République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 112
32. a) Initiative : «Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider !». ( )IN112
IN 112-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la recevabilité de l'initiative : «Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider !». ( -)IN112

Le Comité « Halte aux déficits » a lancé l'initiative populaire intitulée « Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! », qui a abouti.

Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le

10 mars 1999

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le

10 juin 1999

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la Commission législative, au plus tard le

10 décembre 1999

4.

Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet, au plus tard le

11 septembre 2000

5.

En cas d'opposition d'un contre-projet, adoption par le Grand Conseil du contre-projet, au plus tard le

10 septembre 2001

Initiative populaire« Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! »

Les citoyens et citoyennes soussignés, électeurs et électrices dans la République et canton de Genève, demandent, en vertu des articles 64, 65A et 67A de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, que la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) soit modifiée comme suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 (A 2 00), est modifiée comme suit :

Art. 53A Référendum fiscal obligatoire (nouveau)

L'introduction d'un impôt nouveau, d'un droit ou d'une taxe assimilable, de même que l'augmentation du taux ou l'extension de l'assiette d'un impôt, droit ou taxe assimilable sont subordonnés à l'approbation du Conseil général (corps électoral).

Art. 54, al. 2 (abrogé)

EXPOSÉ DES MOTIFS

A Genève (canton et communes), en moyenne, on paye 75 % de plus que dans le canton de Vaud. Pourtant nos autorités veulent augmenter de 250 millions les impôts et les taxes (658 F par habitant, bébés compris) !

Impôts par habitant (canton et communes)

Une nouvelle hausse des impôts et des taxes, c'est :

Aggraver la situation économique et sociale.

Inciter les contribuables et les entreprises à fuir Genève.

Diminuer les rentrées fiscales et donc aggraver le déficit.

Nous devons nous défendre - que celui qui paie puisse se prononcer !

Exigeons un vote populaire obligatoire pour toute nouvelle hausse des impôts !

Rapport du Conseil d'Etatau Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative 112 « Hausses d'impôts? Aux électrices et électeurs de décider ! »

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le

10 mars 1999

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le

10 juin 1999

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la Commission législative, au plus tard le

10 décembre 1999

4.

Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet, au plus tard le

11 septembre 2000

5.

En cas d'opposition d'un contre-projet, adoption par le Grand Conseil du contre-projet, au plus tard le

10 septembre 2001

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 3 mars 1999, publié dans la Feuille d'avis officielle du 10 mars 1999. De cette date court une série de délais successifs, qui définissent les étapes de la procédure de traitement de l'initiative en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui, de par la loi, doit intervenir en l'occurrence à la séance du Grand Conseil des 10 et 11 juin 1999. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat vous soumet le présent rapport.

A. Validité de l'initiative

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative « Hausse d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! » (IN 112) ne pose pas de problème de recevabilité, pour peu qu'elle soit interprétée de façon raisonnable, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il peut-être répondu par « oui » ou par « non ».

L'initiative 112 comporte comme seule et unique proposition celle de modifier le titre VI, consacré au référendum et à l'initiative, de la Constitution de la République et canton de Genève, en ce qui concerne la nature du référendum en matière fiscale et les objets qui y sont soumis.

Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2 de la Constitution).

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65B de la Constitution, l'initiative répond à cette condition.

3.  Unité du genre

L'unité de genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur une modification de la Constitution, soit plus précisément du titre VI consacré au référendum et à l'initiative.

II. Recevabilité matérielle

1.  Conformité au droit

Selon ce principe, une initiative cantonale doit avoir un contenu conforme au droit supérieur. Une initiative ne peut cependant être invalidée sous ce rapport que si elle ne se prête à aucune interprétation compatible avec le droit supérieur.

En l'occurrence, bien que cela soit évident, il faut relever à titre liminaire que l'initiative 112 « Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! » ne saurait viser les impôts, droits et taxes assimilables fixés par le droit fédéral. On ne saurait d'ailleurs prêter aux initiants eux-mêmes une autre façon de voir sur ce point.

L'initiative 112 tend à soumettre au référendum obligatoire l'introduction ou l'augmentation d'impôts, de droits ou de taxes assimilables, autrement dit des contributions publiques non causales (qui ne représentent donc pas la contrepartie de prestations étatiques déterminées, à l'inverse notamment des émoluments). Un tel projet n'est pas incompatible avec le droit supérieur.

La recevabilité matérielle de l'initiative ne saurait donc être contestée à cet égard.

2.  Exécutabilité

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une initiative cantonale doit pouvoir être réalisée dans la pratique, être exécutée, faute de quoi elle doit être considérée comme invalide. Le Tribunal fédéral précise cependant que l'inexécutabilité doit être manifeste ce qui signifie qu'aucune interprétation soutenable de l'initiative permet d'envisager qu'elle puisse être exécutée ; a contrario, dans la mesure où une interprétation permet d'envisager, même dans des conditions difficiles, son exécutabilité, la décision sur ce point appartient au peuple et non pas aux seules autorités (cf. à ce sujet, Andreas Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, 1978, p. 139, avec les références jurisprudentielles citées ; Etienne Grisel, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 1997, p. 253 et ss., y compris la jurisprudence citée par l'auteur; cf. également ATF 123 I 152 et ss).

Dans le cas particulier, l'on ne saurait prétendre que l'inirtiative 112 est inexécutable. Certes, elle peut poser des problèmes d'interprétation en relation avec son exécutabilité (cf. les considérations ci-dessous sur la prise en considération de l'initiative), mais ces problèmes n'empêchent pas qu'elle soit exécutable. En conséquence, l'initiative 112 ne saurait être considérée comme invalide pour cause d'inexécutabilité.

B.  Prise en considération de l'initiative

1. L'initiative « Hausses d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! » repose sur un principe juste, lequel n'est pas divisible

Le Conseil d'Etat soutient sans équivoque le principe suivant lequel c'est au peuple de décider du niveau de ses impôts, car ce principe, à l'origine même de la démocratie, est fondamentalement juste. Selon ce principe, le Conseil d'Etat estime que non seulement les hausses d'impôts, mais également les baisses d'impôts devraient être subordonnées à l'approbation du peuple. En effet, il est indéniable qu'une diminution d'impôts, qui par hypothèse ne serait pas linéaire et favoriserait plutôt telle ou telle tranche de revenus, acquerrait une plus grande légitimité si elle était votée par le corps électoral plutôt que par le seul Grand Conseil.

Le Conseil d'Etat voit une deuxième bonne raison d'introduire le référendum obligatoire en matière fiscale : il renforce la clarté du débat démocratique. Pour le bon fonctionnement des institutions de l'Etat, mieux vaut, dans le domaine si sensible de l'impôt, s'en remettre directement et systématiquement à la légitimité populaire : contrairement à une loi fiscale soumise au référendum facultatif, qui peut donner l'impression que les autorités veulent imposer au peuple une mesure à la sauvette, l'avantage du référendum obligatoire place à cet égard les autorités au-dessus de tout soupçon. Le débat ne sera pas inutilement entaché par une suspicion ; a priori, il gagnera en clarté.

2. Flou, le contenu de l'initiative 112 donnerait lieu à controverses

Le Conseil d'Etat est d'avis que le flou du libellé de l'initiative 112 risque de conduire à des interprétations divergentes, à de nombreuses contestations sources d'une jurisprudence abondante. La notion d'impôts n'est pas correctement définie.

Plutôt que de parler « d'un impôt nouveau, d'un droit ou d'une taxe assimilable », le Conseil d'Etat estime qu'il faut s'en tenir aux distinctions classiques faites par le droit administratif, le droit fiscal et la jurisprudence et retenir en conséquence plus clairement la notion de contributions publiques non causales.

Enfin, le Conseil d'Etat note que l'abrogation de l'article 54, al. 2, telle qu'elle est proposée par les initiants, conduit à une conséquence qu'ils ne veulent certainement pas eux-mêmes : celle de soustraire « une émission de rescriptions ou un emprunt sous une autre forme » à la possibilité du référendum facultatif actuellement prévue par l'article 54, alinéa 2, lettre b.

3. Partant d'une idée juste, mais mal formulée, l'initiative 112 doit être rejetée et pourrait faire l'objet d'un contre-projet

Le Grand Conseil a la faculté d'opposer un contre-projet à une initiative populaire s'il ne l'approuve pas. En l'occurrence, il ne s'agirait pas de préconiser une solution différente à un même problème, ni même de proposer une solution intermédiaire entre l'initiative et le statu quo, mais bien de conserver la substance de l'initiative tout en éliminant ses défauts.

On peut dès lors envisager que l'initiative pourrait être retirée en faveur d'un tel contre-projet, que le Conseil d'Etat souhaite. Le Conseil d'Etat fera part de ses propositions à ce sujet dans le cadre normal des travaux parlementaires.

C. Conclusion

Le Conseil d'Etat estime que l'initiative « Hausse d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! » (IN 112) est valable (elle est recevable formellement et matériellement) et contient une idée juste qui mérite d'être prise en considération : celle du renforcement des droits populaires en matière fiscale. Le Conseil d'Etat estime judicieux de soumettre au référendum obligatoire tout impôt nouveau ou toute modification d'un impôt déjà existant, à la hausse comme à la baisse. Mais cela doit être fait dans la clarté, non dans la confusion.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter l'initiative 112 et d'étudier la possibilité de lui opposer un contre-projet qui l'élargisse et la précise à la fois.

Préconsultation

M. Michel Balestra (L). Le Comité « Halte aux déficits » s'est construit ces dernières années une réputation enviable auprès de la population genevoise. Il a souvent dénoncé, à juste titre, les excès de l'Etat. Il a souvent dénoncé, à juste titre, les excès de la fiscalité. Il a demandé un audit général. La liste n'est pas exhaustive, mais je crois être en mesure d'affirmer que cet aréopage d'empêcheurs de dépenser en rond a toujours été suivi par la population genevoise. La force de ce groupe est surtout de n'avoir jamais voulu tirer un avantage politique direct de ce capital sympathie.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, le thème proposé par cette initiative peut se résumer par son titre : « Hausse d'impôts ? Aux électrices et électeurs de décider ! ».

« Toutes les grandes idées sont simples » aimait à dire Albert Einstein. Cette idée est donc une grande idée parce qu'elle est simple. Et parce qu'elle est simple, elle est évidente. Tellement évidente qu'elle devrait déjà figurer dans la constitution.

Ce cher Albert a démontré que l'écoulement du temps n'est pas le même pour deux observateurs qui se déplacent l'un par rapport à l'autre. Les initiants ont trouvé que le temps que mettaient les politiques était trop long. Ils ont donc déposé cette initiative. De là à affirmer que le politique n'est plus en phase avec les citoyens, il n'y a qu'un pas que je refuse de franchir en soutenant ce projet.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous traitons aujourd'hui du renvoi de ce projet devant la commission législative pour traiter de sa recevabilité. Mais cette dernière est tellement évidente que cette étape est purement formelle. Le Conseil d'Etat estime dans son rapport que cette initiative est formellement et matériellement recevable, et c'est heureux. Mais sur le fond, il propose de présenter un contre-projet qui évite, je cite, « un flou qui donnerait lieu à controverse. »

Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas opposés à cette réflexion, à condition que l'esprit de l'initiative soit préservé. Toute nouvelle taxe ou tout nouvel impôt devra être soumis au suffrage des citoyens, et pas uniquement une éventuelle augmentation des impôts.

C'est donc avec enthousiasme et après avoir soutenu la récolte des signatures que le groupe libéral votera le renvoi de cette initiative en commission législative. 

Mme Christine Sayegh (S). Nous sommes en présence du rapport du Conseil d'Etat sur la recevabilité et la prise en considération de l'initiative 112. Il appartient maintenant à la commission législative de confirmer, éventuellement de discuter, en tous cas formellement, si les conditions de la recevabilité formelle et matérielle sont réunies. Si bien qu'il n'y a pas lieu d'entrer aujourd'hui en matière sur le fond de cette initiative. Notre groupe demande donc le renvoi de cette initiative à la commission législative.

M. Bernard Clerc (AdG). Le représentant du parti libéral a dit de cette initiative qu'il s'agissait d'une idée simple. En ce qui nous concerne, nous pensons plutôt qu'il s'agit d'une idée simpliste.

En effet, le Comité « Halte aux déficits » n'a semble-t-il pas compris que le déficit de l'Etat dépend non seulement des recettes, mais également des dépenses, ce qui est le b.a.-ba de la comptabilité.

Ainsi, on nous propose un référendum obligatoire pour les seules recettes, alors que nous savons tous que la dette du canton est constituée à 60% par des dépenses d'investissements. Le Comité « Halte aux déficits » s'est montré étrangement silencieux ces dernières années lorsqu'il s'est agi de combattre des dépenses d'investissements considérables, comme par exemple celle de la traversée de la rade pour près d'un milliard. Aujourd'hui, on ne l'entend pas au sujet de Palexpo, 200 millions, et nous ne l'avons pas entendu non plus sur des objets peut-être de moindre importance, qui impliquaient moins le canton, mais qui impliquaient quand même les collectivités publiques, à savoir la place des Nations ou le parking de la place Neuve.

Nous estimons quand à nous qu'il faudra peut-être aller jusqu'au bout de la pseudo-volonté démocratique des initiants, en soumettant par exemple au vote populaire et de manière obligatoire tous les projets d'investissements supérieurs à 5 millions.

Une voix. Bravo !

M. Bernard Clerc. C'est dans ce sens que pourra s'exprimer pleinement, de manière entièrement démocratique, la volonté populaire. C'est dans ce sens-là que nous discuterons d'un éventuel contre-projet. 

Cette initiative est renvoyée à la commission législative.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la validité et la prise en considération de l'initiative 112.