République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 mai 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 8e session - 24e séance
M 1274
EXPOSÉ DES MOTIFS
La fin tragique des deux enfants survenus en 1997 aurait pu être évitée :
aux bords de l'étang des Evaux, en limitant la profondeur de l'eau à 20 cm afin que le fond ne soit pas en pente raide ou en aménageant une clôture ;
au bassin de rétention à deux pas du préau de l'école des Charmilles, en vérifiant que les portes étaient bien cadenassées.
Dans ce second accident, le petit enfant de 4 ans est tombé dans le bassin de 2 m de profondeur en voulant récupérer son freesby lancé depuis la cour de l'école. Le cadenas n'était pas fermé, des adolescents, inconscients de la portée de leurs actes, avaient la veille, ouvert les portes en les maintenant ouvertes par une poubelle trouvée là, non fixée à son montant. Les petits enfants n'ont pas le réflexe de bloquer la respiration et de se débattre pour remonter, et quelques minutes suffisent à entraîner la mort.
Devant cette situation, deux choix possibles : Faire « payer » aux jeunes inconscients ? Attaquer la Ville de Genève, responsable de la sécurité des installations ? Selon le Code des Obligations (art. 58) « le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien ». Ici la responsabilité de la Ville est clairement engagée : les portes n'auraient pas dû pouvoir être ouvertes, la fermeture de la serrure aurait dû être vérifiée, d'où la motion puis l'Arrêté cités dans les considérants.
La brochure du bpa (bureau de prévention des accidents) sur les biotopes humides l'affirme : « Les ruisseaux, rivières, les lacs et les étangs sont des sources de danger reconnues par les adultes. Aussi les parents surveillent-ils leurs enfants en conséquence et les mettent au courant des dangers. Il en va tout autrement pour les étangs artificiels de dimensions réduites à proximité de zones résidentielles ou de places de jeux. Là des mesures de sécurité s'imposent ».
Qu'en est-il dans les communes genevoises ?
Suite à ces deux tragiques accidents, le DAEL a décidé de faire appliquer les recommandations du bpa pour toute nouvelle construction. Des instructions ont été données de manière à ce que les autorisations de construire portant sur des biotopes humides soient assorties d'une réserve attirant le requérant sur le contenu de la recommandation du bpa. Dès lors, la brochure est systématiquement remise avec la demande du permis de construire. En cas de non-exécution, la Police des constructions procède à des contrôles.
Si des mesures ont été prises en ce qui concerne les nouvelles constructions, il n'en est pas de même pour les constructions existantes. M. Joye, à l'époque chef du Département des travaux publics, a bien adressé un courrier à l'Association des communes sur les dangers que présentent les biotopes humides, mais renseignement pris auprès des préposés bpa de deux communes, ils n'en ont pas eu connaissance...
Pour assurer la prévention des accidents au niveau communal, le bpa collabore avec des préposés communaux. Ce sont des partenaires qui doivent contribuer à abaisser les risques d'accidents et accroître la sécurité de la population. Nous ne doutons pas ici qu'ils respectent leurs engagements.
Cette motion veut :
montrer l'importance de la collaboration avec tous les acteurs concernés,
un « retour » des interpellations du DAEL.
En demandant à chaque commune un état des lieux et la vérification de la sécurité, cette motion contribuera à une prise de conscience de la responsabilité collective face à la sécurité aux plus petits d'entre nous : les enfants.
C'est pourquoi, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les député-es, de faire bon accueil à cette motion et de l'adresser au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). La fin tragique de deux petits enfants, suite à des accidents survenus en 1997, aurait pu être évitée : au bord de l'étang des Evaux, en limitant la profondeur d'eau à 20 centimètres ou en aménageant une clôture, et au bassin de rétention d'eau d'une fontaine à deux pas de la cour de l'école des Charmilles, en vérifiant que les portes de ce bassin étaient bien cadenassées. Il y avait bien un cadenas, mais il n'était pas verrouillé...
En préambule à cette motion sur la sécurité des pièces d'eau sur le domaine public, je vous cite la brochure du bpa - bureau de prévention des accidents - sur les biotopes humides : «Les ruisseaux, les rivières, les lacs et les étangs sont des sources de danger reconnues par les adultes. Aussi les parents surveillent-ils leurs enfants en conséquence et les mettent-ils au courant des dangers. Il en va tout autrement pour les étangs artificiels de dimensions réduites à proximité de zones résidentielles ou de places de jeux. Là des mesures de sécurité s'imposent.»
Cette motion s'adresse aux communes genevoises. En effet, pour la Ville de Genève, une motion puis un arrêté municipal avaient déjà été déposés, qui ont permis de prendre les mesures adéquates. Ces mesures sont actuellement mises en application par la Ville de Genève.
Suite à ces deux accidents survenus en avril 1997, le DAEL a décidé de faire appliquer ces recommandations pour toute nouvelle autorisation de construire, mais il n'en est pas de même pour les constructions existantes. M. Joye, à l'époque chef du département des travaux publics, a bien adressé un courrier à l'association des communes sur les dangers que représentent les biotopes humides, mais renseignements pris auprès des préposés bpa de deux grandes communes, ces derniers n'en ont même pas eu connaissance.
L'accident mortel d'un enfant de 2 ans, survenu le 27 avril au jardin Robinson de la commune de Vernier, montre, malheureusement, que ces recommandations ne sont pas appliquées. Et, pourtant, cette mort aurait pu aussi être évitée, car la commune avait été alertée sur les dangers de ces biotopes suite aux accidents de 1997.
Les recommandations du bpa ne font pas force d'exécution, mais, s'il le faut, nous déposerons un projet de loi pour les faire appliquer. Il n'est en effet pas acceptable que les petits enfants soient en danger de mort dans les lieux publics qui leur sont destinés. Une barrière, ou une grille placée juste au-dessus de l'eau, ou tout autre équipement - le bpa propose une brochure très claire à ce sujet - n'empêcherait en rien de profiter de ces biotopes.
Le bpa se tient à la disposition des personnes ici et ailleurs qui douteraient que ces mesures de sécurité soient compatibles avec un environnement naturel et intégré, pour leur montrer des réalisations où les mesures de sécurité n'altèrent en rien la qualité des lieux.
Pour l'instant, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous rappelle qu'elle est signée par tous les partis de ce parlement. Elle demande que le DAEL intervienne auprès des communes du canton :
1) pour qu'elles fournissent un inventaire des pièces d'eau existantes sur les domaines publics - à ce propos, le bpa tient à leur disposition une check-list qu'elles peuvent remplir facilement;
2) pour qu'elles fassent un rapport sur la vérification des sécurités existantes et les éventuelles mises en conformité, si nécessaire.
L'accident des Evaux date de deux ans... La barrière conforme vient d'être installée le mois dernier ! Il est donc de notre responsabilité de protéger les petits enfants de ces dangers prévisibles et évitables. Il y a urgence.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). L'eau est magique pour les adultes et surtout pour les enfants qui sont attirés comme des aimants, de la flaque d'eau à la mare.
Cette motion a pris tout son sens - si cela était encore nécessaire - puisque, depuis son dépôt, un autre accident mortel d'un enfant dans une pièce d'eau a été déploré. Nous devons prendre des mesures de toute urgence ou vérifier si ces dernières ont été prises par les communes pour protéger de tous les dangers nos chérubins. La difficulté réside dans la délimitation exacte de l'espace eau ainsi que dans l'application des conditions de sécurité. Mais nous sommes assurés que le Conseil d'Etat prendra toutes les mesures par rapport à cette motion.
M. Laurent Moutinot. Nous acceptons volontiers cette motion dans la mesure où il va de soi que la sécurité des enfants est un des sujets avec lequel il n'est pas question de transiger en aucune manière.
Je rappelle simplement que l'inventaire est une tâche assez considérable - mais nous nous y attellerons - et la vérification des installations de sécurité aussi, compte tenu du nombre probable de pièces d'eau qui existent, si on prend ce mot au sens le plus large.
Malheureusement, toute sécurité, la plus élaborée soit-elle, reste imparfaite. Il faut le dire pour ne pas créer un faux sentiment de sécurité et laisser penser que le département se chargeant des problèmes de sécurité il n'y en aura plus... Ce serait une erreur. Nous allons faire en sorte que les recommandations du bpa soient appliquées, mais gardons-nous de tout triomphalisme lorsqu'une norme de sécurité est respectée : ce n'est pas encore le risque zéro.
M. Luc Gilly (AdG). Je veux juste apporter une petite correction en page trois dans l'exposé des motifs. Il s'agit de : «La fin tragique de deux enfants...» et non de «deux accidents» comme c'est écrit par erreur. C'est tout.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1274)concernant les pièces d'eau sur le domaine public du canton : mesures de sécurité pour les petits enfants
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
deux accidents mortels de petits enfants en avril 1997 sur le territoire de la commune de Genève et celle d'Onex, dus à des manquements de sécurité,
que suite à ces accidents, le DAEL (Police des constructions) assortit d'une réserve les autorisations de construire, attirant l'attention du requérant sur lesdites recommandations,
la motion 293 demandant un inventaire et l'installation de sécurité auprès des pièces d'eau sur le domaine de la Ville de Genève, suivi de l'arrêté au Conseil municipal de la Ville de Genève de septembre 1998 ouvrant un crédit pour la mise en place de sécurité sur toutes les pièces d'eau existantes en Ville de Genève,
que des préposés du bpa (bureau de prévention des accidents) sont les partenaires dans une vingtaine de communes du canton pour assurer la prévention des accidents au niveau communal et aider à résoudre les problèmes sécurité,
que la prévention et la responsabilisation de tous les acteurs reste la meilleure garantie d'éviter au maximum les accidents des petits enfants,
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès des communes du canton de Genève pour qu'elles :
fournissent un inventaire des pièces d'eau existantes sur les domaines publics et domaines accessibles au public ;
fassent rapport sur la vérification des sécurités existantes et les éventuelles mises en conformité, si nécessaire.