République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 320
10. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation des effets de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (RMCAS). ( )RD320

Résumé

Par ces quelques lignes, le Conseil d'Etat vous présente :

a) pour la bonne forme, le rapport sur l'évaluation des effets de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (RMCAS), portant sur la période 1995-1996, qui a déjà été présenté et commenté par son auteure à la Commission des affaires sociales en octobre 1997 (pages 4 à 33) ;

b) la position de l'Hospice général sur ce rapport (pages 33 à 35) ;

c) la position de l'Office cantonal de l'emploi sur ce rapport (pages 35 à 36) ;

d) la position du Conseil d'Etat sur ce rapport (pages 36 à 39) ;

e) les conclusions que le Conseil d'Etat tire du rapport d'évaluation et des 48 mois d'expérience du RMCAS pour la mise en place du projet de revenu minimum de réinsertion (pages 39 à 40).

Plan du rapport

I. INTRODUCTION

La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (J 2 25), votée le 18 novembre 1994 et entrée en vigueur le 1er janvier 1995, prévoit une évaluation de ses effets à l'article 40 :

1 Les effets de la présente loi sont évalués tous les 2 ans.

2 Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un rapport communiquant les résultats de cette évaluation.

Sur cette base, le département de l'action sociale et de la santé (DASS) a confié, le 21 décembre 1994, à Madame Dominique Felder, sociologue consultante de la société "Ressources", un mandat d'évaluation des effets de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit. Celle-ci portait notamment sur le revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS), les modalités d'attribution et ses corollaires : la contre-prestation et l'allocation d'insertion.

Le rapport d'évaluation a été présenté à la commission des affaires sociales en octobre 1997. A cette occasion, l'auteure du rapport a répondu à toutes les questions posées par les membres de la commission des affaires sociales.

Bien que le rapport d'évaluation porte sur la période 1995-1996 et qu'une part de ses remarques soit aujourd'hui dépassée, le Conseil d'Etat, répondant à la demande formelle exprimée par la commission des affaires sociales, a décidé de publier un résumé du rapport présenté par la mandataire, rédigé d'entente avec elle. Le rapport intégral sera remis à la commission des affaires sociales.

1. LES CHIFFRES

1.1 Les effectifs

De janvier 1995 à juin 1996 :

• 1 809 personnes ont déposé une demande du revenu minimum d'aide sociale (RMCAS);

• 98 demandes n'étaient pas valides et n'ont pas été enregistrées;

• 77 ont fait l'objet d'une décision négative après examen;

• 56 n'ont pas été suivies immédiatement de paiements.

L'évaluation porte donc sur 1 578 bénéficiaires, qui ont fait l'objet d'une décision positive et ont touché le RMCAS au moins une fois entre janvier 1995 et juin 1996.

1.1.1 Les demandes

Un quart des demandes ont été enregistrées lors du premier mois d'existence du RMCAS. Dès le deuxième mois, il s'établit autour de la centaine, pour baisser jusqu'à la cinquantaine, avec une moyenne de 81 demandes par mois pour 1995 et 75 demandes par mois pour les six premiers mois de 1996.

Pour ce qui concerne la provenance des demandeurs, l'office cantonal de l'emploi (OCE) ne tient pas de statistique sur les chômeurs en fin de droits et le RMCAS n'enregistre pas la provenance des demandeurs. On sait cependant que le Fonds cantonal du chômage a transféré 215 dossiers au RMCAS à fin décembre 1994, et que les chômeurs en fin de droits de l'assistance ont passé de 348 en janvier 1995 à 119 en juillet 1995, soit une diminution de 229 personnes.

Un tiers des demandeurs ont été informés de l'existence du RMCAS par l'OCE, un quart par l'Hospice général, 20 % par les médias (dont 16 % par la presse), 11 % par le Fonds cantonal.

1.1.2 Les refus

Une personne sur sept se présentant à la réception du RMCAS ne répond pas aux critères pour déposer une demande, soit :

• qu'elle ne soit pas au chômage (40 %),

• qu'elle n'ait pas épuisé ses droits (22 %),

• qu'elle n'atteigne pas le délai de résidence légal (15 %).

Parmi les demandes formellement enregistrées, 5,4 % sont refusées. Il s'agit, dans 96 % des cas, de revenus dépassant la limite admise par la loi (dans les deux tiers des cas, des couples mariés où le conjoint bénéficie d'un salaire).

1.1.3 Durée de séjour au RMCAS, sortie et réinsertion

La durée de séjour au RMCAS varie en fonction de la date d'entrée. 59 % des bénéficiaires entrés en janvier 1995 étaient encore au RMCAS à fin juin 1996.

En dix-huit mois, un bénéficiaire sur trois est sorti du RMCAS :

• 47 % pour prendre un emploi,

• 17 % pour refus de document, de contre-prestation ou de placement,

• 10 % pour dépassement du revenu ou de la fortune,

•  8 % pour cause d'âge.

Un sondage téléphonique effectué six mois après la sortie des bénéficiaires ayant retrouvé un emploi montre que deux tiers d'entre eux travaillent encore (soit 10 % des bénéficiaires) et qu'un tiers est à nouveau sans emploi.

1.2 Les bénéficiaires

1.2.1 Caractéristiques des bénéficiaires

a) sexe :

58 % d'hommes,

42 % de femmes;

b) âge moyen : 41 ans;

c) origine :

• 65 % de Suisses, dont :

28  % de Genevois,

12  % de Vaudois,

12  % de Bernois,

8  % de Fribourgeois;

• 35 % d'étrangers, dont :

23 % d'Européens,

7 % d'Africains;

5 % d'autres;

d) deux types de population :

• une majorité de bénéficiaires nés à Genève ou qui y sont arrivés très jeunes;

• des personnes arrivées ou revenues à Genève dans les dix dernières années;

e) diplôme le plus élevé :

2 % sans aucune formation,

22 % école obligatoire,

45 % apprentissage,

4 % école professionnelle et professionnelle supérieure,

14 % maturité,

13 % université et hautes écoles;

f) catégorie socio-professionnelle :

1 % professions libérales et dirigeantes,

6 % indépendants,

11 % intellectuels et cadres,

20 % cadres subalternes,

31 % employés,

10 % ouvriers,

21 % travailleurs non qualifiés.

Les étrangers sont sur-représentés aux extrêmes de la classification socio-professionnelle, les Suisses dans les professions d'encadrement subalterne et parmi les employés.

1.2.2 Portrait des ménages

a) structure du ménage :

56 % personne seule,

16 % familles biparentales (recomposées ou non),

15 % familles monoparentales,

8 % couples sans enfant,

3 % cohabitation;

b) parmi les 31% de ménages avec enfants :

11 % d'enfants non scolarisés,

67 % en enfantine ou à l'école obligatoire,

5 % en apprentissage,

17 % dans le post-obligatoire;

c) état civil :

40 % séparés, divorcés ou veufs (veufs 1 %),

37 % célibataires,

23 % mariés.

Les femmes sont plus souvent séparées, divorcées ou veuves, les hommes plus souvent mariés ou célibataires.

1.2.3 Activité professionnelle et chômage

a) branche d'activité du dernier emploi stable :

27 % commerce et réparation,

20 % banques, assurances, immobilier, services,

18 % enseignement, recherche, santé,

16 % industrie, arts et métiers,

10 % bâtiment et génie civil,

4 % transports et communication,

4 % administration publique;

b) professions les plus fréquentes (dernier emploi stable) :

18 % employés de commerce,

6 % vendeurs,

6 % magasiniers/manutentionnaires,

3 % architectes,

3 % chauffeurs-livreurs,

5 % n'ont jamais eu d'emploi stable (= ayant duré plus de 6 mois);

c) déqualification : parmi les bénéficiaires dont le dernier emploi stable était très peu qualifié (manutentionnaires, livreurs, personnel de service, nettoyeurs), entre 6 et 19 % étaient porteurs d'une maturité ou d'une licence universitaire;

d) durée moyenne du chômage: trois ans et six mois.

1.3 Le revenu des ménages

Les moyennes recouvrent des situations extrêmement variables selon les ménages. Les données administratives enregistrées ne donnent pas une image de la situation financière réelle des ménages : il s'agit d'une ventilation dans des rubriques informatiques conçues pour permettre un calcul et rendre une décision conforme aux critères de la loi.

1.3.1 Dépenses prises en compte

L'assurance-maladie (2 886 F/an en moyenne) et les charges liées au loyer (8 978 F/an) sont prises en compte pour plus de 95 % des ménages. Les télécommunications (830 F/an en moyenne) sont prises en compte pour 42 % des ménages.

1.3.2 Revenus

Les principales sources de revenu sont :

20 % des ménages : les allocations familiales;

18 % des ménages : un ou des salaires;

14 % des ménages : des "ressources diverses";

8 % des ménages : des pensions.

1.3.3 Fortune

5 % des bénéficiaires disposent d'une fortune dépassant les 6 000 F autorisés. Pour deux tiers des bénéficiaires, la somme est inférieure à 20 000 F.

1.3.4 Revenu alloué par le RMCAS

Le montant mensuel moyen du RMCAS est de 2 072 F. La présence d'enfants fait augmenter le revenu au-dessus de cette moyenne; la présence d'autres adultes dans le ménage du bénéficiaire le fait baisser.

Décomposition du revenu minimum par postes :

50 % entretien (moyenne 1 134 F/mois);

34 % loyer (moyenne 753 F/mois);

10 % assurance-maladie (moyenne 224 F/mois);

6 % frais ponctuels (moyenne 142 F/mois).

Seuls 79 % des bénéficiaires ont bénéficié une fois ou l'autre de frais ponctuels. Leur attribution dépend largement de l'interprétation des directives et, donc, de la subjectivité du conseiller; la moyenne des frais attribués est de 123 F sur l'ensemble de la population considérée.

1.4 Comparaisons

Les caractéristiques socio-démographiques des bénéficiaires du RMCAS ont été comparées à celles de quatre autres populations de référence : la population résidante, la population active, les chômeurs inscrits à l'OCE et les chômeurs en fin de droits restés à l'assistance.

La population du RMCAS ne se distingue pas fondamentalement de la population active ou de la population des chômeurs inscrits pour toutes les caractéristiques liées à la formation ou au marché du travail.

La différence se marque plus dans la sphère privée : le taux de divorce (31 %) est quatre fois plus élevé que dans la population résidante; les ménages d'une personne (56 %) et les familles monoparentales (15 %) sont beaucoup plus nombreux que dans la population résidante (39 % et 6 %). On ne dispose pas de données sur ces points pour la population active ou celle de l'OCE. Sur ces points, les chômeurs en fin de droits de l'assistance présentent les mêmes caractéristiques que ceux du RMCAS. Ils sont, en revanche, nettement moins qualifiés et constituent une population sociologiquement plus défavorisée.

1.5  Typologie des carrières

A partir des informations disponibles sur les bénéficiaires, il a été possible de reconstituer des carrières se basant sur des dimensions temporelles. Le regroupement des carrières individuelles permet d'établir une typologie qui décrit synthétiquement la population du RMCAS. On obtient ainsi huit profils-types différenciés, dont le regroupement donne un profil-type moyen.

Le bénéficiaire moyen a 41 ans. Son dernier emploi a duré 3 ans et date de 3 ans et demi. 9 mois et demi se sont écoulés entre la fin de son droit au chômage et son entrée au RMCAS. Il est au RMCAS depuis 11 mois et demi. Cette abstraction recouvre les huit profils-types suivants :

a) les trois premiers profils regroupent des bénéficiaires dont la moyenne d'âge est nettement plus élevée que les autres :

- les "vieux ouvriers fidèles" (moyenne d'âge 57 ans), qui ont passé 24 ans en moyenne dans leur dernier emploi. Ce sont plus fréquemment des hommes, deux fois plus souvent mariés que la moyenne des bénéficiaires du RMCAS, provenant pour moitié de l'industrie et des arts et métiers;

- les "travailleurs déstabilisés" (moyenne d'âge 53 ans), qui ont passé en moyenne 11 ans dans leur dernier emploi, dont plus du quart n'ont achevé que l'école obligatoire et près de la moitié sont divorcés;

- les "chômeurs âgés de longue durée", ne se distinguant que par leur moyenne d'âge. Pour le reste, ils sont proches des moyennes;

b) les trois autres profils ont des moyennes situées entre 40 et 54 ans :

- les "bénéficiaires moyens" (moyenne d'âge : 45 ans), se distinguant uniquement par une proportion d'universitaires (18 %) plus élevée que la moyenne;

- les "déclassés" (42 ans en moyenne), qui ont passé près de 10 ans dans leur dernier emploi. Ce sont, le plus souvent, des hommes. On trouve parmi eux une proportion élevée d'indépendants (19 %) et de personnes ayant achevé un apprentissage (53 %);

- les "marginalisés de l'emploi" (moyenne 40 ans), qui n'ont pas connu d'emploi stable depuis plus de 13 ans et dont le dernier emploi n'a duré que 2 ans. Ce sont le plus souvent des femmes et des divorcé(e)s;

c) les deux derniers profils sont formés par des personnes plus jeunes :

- les "travailleurs mobiles" (35 ans en moyenne), qui n'ont passé que 7 mois en moyenne au RMCAS. 41 % d'entre eux en sont déjà ressortis;

- les "jeunes indigènes peu qualifiés" (moyenne d'âge 29 ans), dont le dernier emploi stable a duré 17 mois et qui ont passé plus de 13 mois au RMCAS. Plus de la moitié sont des femmes, plus de la moitié sont célibataires. La moitié sont nés à Genève, un tiers n'ayant achevé que l'école obligatoire. Plus du tiers ont effectué leur dernier emploi dans le commerce.

1.6 L'intendance et les coûts

1.6.1 Personnel

Le service du RMCAS a démarré en janvier 1995 avec 12 collaborateurs provenant d'un recrutement interne à l'Hospice général. En juin 1996, ils étaient 25. Depuis le dernier trimestre 1995, le RMCAS engage essentiellement de jeunes collaborateurs provenant de l'extérieur. Pour les dix-huit mois considérés, les charges de personnel se montent à 2 millions de francs.

1.6.2 Prestations

A l'exclusion de l'allocation d'insertion, les prestations versées par le RMCAS se montent à 18 millions et demi pour l'année 1995 et à 13 millions et demi pour les six premiers mois de 1996. Parallèlement, le montant brut des prestations versées par l'assistance sociale passait de près de 42 millions et demi en 1994 à près de 33 millions et demi en 1995, soit une diminution de 9 millions.

1.6.3 Contre-prestations

Sur la base d'une valeur estimée à 20 F l'heure, treize mois de contre-prestation ont dégagé une masse de travail équivalant à trois millions de francs. Si tous les bénéficiaires étaient en contre-prestation, cette masse de travail équivaudrait à dix millions de francs.

2. LE POINT DE VUE DES BÉNÉFICIAIRES

Le point de vue des bénéficiaires a été recueilli lors d'entretiens réalisés entre janvier et mars 1996 avec deux groupes de référence : un échantillon tiré au hasard (entretiens en profondeur) et des bénéficiaires ayant sollicité un entretien (entretiens téléphoniques sur la base de coupons renvoyés).

Au total, 8 % des bénéficiaires ont été entendus. Les personnes tirées au hasard pouvaient refuser l'entretien. Tous les entretiens ont été enregistrés, retranscrits et traités anonymement avec l'aide d'un logiciel d'analyse de contenu. Le rapport d'évaluation cite largement les propos des bénéficiaires sur chaque thème évoqué.

2.1 Les entretiens demandés

54 entretiens téléphoniques ont duré au minimum six minutes, au maximum trois quarts d'heure. Une seule question était posée : Vous avez renvoyé le coupon et demandé un entretien. De quoi souhaitiez-vous parler ?

La moitié des personnes entendues émettaient un jugement positif sur l'existence du RMCAS, tout en soulignant l'insuffisance du montant reçu.

Les thèmes les plus souvent abordés étaient ensuite dans l'ordre :

- la contre-prestation;

- les difficultés de la recherche d'emploi;

- les effets psychologiques du chômage, évoqués par plus de 40 % des personnes ayant sollicité un entretien;

- le problème de l'âge;

- la relation avec l'OCE et le désir de travailler, évoqués par un tiers des personnes.

Des problèmes liés au fonctionnement du RMCAS (désorganisation des débuts, surcharge, retards, recours) sont mentionnés par près de 40 % des personnes ayant sollicité un entretien. A l'inverse, 26 % d'entre elles se déclarent spontanément satisfaites du fonctionnement. Leurs propos mettent en évidence l'importance de la relation.

Deux tiers des personnes entendues évoquent des problèmes liés à la loi : manque d'information sur les directives, cas personnels compliqués.

2.2 Les entretiens en profondeur

Après tirage au hasard, 41 entretiens non-directifs d'une heure en moyenne ont été réalisés sur la base d'une grille comprenant quatre thèmes : le chômage, le RMCAS, l'intégration sociale, la vision de l'avenir. Seule la première question de chaque thème était posée; les autres l'étaient uniquement pour recadrer l'entretien et si le thème n'avait pas déjà été évoqué.

2.2.1 Chômage

a) dans quelles circonstances êtes-vous arrivé(e) au chômage ?

- deux tiers des bénéficiaires ont connu le chômage à la suite de licenciements économiques ou de faillites d'entreprise (51 % pour les salariés, 15 % pour les indépendants);

- un quart des bénéficiaires - salariés et indépendants - évoquent le fait qu'ils travaillaient dans une branche sinistrée (métiers liés au bâtiment, secteur secondaire);

- un tiers évoquent des difficultés personnelles (conditions de travail difficiles, stress, problèmes familiaux ou de santé);

- plus de 10 % mentionnent un divorce, une rupture, un deuil;

b) comment expliquez-vous que vous n'ayez pas retrouvé de travail ?

- les trois explications le plus souvent données sont évoquées par deux cinquièmes des personnes entendues et mettent en cause des caractéristiques individuelles : trop âgé(e); pas assez ou trop qualifié(e); handicap personnel (dettes, alcoolisme, physique, couleur de peau, permis);

- un tiers des bénéficiaires évoque la situation économique.

c) que vous a apporté l'occupation temporaire ?

- l'expérience a été positive pour plus de quatre bénéficiaires sur cinq. Elle a permis une réinsertion dans le monde du travail, dans la "vraie vie".

Outre ces questions, les bénéficiaires entendus ont spontanément évoqué d'autres problèmes. La relation avec l'OCE, les difficultés de la recherche d'emploi, la dépendance économique, le sentiment d'être assisté et l'humiliation qui en découle reviennent dans plus de la moitié des propos entendus. Les difficultés matérielles rencontrées dans leur vie quotidienne, un moral négatif sont mentionnés par plus de deux bénéficiaires sur cinq. Un sentiment d'exclusion et des problèmes de relations familiales et affectives sont évoqués par plus du tiers des interviewés.

2.2.2 RMCAS

a) comment ça s'est passé pour vous au RMCAS ?

- la qualité de l'accueil est soulignée par deux tiers des bénéficiaires;

- pour ce qui concerne le fonctionnement, deux bénéficiaires sur cinq évoquent des problèmes (surcharge, désorganisation des débuts, conflits), alors qu'un tiers émet une appréciation positive, soulignant la rapidité et l'efficacité du service;

- près de deux bénéficiaires sur cinq mentionnent des problèmes liés à la loi (absence d'information sur les directives, contrôle, critères de revenu déterminant);

- près de trois quarts des bénéficiaires émettent un jugement global positif sur le RMCAS ("c'était la lumière au bout du tunnel"), tout en soulignant l'insuffisance de la somme reçue ("ça permet de ne pas se noyer, mais ça ne permet pas de sortir de l'eau").

2.2.3 Intégration sociale

a) comment occupez-vous votre temps, hormis la recherche d'emploi et la contre-prestation ?

- près de la moitié des bénéficiaires ont des activités personnelles (lecture, ménage, bricolage, sport, etc.);

- deux sur cinq s'occupent des autres, soit de leurs enfants, soit par le biais du bénévolat ou de l'engagement dans une association;

- un tiers a une activité créatrice, dans le domaine artistique ou par le biais d'un projet personnel;

- malgré la consigne, plus du quart des bénéficiaires mentionnent les démarches liées à la recherche d'emploi, ce qui souligne leur importance dans la structuration du temps des chômeurs;

- une minorité dit s'ennuyer (un sur sept);

b) y a-t-il quelque chose qui vous ait aidé durant cette période ?

- trois quarts des bénéficiaires mentionnent des relations: avec leurs enfants ou leur conjoint (une moitié); avec des amis (un quart); avec des professionnels de l'aide (un sur six);

- plus du quart répond s'être aidé lui-même. Un bénéficiaire sur six mentionne un hobby, une activité. Un sur sept répond : "rien".

2.2.4 Vision de l'avenir

- un tiers des bénéficiaires exprime une vision positive de l'avenir, un peu plus du quart une vision négative;

- plus de la moitié des personnes entendues ont des projets : plus du quart espèrent trouver du travail, un quart projettent de se lancer dans le commerce, un sur sept rêve de partir (en général dans un pays peu développé);

- une intervention extérieure ("les pouvoirs publics, les hommes politiques") est attendue par un bénéficiaire sur sept. La même proportion exprime une vision où prédomine le flou, l'incertitude;

- comme dans les autres études sur le chômage, on constate une corrélation entre le fait d'avoir bon moral, de pouvoir compter sur des relations affectives proches et la capacité à se projeter dans l'avenir de manière réaliste. 80 % des personnes qui ont une vision positive de l'avenir ont un projet, une activité créatrice ou un investissement relationnel.

2.3 Vue d'ensemble

On constate que les mêmes thèmes sont évoqués spontanément dans les deux groupes-témoin. L'existence de problèmes de fonctionnement ou d'application de la loi n'empêche pas un jugement global positif. L'ensemble des entretiens peut se résumer par la phrase souvent entendue : "C'est très bien, mais ce n'est pas assez".

Parmi les thèmes annexes apparaissant dans les deux groupes, on note le problème représenté par le prix des timbres et des photocopies pour les offres d'emploi (dossiers jamais renvoyés), le travail sous-payé ou au noir, et la non-intégration de certains réfugiés.

3.1 La contre-prestation

3.1.1. Nombre

Au 30 avril 1996, on dénombre 479 contrats de contre-prestation signés pour 484 bénéficiaires (certains ayant effectué plus d'une contre-prestation), ce qui représente un tiers des bénéficiaires. L'enquête auprès des lieux de contre-prestation montre que, sur ce nombre, 312 contre-prestations au maximum sont effectivement en cours à la même date, les autres étant terminées.

Cette faible proportion s'explique par trois facteurs :

• la surcharge du service du RMCAS lors de sa première année d'existence;

• le manque de places de contre-prestations;

• une application différenciée de la loi selon les conseillers.

3.1.2 Type de contre-prestation

La loi permet d'assimiler certaines activités contractuellement définies à une contre-prestation. Quatre cinquièmes des contre-prestations sont néanmoins classiques :

- 81 % "vraies" (dans une institution),

-  9 % formation suivie,

-  4 % prise en charge d'enfants ou de familiers malades,

-  4 % bilans, thérapies, divers.

3.1.3 Type d'activité exercée par le contre-prestataire

On constate une grande variété d'activités. Les plus fréquentes (2/3 des contrats) sont les suivantes :

- 17 % soins/aide aux enfants,

- 16 % soins/aide aux personnes âgées,

- 13 % recyclage/récupération,

- 12 % aide de bureau,

-  8 % réception/accueil/vente,

-  8 % bibliothèque/documentation.

3.1.4 Durée des contrats

a) plus de la moitié des contre-prestations ont duré entre 3 mois et une année. 15 % ont duré entre 2 et 3 mois. 15 % moins d'un mois;

b) le quart des contrats ont été interrompus avant le terme prévu. 40 % de ces ruptures de contrat sont le fait de personnes qui ont quitté le RMCAS.

3.1.5 Horaire hebdomadaire

a) près de deux tiers des contre-prestataires travaillent entre 16 et 20 heures par semaine;

b) un tiers d'entre eux se situent en dessous de 16 heures.

3.1.6 Profil des contre-prestataires

L'ancienneté au RMCAS est l'un des facteurs qui favorise la contre-prestation. Le rôle du conseiller est important aussi : on constate que certains placent près de la moitié de leurs clients en contre-prestation, alors que d'autres n'y envoient que le quart.

Les contre-prestataires dans la quarantaine et ceux de plus de 55 ans sont ceux qui ont le plus de chances d'effectuer une contre-prestation. Ceux qui bénéficient d'une formation professionnelle en école (école supérieure 67 %, arts et métiers 56 %) bénéficient beaucoup plus souvent que la moyenne d'une contre-prestation, alors que les personnes sans formation voient leur taux de contre-prestation tomber à 16 %.

3.1.7 Lieux de contre-prestation

165 lieux de contre-prestation ont été recensés au 30 avril 1996. 43 % des lieux de contre-prestation sont des institutions étatiques ou para-étatiques. 34 % des organismes privés et 23 % des (petites) associations.

3.1.8 Nombre de bénéficiaires accueillis

Plus des deux tiers des lieux de contre-prestation accueillent une ou deux personnes au maximum. Au 30 avril 1996, six lieux avaient accueilli plus de 10 contre-prestataires :

• le service du tuteur général (44 personnes),

• l'Association pour le patrimoine industriel (30 personnes),

• l'hôpital de gériatrie (27 personnes),

• le service de la voirie de la commune de Meyrin (18 personnes),

• l'exposition Dialogue pour la paix de l'ONU (17 personnes) et

• la Renfile (Centre social protestant - 12 personnes).

3.2 Le point de vue des contre-prestataires

La contre-prestation est un aspect du RMCAS subjectivement important pour les bénéficiaires, indépendamment du fait qu'ils en connaissent l'expérience.

Près de la moitié des personnes ayant demandé un entretien parlent spontanément de la contre-prestation. Un tiers en effectuent une et en sont contents. Un autre tiers souhaiteraient en effectuer une, le tiers restant se partageant entre ceux qui ont fait une expérience plutôt négative et ceux qui s'opposent au principe même de la contre-prestation.

Dans les entretiens en profondeur, il apparaît que 63 % des personnes entendues n'ont pas effectué de contre-prestation. Parmi elles, plus des deux tiers expriment spontanément le souhait - parfois très vif - d'en effectuer une. Quant au tiers des personnes qui ont fait l'expérience de la contre-prestation, elles se déclarent toutes satisfaites, à une exception.

L'importance de la contre-prestation pour les bénéficiaires ressort de leurs propos sur le fait de pouvoir donner une contre-partie à l'argent reçu, de sortir de l'inactivité, de se sentir utile, de renouer des contacts sociaux, voire pour certains, de développer des projets.

3.3 Le point de vue des responsables de lieux de contre-prestation

109 institutions (sur les 165 recensées par le RMCAS) ont répondu au questionnaire envoyé par l'évaluation, ce qui représente un taux de réponse de 70 %, qui dénote l'engagement des responsables concernés.

3.3.1 Degré de satisfaction

A partir de l'évaluation de la qualité du travail, de la ponctualité, de la présence et de l'esprit de collaboration des contre-prestataires fournie en réponse au questionnaire, on a calculé un indice de satisfaction (totalement satisfait = 1, plus ou moins satisfait = 0, pas du tout satisfait = -1), qui montre que les institutions évaluent plutôt positivement les contre-prestations reçues (moyenne à 0,6).

3.3.2 Encadrement et intégration

L'encadrement de contre-prestataires a représenté une surcharge de travail dans 57 % des institutions. L'intégration en revanche n'a pas posé de problèmes dans 75 % des cas.

3.3.3 Raisons de l'accueil de contre-prestataires

A la question des raisons qui ont poussé l'institution à accueillir des contre-prestataires, on obtient des réponses qui peuvent se regrouper pour l'essentiel en trois grandes catégories :

- le désir d'aider, le sens civique, les valeurs morales, évoqués par la moitié des institutions;

- le souci d'efficacité, d'améliorer des prestations, évoqués dans une petite moitié des réponses;

- le manque de moyens propres, évoqué dans un tiers des cas.

3.3.4 Bilan de l'expérience

Les commentaires de bilan global sont différenciés selon le type d'institution :

a) dans le secteur étatique et para-étatique, la moitié des commentaires mettent l'accent sur l'enrichissement, l'ouverture et l'échange apportés par les contre-prestataires. Les commentaires franchement négatifs sont rares;

b) dans les organismes privés, on constate que l'accueil des bénévoles ne va pas de soi et nécessite un apprentissage. Deux commentaires sur cinq expriment une appréciation globalement positive de l'expérience, un sur cinq exprime une appréciation négative, le reste mettant l'accent sur l'ouverture, les caractéristiques des personnes accueillies ou la prise de conscience des réalités du chômage de longue durée;

c) dans le secteur associatif, trois quarts des commentaires émettent un bilan global positif; les associations mentionnent souvent le problème du soutien et de l'encadrement à apporter au contre-prestataire.

3.3.5 Suggestions

Un tiers des suggestions mettent l'accent sur la nécessité d'établir une collaboration plus étroite avec le RMCAS. Deux commentaires sur cinq portent sur la nécessité d'un meilleur encadrement des contre-prestataires tant au RMCAS que sur le lieu de contre-prestation.

3.4 Contre-prestation collective

Une contre-prestation collective ne se définit pas par l'existence d'un projet spécifique lié à la présence de contre-prestataires chargés de la réaliser. Les contre-prestataires travaillent ensemble, sont organisés en équipe(s) et sont encadrés par un(e) responsable lié(e) au projet et engagé(e) à ces fins. Le ou la responsable de l'équipe peut d'ailleurs être lui(elle)-même contre-prestataire.

L'intérêt des contre-prestations collectives tient au fait qu'il existe un projet qui est pensé en fonction de la contre-prestation et des gens à accueillir. Ces projets sont d'autant plus valorisants pour les contre-prestataires qui les réalisent qu'ils ne pourraient pas voir le jour sans eux. Les bénéficiaires disposent donc d'une autonomie et d'une responsabilité plus grandes que dans la plupart des autres lieux de contre-prestation.

Trois expériences sont en cours :

a) la première a lieu dans le cadre d'un service d'Etat (service du tuteur général). Les contre-prestataires effectuent des missions de travail social et de soutien;

b) la seconde est mise sur pied par une association (Association pour le patrimoine industriel), dans un cadre industriel, et rassemble des compétences techniques élevées qui ne sont plus reconnues sur le marché du travail;

c) la troisième a lieu dans une commune (service de voirie de Meyrin) et concerne la gestion des déchets encombrants.

3.5 L'allocation d'insertion

3.5.1 Nombre et type de projets

61 bénéficiaires (4 %) ont déposé un projet; 39 de ces projets sont des créations d'emploi, 19 concernent la formation et 3 la réinsertion.

3.5.2 Décisions de la commission

31 projets ont été acceptés, 14 sont à l'examen, 5 sont partiellement acceptés, 8 sont refusés, 3 sont retirés ou non valides. En totalisant les projets acceptés et ceux qui le sont partiellement, on constate que 2 % des bénéficiaires ont reçu une allocation d'insertion.

La commission d'attribution met en moyenne deux mois pour prendre une décision, avec un minimum de 14 jours et un maximum de plus de cinq mois.

3.5.3 Financement des projets

Le montant attribué varie de 800 à 10 000 F, avec une moyenne de 7 465 F. 15 projets ont reçu la somme maximale de 10 000 F, 7 projets ont reçu moins de 5 000 F. Les montants attribués étaient identiques aux montants demandés pour tous les projets.

3.5.4 Caractéristiques des demandeurs d'allocation d'insertion

La durée moyenne de présence au RMCAS est plus élevée chez les demandeurs (13 mois 1/2) que pour le reste des bénéficiaires (9 mois 1/2).

Les demandeurs sont plus souvent suisses, ex-indépendants, directeurs ou cadres, et bien formés (école professionnelle, professionnelle supérieure, université/haute école).

4. LA LOI ET SON APPLICATION

4.1 Généralités

Cette quatrième partie se fonde sur :

a) des entretiens avec les concepteurs et les promoteurs de la loi au département de l'action sociale et de la santé (DASS) et à l'Hospice général, avec les juristes de l'office cantonal des personnes âgées (OCPA), le chef et les employés du service du RMCAS (deux séries d'entretiens à une année d'intervalle), les bénéficiaires du RMCAS, la présidente de la commission de réclamation de l'Hospice général, la cheffe du service de réclamation de la commission cantonale de recours AVS-AI;

b) une enquête sur l'emploi du temps des conseillers du RMCAS (novembre 95);

c) des documents écrits relatifs au RMCAS : textes légaux officiels et directives; formulaires de l'Hospice général (formulaire d'inscription, procurations, engagement écrit); documents de service du RMCAS (fiches-type, etc.); jugements écrits rendus par la commission de recours AVS-AI; jurisprudence du Tribunal fédéral.

4.2 Les options juridiques fondamentales

La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (J 2 25) a été calquée sur la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité (J 7 15), avec des emprunts à la loi sur l'assistance publique (J 4 05).

4.2.1 Définition des ayants droit

L'article 2, alinéa 2 n'est pas conforme à l'article 43, alinéa 4 de la Constitution fédérale, qui prévoit l'égalité de traitement entre Confédérés.

4.2.2 Principe de la prestation complémentaire

La loi définit un revenu minimum que le canton garantit par comblement, non pas par rapport à une autre prestation, mais par rapport à un revenu - qui provient en règle générale du conjoint du bénéficiaire. Cet aspect n'a visiblement pas été compris par les bénéficiaires, d'autant moins qu'au moment de la création du RMCAS, la presse a présenté le revenu minimum comme un montant que les gens allaient effectivement toucher.

4.2.3 Le modèle familial de l'assistance publique revu et corrigé

On se trouve dans une situation où le comblement se fait non pas par rapport aux ressources matérielles d'un individu, mais par rapport à la situation financière d'un ménage. On est donc en droite ligne dans la philosophie générale de la loi sur l'assistance publique.

Une différence importante existe cependant. Le RMCAS ne se base pas sur la famille, c'est-à-dire sur une réalité juridiquement fondée par l'état civil, mais sur la réalité sociologique constituée par le ménage, c'est-à-dire le fait de cohabiter. Les concubins sont donc assimilés aux époux.

4.2.4 Montant légal

La somme minimale jugée nécessaire pour vivre s'élève à 1 151 F par mois pour les chômeurs en fin de droits, comparée à 1 772 F par mois pour les personnes âgées.

4.2.5 Frais ponctuels

Les frais ponctuels ne sont pas accordés systématiquement et pas à tout le monde. Dans certains cas (vêtements, crèche), ils dépendent de l'appréciation du conseiller. Dans d'autres (forfait Telecom, TPG), des caractéristiques du bénéficiaire ou d'événements indépendants de sa volonté (frais de lunettes, de dentiste). On se retrouve dans la logique de l'assistance publique. Les frais ponctuels devraient êtres inclus dans la prestation de base.

4.2.6 Définition du revenu déterminant

Sur ce point, la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit est formellement calquée sur la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, mais certains critères sont modifiés et s'alignent sur la loi et les directives d'assistance publique.

On peut se demander si la prise en compte des allocations familiales et de formation dans le revenu des chômeurs en fin de droits n'introduit pas une inégalité avec la population active. En effet, pour les gens au bénéfice d'un emploi, les allocations familiales s'ajoutent au revenu d'existence tiré du travail. Pour les chômeurs en fin de droits, elles se soustraient au revenu minimum de référence qui équivaut au salaire.

Les différences de traitement entre les chômeurs en fin de droit au bénéfice du RMCAS et les personnes âgées au bénéfice des allocations complémentaires cantonales portent sur :

- la prise en compte de la fortune nette et les déductions admises;

- les intérêts des dettes;

- le montant du loyer pris en charge.

4.2.7 Fortune

Il existe un problème pour les personnes ayant été obligées de débloquer leur 2e pilier et d'y puiser pour survivre, avant que le RMCAS n'existe. Leur capital-retraite déjà entamé est considéré comme fortune, ce qui entraîne une inégalité de traitement par rapport à ceux qui ont pu bénéficier du RMCAS dès la fin de leur droit au chômage.

4.2.8 Emploi des prestations et paiement à des tiers

Si le législateur souhaite contrôler que l'argent versé par l'Etat est effectivement utilisé aux fins prévues, l'article 18 sur le paiement à des tiers doit être remplacé par un article prévoyant que les sommes affectées au loyer ou aux frais ponctuels (si on n'inclut pas ces derniers dans le montant de base), doivent être utilisées exclusivement à ces fins.

Par ailleurs, si le législateur veut contrôler que certaines sommes versées sont utilisées à leurs fins, il faut qu'il le précise expressément dans la loi. Plus la loi prévoira de postes affectés, plus il faudra établir de contrôles privant le bénéficiaire d'une partie de ses responsabilités.

4.3 Règlement et directives d'application

4.3.1 Accès

La loi prévoit un règlement. Selon la coutume, des directives ont été édictées. Il a fallu attendre août 96 pour qu'elles soient accessibles aux intéressés.

4.3.2 Recalcul de la prestation

Les directives (article 9) obligent à recalculer la prestation à chaque modification des ressources ou des dépenses. Cette obligation donne lieu à chaque fois à une série d'opérations administratives et à une nouvelle décision. On aboutit ainsi à une moyenne de quatre changements par bénéficiaire, avec le cas extrême de 18 décisions successives. Sur 6 256 décisions du RMCAS, 73 % sont des modifications, d'où une gestion administrative très lourde.

4.3.3 Obligation de timbrer

L'obligation de timbrer (article 12, alinéa 2) est ressentie comme vide de sens par les bénéficiaires et comme une charge administrative absurde pour les conseillers obligés de contrôler les cartes de timbrage.

4.3.4 Statut des indépendants

Le RMCAS est paradoxal : il exclut les indépendants (article 1, alinéa 4), mais soutient financièrement ceux qui veulent le devenir (article 1, alinéa 5).

4.3.5 Contre-prestation

Inégalité de traitement : certains se trouvent exclus du RMCAS parce qu'ils refusent la contre-prestation, alors que la majorité des bénéficiaires ne l'effectuent pas et continuent à toucher le revenu minimum.

4.4 Les choix de l'Hospice général

4.4.1 Création d'un nouveau service

Le RMCAS donne l'image d'un service différent de l'assistance sociale, dynamique, animé par une équipe motivée et efficace, mettant le client au centre de ses préoccupations.

4.4.2 Procédures de l'Hospice général appliquées au RMCAS

Certaines redondances administratives devraient être supprimées (engagement écrit redoublant le formulaire d'inscription, procurations multiples et a priori).

Le contrôle de l'utilisation des prestations pose problème. La non-utilisation des sommes allouées aux fins prévues est un motif d'exclusion du RMCAS qui n'est légalement inscrit nulle part.

La systématisation de l'enquête (10 % des dossiers) est contradictoire avec l'article 33 des directives. La rentabilité de cette pratique est d'ailleurs questionnable : sur 132 enquêtes au hasard effectuées au 30 juin 1996, seules 4 ont repéré des fraudeurs. En revanche, les enquêtes demandées par les conseillers confirment pratiquement toujours leur suspicion.

4.4.3 Bilan, réexamen et exclusion

Sur 500 bilans annuels, 30 ont abouti à un non-renouvellement du droit. Le tiers des non-renouvellements est le fait de bénéficiaires ayant touché l'allocation d'insertion et devenant indépendants. Seuls 6 cas sont des exclusions consécutives au refus de timbrer, au non-paiement du loyer ou de l'assurance ou à la falsification de document, le reste recouvrant une incapacité de travail, ou une demande AI, ou des motifs divers.

Les bénéficiaires exclus pour comportement inadéquat sont renvoyés à l'assistance.

4.4.4 Gestion de l'information

Le choix de créer pour le RMCAS une base de données écrite en COBOL et dépendant du Kardex a eu de nombreuses conséquences négatives : c'est un outil de gestion inadapté et inefficace. Il rend les utilisateurs dépendants du service informatique. Les décisions qu'il rend et les routines de calcul qu'il utilise sont opaques. Il ne permet notamment pas de produire une fiche de paye mensuelle lisible et détaillée par postes.

L'Hospice général manque par ailleurs d'une conception globale de l'information intégrant la gestion informatique, les données statistiques et les compétences analytiques. De ce fait, les chiffres diffusés sont approximatifs.

4.5 Conséquences pratiques de la loi

Les bénéficiaires doivent fournir une masse de documents ("les papiers" et les anecdotes qui leur sont liées reviennent spontanément dans les propos de trois quarts des bénéficiaires entendus). La liste des pièces justificatives à fournir comprend 31 rubriques. Le principe de subsidiarité oblige par ailleurs le bénéficiaire à courir d'une administration à l'autre pour réclamer des allocations qui lui seront déduites au RMCAS.

La lourdeur de la loi entraîne par ailleurs une surcharge de travail pour les collaborateurs du RMCAS. L'analyse de l'emploi du temps des conseillers montre que 50 % du temps est consacré à la gestion purement administrative des dossiers, contre 25 % du temps consacré au client et 25 % à la marche du service.

4.6 Les réclamations et les recours

4.6.1 Objets de réclamation

129 réclamations (8 % des bénéficiaires) ont été déposées entre le 1er janvier 1995 et le 30 juin 1996. Elles portent principalement sur les objets suivants :

Article 2

Critères d'octroi

13 %

Article 3

Calcul du montant

13 %

Article 5

Revenu pris en compte

46 %

dont alinéa 1

ressources

17 %

dont alinéa 2

ressources assimilées

19 %

Article 6

Dépenses déductibles

17 %

Article 12

Décision après 12 mois

21 %

dont alinéa 2

obligation recherche d'emploi

15 %

Article 20

Prestations perçues indûment

11 %

Article 27

Contre-prestation

10 %

4.6.2 Décisions de la commission

Seules 112 des réclamations déposées ont été jugées, les autres étant retirées, suspendues ou irrecevables. Dans près de huit cas sur dix, la commission donne raison à la décision du service.

Le délai moyen entre le dépôt d'une réclamation et la notification de la décision à l'intéressé est de deux mois et demi, avec un minimum de 33 jours et un maximum de 168 jours.

4.6.3 Caractéristiques des recourants

Plus de la moitié des recours ont été déposés dans les trois premiers mois d'existence du RMCAS, plus des trois quarts dans les 7 premiers mois.

Le taux de réclamations varie selon le conseiller. Il faut cependant garder à l'esprit que certains, plus solides que d'autres, se voient systématiquement attribuer les clients difficiles.

Les concubins et les personnes vivant en cohabitation déposent entre deux et trois fois plus de réclamations que les autres. Par ailleurs, le taux de réclamation est fonction de l'origine sociale : aux extrêmes, les travailleurs non qualifiés sont moins de 2 % à réclamer, tandis que les intellectuels et les cadres sont plus de 8 %.

4.6.4 Fonctionnement

Malgré la présence de membres de la société civile, la commission de réclamation n'est pas neutre. Institution interne de l'Hospice général où les dossiers sont présentés par les chefs de service, elle est juge et partie. Une solution de rechange consisterait en une instance de type ombudsman, ou au mode de gestion des litiges mis sur pied par la commission de recours AVS-AI.

4.6.5 Les recours à la commission AVS-AI

Au 30 juin 1996, on comptait 20 recours déposés devant la commission de recours AVS-AI, dont 12 avaient été jugés. Le délai entre le dépôt d'un recours et la notification du jugement à l'intéressé varie entre 2 mois 1/2 et 7 mois, avec une moyenne de 5 mois. La commission est donc extrêmement lente à juger.

Sur les 12 recours jugés, la commission en a rejeté 5, en a accepté 3 et en a renvoyé 3 à l'Hospice général pour une nouvelle décision; un recours est retiré.

III. POSITION RÉSUMÉE DE L'HOSPICE GÉNÉRAL

1. DU POINT DE VUE GÉNÉRAL

Le rapport démontre que la loi a atteint ses objectifs et que les collaborateurs de l'Hospice général ont su l'appliquer avec clairvoyance et efficacité.

Le rapport apporte beaucoup de données sociologiques sur la "clientèle" du RMCAS. Il ne répond pas à des questions relatives à la mise en place du RMCAS et comment ledit revenu pourrait être utilisé pour d'autres catégories de personnes.

2. DU POINT DE VUE PARTICULIER

2.1 Informatique

L'Hospice général admet que son informatique n'a pas permis de traiter toutes les données du RMCAS, en particulier celles des contre-prestations. Cependant, elle a permis de payer aux bénéficiaires leur "revenu minimum", à chaque terme dans les délais. Le rapport d'évaluation n'en fait pas mention.

2.2 Statistiques

Les données des contre-prestations entrées par l'évaluateur peuvent être interprétées différemment selon les critères que l'on retient.

2.3 A propos de la loi

L'Hospice général pense avoir constamment respecté la volonté du législateur qui était de donner aux bénéficiaires du RMCAS un montant le plus proche possible de celui qui correspond aux normes de l'assistance publique.

2.4 Relations avec les services de l'Hospice général

A propos des "lourdeurs administratives" constatées dans le rapport, l'Hospice général mentionne qu'une administration publique distribuant l'argent de la collectivité doit édicter des règles précises, se donner les moyens d'obtenir des renseignements, vérifier les données. Le bénéficiaire, de son côté, doit accepter de respecter certaines règles administratives.

2.5 Contre-prestation

Les critiques faites par l'évaluateur ne semblent pas correspondre à la volonté du législateur. Fin avril 1996, le RMCAS était en mesure d'offrir 113 places de contre-prestations sachant que l'objectif qualitatif "la bonne personne au bon endroit" prime sur le quantitatif. Fin 1996, 45 % des bénéficiaires se trouvaient en activité.

2.6 Allocation d'insertion

Aucune analyse qualitative n'a été faite de l'allocation d'insertion, le chapitre à ce sujet aurait dû être développé.

2.7 Réclamations

Certaines remarques sont en partie fondées. Depuis fin 1996, pour résorber le retard, la commission d'évaluation tient deux séances par mois. Le délai de réponse aux recourants devrait être raccourci.

3. CONCLUSIONS

L'Hospice général prend acte que, d'une manière générale, le bilan est positif. Il est satisfait que la qualité du travail des ses collaborateurs soit reconnue, en particulier la qualité de l'accueil.

IV. POSITION DE L'OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 La relation entre l'Office cantonal de l'emploi (OCE) et le RMCAS est qualifiée, au paragraphe 2.3, deuxième paragraphe, de problématique sur les points suivants :

a) différence d'esprit essentielle entre les deux institutions

 Cette différence est normale. Le RMCAS a une vocation sociale cantonale, l'OCE a une vocation avant tout économique axée sur la réinsertion professionnelle rapide, et est géré selon les principes d'une assurance et de directives fédérales strictes;

b) doléances sur la qualité de l'accueil

- sur le plan des locaux, l'OFDE a accepté de financer leur transformation;

c) doléances sur la relation avec le placeur

 Les placeurs doivent apporter un soutien, mais aussi contrôler, placer et sanctionner; il est compréhensible que, quelle que soit l'ouverture d'esprit du placeur, la relation ne soit pas de même nature que dans un contexte purement social, notamment pour les personnes en difficulté;

d) doléances sur le fonctionnement de l'office

 La remarque est trop générale pour être appréciée. Néanmoins, l'OCE entretient des relations régulières et formalisées avec la direction de l'Hospice général et le RMCAS; ces relations sont d'excellente qualité;

e) doléances concernant les cours informatique

 Tous les cours pour demandeurs d'emploi sont agréés et évalués selon une procédure dont le niveau d'exigence n'a pas d'égal dans le canton.

 Là aussi, la remarque est trop vague pour être appréciée.

V POSITION DU CONSEIL D'ETAT

1. RÉPONSES AUX QUATRE QUESTIONS POSÉES

1.1 La loi a-t-elle atteint ses objectifs ?

Le but mentionné à l'article 1 de la loi précise que celle-ci est destinée à éviter aux chômeurs qui ont épuisé leurs droits de devoir recourir à l'assistance.

Cet objectif est largement atteint : le RMCAS répond à un besoin réel.

1.2 Quels problèmes son application a-t-elle rencontrés ?

a) la lourdeur et les exigences de la loi entraînant une charge administrative excessive;

b) l'insuffisance des outils de gestion mis en oeuvre par l'Hospice général;

c) le glissement de la prise en charge des bénéficiaires vers des pratiques de contrôle faisant mauvais ménage avec le droit.

1.3 Les bénéficiaires sont-ils effectivement réinsérés ?

La proportion de bénéficiaires qui ont retrouvé un emploi se situe entre 11 % et 21 %.

Six mois après leur sortie du RMCAS, les deux tiers de ceux-ci étaient encore sur le marché du travail, soit environ 10 %.

La contre-prestation est subjectivement vécue comme une réinsertion par les bénéficiaires.

1.4 Quels effets la loi a-t-elle sur le dispositif général d'aide sociale du canton de Genève, du point de vue des coûts, de la prise en charge et du vécu des bénéficiaires?

Le bilan général en fin de rapport de l'évaluateur ne répond pas à cette question. Il faut se rapporter aux différents chapitres de celui-ci pour en tirer les éléments significatifs.

2. LES ÉLÉMENTS POSITIFS DE L'ÉVALUATION

2.1 Bénéficiaires

La loi a rempli largement son but : dès le 1er janvier 1995, 230 personnes de l'assistance et 215 du Fonds cantonal de chômage ont été transférées au RMCAS.

Il n'y a pas eu "d'appel d'air". Le nombre de bénéficiaires, une fois le transfert susmentionné réalisé, montre que le RMCAS n'a pas attiré des catégories de population nouvelles. Seuls des chômeurs en fin de droit en provenance de l'office cantonal de l'emploi sont au bénéfice du revenu minium, alors qu'auparavant ils n'avaient d'autre choix que le recours aux prestations de l'assistance.

L'analyse du profil des bénéficiaires du RMCAS montre leur haut niveau de formation, relativement à l'image généralement connue des chômeurs en fin de droit : 14 % ont une maturité et 13 % un diplôme universitaire ou d'une haute école.

2.2 Coûts

Les coûts ont été maîtrisés.

2.3 Contre-prestation

Par la contre-prestation, la loi crée une vraie dynamique d'insertion. Celle-ci est vécue très positivement par les bénéficiaires. Sur les deux ans en moyenne, 45 % d'entre eux sont en activité et 10 % des bénéficiaires du RMCAS sont toujours professionnellement réinsérés après 6 mois de travail.

3. LES CRITIQUES RETENUES

3.1 Insuffisance du revenu

Parmi les critiques exprimées par les bénéficiaires, ressort le fait que, si le jugement global porté sur le RMCAS est positif, le revenu lui-même est jugé insuffisant.

Le revenu moyen du RMCAS est de 2 072 F. Il est en cela comparable à celui de l'assistance, qui s'élève à environ 2 000 F par mois. Il reste, par contre, effectivement inférieur aux prestations de l'assurance LACI que les chômeurs ont touchées préalablement.

3.2 Lourdeurs administratives

Les lourdeurs administratives sont également mentionnées comme un élément négatif dans l'évaluation. Celles-ci sont dues en partie à la loi elle-même, en partie à l'organisation de l'Hospice général et à la déficience de son système d'information.

C'est en particulier pour apporter une réponse au problème de la lourdeur de l'administration que le Conseil d'Etat a fixé comme objectif "la définition d'un mode de calcul unique du revenu déterminant couvrant le droit aux différentes prestations sociales".

Par ailleurs, la création d'un dossier client unique devrait également faciliter l'accès aux prestations et simplifier les démarches des usagers.

3.3 Peu de résultats de l'allocation d'insertion

Contrairement à la contre-prestation qui a provoqué un élan très dynamique, l'allocation d'insertion, ne concernant dans les faits que 4 % des bénéficiaires, manque sa cible. Elle provoque même un effet de "dépendance", puisque les bénéficiaires ayant déposé un projet restent en moyenne plus longtemps au RMCAS que les autres.

VI. LE RMCAS APRÈS 48 MOIS D'EXISTENCE

Après 48 mois d'application de la nouvelle législation, au 31 décembre 1998, 993 chômeurs en fin de droit bénéficient du RMCAS. Le coût moyen par dossier est de 2 178 F. Sur 48 mois, quatre constatations peuvent être faites :

a) à l'ouverture du nouveau service par l'Hospice général, 200 personnes ont quitté le fonds cantonal et 200 personnes ont quitté l'assistance publique. 521 personnes viennent en droite ligne des services de l'office cantonal de l'emploi : il n'y a donc pas eu "appel d'air";

b) le coût total des prestations versées s'élève à 96 millions;

c) la dynamique d'insertion est franchement engagée : au 31 décembre 1998, 63 % des bénéficiaires (625 personnes) sont en activité. C'est un chiffre supérieur aux prévisions;

d) la nouvelle LACI, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, a donné droit, pour 399 bénéficiaires du RMCAS, à de nouvelles indemnités de chômage. Les contrats de contre-prestation de ces personnes ont été transformés en mesures actives, gérées par le service du RMCAS.

En ce qui concerne les bénéficiaires du RMCAS, les observations suivantes peuvent être faites :

a) il y a 26,9 % de Genevois, 38,4 % de Confédérés et 34,7 % d'étrangers;

b) il y a 34,6 % de célibataires, 21,3 % de mariés, 34,2 % de divorcés, 8,7 % de séparés et 1,2 % de veufs;

c) selon le sexe, la répartition est de 59,8 % d'hommes et de 40,2 % de femmes;

d) 16,5 % sont des hommes de moins de 40 ans et 17,5 % sont des femmes de moins de 40 ans;

e) 24,8 % sont des hommes de plus de 50 ans et 12,6 % sont des femmes de plus de 50 ans;

f) 71,9 % des demandeurs proviennent du secteur tertiaire;

g) 76,5 % des demandeurs ont une formation professionnelle ou universitaire.

VII. CONCLUSIONS

1. Dans un jugement du 27 octobre 1995, le Tribunal fédéral a confirmé que, si l'ordre juridique suisse garantit des droits tels que la liberté individuelle et la liberté d'expression, il doit, a fortiori, protéger le droit à une couverture minimale des besoins d'existence en faveur des personnes démunies de toute ressource.

2. Dans son discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a donc affirmé sa volonté de "mieux lutter contre l'exclusion et la pauvreté en remplaçant l'assistance publique par un droit individuel à un revenu minimum, accompagné d'une contre-prestation facilitant la réinsertion dans la vie professionnelle".

3. Dans cette perspective, l'élaboration et la mise en place du RMCAS - qui a atteint ses objectifs et qui a reçu le prix international Speyer, récompensant la qualité dans l'administration publique - a permis à l'Hospice général d'acquérir une expérience qui est précieuse.

Débat

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Ce rapport, attendu comme l'Arlésienne, a été soumis aux commissaires de la commission des affaires sociales, qui s'interrogeaient sur son contenu vu le mystère et l'attente qui ont prévalu à sa remise. Eh bien, les résultats ne suscitent pas polémique ou contestation ! Cette loi - une première - a été évaluée après quarante-huit mois. Cette démarche doit être soulignée, car elle correspond à une vision politique nouvelle, à savoir que chaque loi n'est pas immuable et doit être mesurée et analysée avant de poursuivre ses effets.

Les résultats sont intéressants. Tout d'abord, cette loi a répondu aux attentes de ses concepteurs. Le RMCAS correspond à un besoin réel ; la loi a contribué à lutter contre l'exclusion ; les contre-prestations ont créé une vraie dynamique d'insertion ; les coûts ont été maîtrisés. Cette loi a révélé, par ailleurs, des aspects du RMCAS peut-être ignorés, à savoir que les bénéficiaires sont majoritairement Suisses, qu'une grande proportion d'entre eux sont au bénéfice d'une formation universitaire.

Ce premier rapport permettra certainement d'utiliser ses forces et faiblesses pour étudier et concevoir le futur revenu minimum d'insertion. C'est ainsi que le groupe radical vous propose de prendre acte de ce rapport.

M. Pierre Marti (PDC). Je n'ajouterai pas grand-chose aux propos de la préopinante. Je rappellerai simplement que ce rapport devait nous être donné il y a déjà deux ans et que, pour aller de l'avant et pour pouvoir travailler sur le prochain RMR, nous espérons recevoir sous peu le deuxième rapport sur les effets du RMCAS, qui devait nous être fourni en janvier 1999.

M. Pierre-Alain Champod (S). En deux mots, nous avons lu avec intérêt ce rapport du Conseil d'Etat, qui est en effet arrivé un peu tardivement puisque nous aurions dû le recevoir en 1997, soit deux ans après l'entrée en vigueur du RMCAS. Globalement, l'expérience du RMCAS est positive, notamment parce qu'elle a permis à des milliers de chômeurs en fin de droit de ne pas se retrouver à l'assistance, mais de recevoir une prestation qui soit un droit.

Cela dit, dans l'application quotidienne, on a quand même constaté quelques problèmes. Je pense notamment à la prise en compte des frais extraordinaires, par exemple des frais de déménagement. Un article de la loi dit clairement que les bénéficiaires du RMCAS doivent avoir les mêmes prestations que les personnes à l'assistance. Or, dans de nombreux cas, ce n'est pas ce qui est appliqué par l'Hospice général.

Un deuxième point, dont nous aurons l'occasion de discuter lorsque nous aborderons le RMR - qui nous est aussi promis depuis longtemps et qui, semble-t-il, est sur le point d'arriver - est la question du montant des prestations. De ce premier rapport d'évaluation, il ressort que le revenu minimum versé aux chômeurs en fin de droit est relativement bas. S'agissant de revenu minimum, on constate du reste qu'il y a de grandes différences selon les bénéficiaires. Dans tous les cantons, ce sont les retraités qui bénéficient du revenu minimum le plus élevé ; viennent ensuite les gens qui sont assistés ou qui reçoivent des prestations du type du RMCAS ou du futur RMR, ou encore du RMI dans le canton de Vaud ; enfin, tout en bas, on trouve les requérants d'asile. Les différences peuvent aller du simple au double et cela ne nous paraît pas normal.

Nous aurons l'occasion de reprendre toutes ces questions dans les mois qui viennent, lors de l'étude du projet de loi sur le RMR qui nous est promis par le Conseil d'Etat. Pour le reste, le groupe socialiste prend acte de ce rapport.

Mme Magdalena Filipowski (AdG). Je voudrais ajouter deux remarques à ce qui vient d'être dit. Premièrement, il est surprenant de voir le grand pourcentage de personnes en fin de droit qui ont une formation supérieure, voire une formation universitaire. Cela va à l'encontre de l'opinion générale selon laquelle le problème essentiel des chômeurs est le manque de formation. Il y a là un point à analyser, en relation avec toutes les offres de formation que le chômage devrait procurer : comment des personnes relativement jeunes et bien formées se retrouvent-elles au revenu minimum ?

La deuxième remarque concerne le fait qu'à Genève le nombre de bénéficiaires du revenu minimum est très bas par rapport aux chômeurs de longue durée. Selon les statistiques, à Genève, 50% de chômeurs en moins que dans d'autres cantons arrivent en fin de droit. C'est-à-dire qu'un certain nombre de chômeurs de longue durée, avant d'arriver en fin de droit, disparaissent des statistiques, disparaissent des registres de l'office cantonal de l'emploi, et ce dans une proportion beaucoup plus importante - 50% en plus - que partout ailleurs en Suisse. Il y a là une lacune dans l'information : que deviennent-ils, ont-ils tous retrouvé un emploi ? Je regrette de devoir en douter ! Il y a à cet égard un vide entre la politique de l'office cantonal de l'emploi et la politique du département des affaires sociales, qui gère le revenu minimum. 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.