République et canton de Genève

Grand Conseil

54e législature

No 39/VII

Vendredi 25 juin 1999,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : Mme et M. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, et Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Guy-Olivier Segond, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Florian Barro, Anne Briol, Nicolas Brunschwig, Thomas Büchi, Fabienne Bugnon, Christian de Saussure, Gilles Desplanches, Hervé Dessimoz, Hubert Dethurens, Pierre Ducrest, Henri Duvillard, René Ecuyer, Bénédict Fontanet, Philippe Glatz, Claude Haegi, David Hiler, Yvonne Humbert, René Koechlin, Alain-Dominique Mauris, Pierre Meyll, Louiza Mottaz, Geneviève Mottet-Durand, Pierre-Louis Portier, Jean-Pierre Restellini, Micheline Spoerri et Olivier Vaucher, députés.

3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, j'ai le désagréable devoir de vous rappeler que vous n'êtes pas le maître d'une classe d'école enfantine, mais que nous sommes ici les députés du Grand Conseil de la République et canton de Genève. J'ai beau me crever les yeux depuis 18 h 55, je n'ai trouvé nulle part dans le règlement du Grand Conseil ou dans la constitution une disposition qui vous donne la possibilité de prendre les pleins pouvoirs ou de nous traiter comme une bande de gamins écervelés !

Vous n'avez pas le droit de lever la séance sans permettre à cette assemblée de se prononcer elle-même sur son ordre du jour. Et si vous vous imaginez qu'en nous brutalisant vous ferez avancer plus vite nos travaux, peut-être vous faites-vous des illusions !

En tout état de cause, le groupe libéral était décidé à ne pas revenir ce soir. Il a décidé d'être à nouveau présent dans cette enceinte par égard pour ceux qui se sont intéressés au projet de loi qui était en cours de discussion quand vous avez décidé tout seul de suspendre nos travaux et par égard pour M. Balestra, rapporteur d'une première minorité qui avait décidé de poursuivre dans sa tâche.

Je tiens à vous dire, Monsieur le président, que si vous considérez que cette assemblée est un soviet que vous pouvez présider à votre guise, vous feriez mieux de vous entourer, à la place d'un bureau, de quelques gardiens en kalachnikovs ! (Applaudissements.)

Le président. Monsieur le président du groupe libéral, Mesdames et Messieurs les députés, je veux simplement répéter les règles que j'ai fixées, avec lesquelles tous les chefs de groupe étaient d'accord dès le début de ma présidence !

Je suis prêt à modifier à tout moment l'ordre du jour et les horaires. Je vous ai cependant dit que nous cesserions en principe nos travaux aux heures auxquelles il est décent d'arrêter, c'est-à-dire 19 h pour le souper, et que nous les reprendrions à 20 h 30. Par égard pour tous ceux qui suivent les débats et qui reçoivent comme vous les convocations plus ou moins à l'avance, avec des horaires précis, nous maintiendrons ces horaires, sauf exception !

J'ai par conséquent demandé à 19 h s'il y avait encore des orateurs inscrits. Il y avait encore des orateurs inscrits. Le Grand Conseil a décidé en toute liberté que des points urgents devaient être traités au cours de cette session. Il y en a encore trois, avec des dossiers importants et de longs débats, plusieurs amendements et beaucoup d'orateurs inscrits.

Je crois que par égard pour la population genevoise qui suit nos débats et qui les suit avec des horaires précis, la moindre des choses est de se plier aux convocations et aux horaires auxquels les députés sont convoqués. La séance a été arrêtée à 19 h, comme il était prévu depuis longtemps. Elle a repris à 20 h 30 comme il était normal qu'elle reprenne. Aucune autre proposition n'a été faite.

Je regrette donc, mais j'applique simplement les décisions que vous prenez ici. Vous êtes cependant en mesure de modifier à tout moment l'ordre du jour, sauf lorsque la séance est suspendue aux horaires convenus d'avance par les uns et les autres ! (Applaudissements.)

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Le président. Nous avons reçu le projet de loi suivant :

PL 8083
de MM. Dominique Hausser (S), Bernard Clerc (AG), David Hiler (Ve), Jean-Claude Vaudroz (DC) et Bernard Lescaze (R) modifiant la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire (E 2 40). ( )PL8083

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.  

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7474-A
5. Suite du premier débat sur le rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Fabienne Blanc-Kühn, Liliane Charrière Debelle, Mireille Gossauer-Zurcher, Fabienne Bugnon, David Hiler, Max Schneider, Jacques Boesch, Erica Deuber-Pauli, Roger Beer et Michèle Wavre sur la formation continue des adultes. ( -) PL7474
 Mémorial 1996 : Lettre, 3188. Projet, 3250. Renvoi en commission, 3268.
 Mémorial 1999 : Rapport, 5987. Premier débat, 6096.
Rapport de majorité de M. Charles Beer (S), commission de l'enseignement et de l'éducation
Rapport de première minorité de M. Michel Balestra (L), commission de l'enseignement et de l'éducation
Rapport de deuxième minorité de Mme Nelly Guichard (DC), commission de l'enseignement et de l'éducation

Suite du premier débat

M. Jean-François Courvoisier (S). Tout d'abord, je voudrais féliciter les auteurs de ce projet de loi et m'associer à 100% à l'excellent rapport de mon collègue Charles Beer.

Si je tiens à dire quelques mots, c'est pour soutenir le message de mon collègue Christian Brunier et souligner que les retombées financières positives compenseraient en grande partie les millions que coûterait l'adoption de ce projet. Si, grâce à ce chèque formation, des chômeurs pouvaient retrouver un emploi, ils n'auraient plus besoin de l'aide de l'Etat et pourraient même payer des impôts. A la commission de la santé, nous avons vu notamment que les chômeurs sont une des catégories qui coûte le plus cher au département de la santé, tant ils sont nombreux à souffrir de maladies psychiques et physiques. Beaucoup de jeunes chômeurs courent aussi le risque de devenir des drogués, des cas sociaux et des délinquants juvéniles. Il est donc fort probable que les millions que Mme Brunschwig Graf économisera dans son département, si nous refusons ce projet, se reporteront sur les départements de MM. Ramseyer et Segond, car nous serons obligés de soigner les maladies dues au chômage sans nous soucier du coût de ces soins, en plus de l'insécurité dont nous aurons tous à pâtir. Il nous faudra aussi trouver les moyens de rééduquer les délinquants juvéniles, auxquels une formation continue aurait pu donner une raison de vivre avant de leur procurer un emploi.

En dehors des chômeurs, de nombreux travailleurs, dans tous les domaines, se sentent dépassés par l'évolution rapide des moyens de production et des méthodes de travail. Le chèque formation leur permettrait de se mettre à jour et de rester dans le coup, d'être plus performants et de rendre nos entreprises plus compétitives. En commission de l'enseignement, M. Balestra nous a longuement expliqué tout ce que la loi nous interdisait de faire. Mais, dans le cas présent, ce projet est si important que je demanderai aux députées et députés de tous les partis de le soutenir, et au Conseil d'Etat de faire preuve d'imagination pour trouver les moyens nécessaires à son application. 

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Tout ou presque a été dit par les partisans de ce projet. C'est peu dire que l'Alliance de gauche accueille avec satisfaction son aboutissement. Merci à Charles Beer d'avoir débroussaillé avec brio les très laborieuses discussions qui ont eu lieu pendant plus de deux ans en commission de l'enseignement. A cet égard, si cela a duré aussi longtemps, c'est bien parce que nos adversaires, les adversaires de ce projet, jusque dans les rangs de l'Etat, ont tout fait pour que nous n'allions pas vite et pour ne pas nous aider à y voir clair rapidement.

S'agissant de ce projet, je ne suis pas d'accord avec notre collègue Janine Hagmann quand elle dit que son aspect le plus important est le chèque formation. Ce chèque est certes un aspect important du projet, mais il en est un autre au moins aussi important à mes yeux, qui est d'avoir tenté de clarifier le paysage enchevêtré de la formation des adultes dans notre canton, d'établir l'inventaire de l'offre, des procédures, de voir qui en avait l'initiative, quels étaient les modes de contrôle, comment fonctionnait ce secteur, en partie public, en partie privé, dont certains des aspects les plus liés au marché de la formation sont parfois parfaitement critiquables. Clarifier cette organisation, introduire l'exigence de bilans de formation, de validation ou de certification de formation, exiger la qualité quand on paie, ce sont toutes choses raisonnables et, Madame et Monsieur les rapporteurs de minorité, vous l'avez vous-mêmes reconnu.

Tout le monde reconnaît que prévoir un chèque formation comme moyen d'incitation est une mesure utile, mais vous dites qu'elle n'est pas appropriée en raison de la situation financière de l'Etat. J'aimerais reprendre ce point pour dire qu'il ne s'agit pas d'accorder des formations tous azimuts - qu'il s'agisse de formations accordées dans le cadre d'un emploi ou dans le cadre d'institutions publiques - sans chercher à clarifier l'organisation, comme on l'a fait pour les autres ordres d'enseignement au cours des siècles écoulés, les ordres d'enseignement vont du primaire au secondaire obligatoire et post obligatoire, à l'université, aux hautes écoles, aux formations professionnelles et, aujourd'hui, à la formation des adultes. C'est le chemin inéluctable qui nous attend, dans ce monde où la formation devient la clé du plein emploi, si celui-ci existe, et en tout cas du développement de l'emploi.

Je m'étais donc réjouie, pour ma part, à la première lecture de ce projet de loi, en me disant qu'on allait s'acheminer vers la clarification du domaine de la formation des adultes, dont je connaissais certains aspects, mais dont l'enchevêtrement rebutait et dont certains aspects, liés au marché des cours, étaient franchement désagréables. Je pense ici notamment à la formation en informatique, qui peut faire des ravages : elle coûte très cher et est généralement dépourvue de tout contrôle pédagogique et de toute certification. Créer cet ordre d'enseignement, le clarifier, le rendre visible à ses bénéficiaires potentiels, permettre la reconnaissance de son utilité par une véritable promotion, une véritable information de l'Etat, nécessite des moyens, je le concède au Conseil d'Etat et à tous ceux qui s'y sont opposés. Mais c'est un projet que je juge pour ma part enthousiasmant pour tous ceux qui s'attellent à cette tâche depuis longtemps, que ce soit à l'office cantonal de l'emploi, à l'orientation professionnelle, dans les universités ou dans les écoles. Et je tiens pour acquis que ce projet sera bien accueilli et qu'il suscitera la mise en commun des synergies, des réseaux de formation, et la rentabilisation de ce qui existe. Je me souviens, pour prendre cette comparaison, que dans les rangs antinucléaires on disait que l'énergie la meilleure serait celle qu'on économiserait. Je dirais que les meilleures ressources que nous mettrons à disposition de la formation continue seront celles que nous économiserons dans la jungle du marché actuel.

Tous les partenaires sociaux en sont convaincus. Ce qui nous sépare, c'est le financement, mais j'aimerais rappeler ce que disait un représentant syndical patronal lors de son audition, lorsque nous l'avons interrogé sur le taux de formation professionnelle dans un domaine aussi nécessaire que celui de la construction : 10% des maçons du canton sont porteurs d'un CFC, 90% n'ont que des formations continues extrêmement partielles. Ce représentant disait que, si jamais le marché international s'ouvrait, si les frontières s'érodaient, le marché des maçons à Genève s'écroulerait.

Aussi, si vous êtes d'accord que la formation des adultes constitue un impératif, vous devez faire l'effort supplémentaire d'imaginer quel pourrait être son financement. En l'état, son financement passe en premier lieu par une meilleure exploitation des énergies existantes, une meilleure transparence, une meilleure information, une meilleure promotion de ce qui existe, et ensuite seulement vient le chèque formation. 

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Je souhaiterais d'abord répondre à l'intervention du rapporteur de première minorité, M. Balestra, qui a fait une parfaite démonstration des quelques faiblesses de notre argumentation - car il faut effectivement concéder que tout n'est pas parfait dans ce projet de loi, qui représente néanmoins une avancée.

Je qualifierai l'intervention de M. Balestra d'intervention de fausse vraie bonne foi, parce qu'avec sa bonhomie coutumière il a su tailler en pièces certains éléments de la loi que par ailleurs il n'a jamais mis en cause en commission. Ainsi, concernant le chèque formation, nous avons exploré à ce sujet, au cours des septante heures de discussions en commission, beaucoup d'idées, notamment dans le but de resserrer un peu le dispositif de départ. Il a été ainsi imaginé, au-delà des questions de limites financières, de le limiter aux champs professionnellement utiles. Les libéraux n'ont pas souhaité retenir cette idée. Il a également été proposé de cibler certaines populations moins bien formées, tel que cela pouvait ressortir notamment de l'enquête sur la littératie menée par le SRED. Jamais cette idée n'a été saisie au bond par les libéraux. A aucun moment, le concept du chèque formation n'a été l'objet d'amendement, si ce n'est sur la question des limites de revenus. C'est le seul point qui a été mis en avant, et d'ailleurs pas par les libéraux et libérales, qui n'ont pas jugé que c'était là un bon combat, estimant que cette mesure d'impulsion devait profiter à toutes et tous, sans limites de revenus. A cet égard, les libéraux et libérales étaient presque plus avant-gardistes que nous, jugeant que même un revenu important ne pouvait constituer une entrave à l'impulsion représentée par le chèque formation. C'est là un élément important à relever, quant aux travaux de la commission. Au-delà des questions financières, il y a eu parfaite unanimité sur l'ensemble des mesures et jamais aucune idée de la majorité n'a été combattue par le biais d'un amendement. Ce soir, nous devons donc nous baser sur les travaux de la commission et non pas sur un exposé, développé à partir d'un rapport de minorité brillant, mais qui ne reflète pas les travaux de la commission.

J'aimerais insister sur un autre point. M. Balestra a évoqué l'initiative syndicale, nous reprochant de revenir, à partir d'une initiative mal ficelée, avec un projet de loi aussi mal ficelé, pour forcer les choses, comme on aurait tenté de les forcer précédemment. En l'occurrence, il est vrai que le débat a peu changé. Les syndicats ont présenté, sans doute maladroitement, un certain nombre de mesures, qui n'étaient pas toutes cohérentes entre elles et qui ne permettaient pas un choix clair du peuple au moment où il aurait dû trancher pour ou contre l'initiative. Le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Grand Conseil - je rappelle que le préavis du Conseil d'Etat avait été clair : il n'en voulait pas ! Puis, après le choc représenté par l'invalidation de l'initiative, le groupe radical - M. Lescaze était attentif à l'époque ! - a souhaité reprendre le message de l'initiative en disant, dans une motion, que l'ensemble des bonnes propositions contenues dans l'initiative devaient être reprises sous forme de projet de loi. C'est donc l'aboutissement de la démarche initiée notamment par le groupe radical que nous examinons aujourd'hui, trois ans après le dépôt du projet de loi. Et, sur ce point, le parti radical n'a effectivement pas changé d'avis, Monsieur Lescaze, j'en conviens tout à fait.

Maintenant, je dirai un mot sur les rôles respectivement du parlement et du département. Le parlement a souhaité avancer, trouver un certain nombre de solutions et développer, tout au long des travaux constructifs de sa commission de l'enseignement et de l'éducation, une approche pragmatique. A ce jour, nous n'avons malheureusement trouvé personne au rendez-vous - si ce n'est sur un point important, à savoir le développement des formations en article 41 par la gratuité. Je rappelle que c'était également un élément de l'initiative et que c'est l'objet d'un rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques. Sur ce point, le département a répondu présent et c'est une bonne chose. Cela dit, le chèque formation doit également permettre aux personnes qui n'ont pas le niveau nécessaire d'entrer directement en article 41, y compris de suivre un certain nombre de cours de culture générale, pour arriver à suivre les cours aboutissant au certificat fédéral de capacité. Nous espérons donc que le département aura, si le vote du parlement est clair, la volonté de mettre en place une formation continue simplifiée et décuplée quant à ses effets d'impulsion, à destination de la population.

Dernier élément, la question du financement et de l'investissement. Nous avons entendu à de réitérées reprises, dans ce parlement, qu'il fallait croire en Genève, qu'il fallait croire en l'avenir et qu'il fallait savoir investir. Mesdames et Messieurs du parti libéral, j'espère que vous ne pensez pas que l'investissement se limite à la pierre, même empilée sous forme de stade ! J'espère que vous êtes convaincus que l'avenir de Genève, au-delà de ces constructions, passe également par une volonté d'investir dans la matière grise, qui représente la seule matière première de notre canton. J'espère que vous pourrez au moins nous rejoindre sur ce point : l'avenir de Genève mérite un acte de foi dans le sens d'un engagement pour un investissement à destination des hommes et des femmes qui font l'économie de ce canton.

Toujours dans le registre financier, on a ironisé tout à l'heure sur le chiffrage du projet. Le rapport de majorité est clair et je l'ai répété tout à l'heure avec, je crois, la même clarté : les chiffres que nous avons cités sont ceux calculés par le département, je dis bien par le département, et non par un député fantaisiste ! De même, les deux éléments qui me permettent d'annoncer 10 millions au lieu de 16 sont factuels et inattaquables. En tout cas, si vous entendez contester ces chiffres, je vous attends de pied ferme !

Enfin, il n'a jamais été question de débloquer des postes supplémentaires pour l'application du chèque formation. Cela pour la bonne et simple raison que la commission, unanimement, a considéré que le chèque formation ne devait en aucun cas être conçu comme une prestation soumise au contrôle d'une administration qui serait payée pour éviter qu'elle soit délivrée ! En d'autres termes, il n'est pas question de revenir aux caricatures que combat le NPM - puisque c'est une notion que vous pouvez comprendre. Il s'agit au contraire de libérer les initiatives, de libérer les esprits, de libérer les hommes et les femmes des carcans administratifs, pour leur permettre de bénéficier d'une mesure d'impulsion que, le cas échéant, le parlement déciderait.

J'en termine avec la question d'employabilité et du retour sur investissement. La notion d'employabilité est extrêmement laide, inesthétique et paraît fort technocratique par rapport aux différents problèmes que soulève le chômage. Aussi, je ne résiste pas, pour ponctuer mon intervention, à vous lire trois lignes d'une communication du conseil des ministres de l'OCDE de 1997, qui disait s'être mis d'accord, je cite, «sur l'urgence de mettre en oeuvre des stratégies efficaces de formation tout au long de la vie, pour tous ; renforcer les capacités des individus à s'adapter et à acquérir des qualifications et des compétences nouvelles ; l'importance d'un apprentissage à vie pour permettre la croissance à long terme dans une économie fondée sur le savoir.» Telle est ce soir notre démarche ! 

Mme Martine Brunschwig Graf. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce n'est pas que mes propos soient plus importants que les vôtres, mais pour tous ceux qui auront jeté un coup d'oeil sur l'écran de télévision de la salle des Pas-Perdus, je crois que l'effet produit par ce Grand Conseil dans son brouhaha perpétuel n'est pas de nature à enthousiasmer - puisque c'est un mot à la mode ce soir - les téléspectateurs assez courageux pour suivre nos débats ! Je vous le dis pour la seconde fois, car j'ai quelques préoccupations, partagées, je crois, par le président du Grand Conseil, concernant l'image institutionnelle que nous donnons tous, par distraction ou par laisser-aller. Je vous demanderai d'y songer de temps en temps !

Mesdames et Messieurs les députés, il y a un point sur lequel nous sommes tous d'accord, c'est l'importance de la formation continue. C'est si vrai que, voilà bien quelques années, les députés et le département avaient accepté d'introduire dans la loi sur l'instruction publique quatre articles qui traitaient de la formation continue des adultes. Articles que vous ignorez d'ailleurs superbement aujourd'hui, puisque vous avez oublié de les annuler, si enthousiastes que vous êtes à l'idée de présenter votre loi. Je me permets donc de souligner qu'il faudra tout de même se mettre à jour de ce point de vue-là.

J'en viens à mon propos. En préambule, j'aimerais dire que les paroles que vous avez eues, les uns et les autres, à l'égard du département et de ses représentants sont des paroles que je ne peux accepter comme telles. L'une de vous, Mme la députée Deuber, a relevé avec quel enthousiasme devrait être accueilli le chèque formation et les propositions contenues dans cette loi, citant notamment l'office d'orientation et de formation professionnelle et les milieux de la formation en général. Mesdames et Messieurs les députés, les fonctionnaires qui ont été délégués par le département dans votre commission sont non seulement des gens respectables et respectés pour leurs qualifications professionnelles, mais sont aussi des connaisseurs particulièrement avertis de ce qu'est l'orientation et la formation professionnelle. Autrement dit, ce sont des professionnels et les avis qu'ils ont donnés, les positions qu'ils ont prises ne résultaient pas d'un diktat de la présidente : ils les ont prises parce qu'ils sont convaincus du métier qu'ils exercent, de ce qu'ils observent sur le terrain et de ce qu'ils pensent être les moyens à mettre en oeuvre en matière de formation. Alors, on peut diverger sur ces moyens, mais j'aimerais tout de même que l'on prenne l'habitude dans ce Grand Conseil de mesurer ses propos. Lorsqu'un département ou ses fonctionnaires émettent, en commission, des avis divergents de ceux des députés et qu'ils s'efforcent par ailleurs, comme ils l'ont fait, de venir à leur rencontre en proposant de faire une tentative, de faire une expérience s'agissant du chèque formation - ce que vous avez refusé - il est regrettable d'entendre systématiquement, dans ce Grand Conseil, des attaques par rapport à des fonctionnaires venus défendre un dossier en leur âme et conscience.

Maintenant, sur le fond, quantité d'articles de cette loi peuvent être acceptés sans autre, dans la mesure où ils donnent un cadre légal, où ils clarifient la situation par rapport à ce qu'est de nos jours la formation continue des adultes. Je ne partage pas l'avis de celle et de celui qui tout à l'heure parlaient de Moyen Age, s'agissant de la formation continue. On en est loin, preuve en est que d'autres ont évoqué la jungle actuelle de l'offre, que d'autres encore ont évoqué à juste titre la nécessité de coordonner les efforts, de mettre en réseau, de mettre en évidence les offres existantes. On ne peut donc pas dire que la formation continue et l'offre en la matière dans ce canton soient du Moyen Age, quand bien même on peut reconnaître - et en cela cette loi a du bon - qu'un effort de rationalisation, de mise en réseau et d'évaluation de la qualité reste à faire, ce qui est d'ailleurs, en partie déjà, mis en chantier au sein du département de l'instruction publique.

Cela dit, un point nous sépare, c'est la conviction que le chèque formation que vous avez voulu mettre sur pied soit la réponse aux problèmes évoqués tout à l'heure, comme les difficultés en matière de littératie ou les problèmes liés au chômage. Mesdames et Messieurs les députés, des spécialistes ont évoqué pour vous les difficultés que pose le chèque formation. Vous avez entendu en commission quelles pouvaient être les mauvaises expériences en ce domaine, les mesures que les Français ont expérimentées avec un succès extrêmement relatif. Lorsqu'on parle de littératie, notre principale préoccupation n'est pas tellement de pouvoir distribuer des chèques formation, mais de savoir comment amener des gens qui ont été en rupture scolaire durable ou momentanée, qui ont gardé de l'école un sentiment de rejet suffisamment fort pour ne pas vouloir intégrer une institution de formation, comment les amener à en acquérir une. En l'occurrence, sans chèque formation, mais avec beaucoup d'à-propos et d'engagement, certaines de nos institutions - je pense notamment à l'Université ouvrière - donnent l'exemple du type d'efforts qui peuvent être mis en oeuvre quand il s'agit de prendre en compte de semblables difficultés. Pour ma part, je ne pense pas, et les fonctionnaires du département non plus, que le chèque formation soit véritablement la réponse pour amener ces gens-là, qui sont notre préoccupation commune, à se former et à se réconcilier avec l'institution, qu'elle soit scolaire, privée ou autre.

S'agissant du chômage, je vous rappelle que la formation existe, qu'elle est même obligatoire en ce qui concerne les mesures actives de chômage et que de ce côté-là le financement existe. Je rends grâce à M. Beer qui l'a dit à plusieurs reprises : s'il est une nécessité, c'est celle d'assurer un meilleur contrôle et une meilleure qualité de certaines formations dispensées, et en cela je partage volontiers l'avis qu'il a émis plusieurs fois en commission. Mais cela m'amène tout de même à dire que, alors que vous croyez avoir trouvé le remède miracle, on peut avoir une analyse différente quant à la façon d'amener les gens à se former. D'autres exemples ont été évoqués en commission qui n'ont pas été repris dans le rapport. Ce sont ceux d'entreprises privées qui ont investi dans un chèque formation interne à l'entreprise et qui ont constaté qu'il profitait malheureusement toujours aux mêmes, à celles et ceux qui se forment volontiers et qui représentent un échantillon de la population dans son ensemble. C'est dire qu'il y a un débat à côté duquel nous sommes passés, que j'ai essayé d'évoquer à plusieurs reprises en commission, mais dont ne rendent pas bien compte les quelques lignes consacrées au résumé de mes trois auditions. Peu importe, je ne crois pas avoir ni vanité d'auteur, ni vanité tout court dans ce domaine ; vous avez choisi ce qui vous convainquait et vous l'avez mis dans le rapport, c'est votre affaire ! Mais je dirai ici que l'on peut parfaitement diverger sur les moyens sans être indigne, sans refuser les efforts de formation continue, en étant conscients les uns et les autres qu'il y a des améliorations à apporter, comme le montrent les articles de loi qui ne sont contestés par personne.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez bien voulu reconnaître que les mesures en article 41 étaient une préoccupation du département. Le Conseil d'Etat se prononcera mercredi prochain sur les propositions du DIP, suite au rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques et aux réflexions entamées par le département depuis plus de deux ans maintenant. Cet article 41 est pour nous une priorité, je vous l'ai dit. Il nous paraît extrêmement important qu'il y ait à la fois une reconnaissance de la formation de base et un accès gratuit, puisqu'il y avait jusqu'ici inégalité de traitement crasse, si je puis dire, entre celles et ceux qui suivaient ce type de formation et les autres qui fréquentaient notamment le collège pour adultes. Il était donc temps de mettre fin à cette injustice. Cette mesure a été pour nous la priorité et elle me paraît aller véritablement dans le bon sens.

En l'état, loin de moi l'idée de dire que tout est parfait, mais je répète que, d'une certaine façon, mettre en place un chèque formation en pensant avoir rempli sa mission est un leurre. Je crains fort que cet effort-là nous détourne d'autres efforts d'analyse bien plus importants, qui concernent celles et ceux, comme je le disais, qui ne veulent pas suivre de formation pour toutes sortes de raisons qui n'ont rien à voir avec des problèmes financiers. Ce d'autant que nous nous efforçons, dans ce canton, par le biais des allocations d'études, des exonérations, des subventionnements, de rendre accessible la formation continue des adultes, particulièrement dans les institutions dépendant du département de l'instruction publique. Ce soir, vous adopterez cette loi, puisque vous êtes majoritaires et convaincus d'avoir raison. Mais j'ai le sentiment que ce n'est pas une affaire de raison et qu'il n'y a pas de victoire à la clé. Je regrette infiniment que vous n'ayez pas accepté l'offre du département, qui allait à votre rencontre et proposait un test. Cette proposition ne vous a pas suffi, nous en assumerons les conséquences !

Je termine sur le financement. Pour vous, tout est prioritaire ! Je suis entrée dans ce Grand Conseil en 1989 et j'ai connu une longue liste de projets de lois votés par tous les partis représentés dans cette enceinte. Lorsqu'on reproche aujourd'hui aux majorités d'alors d'être responsables des déficits, il faut rappeler qu'à chaque fois ces majorités ont admis les priorités des autres bancs et que les députés ont voté ensemble des projets dont nous assumons aujourd'hui les conséquences financières. Ce soir, je crois entendre le même discours que celui entendu pendant toutes ces années-là : il n'est pas important de se soucier du financement ! Si, Mesdames et Messieurs, ça l'est, parce que si 10 millions ne sont rien pour vous, pour moi ce sont 100 postes ! Et, à voir la bagarre que vous avez menée pour obtenir dix postes au service du tuteur général, ou trente postes à l'enseignement primaire, j'en déduis qu'à l'heure actuelle dépenser 10 millions de francs n'est pas anodin, par rapport aux cent postes que l'on pourrait inscrire ailleurs.

Il est difficile pour le département, conscient de ses priorités, d'accepter que le choix des députés se porte finalement sur des moyens que nous n'avions pas choisis. En toute démocratie, vous allez voter, mais vous me permettrez quand même de rappeler que notre constitution doit être respectée et d'annoncer que le département et le Conseil d'Etat ne demanderont pas ce soir le troisième débat, jusqu'à ce que le Grand Conseil ait trouvé le financement adéquat. (Applaudissements.)  

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Je voudrais apporter une précision importante sur la question d'un chèque formation sous forme expérimentale. La commission a bien examiné cette possibilité et nous avons, moi-même et d'autres députés, proposé une durée expérimentale de quatre ans pour ce chèque formation. Cette possibilité n'a pas été retenue, y compris par les deux minorités. Il s'agit là d'une précision importante, car vous ne trouverez nulle trace dans les travaux de la commission d'une idée du département à propos d'une telle mesure que la commission aurait rejetée. C'est contraire aux faits que de l'affirmer et je dois quand même le préciser.

L'autre élément que je voudrais souligner, c'est que ce projet de loi représente une avancée incontestable qui est le fait d'une décision du parlement. Et je dois dire que je ne trouve pas très adroit, Madame la présidente, d'associer vos fonctionnaires lorsque vous donnez votre avis. Vous ne pensez pas que le chèque formation soit une bonne mesure, ce qui est votre droit le plus strict, mais en citant vos fonctionnaires vous les livrez en quelque sorte en pâture au débat politicien et je ne trouve pas cela très adroit. Je le dis fort modestement, car je sais également apprécier leurs compétences professionnelles. Il n'est pas bon d'évoquer dans cette enceinte leur opinion - qu'ils n'ont pas directement manifestée en commission - s'agissant du fait que le chèque serait une mauvaise mesure. J'entendais simplement le relever. Ils auront certainement l'occasion de s'exprimer très largement, car ils n'assistent probablement pas pour rien à ce débat, depuis la tribune ! 

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.

Art. 4

M. Christian Brunier (S). Nous présentons un amendement à l'article 4. Il est essentiel que les établissements de formation respectent les conditions de travail et nous proposons d'ajouter un alinéa 3 nouveau, ainsi libellé :

«3 L'ensemble des établissements mentionnés aux alinéas 1 et 2 ont l'obligation de respecter les conditions de travail en usage dans la branche.»

Mme Martine Brunschwig Graf. Je connais bien ce type de démarche, il est habituel dans ce parlement. Savez-vous simplement que certaines institutions de formation, et je pense ici à l'Université ouvrière par exemple, emploient des bénévoles ? Entendez-vous par là que dorénavant ils devront être salariés ?

M. Christian Brunier (S). Madame la présidente du gouvernement, je crois que vous avez mal compris notre amendement. J'ai parlé du respect «des conditions de travail», je n'ai pas parlé de militantisme, d'engagement volontaire... Cet amendement ne concerne bien entendu pas les bénévoles, qui font un travail formidable mais qui ne sont pas rétribués ; il concerne les employés proprement dits de ces institutions de formation.

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. J'aimerais rassurer cette enceinte parlementaire sur cet amendement concernant les conditions de travail en usage. J'ai eu l'occasion de discuter personnellement et professionnellement avec l'Université ouvrière. Celle-ci, ainsi que les juristes des différentes organisations syndicales et différents représentants politiques dans cette enceinte savent que les conditions de travail en usage valent bien entendu pour les professionnels engagés et ne concernent pas, Madame la présidente, les bénévoles. Il n'y a aucune équivoque à cet égard ; il s'agit simplement d'éviter que, dans un secteur aussi exposé à la demande, on fasse reposer sur les uniques épaules des salariés les fluctuations du marché. C'est malheureusement ce qui se passe aujourd'hui et certains cas sont bien connus. Des interpellations urgentes ici même ont permis de démontrer que des écoles privées, donnant des cours à des personnes envoyées par l'office cantonal de l'emploi, pratiquaient des salaires de moitié inférieurs à ceux des professionnels de l'Université ouvrière ou de l'IFAGE, pour donner ces deux exemples. Le dumping doit donc être combattu ; une telle offre est intéressante pour autant qu'on respecte les usages existants, comme cela se fait dans n'importe quelle autre branche et comme certains dans cette salle peuvent en témoigner. 

M. Bernard Lescaze (R). Je suis un peu étonné qu'après trente-sept séances de commission - et pas trente-six, Monsieur le rapporteur de majorité - on en arrive à de tels amendements et à une telle discussion... (Exclamations.) L'amendement de M. Brunier est typiquement une question qui aurait dû être traitée en commission. Je ne demande pas le retour en commission, puisque le Conseil d'Etat a annoncé qu'il ne demanderait pas le troisième débat. Mais à partir d'un certain moment on est en droit d'attendre des députés un travail sérieux ! Il est probable que votre amendement est judicieux - même si nous nous abstiendrons lors du vote - mais il aurait clairement dû être présenté et discuté en commission.

Monsieur Brunier, votre camarade de parti comme les deux rapporteurs de minorité ont reçu 3700 F pour leurs rapports ! M. Beer a rendu un certain nombre de pages, les deux autres ont rendu des rapports de trois pages : c'est cher payé la page, c'est cher payé notre temps ce soir ! D'autant que nous avons beaucoup de points à l'ordre du jour et que la présidente du département de l'instruction publique a annoncé que le troisième débat ne serait pas demandé ce soir, ce qui signifie que vous avez encore six mois pour préparer, peaufiner vos amendements pour le troisième débat. Alors, de grâce, ne nous faites pas perdre plus de temps ! 

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse de deuxième minorité. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Lescaze en ce qui concerne les rapports, ils ne méritent même pas qu'on s'y arrête ! Par contre... (Commentaires de M. Lescaze.)

Le président. Silence, Monsieur Lescaze, s'il vous plaît !

Mme Nelly Guichard, rapporteuse de deuxième minorité. Par contre - si vous permettez, Monsieur Lescaze ! - je ne voterai pas et mon groupe ne votera pas les amendements proposés par M. Brunier. La commission a tenu suffisamment de séances de travail ; nous avons voté la plupart des propositions qui étaient faites, nous sommes en tout cas toujours entrés en matière, nous en avons toujours discuté. Je refuse donc cette manière cavalière et stupide de présenter un amendement, important certes, intéressant, mais qu'on ne présente pas après autant de séances de commission, Monsieur Brunier ! 

M. Armand Lombard (L). Je ne sais pas ce que je dois comprendre de cet amendement. M. Brunier et M. Beer le défendent avec tant de sagesse, semble-t-il, que je n'ose croire ce que je crois comprendre : s'il s'agit, par cet amendement, d'obliger les établissements privés à hausser leurs salaires pour les amener au niveau de ceux de l'Etat, ce n'est à l'évidence pas la bonne manière ni le bon moment de le présenter. Rediscutez cela pendant l'été, cela fera du bien au projet. Maintenant, je peux me tromper complètement, c'est parfaitement possible, mais je préfère dire tout de suite ce que je crains, plutôt que d'avoir manqué de le dire ! 

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Je pense que la question de M. Lombard mérite une réponse tout à fait sérieuse. S'agissant des conditions de travail en usage dans une branche, nous avons le même type de configuration dans le domaine de la santé par exemple, où il existe à la fois des établissements publics et des établissements privés. Là, cette notion de conditions de travail usuelles dans la branche est appliquée notamment en matière de politique de main-d'oeuvre étrangère. Définir les conditions de travail usuelles de la branche ne vise pas - je pense toujours à la politique des conditions de travail de la santé - à hausser le niveau des salaires du privé au niveau du public - même si je le souhaite par ailleurs; mais tel n'est pas le but. Le but est de dégager les usages professionnels, notion tout à fait claire, qui n'est pas basée sur les seules conditions de travail du secteur public, mais également sur les conditions de travail statistiques dans la branche. Il s'agit d'une notion parfaitement claire, qui a d'ailleurs été parfaitement bien comprise et admise par le Grand Conseil lorsque je l'ai proposée dans le débat sur les taxis. A cette époque, mon amendement n'a pas suscité la moindre ire ; on n'a pas dit qu'il y avait coup de force, manque de respect du travail de la commission... (Commentaires de M. Halpérin.) Mais, encore une fois, intéressez-vous aux conditions de travail de la santé, Monsieur Halpérin ! Je vois que vous êtes sorti de la lecture de «L'Hebdo», c'est une bonne chose...

Voilà ce que je souhaitais dire sur la notion de conditions de travail en usage. Par ailleurs, je souhaiterais qu'on complète cet amendement ainsi : «...l'ensemble des établissements et institutions mentionnés...», puisque c'est le libellé exact utilisé dans le titre.

Nous présentons enfin un second amendement, à l'alinéa 2, qui n'est pas non plus un coup de force, mais qui est plus technique. Il y avait une erreur dans le libellé, lors des travaux de la commission, d'où un renvoi à un mauvais article, que nous proposons de corriger... Monsieur Halpérin, vous prendrez la parole quand vous l'aurez demandée !

M. Michel Halpérin. Je la prendrai quand je voudrai !

Le président. Non, Monsieur Halpérin, quand je vous la donnerai ! Je vous prie de laisser les orateurs s'exprimer. 

Mme Martine Brunschwig Graf. Comme certains députés dans cette salle, je pense que la durée des travaux de commission aurait dû permettre de régler ce type de problèmes. Cela dit, j'aimerais que l'on prenne acte de l'interprétation qui est faite de ces dispositions et que l'on s'en souvienne lorsqu'il s'agira de régler les cas litigieux dans les établissements et institutions privés. Cela me paraît extrêmement important, faute de quoi le coût du projet de loi risque de renchérir encore, du fait des conditions que l'on veut introduire ici.

Mesdames et Messieurs, vous pouvez évidemment accepter tous les amendements que vous souhaitez, mais je tiens à dire que celui-ci ne tient probablement pas la route sur le plan juridique et qu'à la première occasion il y aura des conflits pour réclamer au minimum les conditions de l'Etat. Et ensuite, on viendra se plaindre du coût de la formation ! 

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Puisqu'on souhaite pouvoir faire référence, à juste titre, à nos interventions de ce soir pour bien comprendre cette notion, je tiens à porter à la connaissance du parlement le fait qu'il existe aujourd'hui des conditions de travail en usage dans l'enseignement. Pour ne rien cacher, je précise que les conditions de travail en usage dans les métiers de l'enseignement, telles qu'admises par les commissions tripartites, sont arrêtées à 45 F l'heure, représentant respectivement l'heure d'enseignement et la préparation - ce qui n'est en rien comparable aux salaires de la fonction publique. Pour information également, j'ajoute que le salaire minimum pratiqué dans le cadre de l'IFAG est de 56 F l'heure et aux alentours de 68 F l'heure à l'Université ouvrière.

Ne voyez donc pas dans cet amendement quelque putsch qui viserait à étatiser la formation et à renchérir des coûts que vous avez d'ores et déjà trouvés extravagants, mais simplement la volonté de lutter contre les pratiques de certaines écoles qui offrent des salaires de 25 F l'heure, et qui semblent avoir la sympathie de quelques-uns dans cette salle !

M. Armand Lombard (L). J'ai bien entendu M. Beer et je le remercie de ses explications, qui pourraient me rassurer mais ne me rassurent pas tout à fait quand même !

Je ne comprends pas bien qui fait référence, s'agissant des salaires. Bien sûr, il y a les salaires publics et les salaires privés. Dans le domaine de l'enseignement que nous discutons, comme dans celui de la santé, la majorité des salariés travaillent dans le secteur public et cela pousse sans doute la norme à la hausse. Mais si, par hasard - pour prendre un exemple tout à fait hypothétique - un département comme celui du département de l'économie publique se lançait dans le secteur de la création d'entreprises et crée de nouveaux emplois chers, est-ce que leurs concurrents du privé pourraient conserver leurs salaires, relativement normaux ? Ou bien, frappés par un amendement de ce type, seraient-ils obligés de les relever parce qu'ils ne seraient pas dans la norme du service public ? Dans un tel cas, ce serait - je pense au secteur que je connais - le massacrer directement et faire une place superbe à l'Etat, avec ses compétences mais aussi ses incompétences, avec ses salaires mais surtout ses gros salaires ! Pouvez-vous continuer à me rassurer un peu ? 

Le président. Je crois que tout le monde est suffisamment rassuré pour voter cet amendement ! Je rappelle que nous sommes en deuxième débat, avec un amendement à l'article 4, visant à introduire un alinéa 3 nouveau :

«3 L'ensemble des établissements mentionnés aux alinéas 1 et 2 ont l'obligation de respecter les conditions de travail en usage dans la branche.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous avons reçu un autre amendement à l'article 4, déposé par M. Charles Beer, qui vise à modifier l'aliéna 2 ainsi :

«... que l'enseignement proposé s'inscrive dans les buts définis par la présente loi, pour autant...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que les articles 6 à 18.

Mis aux voix, l'article 19 (souligné) est adopté.

M. Christian Brunier (S). Nous sommes au terme de cette deuxième lecture. J'aimerais juste adresser un message à la présidente du département. En commission, Madame, vous avez fait de l'obstruction, c'était votre droit. Aujourd'hui, vous allez refuser le troisième débat, vous montrant mauvaise joueuse, ignorant la majorité parlementaire, c'est encore votre droit. En septembre, lorsque nous aurons voté le troisième débat, vous allez certainement mettre les pieds contre le mur pour appliquer cette loi, ce sera toujours votre droit. Mais je peux vous annoncer qu'au débat budgétaire 2000 nous vous imposerons ce projet de loi à travers le budget, et cela c'est notre droit ! (Exclamations et applaudissements.)

M. John Dupraz (R). Je trouve parfaitement scandaleux les propos du jeune et distingué Brunier... (Exclamations.) ...qui se conduit comme un charretier et qui insulte la présidente du Conseil d'Etat ! Il est tout à fait légitime qu'un conseiller d'Etat, chef de département, ait des points de vue et les défende. Dire que Mme Brunschwig fait de l'obstruction est malhonnête et discourtois de votre part. On est en droit d'attendre, de la part du président d'un parti gouvernemental, une conduite un peu plus élevée, un peu plus digne !

Cela dit, lorsque vous affirmez qu'elle fait de l'obstruction en ne demandant pas le troisième débat ce soir, je vous rappelle, Monsieur Brunier, que le règlement de notre Grand Conseil stipule que le troisième débat a lieu à la séance suivante, sauf si le Conseil d'Etat, ou une commission unanime, ou le bureau unanime le demande. Vos propos sont parfaitement scandaleux et j'espère qu'à l'avenir, si vous voulez faire carrière politique, vous vous conduirez un peu mieux ! (Applaudissements.) 

Mme Martine Brunschwig Graf. Il me faut quand même répondre de temps en temps ! Mesdames et Messieurs les députés, il y a six mois j'ai parlé au Conseil d'Etat de la problématique posée par ce projet de loi, y compris de son financement. Suite à cette discussion et avec l'accord de tous mes collègues, je suis venue devant votre commission pour expliquer quel était le problème et pour l'aborder avec vous. J'ai passé sans doute une bonne heure à en discuter, en vous avertissant que le Conseil d'Etat n'entendait pas mettre en oeuvre le projet de loi tant qu'il n'y aurait pas de financement. Je vous l'ai dit clairement, même si tout ceci n'est fort malheureusement pas reproduit dans le rapport de majorité.

En l'état, il ne s'agit pas d'obstruction ; c'est en accord avec le Conseil d'Etat et avec ma collègue présidente du département des finances que nous avons décidé de ne pas demander le troisième débat, avant que le financement soit trouvé... (Commentaires.) Alors, vous pouvez continuer, Monsieur Brunier, à faire ce que vous avez fait toute la journée en parlant de la présidente du Conseil d'Etat. Vous tenez des propos à mon égard que je n'ai jamais entendus de mémoire de députée. Cela m'est assez égal, mais je tiens à répéter ici que c'est l'ensemble du gouvernement, en toute collégialité, qui est d'accord avec cette position. (Applaudissements.)

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Ma foi, je prends note des précisions de la présidente du Conseil d'Etat. Les intentions du gouvernement et les intentions de votre département, Madame, sont extrêmement importantes quant à la suite du débat sur la formation continue, quant aux mesures concrètes à prendre et quant au sort notamment de ce projet de loi...

M. Bernard Lescaze. Le débat est clos, Monsieur le président !

M. Charles Beer, rapporteur de majorité. Je termine, Monsieur Lescaze... (Brouhaha et protestations.)

Le président. Vous pouvez continuer, Monsieur Beer !

M. Charles Beer, rapporteur de majorité. Je termine en demandant à la présidente du département de bien vouloir, si possible, répondre à la motion votée par le Grand Conseil en 1995, appelant le Conseil d'Etat à fournir un rapport sur l'état de la formation continue dans le canton de Genève. Nous n'avons pas reçu de réponse, malgré la motion votée il y a quatre ans. Ce rapport sera l'occasion d'avoir une discussion plus large, lors du troisième débat, sur la politique qu'entend défendre le Conseil d'Etat. J'en remercie par avance la présidente... (Commentaires de M. Lescaze et brouhaha.) Et je remercie M. Lescaze de s'être tenu aussi sagement jusqu'au bout du débat !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, un peu de calme, s'il vous plaît ! (Chahut.) Nous sommes maintenant au terme du deuxième débat. M. Balestra a encore demandé la parole, je la lui donne.

M. Michel Balestra (L), rapporteur de première minorité ad interim. Je regrette le brouhaha, les insultes, les dialogues particuliers. Je crois que nous sommes tous très fatigués : il est en effet exceptionnel de traiter les comptes, le budget, plus les objets ordinaires en deux journées. Cela étant, je tiens à vous remercier parce que, pour le reste, la tenue du débat était tout à fait correcte. 

Le président. La parole est à Mme Sayegh. Ensuite, je clos la liste des orateurs. Nous ferons le troisième débat lors d'une prochaine séance.

Mme Christine Sayegh (S). Monsieur le président, je voudrais simplement rappeler la teneur de l'article 133, alinéa 3, de notre règlement qui dit qu'effectivement à la fin du deuxième débat on vote article par article. Puis on passe à un autre point de l'ordre du jour, le cas échéant, s'il n'y a pas de troisième débat !

Le président. Si vous aviez tout suivi, Madame Sayegh, vous sauriez que nous venons de voter article par article... (Rires.) ...que nous venons de terminer le deuxième débat et que le troisième débat aura lieu lors d'une prochaine séance ! Nous passons au point suivant de l'ordre du jour. 

M 1245-A
6. Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jeannine de Haller, Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber-Pauli, Marie-Thérèse Engelberts, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Bernard Lescaze, Armand Lombard, René Longet et Françoise Schenk-Gottret concernant le regroupement d'instituts universitaires genevois. ( -) M1245
 Mémorial 1998 : Développée, 7613. Renvoi en commission, 7621.
Rapport de Mme Barbara Polla (L), commission de l'enseignement supérieur

Sous la présidence attentive de M. René Longet ou de sa vice-présidente Mme Janine Hagmann, la Commission de l'enseignement supérieur a examiné cet objet au cours de ses séances des 4 mars, 22 avril, et 3 juin 1999. Elle a auditionné M. Bernard Fulpius, recteur de l'Université, MM. Jean-Luc Maurer et Peter Tschopp, directeurs respectifs de l'Institut universitaire des hautes études internationales (IUHEI), et de l'Institut universitaire d'études du développement (IUED), ainsi que M. Bernard Giovannini, ancien directeur de l'Académie internationale de l'environnement (AIE). Les procès-verbaux ont été réalisés par M. Jean-Luc Constant que nous remercions ici pour son excellent travail.

Historique et préambule

Dans le contexte de la fermeture de l'Académie internationale de l'environnement (ci-après AIE), la motion 1245 reflétait le souci de nombreux députés, à travers l'échiquier politique, de l'efficacité du fonctionnement des instituts universitaires, ceci à une époque où les problèmes financiers ne semblent en épargner aucun et où les nominations de directeurs s'avèrent parfois difficiles. Les instituts concernés par la motion étaient essentiellement l'Institut universitaire des hautes études internationales (ci-après IUHEI), et l'Institut universitaire d'études du développement (ci-après IUED).

Spécifiquement, la motion 1245 (annexe 1) proposait un projet de coopération organique entre les instituts universitaires traitant du domaine international, projet auquel elle souhaitait associer les domaines préalablement couverts par l'AIE. Parmi les moyens considérés par les motionnaires, émergeait la proposition de regrouper en une nouvelle unité universitaire interdisciplinaire les trois axes représentés respectivement par l'IUED, l'IUHEI et l'AIE, à l'intérieur d'un réseau fonctionnant sous l'égide d'un Conseil de fondation. Ce modèle a été retenu par le rectorat et par l'université, qui, sur mandat de Mme la présidente du DIP, a travaillé, en parallèle à nos travaux de commission, au regroupement de l'IUED et de l'IUHEI, en tenant compte des impératifs liés à la prochaine fermeture de l'AIE.

La situation à ce jour, en date du dépôt de ce rapport, s'avère très proche de celle souhaitée par la motion 1245 (voir en annexe la présentation du projet de Réseau universitaire international de Genève (ci-après RUIG), du 21 mai 1999) (annexe 2).

Auditions et discussions

1. Audition de M. Bernard Fulpius (4 mars 1999)

Concernant l'AIE : Le rectorat a mandat de sauver et d'intégrer les tâches d'enseignement et de recherche proposées par l'AIE et d'assurer le suivi des problèmes d'emploi. Les missions d'enseignement, de recherche, de formation continue et de service (telle par exemple une formation accélérée de personnes travaillant dans le domaine des relations internationales) seront intégrées dans un programme concernant l'environnement et le développement durable, structure sans murs incluse dans le RUIG.

Concernant l'IUED et l'IUHEI : La création du réseau, géré par un comité exécutif de haut niveau, est en cours. Là aussi, il s'agit de structures sans murs, fonctionnant sur la base de programmes tels que celui mentionné ci-dessus, environnement et développement durable. Les missions du réseau recouvriront celles de l'AIE, à savoir, enseignement de base, recherche, formation continue et services à la communauté. L'objectif est de mettre à profit les richesses de chacun des instituts, et d'offrir au monde des relations internationales un réseau interdisciplinaire large et souple, plutôt que de petites unités. Le réseau servira de plate-forme internationale pouvant intégrer l'ensemble des activités dans le domaine, qu'il s'agisse de l'Université des organisations internationales, ou d'autres structures.

2. Auditions de MM. Jean-Luc Maurer et Peter Tschopp (22 avril 1999)

NB : Etant donné que les auditions de MM. Jean-Luc Maurer et Peter Tschopp ont été suivies de discussions particulièrement instructives avec les auditionnés, le rapporteur a fait le choix de regrouper ici auditions et discussions par thème plutôt que par personne.

Objectifs du futur réseau : Ce projet s'inscrit parfaitement dans le cadre de la réforme actuelle des universités suisses. Trois objectifs principaux sont poursuivis par la création de ce réseau : (i) stimuler les activités de l'université et des instituts selon la double perspective de la collaboration et de la compétition, (ii) favoriser le rapprochement du monde universitaire avec les organisations internationales et les ONG de manière à contribuer au rayonnement accru de Genève sur le plan national et international, et (iii) favoriser un plus grand rapprochement entre l'université et la Cité.

Fonctionnement académique du futur réseau : les programmes : Les programmes seront la base du fonctionnement académique. Il s'agit de thèmes de recherche et d'enseignements, auxquels peut s'associer l'ensemble des organismes ou groupes intéressés, académiques, internationaux ou autres. Deux exemples ont été particulièrement détaillés : d'une part le domaine des études asiatiques contemporaines, qui proposera un master européen, et d'autre part le programme environnement et développement durable, qui concerne une partie des activités de l'ancienne AIE. Ce programme est présenté ci-dessous dans un schéma, qui illustre notamment les partenaires, à l'intérieur de l'université, susceptibles d'interagir avec le réseau.

Page 4

Fonctionnement administratif du futur réseau : Les trois partenaires fondateurs principaux, à savoir l'IUED, l'IUHEI et l'université, conservent leur autonomie et leurs caractères propres en matière de mode de fonctionnement, de démarche scientifique et de culture d'entreprise, l'objectif étant d'unir leurs forces pour développer des programmes d'activités communes. En termes de fonctionnement, les trois partenaires créent une fondation, dont chacun détient une part égale du capital. Cette fondation est dotée d'un conseil de fondation qui se composerait d'une douzaine de membres, représentant le monde universitaire, le monde politique, le monde associatif et les milieux internationaux. La mission de la fondation consiste à susciter la naissance de programmes et de projets, à examiner et évaluer ces programmes, à les sélectionner, à attribuer les subventions, à renouveler les accréditations, à accepter les demandes d'inscription et à assurer la cohérence de l'ensemble du réseau. Ce conseil de fondation sera appuyé par un comité scientifique de cinq personnalités de haut niveau, comité qui pourrait faire appel, le cas échéant, à des experts.

Les étudiants du futur réseau : seules les institutions de base seront habilitées à certifier, sous le contrôle de l'université, les études suivies, que ce soit au niveau licences, DES ou doctorats. La participation à l'enseignement classique s'effectuera par le biais du système des crédits. L'IUED et l'IUHEI accueilleront toujours des étudiants venant passer des DES ou des doctorats. Ils accueilleront aussi des personnes souhaitant suivre des formations courtes comme un master européen formule courte par exemple. Les étudiants des instituts pourront par ailleurs suivre divers enseignements à la carte.

Financement du futur réseau : il est prévu à ce propos que l'IUED et l'IUHEI y contribuent à raison de 10 % du montant de leurs subventions fédérales et cantonales respectives, étant rappelé que les subventions perçues par l'IUHEI s'élèvent actuellement à 10 millions de francs, alors que celles perçues par l'IUED s'élèvent à 6,5 millions de francs. Ces contributions s'effectueraient essentiellement en nature. L'université contribuera également au fonctionnement financier de ce réseau, par une part non encore définie. Dans la mesure où ce projet s'inscrit parfaitement dans le message du Conseil fédéral relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche et de la technologie pendant les années 2000 à 2003. la Confédération devrait également participer, pendant deux ans, à la mise en place et au fonctionnement du réseau. L'autofinancement (services, produits) et les financements privés devront être développés.

Ouverture du futur réseau sur la Cité : L'ouverture sur la Cité constitue un pan important du projet, et une préoccupation de tous les instants pour les instituts qui le composent. On peut citer, par exemple, le projet « éducation et développement » mis en place par l'IUED en collaboration avec le cycle d'orientation. Par l'intermédiaire des compétences spécifiques de leurs membres, l'IUED et de l'IUHEI s'attachent aussi à contribuer, aux débats publics, notamment dans les médias. Cet engagement s'avère important, surtout à un moment où l'actualité s'accélère.

Relations du futur réseau avec le canton de Vaud : Il existe une volonté claire des différents partenaires de développer les interactions avec l'université et les institutions du canton de Vaud. Certains programmes ne pourront d'ailleurs fonctionner dans cette mise en réseau que s'il est fait appel à des ressources humaines du canton de Vaud: c'est le cas notamment dans le domaine des études asiatiques, puisque certaines compétences dans le domaine sont spécifiquement localisées à Lausanne.

3. Audition de M. Bernard Giovannini, ancien directeur de l'AIE (3 juin 1999)

Dans le cadre du RUIG, il s'agit de favoriser les coopérations entre disciplines, entre l'université et le monde extérieur, et entre le local et l'international. Mais la difficulté du fonctionnement des réseaux, en l'absence de centre de gravité, est soulignée. Afin de pallier ces difficultés, les programmes scientifiques sont essentiels, et devraient s'articuler autour d'un centre de gravité stable et accepté par tous. A l'intérieur du réseau, les collaborations devraient faire l'objet de conventions de partenariat, conclues sur la base des programmes.

4. Correspondance échangée avec M. Philippe Roch, directeur de l'OFEFP, représentant de la Confédération dans le dossier du regroupement d'instituts universitaires genevois : cf. annexe (3)

Discussion finale et vote

La Commission de l'enseignement supérieur est particulièrement satisfaite de la constitution du RUIG. L'esprit de Genève, fait de tradition humaniste, semble bien souffler au travers des trois institutions partenaires du RUIG et celui-ci répond très concrètement à la première invite de la motion 1245.

A ce stade, il n'y a donc pas lieu de maintenir cette motion en l'état. Par contre, pour manifester son intérêt au RUIG et sa volonté qu'il soit parfaitement fonctionnel, rapidement et dans la durée, la Commission de l'enseignement supérieur, dans son ensemble, a rédigé une nouvelle motion, qui tient compte de l'actualité. La commission est convaincue que la dynamique du RUIG doit être évolutive, l'objectif étant de stimuler la coopération aussi bien à l'intérieur de l'université qu'entre l'université et le monde international, de permettre la mobilisation de financements privés et publics, de dynamiser l'étude et la recherche dans le domaine des relations internationales et de reprofiler à cet égard la place de Genève dans le monde. Comme le dit le Conseil d'Etat à propos du RUIG dans son rapport à la motion 818-A, « le nouveau pôle d'excellence ouvert à la Genève des organisations internationales a pour but de manifester une volonté politique et symbolique de relance des études internationales sur le site genevois ».

C'est donc à l'unanimité des membres présents que la Commission de l'enseignement supérieur vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

ANNEXE 1

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition présentée par les députés:Mmes et MM. Jeannine de Haller, Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber-Pauli, Marie-Thérèse Engelberts, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Bernard Lescaze, Armand Lombard, René Longet et Françoise Schenk-Gottret

Date de dépôt: 5 novembre 1998Disquette

M 1245

Proposition de motionconcernant le regroupement d'instituts universitaires genevois

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

les problèmes structurels et financiers que connaissent certains instituts universitaires genevois, en particulier ceux se vouant à la recherche et à l'enseignement dans le domaine international ;

les négociations qui se déroulent sous l'égide des autorités fédérales concernant l'avenir de plusieurs d'entre eux ;

l'annonce de la fermeture de l'Académie internationale de l'environnement (AIE), la réduction des contributions qui lui sont allouées et les licenciements en cours et prévus en son sein, liés à ces restrictions ;

la nécessité d'adapter constamment l'activité des instituts universitaires concernés aux thématiques économiques, politiques et sociales apparaissant sur le plan mondial, et de leur permettre de répondre aux exigences scientifiques (recherche) et pédagogiques (enseignement) en rapide évolution ;

invite le Conseil d'Etat

en concertation étroite avec les intéressés,

à développer un projet de coopération organique entre les instituts universitaires traitant du domaine international, en leur proposant une effective mise en réseau, en maintenant, globalement, au moins les financements existants ;

à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que l'Académie de l'environnement ne soit pas l'objet d'un démantèlement "; à froid " mais que ses personnels, programmes et potentiels soient maintenus jusqu'à la réalisation visée au point 1.

ANNEXE 2

12131415ANNEXE 3

17

page manquante dans le tiré à part

Débat

Mme Barbara Polla (L), rapporteuse. Quelques mots pour signaler tout d'abord que la lettre de M. Philippe Roch figurant à l'annexe 3 du rapport n'a été imprimée que dans son recto. Je souhaiterais donc que soient imprimés au Mémorial le recto et le verso de la lettre de M. Roch.

Quelques mots ensuite pour vous rappeler que ce rapport répond à une motion déposée en novembre 1998, une motion interpartis qui demandait la mise en place d'un réseau dans le domaine des activités internationales de Genève. Cette motion a été déposée dans le cadre de la fermeture de l'Académie internationale de l'environnement. Les travaux de la commission se sont déroulés en excellente coordination avec le département de l'instruction publique d'une part et le niveau fédéral d'autre part. Nous avons assisté au cours des travaux à la création du RUIG, le Réseau universitaire international de Genève, qui réunit trois partenaires principaux, l'université, l'IUED... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de faire silence, de regagner vos places ou de tenir vos conversations particulières à l'extérieur de cette salle ! Madame le rapporteur, vous pouvez poursuivre !

Mme Barbara Polla, rapporteuse. ... et l'IUHEI. La création du RUIG répond donc de façon tout à fait excellente à la motion qui a été déposée. L'ensemble de la commission de l'enseignement supérieur s'en est montrée très satisfaite. Elle a néanmoins souhaité aller plus loin et a déposé une nouvelle motion, raison pour laquelle nous avons demandé l'urgence sur ce point.

La nouvelle motion comporte trois points essentiels. Le premier, c'est la rapidité de mise en place, puisque nous demandons en fait que le RUIG soit effectif dès la rentrée académique de cet automne. Raison pour laquelle nous souhaitons renvoyer cette motion au Conseil d'Etat dès ce soir. Le deuxième point, c'est la durabilité de ce nouveau réseau. Le troisième point vise à nous assurer que cette durabilité ne dépende pas des personnes qui en sont responsables à l'heure actuelle, bien qu'elles soient excellentes, mais qu'elle dépende à proprement parler des structures.

Je vous remercie et je remercie l'ensemble des groupes qui ont préparé cette motion en commission de l'envoyer au Conseil d'Etat ce soir. 

M. René Longet (S). J'aimerais juste dire un mot sur l'Académie de l'environnement, car je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que Mme Polla vient de dire et à ce qui figure dans le rapport. Cette académie, qui va fermer ses portes dans quelques jours, disposait à son zénith d'un budget d'environ 6 millions par an. Le Réseau universitaire international genevois aura le dixième de ce budget pour son démarrage. Et sur ce budget, un tiers environ sera dévolu aux tâches qui étaient jusque-là celles de l'Académie de l'environnement. Il faut donc bien considérer les proportions. Dès lors, lorsque notre commission demande une montée en puissance visible et forte de ce réseau, c'est qu'il y a de bonnes raisons pour le faire.

Nous souhaitons que des moyens soient rapidement mis en oeuvre pour que ce réseau devienne efficace, fort et pour que l'on ne se soit pas, au bout du compte, payé de mots en disant que l'on a fait un réseau, que l'on a fait quelque chose de bien, mais que cela s'avère toutefois être, non pas un réseau fort, mais un réseau mou. Notre volonté, c'est que ce soit quelque chose de fort qui soit mis en place et qu'un bon départ soit pris vers quelque chose qui fonctionne et qui se développe. D'où aussi l'idée d'avoir des phases. A ce titre, la commission a souhaité disposer de plans à moyen terme, au moins à 10 ans, de cette nouvelle création. 

M. Armand Lombard (L). J'ai une chose à ajouter à ce qui n'est jusqu'à présent pas un débat, mais une présentation. C'est de souhaiter que ce RUIG, que cette institution, que ce réseau - qui va regrouper des forces intellectuelles de la Cité, les forces dynamiques de ces intellects de la Cité - s'efforce, en plus de tous les programmes qu'il va proposer, en plus d'une assez lourde mise en place de diplômes, de formations, etc., que ce réseau s'efforce donc de donner une mission, une vision, un certain terme à ce qui peux se faire à Genève, à ce qu'est Genève dans le domaine international et dans le domaine de l'environnement. C'est-à-dire de ne pas seulement gérer des positions et des sous, mais de véritablement tenter - comme ce fût le cas au moment où William Rappard a lancé l'Institut des hautes études internationales ou au moment où le directeur, dont je ne me rappelle maintenant plus le nom, de l'Institut d'étude du développement a lancé son projet - de projeter une vision, de lancer un projet qui soit un peu plus important qu'un simple projet d'obtention de diplômes pour les étudiants.

Je l'ai mentionné aux personnes que nous avons auditionnées en commission. Je me permets de le répéter ici, car la lecture du Mémorial leur donnera peut-être un peu de courage pour essayer de nous proposer quelque chose d'un petit peu plus important et construit sur un terme un peu plus long.

M. Bernard Lescaze (R). Il y a quelques années, le groupe radical avait proposé une université de la paix. Dans son principe, c'était très exactement la réunion de ces instituts. Aujourd'hui, nous voyons une mise en réseau. C'est quelque chose de plus modeste, mais c'est déjà un premier pas et nous nous en félicitons. Il faut maintenant que ce réseau ait une véritable existence. Le parlement ne peut pas le faire vivre. Le parlement propose, mais dans le cas particulier, ce seront bien les instituts universitaires genevois qui disposeront. Nous le souhaitons, nous leur donnons le cadre institutionnel, mais nous pensons que pour l'avenir du monde académique genevois, pas seulement de la Genève internationale, ce projet modeste est un projet important et nous souhaitons avec toute notre force et avec tout notre enthousiasme qu'il réussisse. Si jamais il devait échouer, nous reviendrions avec ce projet d'université de la paix. 

Mme Martine Brunschwig Graf. Je suis très heureuse du renvoi de cette motion. Je ne voudrais pas refaire l'histoire, mais simplement remercier les politiciens qui ont supporté ce projet au niveau législatif, mais aussi et surtout les milieux universitaires qui ont accepté le mandat que nous leur avons donné pour mettre en place les éléments principaux de ce réseau. S'il y a pour le surplus une volonté conjointe des députés, je peux vous garantir que celles et ceux qui sont à la base de cette réflexion et de ces propositions institutionnelles auront la ferme volonté de les mener à bien et de financer, comme l'a dit M. Lombard, des projets et non pas des énièmes institutions-mammouths.

Nous avons eu l'occasion de le présenter il y a très peu de temps à la presse. Je peux vous dire que les organisations internationales attendent ces offres de formation. Je constate qu'il y a là un objectif commun. Ceci étant, si nous pouvions de temps en temps nous rendre grâce les uns aux autres de ce qui se fait, je pense que nous avancerions mieux de concert. 

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1245)

concernant le regroupement d'instituts universitaires genevois

LE GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

prenant acte avec satisfaction de la constitution du Réseau universitaire international de Genève (RUIG)

considérant que la constitution de ce réseau est un premier pas vers une intégration en réseau des offres genevoises de formation, de recherche et de services en matière de développement durable

considérant la nécessité d'une vision à long terme et d'un projet durable, commun aux acteurs du RUIG

le RUIG soit opérationnel dès la rentrée académique, en automne 1999

le RUIG établisse une vision à 10 ans de sa mission

le RUIG puisse s'appuyer sur des plates-formes solides et cohérentes au sein même de l'Université, en particulier les centres compétents en la matière

les offres mises en commun en termes de formation, de recherche et de services soient une part substantielle des activités des parties

soient conclues entre les parties des conventions juridiquement contraignantes relatives aux fonds mis en commun, aux compétences de décision, et à la mobilité, au sein du RUIG et de l'Université, des enseignants et des étudiants

des dispositions efficaces soient prises pour garantir l'accès des acteurs locaux, régionaux et internationaux du développement durable, privés et public, aux prestations du RUIG dans leur ensemble, et qu'ils puissent contribuer à leur définition

une intégration en réseau des partenaires, plus poussée encore, reste un objectif à moyen terme.

M 1297
7. Proposition de motion de Mmes et MM. Martine Ruchat, Jeannine de Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani, Fabienne Bugnon, Georges Krebs, Alberto Velasco, Luc Gilly et Laurence Fehlmann Rielle demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur. ( )M1297

Considérant:

la nomination, par M. Ramseyer, de Monsieur Jean-Michel Claude à la tête de la prison de Champ-Dollon en février 1998.

les déclarations réitérées de ce dernier concernant la restriction du respect des droits des détenus, notamment par rapport au secret médical.

le souci exprimé publiquement par le Comité de la Ligue suisse des droits de l'homme, dès janvier 1998, de voir nommer une personne arrivant du service du Patronage avec une réputation de "dur", en remplacement de M. Denis Choisy qui avait imprimé à Champ-Dollon un mode relationnel respectueux tant des gardiens que des détenus.

l'intervention de la députée Fabienne Bugnon, à la même époque, demandant que l'on nomme ad intérim le sous-directeur en place, M. Guy Savary, afin de garantir la poursuite d'une politique approuvée par tous, plutôt que de mettre en place un fonctionnaire connu pour ses méthodes musclées.

le souci publiquement réitéré de la Ligue suisse des droits de l'homme, en juin 1998, suite à deux drames récents, s'étonnant d'une recrudescence troublante de la violence entre gardiens et détenus.

Le rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de janvier 1999, rédigé par la députée Martine Ruchat, dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur de la prison.

l'article de la Tribune de Genève du 12 juin courant, révélant que M. Claude a remplacé l'approche humaniste pratiquée par son prédécesseur par celle "; du bâton ". Cette politique du bâton se traduit par une obsession sécuritaire, telle que la pose de vitres sur les portes des bureaux des aumôniers alors qu'aucun incident n'a jamais été déploré, sous prétexte "que ce n'est pas parce qu'il ne s'est jamais rien passé qu'il ne faut rien faire", dixit M. Claude.

que cet article révèle, de plus, l'opinion du directeur concernant les détenus qui lui sont confiés : il regrette les truands qui, selon lui, respectent la règle du jeu et dénonce les nouveaux qui n'ont aucune discipline : les squatters, les manifestants anti-OMC et les gens de la guerre, lesquels justifient, parce que plus dangereux à ses yeux, un tour de vis autoritaire.

que ce même article révèle enfin que ce tour de vis se pratique aussi à l'encontre des gardiens (horaires chargés, mauvaise ambiance, exigences pointues sur la tenue et l'uniforme) dont il pense normal, comme dans toute entreprise privée, que le 10 % soient mécontents.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat

mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels ,

pour qu'elle lui rende un rapport dans un délai de 4 mois portant sur :

le nombre de détenus par cellule en dépassement des normes prévues ;

le stress dénoncé par le personnel comme découlant des heures supplémentaires et de la restructuration musclée de l'organisation du travail ;

les relations de type militaire instaurées par le directeur ;

les manquements au respect dû aux détenus (tutoiement, brusqueries ou violences, punitions arbitraires, etc.) ;

et de manière générale les possibles manquements aux droits humains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lors du transfert de la prison de St-Antoine à Champ-Dollon, en 1977, le directeur d'alors, M. Voldey, poursuit une politique fondée sur le respect tant des gardiens que des détenus.

Son successeur, M. Michel Hentsch, se distancie suffisamment de ce principe pour être bientôt mis en cause et devoir quitter ce poste.

M. Denis Choisy reprend alors la seule politique qui fasse ses preuves en milieu carcéral: respecter les gardiens, notamment en investissant dans leur formation, et respecter les détenus, notamment en investissant sur les relations humaines.

De l'avis général, et de celui de M. Claude lui-même, M. Choisy, avec l'appui fidèle de son directeur-adjoint, M. Guy Savary, s'est attaché à rendre l'établissement le plus humain possible, notamment en luttant efficacement contre la violence à l'encontre des prisonniers et a laissé cet établissement difficile dans une bonne situation.

Il est étonnant que peu de mois après son entrée en fonction, le nouveau directeur ait pu déjà prétendre que la population carcérale ait tout à coup changé et soit devenue plus dangereuse et difficile à gérer.

Comment se fait-il que des gardiens se retrouvent aujourd'hui en situation de mécontentement et de stress, ce qui les amène parfois à ne plus respecter les droits des détenus ?

Pourquoi peut-on voir ces jours, phénomène nouveau à Genève, des détenus protester aux fenêtres de Champ-Dollon par des cris et des coups, à l'instar de ce qui se passe dans des prisons de sinistre renommée ?

Le choix de la personnalité d'un directeur de prison mérite d'être traité avec un soin exceptionnellement approfondi. Il faut notamment que cette personne fasse preuve d'un sens aigu des rapports humains et d'une éthique remarquable quant au respect des droits humains. Cela suppose une personnalité psychologiquement équilibrée qui ne fonctionne pas dans le registre de l'insécurité et d'une peur génératrice d'attitudes autoritaires et donc provocatrices.

Ce n'est qu'ensuite que ses capacités de gestionnaire et d'organisateur doivent être prises en compte.

Il y a lieu, en conséquence, de revoir les conditions dans lesquelles M. Claude a été nommé par un seul magistrat et de procéder, si nécessaire, à une redéfinition du cahier des charges ainsi que du profil de candidature requis pour un tel poste.

Afin de garantir une approche objective de la situation actuelle régnant à Champ-Dollon, un rapport urgent de la commission des visiteurs officiels s'impose.

Compte tenu de ce qui précède et de manière urgente, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion et au vu des circonstances à la voter avant la pause estivale.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons voulu inscrire en urgence cette proposition de motion à l'ordre du jour, car beaucoup de choses nous intriguent depuis quelques mois dans le fonctionnement de Champ-Dollon. Il s'agit bien évidemment pour certains d'un trou noir dans lequel il ne faut surtout pas aller. Pour d'autres, c'est un digesteur. Pour d'autres encore, c'est là que l'humanité doit subsister. Nous avons donc pris nos responsabilités et déposé cette motion pour demander au Conseil d'Etat de revoir la nomination du directeur de Champ-Dollon, puisque celui-ci atteindra l'année prochaine sa période de nomination.

Il nous semble en effet qu'un certain nombre de procédés, qui n'existaient pas il y a quelques années, sont revenus en force dans cette prison, des procédés qui sont loin de prendre en considération les droits du détenu. Je rappelle à ce propos que Champ-Dollon est encore et toujours une prison préventive. Les gens qui s'y trouvent sont en préventive.

Nous estimons donc qu'un certain nombre de points doivent être éclaircis. Nous avons certes obtenu des informations au sein de la commission des visiteurs - mes collègues en parleront. Elles nous semblent cependant insuffisantes. On nous renvoie notamment, de manière systématique, au manque chronique de gardiens. Nous pensons qu'une véritable politique doit être mise sur pied en ce qui concerne la prison de Champ-Dollon. Cette politique existait depuis passablement d'années à satisfaction de l'ensemble de la population. Elle est aujourd'hui remise en cause depuis deux ans. Nous avons ainsi, les uns et les autres, à tenter de trouver avant la période estivale des solutions aux problèmes qui se posent dans cet établissement, à tenter aussi de prendre nos responsabilités, car il ne s'agit pas seulement de voter des milliards, comme nous l'avons fait aujourd'hui. Il s'agit aussi de prendre en compte la détresse de nos concitoyens qui se trouvent dans cette prison. 

M. Pierre-Pascal Visseur (R). Il y a certains députés dans cette assemblée qui aiment bien les têtes de Turc, si j'ose utiliser cette expression. D'autres adorent donner des leçons de démocratie et de liberté d'expression en faisant exactement le contraire.

Que tout ne soit pas parfait à Champ-Dollon en ce moment paraît évident ou en tout cas vraisemblable. La venue d'un directeur, d'un nouveau directeur, est toujours l'objet de controverses et de problèmes de rodage. C'est aussi parfois l'occasion d'apporter des améliorations toujours possibles.

La commission des visiteurs fait son travail. Elle s'occupe précisément des incidents dont il est fait état dans les considérants de cette motion. Le directeur de la prison sera entendu le 1er juillet prochain, vous le savez certainement, Mesdames et Messieurs les motionnaires ! Or, c'est bien là que vous appliquez l'adage : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! ». Car, à aucun moment, vous n'avez pris l'avis de la personne que vous attaquez aujourd'hui, peut-être avec raison, mais peut-être à tort, à savoir le directeur de la prison.

Vous condamnez avant d'avoir jugé ! Et en plus, ce n'est pas votre boulot ! Ce travail est celui du Conseil d'Etat, en collaboration avec les députés de la commission des visiteurs. Alors, de grâce, laissez-les faire leur travail ! Nous vous invitons à rejeter cette condamnation sommaire et par conséquent cette motion ! 

Mme Janine Berberat (L). Vous l'aurez constaté, nous travaillons de plus en plus par médias interposés. Nous assistons depuis quelque temps à un matraquage médiatique de Champ-Dollon. On peut aujourd'hui se demander qui veut la peau de son directeur et dans quel but.

Une voix. Ce n'est pas nous !

Mme Janine Berberat. On peut aussi se demander si ces attaques répétées, qui ont commencé par un rapport plus polémique que constructif, largement distribué à Champ-Dollon, servent vraiment la cause des détenus. Pour eux qui ne connaissent pas tous les méandres de notre politique, tout ce qui est écrit est acquis. Et leur manifestation pour obtenir une antenne parabolique, des heures de gymnastique et des promenades supplémentaires en est la cause. Mais le résultat des courses s'avère bien différent. Le feu à une cellule, un blessé, et les meneurs isolés pour dix jours - motif : incitation à l'émeute. Est-ce donc vraiment notre rôle, à nous députés, d'importer des comportements politiques vers une population qui connaît déjà bien assez de problèmes comme cela ?

La commission des visiteurs est attentive depuis le début aux différents problèmes inhérents à la surpopulation de Champ-Dollon. Il faut savoir que la loi prévoit à l'origine 215 postes, gardiens et surveillantes compris, pour une population de 270 personnes. Ces postes n'ont jamais été complètement pourvus. Nous avons aujourd'hui 177 postes, ce qui représente, compte tenu des rotations et des congés, 70 personnes la journée pour une population oscillant en permanence entre 360 et 380 personnes depuis début 1998. C'est une situation limite, qui présuppose que tout fonctionne bien, sans trop de heurts, et qui laisse aussi entendre, c'est vrai, que les gardiens ont peu de temps à consacrer aux relations individuelles avec les détenus.

Il faut également savoir que la population carcérale d'aujourd'hui, mais pas seulement celle de Champ-Dollon, est originaire pour 25% des Balkans. La guerre qui sévit dans cette région anime des conflits violents entre détenus...

Une voix. C'est nul !

Mme Janine Berberat. ... qu'il faut veiller à séparer. On peut imaginer que cette situation nouvelle engendre des tensions.

Il faut aussi ajouter la problématique des mineurs à Champ-Dollon. Cette situation à caractère exceptionnel, mais qui perdure depuis quelque temps, demande une attention toute particulière à des gardiens qui ne sont pas formés pour cela. Là aussi, la commission demeure attentive. Elle a programmé des visites, tant à Champ-Dollon qu'à la Clairière. On peut relever ici l'effort de la direction pour mettre très rapidement sur pied un atelier pour ces jeunes et créer un espace pour qu'ils puissent prendre un repas en commun au moins une fois par jour.

Mais vous pouvez imaginer, Mesdames et Messieurs les députés, que l'organisation est ardue pour les promenades, l'utilisation des salles de gymnastique et la fréquentation des ateliers. Il faut donc restreindre l'offre afin de respecter une équité pour tous.

Une autre problématique a été soulevée par les motionnaires, problématique également importante pour la commission. C'est la relation entre le service médical, qui dépend du DASS, et le service pénitentiaire, qui dépend du DJPT. Cette relation n'est pas simple. Lors de l'audition du professeur Harding, la commission a soulevé la question d'un dérapage au niveau du secret médical. La réponse a été claire. La responsabilité du secret incombe d'abord au médecin. Il n'est pas interdit de poser des questions, mais c'est au médecin d'y répondre si la question est jugée indiscrète.

Ce ne sont bien sûr, Mesdames et Messieurs les motionnaires, pas les réponses que vous attendez. Mais vous ne pouvez ignorer les problèmes qui existent aujourd'hui et qui ne dépendent pas forcément de la personnalité du directeur.

Mesdames et Messieurs les motionnaires, votre motion comporte une première invite qui pourrait être adressée directement au Conseil d'Etat. Quant à la deuxième invite, elle cible des questions précises que nous poserons le 1er juillet déjà à M. Claude. Il me paraît cependant important que vous puissiez nous dire si vous souhaitez un rapport intermédiaire ou si vous voulez attendre celui que nous déposerons en novembre. 

Mme Jacqueline Cogne (S). Je vous rappellerai tout d'abord certains faits, dont le premier d'entre eux, que j'ai déjà soulevé dans ce parlement, est la non-visite de trois députés à Champ-Dollon après la manif de l'OMC au printemps 1998, non-visite due au refus de M. Claude. Il y a eu ensuite des tentatives de suicide, des suicides réussis, d'autres formes de gestes désespérés, types incendie de cellule, des « accidents », dont un connu du public - je parle de ce jeune Brésilien tétraplégique. On assiste là à une escalade de la violence sous toutes ses formes qui me laisse pantoise. Et voilà que l'on installe maintenant des vitres dans les parloirs des aumôniers et des avocats. S'il n'en tenait qu'à moi, je demanderais à quel moment l'on introduira les chaînes aux pieds et les pyjamas à rayures.

Lorsqu'on entend M. Claude déclarer à la radio, au sujet de cette motion, que l'on n'a jamais tapé les détenus à Champ-Dollon, on voit clairement l'interprétation qu'il fait de cette motion. C'est vrai qu'il manque de personnel. C'est vrai que du personnel qualifié supplémentaire permettrait un meilleur encadrement des détenus. Mais je me demande si ce personnel supplémentaire changerait les méthodes que préconise le directeur de cet établissement pénitentiaire, car il en est le directeur, ne l'oublions pas ! Eh bien, voyez-vous, j'ai quelques doutes !

Je constate que cette motion a suscité quelques remous sur les bancs d'en face. Eh bien, oui, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, cette motion a finalement atteint son but. Elle a en tout cas le mérite de provoquer le débat ! Au moins ce soir !

Notre groupe vous demande d'accepter la motion amendée. Un amendement a en effet circulé, qui a dû vous être distribué avant le repas. Je vais cependant vous en donner lecture. Cet amendement concerne la deuxième invite. Le Grand Conseil « mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon, et portant notamment sur... » tout ce qui est cité dans la motion.

Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette motion ainsi amendée. 

Mme Martine Ruchat (AdG). L'inventaire qui vient d'être fait nous montre bien qu'un certain nombre de choses se sont passées depuis le dépôt du dernier rapport de la commission des visiteurs et de la motion qui justifient complètement celle-ci. Or, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, je ne pense pas que les motionnaires recherchent une tête de Turc. D'autant moins d'ailleurs à ce que j'ai pu entendre des propos de Mme Berberat. Si M. Claude fait largement distribuer le rapport de majorité à l'intérieur de la prison, nous avons en M. Jean-Michel Claude un allié et je crois que c'est à relever !

Ce que je voudrais souligner, c'est effectivement ce qui a déjà été dit voici quelques mois dans le rapport de majorité, à savoir que ce rapport a été rédigé dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur d'une institution par définition violente, puisqu'elle prive les personnes de leur liberté. Nous avons effectivement pu constater cette violence institutionnelle dans les semaines et les mois qui ont suivi, suite aux propos qui ont été tenus dans cette enceinte même. Cette violence institutionnelle, nous l'avons décrite l'année dernière dans le rapport de majorité et d'ailleurs aussi dans le rapport de minorité.

Il y a un manque d'informations pour les détenus, il y a des chantages, il y a des promesses non tenues, il y a des privations en tous genres, il y a des fouilles corporelles. Cette violence de type physique et de type psychologique s'exerce aussi bien lors des arrestations, des garde à vue, lors des transferts du Palais du justice à la prison et vice versa, et évidemment à Champ-Dollon, où, de l'avis même de M. Claude, les conditions de détention en préventive sont plus dures.

Pourquoi ? Parce que les détenus, comme il a été dit tout à l'heure, sont en préventive, c'est-à-dire qu'ils sont en attente de la procédure judiciaire. Ils ne savent pas pendant combien de temps leur séjour à Champ-Dollon va durer. Et de l'avis même de M. Claude, ils ont le sentiment que l'on ne s'occupe pas d'eux et ils ont l'impression d'être tout seul dans le désarroi. M. Claude parle même de profil de destruction. Eh bien, c'est pour empêcher que ce contexte de violence individuelle et institutionnelle ne se développe que nous avons relevé, voici quelques mois déjà, un certain nombre de questions sensibles que les commissaires s'étaient posées - vous avez cette liste à la page 23 du rapport de majorité. Nous avons aussi dressé la liste des points soulevés par la pétition des détenus. On peut constater qu'un certain nombre d'entre eux sont justement des points qui posent problèmes aujourd'hui. Nous avons aussi fait des recommandations qui allaient dans ce sens-là.

J'invite donc à voter cette motion, puisqu'elle se situe totalement dans le prolongement de ce que les travaux de la commission, qui ont duré une année, ont déjà mis en évidence. 

Mme Jeannine de Haller (AdG). Je pense que le rôle de la commission des visiteurs de prisons devrait aussi être un rôle politique, dans le sens où il faudrait que nous ayons une réflexion sur le genre de prison que nous voulons et sur le choix des gens que nous voulons y incarcérer. C'est toute une réflexion que l'on pourrait mener dans le cadre de la commission.

J'aimerais également dire que l'on se retrouve actuellement à Champ-Dollon, prison prévue pour accueillir 270 personnes au maximum, avec une moyenne de 400 prisonniers, détenus quasiment en permanence. Comme l'a dit Mme Berberat tout à l'heure, il y a également entre 20 et 30 jeunes en permanence là-bas, alors qu'il ne devrait y en avoir aucun. La population qui se trouve à Champ-Dollon vient par ailleurs des quatre coins du monde. C'est une population qui a aussi changé au cours de ces dernières années et qui présente souvent des problèmes de type psychiatrique. Les gardiens ne sont pas formés pour encadrer ce genre de personnes.

Je pense que notre commission des visiteurs devrait aussi réfléchir à ce genre de problèmes. 

Mme Janine Berberat (L). Je serai brève. Je découvre le texte de l'amendement et je ne vois pas où se situe la légitimité de cette commission mixte qu'il propose. Il y aurait des députés assistés d'experts désignés à la CMMT, à l'APT, etc. Je ne crois pas que l'on puisse comme cela mettre sur pied, de notre propre chef, une commission mixte. Soit c'est la commission des visiteurs, soit c'est une commission extérieure. Ou alors je vous propose une autre commission, qui serait la commission de contrôle de gestion. Je ne pense pas que l'on puisse simplement créer, comme cela, comme des noix sur un bâton, une commission pour arranger les choses, mais qui n'arrangera finalement rien du tout et qui compliquera au contraire le tout.

Je vous propose de réfléchir à ce que vous voulez et au but que vous poursuivez. Car finalement, quel est le but que vous poursuivez ? Vous dites qu'il y a surpopulation et pas assez de gardiens. Eh bien, cela, Mesdames et Messieurs les députés, ne dépend pas du directeur, mais de nous politiques. Je ne vois pas pourquoi vous devriez mettre toute la pression sur un directeur, alors que lui ne demande qu'une chose, disposer de plus de personnel pour pouvoir être plus proche des détenus. Alors, prenez vos responsabilités, mais ne faites pas des arrangements comme cela, comme des noix sur un bâton, histoire de vous donner bonne conscience, alors que vous n'avancez en rien du tout !  

M. Bernard Lescaze (R). Ayant réussi non sans peine à me procurer l'amendement présenté par Mme Bugnon, M. Pagani et M. Cristin - je comprends que l'on ne distribue généralement que les amendements les plus importants - je m'étonne d'apprendre que cet amendement n'a été distribué qu'au Conseil d'Etat et au bureau, alors que j'ai entendu parlé d'experts dans la bouche de Mme Cogne !

Je rejoins à présent, en lisant l'amendement, les conclusions de Mme Berberat. Je ne vois pas en quoi et comment la commission parlementaire des visiteurs officiels pourrait nommer un groupe de travail composé de représentants de la commission - on se demande comment ils seraient choisis par elle et selon quels critères - ainsi que d'experts du milieu carcéral. Ces experts souhaiteront à l'évidence être indemnisés. Je ne vois pas non plus sur quel budget !

Toute la procédure basée sur la deuxième invite me paraît complètement contraire au règlement. Nous n'avons pour l'instant jamais vu - on peut bien sûr toujours innover, mais encore faudrait-il le faire dans les règles et d'une manière légale - nommer un groupe de travail composé de cette manière.

Je crois qu'il faut distinguer deux aspects. Ou les motionnaires demandent au département de justice et police et des transports de désigner une commission, comme cela se fait en d'autres circonstances. C'est normal. Le département le fera ou non. Ou la commission des visiteurs de prisons se charge elle-même de mener cette enquête, puisque l'on peut penser, pour le reste des invites, que ce sont des sujets intéressants. On verra bien quelles en seront les réponses.

Je souhaite que le Bureau du Grand Conseil nous indique à présent le statut de ce groupe de travail et nous dise qui sera indemnisé et comment. Parce que je n'ai jamais vu une telle procédure depuis cinq ans et demi que je siège au Grand Conseil. Je ne suis pour l'instant pas d'accord de l'avaliser sans autre. 

M. Georges Krebs (Ve). Je veux revenir sur ce que M. Visseur a affirmé. Ce n'est pas notre motion qui condamne le directeur, ce sont les événements qui se déroulent à Champ-Dollon qui nous donnent à penser qu'il se passe quelque chose de grave qui doit être interrompu. On doit donc enquêter là-dessus.

Pour quelle raison demandons-nous une aide extérieure à la commission des visiteurs ? Je fais moi-même partie de cette commission, mais je suis un laïque. C'est un sujet que je ne connais pas et je serais bien en peine de porter un jugement sur le fonctionnement d'une prison. C'est pourquoi nous avons demandé que des experts extérieurs participent à cette commission.

M. Bernard Lescaze. Cette modestie vous honore ! 

M. Roger Beer (R). Je dois dire que je suis un petit peu étonné ce soir en entendant les députés qui s'expriment et en lisant cette motion. Je crois que le Grand Conseil oublie une chose. Et il a une tendance d'autant plus grande à oublier depuis que la majorité a changé.

Je vous avouerais qu'il y a déjà eu, lors de la dernière législature... (L'orateur est interrompu par l'entrée d'un oiseau dans la salle.) Ah ! Je pense que l'on devra reprendre la séance dans un moment. Comme l'on avait fait avec M. Burdet, il faut éteindre les lumières pour que l'oiseau sorte, Monsieur le Président ! Sinon il va se fracasser contre une vitre !

Le président. La séance est suspendue quelques minutes !

Une voix. Ouvrez la chasse !

Le président .Vous pouvez rallumer, s'il vous plaît !

Une voix. Il est loin ?

Une autre voix. Il est emprisonné !

Le président. Monsieur Beer, vous pouvez reprendre. Une hirondelle ne faisant pas le printemps, nous vous écoutons.

M. Roger Beer. Maintenant que nous avons ouvert la cage aux oiseaux, je reprends mon propos. Je pense qu'il ne faut pas oublier que la nomination des employés de l'Etat et des fonctionnaires est une affaire exclusive du Conseil d'Etat. C'est la première chose. Même si cela déplaît, on pourrait attendre du Conseil d'Etat qu'il le rappelle et qu'il l'assume. La deuxième chose par rapport à votre invite, c'est qu'il n'y a pas à reconsidérer lorsqu'il y a une nomination. Le Conseil d'Etat nomme et c'est réglé. Basta ! On peux demander par la suite des enquêtes, etc., si on estime qu'il est mauvais. La procédure dure quatre, cinq ans, on le déplace... Peu importe ! Mais on ne se trouve actuellement pas dans cette procédure. Vous faites donc un procès d'avance.

Ce qui me dérange, c'est que le Grand Conseil essaye de s'arroger ce qui relève du pouvoir du Conseil d'Etat. C'est en effet le Conseil d'Etat qui est responsable de l'administration.

En ce qui me concerne - je ne connais pas très bien Champ-Dollon, je ne vais donc pas vous faire une leçon là-dessus, contrairement à d'autres... (L'orateur est interpellé.) Ecoutez, ça peut arriver, mais en tout cas jusqu'à maintenant, je n'ai jamais connu Champ-Dollon !

Des voix. Moi non plus !

M. Roger Beer. Je pense que l'on peut effectivement demander des enquêtes sur ce qui se passe à Champ-Dollon. Je crois d'ailleurs que cela a déjà été fait. Ce qui est cependant extrêmement désobligeant et désagréable ici, c'est que l'on sent une espèce d'attaque politique, purement politique. Je dois dire là, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, que vous jouez sur la majorité. Il est vrai que nous allons voter. Nous serons contre la motion. Visiblement, après une journée de Grand Conseil, après une journée du budget, je vois bien que vous êtes plus assidus que dans nos rangs. Ce texte sera donc accepté. J'estime simplement que ce texte est inadmissible par rapport au Conseil d'Etat. Je ne suis pas sûr non plus que ce soit la bonne façon d'obtenir une réponse valable au regard des réponses que vous pourriez attendre. 

M. Rémy Pagani (AdG). Un certain nombre de précisions doivent être apportées ici. En ce qui concerne l'invite que nous adressons au Conseil d'Etat, je crois qu'il est tout à fait légitime que le parlement ici représenté demande au Conseil d'Etat de reconsidérer l'ensemble des conditions de nomination de ce haut fonctionnaire. Ça, c'est la première invite. Elle est adressée au Conseil d'Etat. Il n'y a, à notre sens, aucun conflit de compétences à ce niveau. Nous estimons qu'une politique qui ne nous convient pas est en train de se mettre sur pied dans cette prison, dans cette institution. C'est effectivement un choix politique que nous remettons en question. Il ne nous appartient pas de pérenniser le fonctionnaire qui se trouve à la tête de cette institution. C'est au Conseil de l'Etat qu'il revient de le faire. Nous lui renvoyons l'ascenseur, si j'ose dire, en lui demandant de reconsidérer l'ensemble de la problématique de nomination de ce fonctionnaire, parce qu'il nous semble inadéquat. C'est un premier problème.

Le deuxième problème concerne la nomination de cette commission d'experts. Mon collègue, M. Krebs, a très bien expliqué l'ensemble de la problématique. Je n'y reviendrai donc pas. Je tiens simplement à dire que la commission des visiteurs de prisons ne nous semblait effectivement pas complètement en mesure de prendre en charge le mandat qui allait lui être confié. Nous avons donc estimé qu'un groupe d'experts nommé par la commission des visiteurs de prisons pourrait faire l'affaire.

En ce qui concerne le financement - car il se pose techniquement une question de financement - il convient de rappeler que nous avons pour l'instant pensé désigner au sein de cette commission d'experts un représentant de la Commission mixte en matière de toxicomanie, un représentant de l'Association de prévention contre la torture, etc. Nous laissons à ce propos le libre choix aux membres de la commission des visiteurs de prisons pour établir la liste effective des experts qu'ils entendent associer à leurs travaux. Pour l'instant, les deux associations que nous avons mentionnées participeraient bien évidemment à titre bénévole. Nous estimons donc qu'il n'y a pas d'argent à débourser.

Si par contre le Conseil d'Etat, convoqué par la commission des visiteurs de prisons, prétendait que des experts importants pourraient être adjoints à cette commission, il faudrait alors trouver un financement. Nous avons déjà pris des contacts à ce sujet avec un certain nombre de conseillers d'Etat qui entreraient en matière sur cette possibilité-là. Mais cette question reste ouverte.

Le libellé de la proposition d'amendement qui vous est faite concrétise ce que je viens d'exprimer. C'est pourquoi j'invite mes collègues à voter cet amendement, étant précisé que nous avons travaillé toute l'après-midi sur cette problématique, car nous avons bien pensé qu'elle surgirait au cours du débat de ce soir. 

Le président. Il reste encore trois orateurs inscrits. Je vous propose de clore ici la liste des orateurs. Auront encore la parole, M. Krebs, M. Dupraz et M. Ramseyer. La parole n'étant plus demandée, la liste des orateurs est close.

M. Georges Krebs (Ve). Je pense qu'il ne s'agit pas d'un problème politique. Ce n'est pas parce qu'il y a dans cette salle une majorité gauche-Verts que le problème doit être politisé. Il y a des événements qui se passent et qui sont graves. On constate que des problèmes se posent avec le directeur. Nous demandons donc une commission d'enquête.

Je pense qu'il faut dépolitiser le débat, car il s'agit d'un problème social et humain qui doit être résolu avec l'aide du magistrat, de la commission des visiteurs et de mandataires extérieurs. 

M. John Dupraz (R). Je dois dire que je suis assez effaré par les propositions qui sont faites par la nouvelle majorité. Comment est-ce qu'une commission parlementaire pourrait nommer une commission d'experts qui aurait pour mission d'enquêter sur une décision du gouvernement ? Ou bien ce Grand Conseil donne une mission plus cadrée et plus précise à la commission des visiteurs ou bien l'on demande au Conseil d'Etat de nommer une commission et de nous faire rapport sur la problématique de la nomination du directeur de la prison de Champ-Dollon et de ses capacités à gérer cet établissement. Mais ce que vous demandez là, c'est un nègre blanc ! Cela ne tient absolument pas la route et je ne vois pas comment nous pourrions, juridiquement, selon le règlement de notre Grand Conseil, mandater une commission qui aurait le devoir et le pouvoir qu'on lui conférerait de nommer une commission d'enquête. C'est complètement farfelu et aberrant ! Et ce qui m'inquiète le plus, c'est que vous avez été vous enquérir de la situation auprès de conseillers d'Etat et que vous disposeriez du financement, selon certains d'entre eux, pour payer les experts de cette commission, experts qui seraient vos petits copains pour foutre un peu plus la pagaille dans la gestion de Champ-Dollon, comme vous le faites d'habitude, Monsieur Pagani, depuis vingt-cinq ans dans cette République !

J'aimerais savoir quels sont les conseillers d'Etat qui se seraient engagés. Cela m'étonne beaucoup, parce qu'ils n'ont pas la compétence de le faire. Alors, un peu de sérénité ! Cette motion ne tient absolument pas la route et nous vous demandons de la refuser purement et simplement. De toute façon, si vous votez cette motion, le Conseil d'Etat n'y donnera pas suite bien évidemment ! 

M. Gérard Ramseyer. J'ai souhaité apporter un commentaire sur cette motion, un commentaire préalable et partiel, à cause de l'actualité du problème dont nous débattons.

La majorité de gauche ici présente votera sans doute cette motion. Elle mandatera peut-être la commission des visiteurs officiels. C'est le moment de rappeler avec fierté que cette commission est unique en Suisse, qu'elle fait un excellent travail, ainsi qu'en témoignent ses procès-verbaux, ainsi qu'en témoignent un peu moins les rapports de majorité lorsqu'ils sont totalement politisés.

Un mot de la nomination. Mesdames et Messieurs les députés, la nomination d'un directeur est une décision du Conseil d'Etat sur préavis du chef du département. Ce n'est pas l'affaire du Grand Conseil. Je n'ai effectivement pas retenu, Monsieur Pagani, le candidat que souhaitait peut-être le comité de la Ligue suisse des droits de l'homme. Je n'ai pas retenu le candidat que me proposait une députée, aussi talentueuse soit-elle, et je n'ai pas non plus retenu le candidat qu'une journaliste avait peut-être l'intention de me proposer, aussi talentueuse soit-elle, elle aussi !

Je rappelle que la confirmation de ce directeur sera aussi l'affaire du Conseil d'Etat, aussi sur la base de mon préavis.

La situation difficile que nous connaissons repose à mes yeux sur trois causes. La première cause, c'est la surpopulation carcérale, la seconde, c'est l'évolution qualitative de cette population carcérale, le troisième effet, je suis navré de le dire, c'est le fameux rapport Ruchat, qui est d'ores et déjà cité par d'aucuns dans cette prison comme le bréviaire nécessaire à tout sit-in !

Il y avait, Mesdames et Messieurs, à l'arrivée de M. Claude - c'était en février 1998 - 260 détenus pour 270 lits. De mai 98 à ce jour, le nombre de détenus a constamment oscillé entre 360 et 380. Et ce printemps, ces derniers jours, nous avons eu une pointe à 394, avec toujours une capacité de 270 lits.

Nous avons bien sûr déjà vécu des cas de surpopulation, c'était en 1992 et 1993, mais avec une différence essentielle. Cette surpopulation n'a duré que très peu de temps les deux fois. Et surtout, la population carcérale était à cette époque à peu près homogène.

La deuxième cause repose sur l'évolution qualitative de cette population. J'aimerais simplement relever - ne trouvez aucune connotation néfaste dans ce que je dis ! - que plus des 50% de cette population est actuellement musulmane. Ce qui pose un problème de contacts, un problème de moeurs, un problème de relations entre l'autorité et la population. Ce n'est donc pas nul de le relever, Monsieur Hausser. C'est au contraire important. 25% de la population carcérale est originaire des Balkans. Quelle en est la conséquence ? D'abord, les prisonniers originaires des Balkans vivent dans une situation de confrontation issue de la guerre. Nous avons dû fouiller de manière incessante les détenus pour éviter qu'ils transportent avec eux, non pas des couteaux, mais des couteaux en bois que l'on ne peut pas déceler aux portiques, pour éviter de graves incidents. Nous avons dû mettre fin aux matchs de football, aux promenades en commun. Nous avons dû doubler les repas, doubler les ateliers.

Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas possible de réunir sur un étage une population serbe qui rencontrerait par hypothèse une population kosovare. Les journaux de ce matin vous renseignent sur la nature de cette population, en particulier albanaise. Tout ceci crée donc une situation extrêmement difficile.

Quelqu'un a dit qu'il était effaré par la montée de la violence. Je vous précise simplement, mais ce n'est pas pour rire, que la situation en terme de violence a été plus importante en 1992, en 1993, en 1995 et en 1997. Mais à l'époque, il n'y avait pas le désordre que l'on entretient autour de cette prison !

Et puis, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, vous avez rendu toutes et tous un hommage appuyé au directeur Denis Choisy. C'est peut-être le moment de vous rappeler qu'il est candidat aux élections de cet automne ! Envoyez-le à Berne, vous ferez un bon choix !

J'aimerais enfin terminer par le rapport de majorité de Mme Ruchat. Ce rapport a été remis à des détenus. Les revendications ont été immédiates. Car dans l'esprit de ces gens-là, lorsqu'une majorité du Grand Conseil vote et se prononce sur des revendications, ce ne sont alors plus des revendications, mais un dû. Deux des manifestations vécues récemment par Champ-Dollon étaient basées sur des revendications figurant noir sur blanc dans le rapport Ruchat. Il s'agissait d'antennes paraboliques sur le toit pour capter un nombre de chaînes supplémentaires dans les cellules, il s'agissait de promenades plus longues et plus nombreuses, et il s'agissait d'un temps de sport plus long. Or, comme je viens de vous le dire, il n'est pas possible d'y donner suite en raison des caractéristiques qualitatives de la population carcérale. Nous avons en effet été obligés de tout scinder en deux.

Encore quelques remarques. Vous vous êtes référés les uns et les autres à la presse. Il y a cependant des choses qui doivent être sues. On a parlé des vitres des parloirs. C'est une mesure de sécurité parfaitement admise ailleurs. Je l'ai vérifié moi-même en auditionnant un détenu particulièrement dangereux à Orbe. Ce parloir était vitré. Cela ne m'a pas dérangé, bien au contraire, de savoir qu'il y avait derrière la vitre un agent pour assurer ma sécurité.

Comment se fait-il que les avocats n'ont pas admis une mesure que les assistants sociaux et les juges, eux, ont admise ? Cette une question de peau, c'est une question d'épiderme. Avouez franchement que ce n'est pas d'une gravité exceptionnelle !

On a parlé de la privatisation ponctuelle des gardes extérieurs. C'est effectivement pour libérer cinq gardiens spécialisés que nous avons fait appel à une entreprise de sécurité. Bien sûr, ce n'était pas la bonne ! Il aurait fallu en prendre une autre ! Il faut cependant savoir que nous avons un tournus dans nos mandats et que c'était le tour du SIR de recevoir un mandat dans le cadre de la sécurité. Ce mandat est de courte durée, il devrait prendre fin au cours de l'été. S'il devait par hypothèse être prolongé - les chiffres de la prison étant cependant en décrue, on a quand même quelques espoirs - ce serait une autre entreprise qui prendrait cette petite partie du service.

Je l'ai dit, nous espérons un retour à la normale au niveau du taux d'occupation. On devrait descendre en dessous de 320 dans les semaines qui viennent. C'est un espoir. Mais vous avez pu voir hier soir ou ce matin dans la presse que la filière albanaise qui utilisait des gamins pour transporter de la drogue a été démantelée et les auteurs arrêtés. Vous avez pu constater qu'un grand nombre de personnes sont concernées et que ce sont de nouveau des détenus qui seront placés chez nous.

Enfin, pour la bonne bouche, les hurlements aux fenêtres. Il y a toujours eu du bruit à Champ-Dollon. Peuvent en témoigner tous ceux qui cultivent des petits jardins à proximité. Le summum des hurlements, ce sont les jours où passent à la télévision des matchs de football, car on s'interrompt, on s'interroge, on s'interpelle de fenêtre à fenêtre. Du bruit autour d'une prison est donc quasiment normal.

Ma conclusion n'est pas du tout facile. Je constate tout d'abord que l'agitation autour d'une prison est dangereuse. C'est une population fragile, c'est une population fragilisée, c'est une population qui n'a pas de liens suivis avec l'extérieur. C'est donc une population qui ressent de manière extrêmement sensible les aléas de ce qu'elle vit.

Tout à l'heure, c'était ce matin, M. Clerc a fait allusion au problème de l'Hospice général. On peut reprendre le Mémorial. Ce que M. Clerc a dit à propos de la population du Tuteur général, c'est exactement ce qui se passe dans une prison. J'aimerais ensuite dire que si, mais je n'ose pas croire que ce soit le cas, Monsieur Pagani, mais si c'était le propos de quelqu'un dans cette enceinte d'utiliser à des fins personnelles, politiques ou peu importe, l'agitation dans les prisons, il faut savoir que sa responsabilité serait extraordinairement grave. Cela pourrait mal se terminer, très mal se terminer !

J'aimerais vous dire en conclusion, Mesdames et Messieurs, que l'on peut toujours faire mieux, que l'on peut toujours améliorer ce qui existe. Il faut être transparent, il faut être parfaitement honnête. C'est la raison pour laquelle je soutiens mon directeur. Pourquoi ? Parce que je n'ai pas l'habitude de changer de directeur comme une girouette, en fonction des voeux des uns et des autres, qu'ils soient députés, journalistes ou représentants de la Ligue des droits de l'homme !

Si vous voulez enquêter, si vous voulez vous assurer que tout se passe bien, ce que fait sans même qu'on lui ait envoyé une motion la commission des visiteurs, excellemment présidée par Mme Berberat, vous pouvez le faire. Cela m'arrange, car cela me permettra de vous démontrer rapidement ce qu'il en est exactement ! Et si l'on découvre ici et là des attitudes, des manières d'être, des procédés, des procédures, des processus qui sont critiquables, alors on agira. Si c'est dans cet esprit, Mesdames et Messieurs les membres de la majorité parlementaire, que vous entendez travailler, il se trouve que par exception je serai à vos côtés. Si c'est par contre pour utiliser un problème à des fins politiques, je vous dis alors de faire attention, car cela se terminera extrêmement mal. S'il vous plaît, rassurez-moi ! (Applaudissements.)  

Le président. Nous passons au vote sur cette motion. Nous devons cependant d'abord l'amender avant de la voter. Nous sommes donc en présence d'un amendement visant à modifier ainsi la deuxième invite :

«mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels

pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral (CMMT, APT, etc.) chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon et portant notamment sur

- le non-respect... »

Mis aux voix cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est renvoyée au Conseil d'Etat et à la commission des visiteurs officiels.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1297)demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur

Considérant:

la nomination, par M. Ramseyer, de Monsieur Jean-Michel Claude à la tête de la prison de Champ-Dollon en février 1998.

les déclarations réitérées de ce dernier concernant la restriction du respect des droits des détenus, notamment par rapport au secret médical.

le souci exprimé publiquement par le Comité de la Ligue suisse des droits de l'homme, dès janvier 1998, de voir nommer une personne arrivant du service du Patronage avec une réputation de "dur", en remplacement de M. Denis Choisy qui avait imprimé à Champ-Dollon un mode relationnel respectueux tant des gardiens que des détenus.

l'intervention de la députée Fabienne Bugnon, à la même époque, demandant que l'on nomme ad intérim le sous-directeur en place, M. Guy Savary, afin de garantir la poursuite d'une politique approuvée par tous, plutôt que de mettre en place un fonctionnaire connu pour ses méthodes musclées.

le souci publiquement réitéré de la Ligue suisse des droits de l'homme, en juin 1998, suite à deux drames récents, s'étonnant d'une recrudescence troublante de la violence entre gardiens et détenus.

Le rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de janvier 1999, rédigé par la députée Martine Ruchat, dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur de la prison.

l'article de la Tribune de Genève du 12 juin courant, révélant que M. Claude a remplacé l'approche humaniste pratiquée par son prédécesseur par celle "; du bâton ". Cette politique du bâton se traduit par une obsession sécuritaire, telle que la pose de vitres sur les portes des bureaux des aumôniers alors qu'aucun incident n'a jamais été déploré, sous prétexte "que ce n'est pas parce qu'il ne s'est jamais rien passé qu'il ne faut rien faire", dixit M. Claude.

que cet article révèle, de plus, l'opinion du directeur concernant les détenus qui lui sont confiés : il regrette les truands qui, selon lui, respectent la règle du jeu et dénonce les nouveaux qui n'ont aucune discipline : les squatters, les manifestants anti-OMC et les gens de la guerre, lesquels justifient, parce que plus dangereux à ses yeux, un tour de vis autoritaire.

que ce même article révèle enfin que ce tour de vis se pratique aussi à l'encontre des gardiens (horaires chargés, mauvaise ambiance, exigences pointues sur la tenue et l'uniforme) dont il pense normal, comme dans toute entreprise privée, que le 10 % soient mécontents.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat

mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels

pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral (CMMT, APT, etc.) chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon et portant notamment sur

le nombre de détenus par cellule en dépassement des normes prévues ;

le stress dénoncé par le personnel comme découlant des heures supplémentaires et de la restructuration musclée de l'organisation du travail ;

les relations de type militaire instaurées par le directeur ;

les manquements au respect dû aux détenus (tutoiement, brusqueries ou violences, punitions arbitraires, etc.) ;

et de manière générale les possibles manquements aux droits humains.

 

Le président. Nous allons maintenant aborder le dernier des objets urgents que vous avez décidé de traiter au cours de cette session, je veux parler de la résolution 405.

R 405
8. Proposition de résolution de Mmes et MM. Véronique Pürro, Laurence Fehlmann Rielle, Dominique Hausser, Albert Rodrik, Christine Sayegh, Alberto Velasco, Anne Briol, Fabienne Bugnon, Anita Cuénod, Magdalena Filipowski, Erica Deuber-Pauli, Salika Wenger, Marie-Françoise de Tassigny, Nelly Guichard, Catherine Passaplan et Juliette Buffat : initiative cantonale en faveur de la garantie du salaire en cas de congé maternité. ( )R405

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 13 juin 1999, bien que 74,3 % des citoyens-ennes de notre canton se soient prononcés en faveur du projet de l'Assurance maternité, une majorité du peuple suisse le rejetait. Ce rejet place les femmes de notre pays dans une situation sociale et économique inacceptable, alors que personne, ni même parmi les opposants-es au projet, ne conteste l'importance de favoriser les naissances et soutenir les familles.

Le mandat constitutionnel de 1945 n'est toujours pas rempli, dans la mesure où l'obligation faite aux employeurs de continuer de payer le salaire est actuellement réglementée de manière très insatisfaisante. La situation des femmes face à la maternité par conséquent très inégale, le payement du congé de maternité étant notamment fonction du nombre d'années de services et du secteur d'activité. En effet, d'après le Code des obligations, le versement du salaire est fixé à trois semaines durant la première année d'engagement et ne progresse que très lentement avec le nombre d'années de service. Les Conventions collectives de travail, quant à elles, ne couvrent que 40% des travailleuses.

Afin que la Suisse puisse être au même niveau que les pays membres de l'Union européenne et que, dans un souci d'égalité, toutes les femmes habitant notre pays puissent bénéficier des mêmes prestations, il convient d'offrir une protection sous forme de congé payé durant les 14 semaines qui suivent la naissance d'un enfant aux mères exerçant une activité professionnelle.

Durant la campagne précédant la votation populaire, les opposants-es au projet ont motivé leur point de vue principalement par le fait qu'il n'était pas opportun de créer une nouvelle assurance sociale.

L'initiative cantonale qui vous est proposée tient compte de cette préoccupation et invite les autorités fédérales à modifier le Titre dixième du Code des obligations de manière à ce que les employeurs versent à leurs travailleuses le salaire pour un congé de maternité de 14 semaines.

En espérant que vous réserverez un bon accueil à cette initiative cantonale, nous vous invitons Mesdames et Messieurs les députés-ées, à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Véronique Pürro (S). Vu l'heure tardive et notre état de fatigue, je vais être très brève.

Je vous invite à reconduire la belle unanimité qui a été la nôtre lors de la campagne pour l'assurance-maternité, en acceptant cette proposition d'initiative cantonale.

Pour le reste, je considère que notre intention est clairement définie, tant au niveau des considérants, des invites, que de celui de l'exposé des motifs.

Mme Barbara Polla (L). Comme vous le savez, le parti libéral a soutenu l'assurance-maternité que ce soit au niveau genevois ou au niveau suisse. A ce propos, j'aimerais revenir sur la première invective de la longue liste des invectives dont M. Brunier nous a abreuvés aujourd'hui...

Une voix. Il n'est pas là !

Mme Barbara Polla. Ce n'est pas grave... Il était probablement fatigué après ses performances ! Sa première invective de ce matin a été pour persifler la volonté forte de solidarité sociale du parti libéral... (Exclamations.) ...telle qu'elle apparaissait par écrit dans le rapport de minorité de M. Nicolas Brunschwig.

Si le soutien du parti libéral à l'assurance-maternité est l'un des témoins de cette volonté de solidarité sociale forte, il n'en reste pas moins que nous sommes profondément convaincus que la prospérité est une condition indispensable pour assurer ce type de solidarité sociale. La mise en route d'une méthode consistant à introduire, cette fois-ci, l'assurance-maternité par l'intermédiaire du code des obligations, Mesdames et Messieurs les députés, a déjà été discutée et proposée par les libéraux suisses réunis le 19 juin... Nous soutenons, bien entendu, cette proposition que nous avons faite avant vous !

Mais, en l'occurrence, j'insiste sur la nécessité - je reprends les paroles dites ce matin par Mme Calmy-Rey - d'un pacte. En fait, les résultats de la précédente votation sur l'assurance-maternité démontrent clairement que, contrairement à ce qui se passe dans ce parlement, un pacte est nécessaire. Et les majorités ne sont pas telles qu'elles permettent, par exemple, de voter un budget contre les minorités ou sans un pacte réel. Le refus de la précédente proposition d'assurance-maternité a atteint 61% pour la Suisse - même si à Genève elle a été acceptée à 70% - ce qui démontre bien, d'une part, qu'un certain nombre de femmes étaient opposées à la formule précédente et, d'autre part, que les positions entre la Suisse allemande et la Suisse romande - inutile d'insister - sont clairement différentes.

Cette fois-ci, si nous voulons aboutir au succès en l'inscrivant dans le code des obligations - et j'espère que c'est bien la volonté de tous - je pense qu'un pacte sera absolument nécessaire, que ce soit entre la Suisse allemande et la Suisse romande ou entre politique et économie. Sinon, nous nous retrouverons dans la même situation. Mais pour que ce pacte soit solide, il faudra nous interroger très sérieusement sur les motivations du rejet, notamment par la Suisse alémanique et par les femmes.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée aux Autorités fédérales et au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(405)

Initiative cantonale en faveur de la garantie du salaire en cas de congé de maternité

Le GRAND CONSEIL de la république et canton de Genèveconsidérant:

l'art. 93 de la Constitution fédérale et l'art. 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève ;

qu'il est indispensable que les femmes exerçant une activité professionnelle puissent bénéficier d'un véritable congé de maternité sans perte de salaire ;

que le 13 juin 1999 la population genevoise a massivement reconnu cette nécessité en acceptant le projet d'assurance maternité avec 74,3% de oui ;

que les femmes habitant le canton de Genève sont particulièrement concernées, près de 70% d'entre elles exerçant une activité professionnelle ;

que la norme minimale des pays membres de l'Union européenne, fixée sous forme de directive, prévoit 14 semaines de congé de maternité ;

que les plus importantes Conventions Collectives de Travail, notamment celles couvrant les secteurs de la chimie, de la métallurgie et de l'horlogerie, fixent à au moins 14 semaines payées le congé de maternité ;

que les employées travaillant dans les secteurs des Banques et des Assurances bénéficient de congés de maternité payés d'une durée égale, voire supérieure, à 14 semaines ;

que les employées de la fonction publique genevoises possèdent un congé de maternité payé de 16 semaines ;

que durant la campagne sur l'assurance maternité les opposants-es au projet n'ont pas contesté la durée de 14 semaines du congé.

invite les autorités fédérales

à modifier le Titre dixième du Code des obligations comme il suit :

Art. 324A, al. 3

3 En cas d'accouchement l'employeur verse à la travailleuse le salaire pour un congé de maternité de 14 semaines.

Art 329B, al. 3

3 L'employeur ne peut pas non plus diminuer les vacances d'une travailleuse en raison d'un congé maternité.

invite le Conseil d'Etat

à soutenir cette initiative cantonale. 

Le président. Nous sommes arrivés au terme des objets que nous avions décidé de traiter. Je vous donne rendez-vous au 4 septembre pour la sortie du Grand Conseil, au 23 septembre pour la prochaine séance. Je vous souhaite à tous un bon été et de bonnes vacances à ceux qui en prendront.

La séance est levée à 22 h 20.