République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 juin 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 8e session - 31e séance
M 1287
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
que l'Etat de Genève détient 29,46 % du capital sous forme d'actions nominatives ;
que la Ville de Genève détient 20,65 % du capital sous forme d'actions nominatives ;
que les 44 communes genevoises détiennent 8,8 % du capital sous forme d'actions nominatives ;
que l'ensemble des collectivités publiques détient ainsi 58,91 % du capital, soit la majorité ;
que les actions au porteur représentent 41,09 % du capital ;
qu'il est proposé, pour l'année 1999, de rémunérer les actions nominatives et au porteur avec un dividende ordinaire de 4 % ;
qu'il est proposé un dividende supplémentaire de 8 % sur les actions au porteur ! ;
que les observations totalement déplacées et malveillantes figurant dans le rapport annuel à l'égard de « certains milieux politiques » et des décisions de ce Grand Conseil ;
l'acte de politisation auquel s'est livrée la BCG lors de la publication du rapport annuel 1998 ;
la résolution 366 « sur les dividendes versés aux actionnaires dela Banque cantonale » de Mme et MM C. Grobet, C. Ferrazino, P.-A. Champod et C. Sayegh, adoptée par ce Grand Conseil lors de la séance du 15 mai 1998 ; (texte annexé)
à intervenir auprès de l'Assemblée des actionnaires afin que les dividendes soient équitablement répartis, soit sur la base d'un taux identique pour l'ensemble des actions ;
à communiquer les résultats de la démarche entreprise par le Conseil d'Etat à la suite de l'adoption par le Grand Conseil de la résolution 366, lors des séances 1998 et 1999 des Assemblées générales ordinaires de la BCG.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 15 mai 1998, notre Grand Conseil adoptait la résolution 366 (annexée), traitant des dividendes versés aux actionnaires de la Banque cantonale.
Lors de son intervention, Mme la conseillère d'Etat Micheline Calmy-Rey, déclarait : « Il est logique de ne pas décourager les actionnaires au porteur d'investir dans le capital de la BCG. Cela étant, la disparité entre les dividendes versés aux collectivités publiques et ceux versés aux actionnaires au porteur n'est pas normale. A notre avis, la Banque cantonale pourrait faire un effort pour augmenter la part de dividende versée aux collectivités publiques.
Le Conseil d'Etat aurait souhaité que la résolution puisse être interprétée sous cette forme, à savoir une augmentation plus importante du dividende versé aux collectivités publiques. Ceci étant, j'apporterai à l'assemblée générale la résolution que vous voudrez bien voter ce soir. »
L'invite de la résolution demandant qu'un dividende identique soit versé à tous les actionnaires ayant été adoptée, les assemblées générales devant approuver les comptes 1997 et 1998 ayant eu lieu, nous estimons qu'une information sur les actions entreprises depuis par le Conseil d'Etat s'avère incontournable pour le Grand Conseil.
Il en va de même pour l'invite figurant sur la résolution 366 demandant au Conseil d'Etat de faire un rapport sur les actions que la direction de la BCG aurait remises gratuitement à son personnel.
Sur les raisons qui motivent cette motion, nous tenons à faire remarquer qu'il nous semble choquant que les actions au porteur, détenues par des personnes privées, bénéficient d'un traitement différencié par rapport aux actions détenues par les collectivités publiques et ceci au détriment de l'égalité de traitement ; alors que ces dernières encourent un risque majeur du fait de la garantie accordée aux dépôts d'épargne !
D'autre part, il est tout aussi choquant de découvrir dans le rapport annuel 1998 de la BCG les remarques désobligeantes suivantes (malgré que plusieurs interventions au Grand Conseil se soient élevées à de nombreuses reprises contre les prises de positions politiques de cet établissement).
Message du président. Page 1 4 § « On doit malheureusement déplorer que les détracteurs de la Banque n'aient pas su se contenter de prendre acte du verdict populaire et qu'ils se soient résolus à poursuivre leur politique de harcèlement, car c'est bien évidemment l'image de la BCG qui en souffre avec toutes les conséquences ...»
Intitulé « Marche des affaires », page 20 -s/t Climat social - § 2 :
« Au printemps, le climat de travail s'est ressenti des attaques portées contre notre établissement par certains milieux politiques. A tous les échelons de la hiérarchie, les collaborateurs se sont inquiétés de constater que la Banque pouvait devenir l'enjeu de visées électorales. Ces événements ont toutefois offert l'occasion à nos collaborateurs de faire la démonstration de leur esprit de corps, puisque 80 % d'entre eux ont signé une lettre ouverte aux autorités dans laquelle ils exprimaient leur inquiétude et leur volonté de continuer à pouvoir travailler sereinement. Tous se sont sentis soulagés au soir du 27 septembre 1998 lorsqu'ils ont appris que les citoyens de Genève ne voulaient pas d'une banque cantonale privée. »
Mise à part que l'image de la BCG est plutôt sujette à ses résultats financiers, et à sa gestion compétente, ce genre de propos, totalement déplacés, n'ont pas de place dans un tel rapport et contribuent à ternir l'image de notre BCG qui soit dit en passant, est un établissement de droit public créé par ce Grand Conseil.
D'autre part, il est pour le moins incongru de reprocher à ce Grand Conseil, à travers ses élus, de s'informer et de débattre sur des propos et éléments qui ont pour la plupart été colportés par les médias, la rumeur publique ou l'indignation de certains citoyens.
Par conséquent il serait souhaitable que le Conseil d'Etat intervienne auprès de cet établissement, afin que cessent dans les rapports annuels et autres documents publics, les observations malveillantes dont le seul but est de mettre en question la légitimité de ce Grand Conseil.
C'est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
ANNEXE
Résolution
(366)
sur les dividendes versés aux actionnaires de la Banque cantonale
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
considérant :
- la proposition de répartition du bénéfice de l'exercice 1997 figurant dans le compte de profits et pertes de la Banque cantonale de Genève (p. 38 de son rapport annuel) prévoyant de verser un dividende de 4 % aux actions nominatives, c'est-à-dire les actions propriété de l'Etat et des communes genevoises qui ont créé la BCG, et un dividende de 12 % aux actions au porteur, c'est-à-dire aux actionnaires privés de la Banque ;
- que l'Etat garantit les dépôts d'épargne auprès de la BCG pour un montant équivalant à plus de 4 milliards de francs ;
- qu'il est profondément choquant que les actionnaires privés, qui ne supportent pas le risque précité, bénéficient d'un dividende plus élevé que les collectivités publiques, surtout à un taux 4 fois supérieur au taux de l'épargne.
Pour ces motifs :
invite le Conseil d'Etat
- à contacter la Ville de Genève et les autres communes genevoises pour que, lors de l'assemblée générale de la BCG appelée à approuver les comptes 1997 de la BCG, les représentants des collectivités publiques, qui sont majoritaires, interviennent pour qu'un dividende identique soit versé à tous les actionnaires ;
- à faire rapport au Grand Conseil sur les actions que la direction de la BCG aurait remises gratuitement à son personnel d'encadrement ;
- à intervenir pour faire reporter la modification de l'article 4 des statuts de la BCG (augmentation du capital-actions), afin que les collectivités publiques genevoises détentrices des actions nominatives puissent se concerter à ce sujet.
Débat
M. Alberto Velasco (S). La motion que nous proposons a trait à la résolution 366 du 15 mai 1998 qui demandait, entre autres, un dividende unique pour l'ensemble des actions émises par la Banque cantonale genevoise... (Brouhaha.)
Une voix. On n'entend rien, Monsieur le président !
Une autre voix. Ce n'est pas grave !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est effectivement impossible de travailler dans ces conditions... Un peu de silence, s'il vous plaît ! Si je vous demande d'être à votre place au moment de l'appel nominal, ce n'est pas pour changer de place juste après ! Monsieur Vaudroz, j'en profite pour vous rappeler que vous devez être à votre place lors d'un appel nominal. Il n'est pas possible de faire un appel nominal correct si vous vous promenez dans la salle et si vous bavardez. Au moins pendant les quelques minutes que dure l'appel nominal, essayez de faire un peu de silence et d'avoir un peu de tenue, si vous n'y arrivez pas le reste du temps !
Monsieur Velasco, vous avez la parole !
Une voix. Dictateur ! (Le président agite la cloche.)
M. Alberto Velasco. Dans votre intervention, Madame Calmy-Rey, vous aviez évoqué l'anormalité concernant la disparité des dividendes versés aux collectivités publiques et déclaré qu'un effort devrait être fait pour augmenter la part de dividende versée à ces mêmes collectivités.
Vous avez apporté à l'assemblée générale de la Banque cantonale genevoise notre résolution, dont nous connaissons le traitement non pas par une information donnée par le Conseil d'Etat mais indirectement : par le rapport annuel de la Banque cantonale genevoise, selon lequel la répartition des actions, actions nominatives et actions au porteur, restait inchangée. Comme cela a déjà été fait précédemment, les députés d'en face nous opposeront deux raisons : d'une part, que la valeur payée pour ces actions le justifie et, d'autre part, que ces actions au porteur sont plutôt détenues par des institutions telles que des caisses de pension.
S'agissant de la valeur de ces actions, il me semble important de différencier la valeur nominale de l'action qui sert de base à la redistribution du capital investi... (M. Nissim bavarde.) Non mais, Chaïm, écoute !
M. Chaïm Nissim. Mais je t'écoute !
M. Alberto Velasco. Non mais, quand même !
Le président. Monsieur Nissim, vous êtes prié de faire silence ! Monsieur Velasco, vous pouvez continuer !
M. Alberto Velasco. Je reprends : s'agissant de la valeur de ces actions, il me semble important de différencier la valeur nominale de l'action qui sert de base à la redistribution du capital investi et sa valeur cotée en bourse qui, elle, fluctue au gré de la valorisation du négoce et au gré des mouvements spéculatifs. Il est évident que nous demandons d'agir de manière équitable sur la première.
Le fait que ces actions seraient détenues par des fonds de pension justifie encore moins cette disparité dans la mesure où ces institutions émanent le plus souvent de travailleurs dont les revenus dépendent grandement de la santé financière des collectivités publiques. Il est quand même choquant que ce soient des institutionnels qui, forçant la Banque cantonale genevoise à distribuer des dividendes de l'ordre de 12%, l'obligent à se restructurer en mettant à mal les travailleurs pour qui elles sont censées assurer une retraite décente.
Tout cela nous conduit à nous demander si une banque publique doit privilégier l'utilité publique ou le rendement. Plus concrètement, les intérêts des privés, dont le principal objectif est la rentabilité, sont-ils compatibles avec le rôle, les prestations qu'est censée fournir une banque cantonale, en particulier le soutien à l'économie locale ?
En conclusion, il est de mauvais goût de mettre en question la légitimité de ce Grand Conseil dans un rapport annuel par des observations malveillantes, alors que cet établissement public a tout de même été créé par ce Grand Conseil !
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente... Monsieur le président, pardon ! (Rires et exclamations.)
Une voix. Il a mis sa jupe !
M. Christian Grobet. Monsieur le président - que j'ai confondu avec la présidente du Conseil d'Etat... (Les rires redoublent.)
Il y a une année, nous avions déposé une motion identique à celle-ci, et je m'adresse donc précisément au Conseil d'Etat... En effet, nous attendons toujours le rapport que le Conseil d'Etat devait nous rendre, suite à cette motion, dans les six mois... Entre-temps, un nouvel exercice s'est achevé et on constate que ce que nous avions dénoncé il y a un an s'est reproduit à nouveau cette année, à la Banque cantonale genevoise. Il est en effet inadmissible qu'il y ait deux catégories d'actionnaires, dans le cadre de l'actionnariat de la banque : les actionnaires publics qui touchent un petit dividende et les actionnaires privés qui touchent un gros dividende !
Le motif invoqué par la banque pour justifier cette inégalité de traitement au détriment des collectivités publiques est que les actions vendues aux privés l'ont été avec un agio et que les acquéreurs de ces actions les ont payées un prix bien plus élevé que leur valeur nominale. Mais enfin, Mesdames et Messieurs les députés, chacun sait que lorsqu'on achète une action d'une société anonyme, plus particulièrement cotée à la bourse, puisque ce sont en principe les actions sur lesquelles on procède à des placements financiers, on touche un dividende en fonction de la valeur nominale de l'action et pas en fonction du prix auquel on a acheté cette action !
Si des actionnaires privés ont acheté les actions de la Banque cantonale genevoise à une valeur, semble-t-il, jusqu'à deux ou trois fois plus élevée que leur valeur nominale, c'est parce qu'ils ont dû considérer que ces actions étaient particulièrement sûres, par rapport aux actions aléatoires que l'on trouve sur le marché pour un certain nombre de sociétés privées. Il est évident qu'il est beaucoup plus intéressant d'acheter des actions de la Banque cantonale genevoise, dont on sait qu'une partie non négligeable des risques est garantie par l'Etat, que de prendre des actions dans une société à risques, comme la SWA où les actionnaires ont tout perdu...
Dans le temps, estimant que Nestlé, Swissair étaient des actions sûres, on les payait un prix nettement plus élevé que leur valeur nominale et on se contentait d'un rendement relativement modeste, précisément pour des raisons de sécurité et dans l'espoir que l'action prenne de la valeur, pour augmenter son capital. C'était une façon de miser sur un gain en capital.
En l'occurrence, une fois de plus, on peut constater que lorsqu'une entreprise publique est gérée par certains privés, dans une certaine optique, eh bien ceux-ci tirent le profit qui résulte de l'entité publique au niveau de la solidité de l'entreprise et prétendent, de surcroît, tirer un profit plus grand que la normale en ce qui concerne les dividendes. Cela est profondément choquant, ce d'autant plus que l'Etat garantit précisément les risques de la banque en garantissant les dépôts d'épargne... (L'orateur est interpellé.) Je l'ai peut-être déjà dit, mais j'insiste : si demain il y a de la casse, c'est l'Etat qui payera ! Pourtant, si quelqu'un devait obtenir un rendement privilégié pour ses actions de la BCG, c'est bien l'Etat qui garantit les risques et non l'actionnaire privé !
Je sais bien que vous nous direz, Monsieur Lescaze, que la Caisse d'épargne était une sorte de société qui n'appartenait à personne, mais elle était tout de même une émanation publique appartenant donc à la collectivité au même titre que la Banque hypothécaire appartenait aux communes. Or, le fait que ces deux établissements bancaires aient fusionné pour créer la Banque cantonale genevoise est un apport, en nature, extrêmement important de la part des collectivités publiques. Si la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire n'avaient pas existé, il n'y aurait pas eu de Banque cantonale genevoise, ni d'actions pour des privés ! On peut donc aussi estimer que ce sont bien ceux qui ont créé, au fil des années, les deux établissements ayant donné naissance à la Banque cantonale genevoise qui doivent être privilégiés.
Pour ces deux raisons, il se justifierait, à vrai dire, que ce soit l'Etat qui ait un dividende plus élevé que les actionnaires privés. Mais nous, nous sommes bons princes : nous admettons une égalité de traitement malgré le fait que les privés n'aient pas été à l'origine de cet établissement, qu'ils n'aient fait aucun apport en nature et qu'ils ne garantissent pas sa solvabilité.
Moi, je demande maintenant au Conseil d'Etat ce qu'il entend faire. Peut-être qu'un jour il faudra proposer une modification de la loi sur la Banque cantonale genevoise prévoyant que le dividende est égal pour tous les actionnaires. Le problème sera ainsi réglé !
M. René Koechlin (L). Les auteurs de cette motion nous rappellent dans leurs considérants que les collectivités publiques détiennent la majorité du capital de la BCG et que, dès lors, il leur appartient de décider... Mais qui sont ces collectivités publiques ? Est-ce ce Grand Conseil, ou bien ses représentants, ou bien les représentants qu'il a désignés et qui sont censés défendre les intérêts de leurs mandants ?
M. Christian Grobet. Censés, oui, censés...
M. René Koechlin. Et si ces représentants décident de répartir les dividendes d'une manière plutôt que d'une autre, de deux choses l'une : ou bien les autorités publiques, dont nous sommes, acceptent le choix de leurs mandataires, soit le choix de celles et ceux qu'elles ont désignés en tant que tels, ou bien elles le contestent. Et si elles le contestent, comme l'indique cette motion, elles ne peuvent qu'exprimer leur désapprobation. Mais au nom de l'indépendance et des mandataires et du conseil dont ils font partie, indépendance qui fait partie intégrante des conditions de leur mission, il est exclu que ce Grand Conseil ou le Conseil d'Etat leur dictent des ordres, comme la motion dont nous débattons les invite à le faire.
Nous pouvons, en revanche, changer de représentants. Si les personnes désignées ne nous donnent pas satisfaction, eh bien, on les change ! Cela fait partie de nos attributions. Mais toute autre intervention constitue une ingérence intolérable de la politique avec tout ce qu'elle a d'aléatoire, une immixtion inadmissible dans la saine gestion d'une entreprise, immixtion qui a pour conséquence l'incertitude, le doute et, en fin de compte, la perte de confiance.
Or, Mesdames et Messieurs les députés, pour toute entreprise et pour une banque en particulier, qu'elle soit cantonale ou privée, il n'y a rien de plus néfaste, rien de plus pernicieux, ni rien de plus dangereux que la perte de confiance. Les auteurs de cette motion, à l'évidence, succombent à la tentation de se mêler de tout. Ils se sentent investis du rôle d'inquisiteur et, s'ils se complaisent dans cette fonction de grand inquisiteur de la République, qu'ils en assument les conséquences ! Car le grand inquisiteur, s'il était autrefois le personnage le plus craint de son époque, était aussi le plus odieux...
Pour tous ces motifs, notre groupe vous invite à refuser purement et simplement cette motion.
Mme Anne Briol (Ve). Avant de parler du contenu de la motion, j'aimerais, en préambule, relever quelques points concernant la BCG.
Il faut tout d'abord noter que ces derniers temps on a beaucoup parlé de la BCG mais rarement en bien. L'attitude arrogante des instances dirigeantes de la banque, qui ont attendu la commission d'enquête pour répondre aux diverses questions posées par les uns et les autres, a été plus que désagréable.
Aujourd'hui, la commission d'enquête existe et devra rendre un rapport. Nous estimons qu'il y a un temps pour tout et qu'à l'heure actuelle, sauf événement fondamentalement nouveau, il faut cesser de casser du sucre sur le dos de la BCG.
Cette banque est tout de même utile à bien du monde, même si nous apprécions moyennement certaines de ses activités. Il est également important de tenir compte du fait que les gros problèmes de la banque datent d'avant la création de la BCG. Au moment de sa création, on a sous-estimé le poids des opérations spéculatives échouées des années 80, ce qui fait qu'aujourd'hui la santé économique de cette banque n'est pas ce qu'elle devrait être.
En conclusion de ce préambule, j'aimerais également relever que la composition du conseil d'administration de la banque s'est modifiée après la nomination effectuée, tant par le Conseil municipal de la Ville que, plus récemment, par le Conseil d'Etat. En effet, au sein du comité de banque, haute instance de la BCG, siègent deux représentants du parti socialiste : M. Daniel Pilly, conseiller municipal de la Ville de Genève, ancien président du conseil municipal - en qui, on l'espère, le parti socialiste a confiance - et M. David Lachat, ancien député - en qui, on l'espère également, le parti socialiste a confiance. Nous sommes donc surpris de voir que le président du parti socialiste n'utilise pas des canaux directs pour expliquer ses éventuelles divergences à ses représentants !
La première invite est aujourd'hui pratiquement impossible à réaliser, car l'action de la banque a beaucoup baissé, et le seul moyen de conserver ses actionnaires, qui subissent actuellement une perte, est de différencier le dividende versé aux actionnaires de celui versé à l'Etat. Si l'action remonte, on pourra alors verser un dividende plus haut. Dans les conditions actuelles, il n'y a pas de raison que l'Etat demande plus de 4%. Un dividende de 4% n'est en effet pas aberrant, sachant que le but est bien de soutenir l'activité économique à Genève. Il serait bien évidemment souhaitable que le dividende soit supérieur, mais les résultats de la banque, en terme de bénéfices, ne le permettent pas. On ne peut donc pas souscrire à cette première invite.
La deuxième invite, quant à elle, vient un peu comme grêle après les vendanges.
Pour conclure, l'extrême sensibilité des auteurs quant aux déclarations dans le rapport annuel 1998 nous fait un peu souci. La banque ayant été durement attaquée, y compris par les Verts, il était attendu qu'elle réagisse... Réagir par le biais de son rapport annuel n'est, du reste, pas le moyen le plus virulent qu'elle aurait pu choisir.
Les Verts estiment que maintenant les attaques doivent cesser, car les conclusions seront données par la commission d'enquête, dont nous avons soutenu la création. Nous nous opposerons donc tant au renvoi en commission qu'au renvoi au Conseil d'Etat. Et, sauf événement important, c'est le sort que nous réserverons à toute prochaine intervention de cette nature. (Applaudissements de l'Entente.)
Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue, M. Unger. (Applaudissements.)
M. Michel Balestra (L). Vous avez fini par me donner la parole, Monsieur le président, et je vous en remercie infiniment...
Le président. Vous la demandez tellement gentiment, Monsieur Balestra !
M. Michel Balestra. Lors d'une discussion avec une de mes collègues, nous arrivions à la conclusion que l'arrivée d'une gauche majoritaire, il y a un an et demi, ne nous avait pas enthousiasmés - vous pouvez l'imaginer - mais nous étions tout de même curieux de voir l'évolution que cette gauche serait capable d'imposer à Genève et aux Genevois... Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, après un an et demi, quelle déception !
Cette gauche qui s'annonçait progressiste est, de fait, conservatrice. Mesdames et Messieurs les députés, vous restez, le cerveau pétrifié, sur des thèmes d'anciens combattants nostalgiques d'un rêve égalitaire ! Mesdames et Messieurs les députés, une banque, c'est mal... Une banque, ce n'est pas bien, même quand c'est la nôtre... Mesdames et Messieurs les députés, la gauche européenne évolue; elle se modernise; elle construit l'avenir; elle vous distance... Vous allez la perdre ! Et, comme le fils spirituel de Georges Marchais, l'indicible Robert Hue, ancien infirmier psychiatrique de son état, vous ne comprendrez bientôt plus rien au film !
Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, laissez l'aéroport se développer, le stade se construire, la Banque cantonale créer la dynamique indispensable à l'économie genevoise ! J'entends avec plaisir que les écologistes ont compris que la Banque cantonale genevoise vaut mieux que ces débats stériles. Mesdames et Messieurs, vous êtes comme des enfants gâtés qui cassent leur jouet ! Si je me suis permis de sortir du sujet, c'est parce que les données techniques concernant l'indispensable banque cantonale qui est l'articulation de la politique économique de notre canton, nous vous les avons déjà données, dix fois, vingt fois, cent fois !
Et je partage votre opinion, Monsieur le député Grobet, sur la sûreté de cette banque. Mais avouez que, si cette banque est sûre et qu'elle est un bon placement pour ses actionnaires, vous n'y êtes pour rien... C'est même un miracle qu'elle le soit encore après toutes vos interventions !
Mesdames et Messieurs les députés, pour ma part, je ne vous reparlerai pas de ce détail dont, je le répète, je vous ai déjà souvent parlé. Je ne vous ferai donc pas l'affront de penser que vous ne l'avez pas compris.
Aujourd'hui, j'avais envie de vous dire autre chose. Exorcisez vos vieux démons ! Votez pour la Banque cantonale ! Votez pour Genève ! Votez pour l'emploi ! Votez contre cette motion revancharde et peu porteuse d'avenir ! Les Verts vous montrent le chemin de la renaissance de la gauche de Genève. Si vous voulez avoir un avenir radieux et le partager avec les Genevois qui vous ont donné le pouvoir, vous seriez bien inspirés de les suivre ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Bernard Lescaze (R). Je vois que les uns sont verts d'espérance, les autres sont verts libéraux et j'imagine que, dans un moment, les signataires de cette motion seront verts de rage...
Le parti radical vous propose aussi de rejeter purement et simplement cette motion et vous demande de penser non seulement aux centaines d'actionnaires privés et aux dizaines d'actionnaires publics mais, également, aux huit cents employés de cette banque que vous ne cessez de déstabiliser par vos questions, vos interrogations et les insinuations que vous développez. Je le dis d'autant plus volontiers, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a quelques années je me posais les mêmes questions que vous quant à la différence des dividendes versés. Mais après avoir examiné les comptes, je peux vous assurer que ce ne sont pas seulement des raisons historiques, mais également des raisons bien actuelles, qui font que la différence de dividendes est parfaitement justifiée.
Cela dit, il faut aussi accepter que la Banque cantonale, en tant qu'établissement public, puisse vivre sa propre vie, indépendante, et le Grand Conseil ne saurait s'immiscer sans arrêt dans des actions qui relèvent réellement du fonctionnement ordinaire d'une banque et non pas d'une action politique du Grand Conseil. La fixation du dividende est en effet réellement du ressort de l'assemblée générale de la banque, sur proposition du conseil d'administration. Je constate d'ailleurs que les pouvoirs publics y sont, dans l'une et dans l'autre, largement représentés.
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, nous rejetterons cette motion.
M. Christian Brunier (S). Du plus profond de mon coeur, je vous remercie, Monsieur Balestra, de vous soucier de la santé de la gauche genevoise...
M. Michel Balestra. De la santé de Genève !
M. Christian Brunier. ...mais, à votre place, je me soucierais plutôt de la santé du parti libéral qui n'est pas en très bon état, depuis un an et demi, contrairement à la gauche genevoise ! (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)
Le parti socialiste n'exerce aucun acharnement par rapport à la Banque cantonale... (Contestation.) D'ailleurs, lorsque l'Alliance de gauche a présenté un projet de loi, il y a quelques mois, qui mettait la Banque cantonale un peu sous tutelle, le parti socialiste l'a combattu et nous avons même recueilli, à notre corps défendant, vos applaudissements... Il n'y a pas d'acharnement de notre part. Mais le fait de soutenir une institution, d'avoir de l'estime pour elle, puisque nous, les socialistes, l'avons créée en grande partie, ne veut pas dire qu'il faut fermer les yeux sur tous ses défauts. Nous ne nous acharnerons pas, mais nous ne perdrons pas notre sens critique pour autant, et nous ne tairons pas les choses qui ne nous plaisent pas.
La Banque cantonale existe, mais nous voulons qu'elle existe pour faire autre chose que ce que font les autres banques.
Nous voulons, entre autres, qu'elle soutienne l'emploi - je crois qu'elle le fait bien, en tout cas mieux que les autres banques. Une grande partie des PME obtient un soutien plus important de la Banque cantonale que des multinationales bancaires.
Mais nous voulons aussi qu'elle respecte certaines règles éthiques. Dans ce domaine, elle a encore des efforts à fournir et doit s'améliorer. Nous garderons notre sens critique à cet égard, quand nous penserons qu'elle le fait mal.
Nous voulons également qu'elle soit proche de l'Etat et de la population genevoise.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion et certainement pas pour lui nuire, la trahir, ou je ne sais quoi !
Une voix. Menteur !
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Le parti démocrate-chrétien vous demande bien entendu également le rejet pur et dur de cette motion.
Finalement, année après année, on revient sur les mêmes sujets. Et pourtant, je pense que l'ensemble des députés de ce parlement connaît parfaitement l'explication de cette différence de dividendes. D'ailleurs, Monsieur Grobet, vous en avez donné une explication très précise. Il est donc d'autant plus regrettable que l'on revienne sur ce type de questions.
Le parti démocrate-chrétien est tout à fait convaincu aujourd'hui qu'il s'agit encore et toujours, contrairement à ce que vous venez de dire, Monsieur Brunier, d'un véritable acharnement à l'égard de la Banque cantonale. Nous commençons à en avoir l'habitude... Nous pouvons d'ailleurs nous demander ce que nous faisons réellement d'autre dans la commission ad hoc. Cet acharnement conduit à examiner tout dans le détail, sur une question que, de toute façon, nous ne pourrons pas trancher - nous le verrons d'ici peu de temps.
Cet acharnement ressemble très étrangement à l'acharnement qui se manifeste sur d'autres sujets, comme l'aéroport qui a été évoqué hier soir, comme la Halle 6 il y a quelque temps, ou le stade de La Praille, etc. Je regrette que, vous les socialistes, vous vous associiez aujourd'hui à cet acharnement, puisque, nous l'avons vu, vous êtes très largement représentés dans le conseil d'administration et dans le comité de gestion de la Banque cantonale. Vous êtes véritablement au centre de ses décisions, aussi nous pouvons à juste titre nous étonner de votre position si dure.
Je voudrais vous rendre tout à fait attentifs, en raison de tout ce qui se trame dans ce canton, au fait que vous rendez la vie difficile non seulement à la Banque cantonale mais aussi aux quelques personnes qui osent encore aujourd'hui entreprendre dans ce canton. C'est un point extrêmement important, parce que si vous poursuivez cet acharnement ces personnes ne sauront bientôt plus simplement où trouver les crédits nécessaires pour pouvoir démarrer. La Banque cantonale, vous le savez, joue un rôle prépondérant pour la vie de nos entreprises, non seulement pour celles qui sont bien installées dans le canton mais aussi pour un certain nombre de start up que Start-PME et la Banque cantonale aident à démarrer - les conditions-cadres nous le montrent. Je le répète, ce point est extrêmement important.
Je trouve donc tout à fait logique que la banque, par le biais de son rapport de gestion, puisse faire part de son inquiétude, inquiétude évoquée par les responsables de la banque dans les discussions. Cet acharnement nuit véritablement à l'évolution normale de notre Banque cantonale et, indirectement, à notre économie. J'insiste donc pour vous dire que cela est extrêmement dangereux pour l'avenir de notre canton.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je vous remercie de ne pas m'avoir totalement oublié, Monsieur le président...
Cela va me permettre de vous répondre, Monsieur Vaudroz, qui faites mine d'ignorer que la Banque cantonale a été créée, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Grobet, par une loi. C'est donc un établissement de droit public et, comme tous les établissements qui ont cette qualification juridique, il dépend, qu'on le veuille ou non, de notre Grand Conseil. Alors, voyez-vous, Monsieur Vaudroz, le fait que l'Alliance de gauche soit effectivement ultra-minoritaire au sein du conseil d'administration de cette banque - ce que vous souhaitiez d'ailleurs - n'est pas ce qui nous amène à ouvrir le débat au sein du Grand Conseil. Même si nous étions plus largement représentés au sein de ce conseil, nous jugerions également qu'il appartient à ce parlement de pouvoir se déterminer sur les grandes options de la politique que cette banque entend mener. Votre discours ne m'étonne pas, venant d'un parti de l'Entente qui a toujours tenu de tels discours vis-à-vis de la Banque cantonale, lorsque nous voulions aborder ces questions au sein de ce parlement.
Madame Briol, lorsque je vous entends dire, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que vous comprenez mal les attaques - ce sont les mots que vous avez prononcés - contre cette banque, j'imagine soit que vous n'avez pas lu cette motion - ce que je peux comprendre, parce que nous sommes tous surchargés - soit que les slogans - j'allais dire les arguments, mais c'est donner trop d'honneur aux propos qu'on vient d'entendre ! - les slogans de M. Vaudroz et de M. Balestra vous ont complètement obnubilée. Madame Briol, reprenez ce texte et vous verrez qu'il n'y a aucune attaque, à aucun moment, contre la Banque cantonale ! Que disent les motionnaires dans cette motion ? Qu'ils souhaitent une juste répartition du bénéfice... Demander à la Banque cantonale une juste répartition du bénéfice, est-ce pour vous une attaque inadmissible contre la Banque cantonale ? Madame Briol, vous nous avez dit - j'ai noté vos propos - que «les résultats de la banque ne le permettraient pas». En d'autres termes, parce que la banque a investi dans des opérations spéculatives - je ne cite aucun nom, vous les connaissez tous - parce qu'elle a mal dirigé son bateau et mené la politique scandaleuse qu'on lui connaît - et que nous avons régulièrement critiquée - les collectivités publiques, Etat, Ville de Genève, communes, devraient dire, comme vous, qu'il n'est pas possible de demander une répartition équitable du bénéfice, simplement parce que la banque «n'est pas en mesure de le faire»... Tout cela parce qu'elle a mal géré ses affaires !
Madame Briol, non seulement je ne partage pas votre point de vue, mais de surcroît ce n'est pas du tout ce que nous demandons. Je propose donc un amendement pour vous permettre de voter cette motion avec moi, consistant à ajouter à la fin de la première invite : «... en fonction du bénéfice à répartir». C'est dire que cela ne touche pas le montant du bénéfice que la banque doit répartir... Les motionnaires ne veulent pas à tout prix augmenter le dividende des collectivités publiques. Ils souhaitent simplement diminuer le dividende des actionnaires privés, qui touchent - cela a été rappelé tout à l'heure - 12% ! Madame Briol, citez-moi des actionnaires qui touchent 12% ! Vous pouvez vous gratter la tête, il n'y en a pas beaucoup ! Eh bien, je prétends qu'un dividende de 12%... (L'orateur est interpellé par M. Halpérin.) Monsieur Halpérin, vous, vous en connaissez certainement ! A chacun ses spécialités... (Rires.) Il est d'autant plus scandaleux que la Banque cantonale verse 12% à des actionnaires privés que les épargnants, eux, ne touchent même pas 2%, Monsieur Halpérin ! C'est dire que le taux qui est versé pour les actions des collectivités publiques, soit 4%, est le double du taux d'épargne.
Alors, comprenez bien, Madame Briol, que la proposition des motionnaires ne vise pas du tout à augmenter le montant du bénéfice - c'est-à-dire le total des dividendes qui seraient versés - mais à ce que le montant qui a été déterminé par la banque - nous n'avons pas à faire les comptes de celle-ci - soit réparti équitablement entre les collectivités publiques et les actionnaires privés. Nous ne disons rien d'autre, c'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement, afin de préciser cette notion et de vous permettre de la soutenir avec nous, et je vous remercie de bien vouloir le voter.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Koechlin et Monsieur Balestra, vous nous reprochez en réalité de nous battre en tant qu'actionnaires. Pourtant, il est juste et légitime que les actionnaires se battent pour obtenir une meilleure rétribution - c'est justement ce que recommandent les libéraux...
M. John Dupraz. Tu es un capitaliste ? (Le président agite la cloche.)
M. Alberto Velasco. Mais, Monsieur Dupraz, je reprends M. Balestra, qui nous reproche d'être une gauche ringarde... Justement, Monsieur, nous nous battons pour obtenir une meilleure rétribution pour l'Etat. Vous, radicaux, devriez donc être d'accord avec nous !
Monsieur Balestra, vous avez parlé d'un jouet... Ce n'est pas nous qui l'avons cassé, il avait déjà été cassé par d'autres, auparavant !
Alors, moi je dirai une seule chose aux Verts : la Banque cantonale n'est pas une succursale du parti socialiste, ni l'inverse ! A chacun de mener sa politique ! Et, par ailleurs, je ne vois aucune insulte vis-à-vis de la banque dans les invites. La motion demande simplement - cela a été dit par M. Ferrazino - que la répartition du bénéfice soit plus équitable et que la banque nous communique le résultat de la résolution 366. Je ne comprends pas très bien pourquoi cela vous gêne !
Le président. Quatre orateurs sont encore inscrits... Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs. Vous avez la parole, Monsieur Nissim.
M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Ferrazino, vous disiez tout à l'heure que le Grand Conseil, en tant qu'organe de contrôle, devrait définir les grandes options de la banque et vous, Monsieur Brunier, vous suggérez même que le Grand Conseil aide la banque à définir une charte éthique.
En réalité, cette motion ne contient ni grandes options ni charte éthique. Son but est d'embêter la banque en lui demandant plus de dividendes... (Contestation.) C'est une querelle stérile ! Vous voulez juste davantage d'argent, c'est tout ! (Applaudissements et bravos.)
M. Michel Halpérin. Vive Nissim !
M. John Dupraz. La racaille ne passera pas !
M. Olivier Vaucher (L). Une fois de plus la gauche s'attaque à la banque, une fois de plus je me dois de la défendre.
Monsieur Brunier, vous avez dit très justement tout à l'heure, que la Banque cantonale de Genève devait faire autre chose que ce que font les autres banques. Eh bien, c'est précisément ce qu'elle fait : elle soutient l'emploi, elle soutient l'économie, elle soutient le commerce, elle soutient l'industrie locale, et c'est la raison pour laquelle nous devons arrêter...
M. Christian Ferrazino. Tu dois avoir des actions !
M. Olivier Vaucher. Non, je n'ai malheureusement pas d'actions; je n'ai pas les moyens, Monsieur Ferrazino !
Par contre, c'est la seule banque qui soutient l'économie locale !
Une voix. Tu n'en as rien à branler !
M. Olivier Vaucher. Comme Mme Briol l'a dit, une commission parlementaire est déjà chargée de s'occuper de la Banque cantonale - ce qui était inutile pour ne pas dire lamentable - alors cela ne sert à rien de lui envoyer davantage de fions et de piques.
Monsieur Ferrazino, la répartition des bénéfices - M. Lescaze l'a rappelé - est justifiée historiquement. Il n'est donc pas possible de revenir sur celle-ci. L'amendement que vous proposez ne changera par conséquent rien à cette répartition tout à fait justifiée, je le répète.
La démonstration de M. Ferrazino étant plutôt mauvaise, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser et la motion et son amendement.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Monsieur Vaudroz et Monsieur Vaucher, si la problématique de la Banque cantonale revient à chaque fois sur le tapis, c'est simplement parce que les questions légitimes posées par la majorité de ce Grand Conseil restent toujours sans réponse. Et nous y reviendrons à chaque fois qu'il le faudra - je suis désolée pour vous !
Quelle est la raison du traitement différencié entre actionnaires publics et actionnaires privés et quelle est la politique en la matière dans les autres cantons romands ? On apprend par la presse qu'à la Banque cantonale du Jura ou à la Banque cantonale vaudoise les actionnaires privés et les collectivités publiques reçoivent le même dividende. La Banque cantonale ne peut pas à la fois prétendre à l'autonomie vis-à-vis des collectivités publiques et bénéficier d'un régime protégé, par le sacrifice des dividendes desdites collectivités publiques qui, par ailleurs, ont participé à sa création.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de soutenir notre motion.
M. Philippe Glatz (PDC). Comme le disait Oscar Wilde, je crois : «Si vous ne pouvez répondre aux arguments de quelqu'un... tout n'est pas perdu..., vous pouvez encore l'injurier...» !
Je suis particulièrement choqué par votre manque d'arguments, en particulier à l'égard de Mme Briol, que vous avez accusée de ne pas avoir lu le rapport. Je pense au contraire qu'elle l'a bien lu et qu'elle est parfaitement bien renseignée. Monsieur Ferrazino, vous êtes peut-être un juriste émérite...
M. John Dupraz. Non, non !
M. Philippe Glatz. ...mais je ne sais si vous connaissez bien les règles applicables en économie et je ne sais combien d'emplois vous avez pu créer à Genève !
En effet, il faut savoir que la Banque cantonale genevoise est une toute petite banque par rapport aux géants et aux multinationales dont parlait M. Brunier, qui reconnaissait lui que la Banque cantonale soutient l'économie de ce canton. Monsieur Ferrazino, les actionnaires privés auxquels vous reprochez de toucher un rapport important, savez-vous qui ils sont en majorité ? Ce sont principalement des caisses de pension qui représentent les travailleurs et les travailleuses ! Elles ont besoin d'un rendement important pour payer les retraites de ces derniers. Il est heureux que les caisses de pension puissent encore investir, pour partie, dans les actions d'une banque qui, elle, soutient l'économie cantonale beaucoup plus que les autres.
Mesdames et Messieurs, en attaquant la Banque cantonale, je crois que vous faites le lit des grandes multinationales capitalistes que vous abhorrez par ailleurs ! Je regrette vivement que vous ne vous rendiez pas compte de l'intérêt que représente cette banque pour l'économie de tout le canton et de l'intérêt que représente également l'actionnariat privé qui lui permet de réinvestir les capitaux auprès d'entrepreneurs et pour la création d'emplois.
Mme Micheline Calmy-Rey. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter cette motion...
Une voix. Tu entends, Ferrazino ?
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Que l'on juge favorablement ou non la politique menée par la Banque cantonale, il faut bien avouer que de telles interventions et la polémique qui se développe autour de ces interventions ne lui facilitent pas les choses.
Je tiens à vous dire que je suis intervenue, lors des assemblées générales de 1997 et de 1998, pour demander que le dividende versé aux collectivités publiques soit augmenté. Mais la banque m'a indiqué que cela n'était pas possible en raison de résultats peu satisfaisants. Le conseil d'administration de la banque a cependant toujours manifesté l'intention d'améliorer le rendement de son capital, tant nominatif qu'au porteur, dès l'instant où les résultats le permettront.
Il faut aussi préciser ce qui suit : le versement du dividende est soumis à l'approbation préalable de la Commission fédérale des banques. Or, il est certain que, compte tenu des résultats de la banque, la Commission fédérale des banques se serait opposée à une augmentation du dividende, car elle aurait porté une atteinte importante au renforcement des réserves obligatoires. Par ailleurs, et je suis sûre que vous en conviendrez, ramener le dividende destiné aux actionnaires au porteur à hauteur de la rémunération du capital nominatif aurait peut-être provoqué des ventes d'actions au porteur en bourse, ce qui n'est évidemment pas le résultat recherché.
Les actions nominatives restent donc prétéritées par rapport aux actions au porteur en matière de rémunération. Nous continuerons à intervenir pour que cet état de fait s'améliore, et nous espérons que cela sera possible l'année prochaine.
Par ailleurs, les choses ne vont pas si mal dans les relations entre le canton et la Banque cantonale. Le canton et l'ensemble des communes disposent d'un patrimoine dont la valeur est nettement supérieure à l'investissement de départ. Lors de la fusion des deux banques, le canton de Genève a déboursé 147 millions de francs pour obtenir une participation au capital de la nouvelle banque correspondant à 29,45% du total. L'investissement de la Ville de Genève et des communes était également de 147 millions de francs pour un même taux de participation. Au 1er janvier 1994, selon les experts, la valeur de la Banque cantonale de Genève, respectivement de ses fonds propres, était estimée à 911,75 millions, qui ramenés à 29,45% donnent une part dans la fortune de 268 millions. Il s'ensuit que le canton de même que les communes n'ont payé que 55% de la valeur réelle.
Enfin, en ce qui concerne les droits de vote, il convient de rappeler que le capital-actions est constitué d'actions nominatives de 50 F chacune et d'actions au porteur de 100 F chacune. Etant donné que les actions nominatives et au porteur disposent toutes d'une voix, le poids des actions nominatives est double. Ainsi, les collectivités publiques disposent-elles d'un poids plus élevé, qui se traduit non seulement au niveau de l'actionnariat mais aussi au niveau du nombre des administrateurs.
Aujourd'hui, le canton de Genève détient 1 325 516 actions nominatives de la Banque cantonale pour une valeur d'acquisition de 147 millions et un taux de participation au capital de 29,46% et des droits de vote de 37,07%. L'Etat de Genève détient également 80 000 actions au porteur pour une valeur nominale de 8 millions et un taux de participation au capital de 3,55% et des droits de vote de 2,24%. Au total, l'Etat de Genève a un taux de participation au capital de 33,01% et des droits de vote pour 39,31%.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, quelques brèves informations sur ce sujet.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de voter successivement sur l'amendement puis sur la motion. L'amendement proposé par M. Ferrazino consiste à compléter la première invite de la motion 1287 - et non 1267, comme écrit par erreur sur la feuille.
Monsieur Ferrazino, vous avez la parole !
M. Christian Ferrazino (AdG). Merci, Monsieur le président, d'avoir rectifié le numéro de la motion... A mon tour de rectifier les chiffres que vient de nous donner Mme Calmy-Rey !
Madame Calmy-Rey, vous nous avez donné connaissance d'un texte qui était manifestement rédigé avant que nous ayons présenté cet amendement. Votre réponse, en substance, consiste à nous dire que la banque ne peut pas augmenter le dividende des collectivités publiques, car, sinon, la part totale des dividendes à répartir risquerait d'être trop importante. Or, justement, pour ne pas aller dans ce sens, nous disons que les dividendes versés aux collectivités publiques et aux actionnaires privés doivent rester dans la même enveloppe que celle qui a été décidée par la banque, ce qui fait que votre argument n'est pas fondé. Le bénéfice ne sera pas modifié, il sera simplement réparti différemment. C'est tout le sens de cet amendement, qui, je le répète, n'aura aucune incidence sur le montant total...
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Ferrazino. Mais ne dites pas que ce n'est pas vrai, Madame Calmy-Rey ! Nous le précisons dans la motion et l'invite - il faut bien nous comprendre...
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Je n'ai pas répondu à votre amendement !
M. Christian Ferrazino. Je vous remercie de dire que vous n'avez pas répondu à notre amendement, c'est pour cela que je me permets de reprendre la parole... La réponse que vous avez donnée ne concernait justement pas notre amendement.
Pour la clarté des débats, je répète que nous proposons de répartir différemment le bénéfice, selon une enveloppe décidée par les organes de la banque elle-même, sans l'augmenter d'un seul centime, précisément pour éviter le danger que vous avez évoqué tout à l'heure. Cette nouvelle répartition aura l'avantage de respecter la parité entre les différents actionnaires.
Le président. Je mets donc aux voix l'amendement proposé par M. Ferrazino, qui consiste à compléter la première invite de la motion 1287 comme suit :
« - à intervenir auprès de l'Assemblée générale (...) pour l'ensemble des actions, en fonction du bénéfice à répartir;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.