les Services industriels de Genève qui nous ont assuré qu'ils faisaient tout le nécessaire en posant systématiquement des compteurs dans tous les immeubles squattés. Nous sommes donc d'avis que le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat est parfaitement inutile, et nous le refuserons.

M. Rémy Pagani (AdG). On veut faire ici et depuis un certain temps - il suffit de voir le nombre d'interpellations à ce sujet - le procès des squatters.

Une voix. Eh oui !

M. Rémy Pagani. Cela me semble un peu facile... C'est tirer sur les lampistes, alors que le problème qui est à l'origine de ce phénomène du squat est bien plus important. Je vais m'en expliquer, puis j'aborderai l'affaire des compteurs.

Il faudrait en effet plutôt faire le procès de la spéculation effrénée, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.) ...qui a débuté pendant les années 80 et qui continue aujourd'hui, obligeant les locataires à payer des loyers élevés en espèces sonnantes et trébuchantes, parce que les milieux que vous défendez, sur les bancs d'en face, considèrent le logement comme une source de revenus importante ! (Exclamations.) Devrais-je vous rappeler que M. Jurg Stäubli, par exemple, préférait laisser ses immeubles vides pour pouvoir mieux les vendre, les acheter, les revendre pour gagner beaucoup d'argent ?

Une voix. Il a raison !

M. Rémy Pagani. C'est ce procès-là que nous devons faire ! En effet, aujourd'hui... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) ...la spéculation continue à sévir, même si vous vous efforcez de nous faire croire que le marché du logement se détend ! Il ne se détend pas, c'est faux ! Il se détend sur les logements de une ou deux pièces, mais pas sur les trois, quatre et cinq pièces. J'ai vu hier encore sur le journal : 2 500 F pour un logement de quatre pièces ! Est-ce raisonnable ? Pas du tout ! Pourtant, les milieux immobiliers continuent à spéculer et à faire pression sur les locataires pour profiter abusivement de la pénurie... C'est cela le véritable problème !

Il y a un autre problème lié aux squatters : le problème social effectivement. (Le président agite la cloche.) Lorsque j'étais étudiant, je me souviens que nous louions de grands appartements à quatre, cinq, six, dix personnes, à 200 F la pièce, ce qui nous permettait de vivre en communauté ! Aujourd'hui, quels sont les appartements où les étudiants peuvent se grouper et payer 100 ou 200 F la pièce pour vivre une expérience communautaire ? Il n'y en a pas ! Car le prix des grands appartements est scandaleusement élevé, de manière usurpée. C'est là que réside l'origine du phénomène squat. Il y a encore dans ce pays des gens qui veulent - comme moi, lorsque j'étais jeune - vivre en communauté, et je trouve important de les soutenir.

Pour ce qui est des compteurs, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas retourner le problème en disant que : c'est la faute des squatters qui ne payent pas l'électricité... Ce n'est pas vrai ! L'histoire montre - je sais de quoi je parle - que chaque squatter envoyait et envoie toujours aux Services industriels de Genève son nom et son adresse pour pouvoir payer son électricité régulièrement. Vous le savez très bien, puisqu'en fait le squatter qui ne paye pas son électricité peut être inculpé de soustraction d'énergie, ce qui peut faire l'objet d'une grave sanction. (Exclamations.) Vous le savez bien ! D'ailleurs, les squatters, lorsque M. Ducor refusait purement et simplement d'accepter l'argent des squatters dû aux Services industriels de Genève pour l'électricité, mettaient volontairement cet argent sur un compte bloqué, ce qui leur a permis de constituer des cagnottes pour racheter leurs appartements, au bout de dix ans. Je me permets de vous le rappeler, puisque vous critiquez ce mode de faire.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, les Services industriels de Genève, grâce à la majorité de gauche qui les constitue, enfin, abordent le problème honnêtement. Face à des citoyens comme vous et moi, ils ont proposé des compteurs et des contrats individuels. Je les remercie d'avoir légitimé l'action des squatters. Un grand progrès a été fait, et je ne vois donc pas l'utilité de soutenir une quelconque motion. Je vous propose au contraire de la rejeter avec vigueur étant donné que le problème est réglé pour tout le monde, y compris pour les dirigeants des Services industriels de Genève.

M. Roger Beer (R). Mesdames et Messieurs les députés, on croit rêver ! On a eu droit à l'historique des squats et à un plaidoyer touchant par le grand défenseur du pauvre opprimé... L'Alliance de gauche et les Verts n'étaient pas présents lors du vote et maintenant vous voulez refuser la motion sous prétexte que tout serait réglé !

Eh bien, moi je pense que cette motion a au moins le mérite de montrer à la population que certaines personnes ne payent pas leurs factures pour toutes sortes de raisons. Pourtant, beaucoup de personnes qui auraient de bonnes raisons pour ne pas les payer travaillent pour y arriver. C'est pour cela que je trouve scandaleux que vous refusiez la discussion en arguant que tout va bien ! Le rapport l'explique du reste très bien : il faut absolument renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Vous serez peut-être plus nombreux que nous - nous en avons l'habitude - mais il est inadmissible que le Conseil d'Etat ne puisse pas répondre à une motion sur un problème de société, où une catégorie de personnes profitent du système pendant que les autres travaillent pour payer normalement !

Bien entendu, nous voterons cette motion.

M. Carlo Lamprecht. Le Conseil d'Etat vous prie d'accepter les conclusions de ce rapport, puisqu'il serait incapable, au stade actuel des choses, de vous donner davantage d'informations. Les auditions vous ont certainement permis de vous faire une idée de ce qui se passe actuellement dans le monde du squat. Vous pourrez toujours y revenir, mais, pour ce soir, le Conseil d'Etat vous demande d'accepter les conclusions de ce rapport. 

Le président. Nous passons au vote.

Le résultat est douteux.

Nous allons procéder au vote par assis et levé. (Exclamations.)

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 43 non contre 40 oui.

Une voix. On voit qu'on a un président de gauche !