République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 mai 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 7e session - 22e séance
R 400
Introduction
Points de A à G. Extrait du rapport du Comité des droits de l'homme des Parlementaires présenté à la 99e Conférence interparlementaire (Windhoek, 6-11 avril 1998)
Institution du SLORC
Le Myanmar (Birmanie) a un régime militaire depuis 1962, date à laquelle le général Ne Win a pris le pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat. Il a lancé un programme connu sous le nom de « Voie birmane du socialisme ». En 1988, la suppression de tous les droits civils et politiques et les résultats économiques désastreux du régime ont suscité un mécontentement général et des manifestations ont commencé. Selon des estimations officieuses, la répression violente du mouvement démocratique par l'armée a fait entre 3 000 et 10 000 morts cette année-là.
Les généraux ont proclamé l'état d'urgence et, le 18 septembre 1988, ont constitué le « Conseil d'Etat pour le rétablissement de l'ordre public » (SLORC) qui a promis d'organiser des élections.
Les élections législatives de mai 1990
Les élections générales de mai 1990 ont été libres et régulières, ainsi que des sources gouvernementales et non gouvernementales l'ont à plusieurs reprises déclaré. Les résultats publiés par le gouvernement ont montré que la NLD avait obtenu 392 des 485 sièges à pourvoir (80 pour cent des voix). Selon le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme pour le Myanmar (voir rapport E/CN.4/1993/37), 11 de ces élus sont entre-temps décédés (un en détention) et plus de 70 ont été incarcérés et/ou déclarés indignes d'occuper leur siège au sein de l'Assemblée élue ou de se représenter à des élections futures, certains pendant une durée de cinq ans, d'autres à vie.
Le Pyithu Hluttaw (Parlement) n'a pas été convoqué. Le SLORC a fait savoir au Rapporteur spécial (voir rapport E/CN.4/1993/37) que « le but des élections n'avait pas été de remettre le gouvernement aux mains du parti élu, mais de sélectionner les personnes qui rédigeraient la nouvelle Constitution, après quoi il y aurait un changement de gouvernement ».
Le 27 juillet 1990, le SLORC a, dans sa Déclaration N° 1/90, annoncé entre autres qu'une large convention nationale allait être convoquée afin que puissent être discutés tous les facteurs à prendre en considération lors de la rédaction de la Constitution. Il déclarait en outre que les représentants élus en mai 1990 seraient chargés de rédiger la nouvelle constitution et il interdisait au Pyithu Hluttaw de siéger sans l'accord de l'armée.
Convocation d'une Convention nationale détournant la volonté des citoyens
Le 9 janvier 1993, le gouvernement a convoqué une Convention nationale pour fixer les principes de base à appliquer dans l'élaboration d'une nouvelle constitution. Des 702 délégués, environ 650 représentants (soit 70 pour cent) ont été choisis par le SLORC. De plus, depuis le début de la Convention nationale, de nombreux participants ont été, selon la source, disqualifiés ou arrêtés pour avoir enfreint les lignes directrices établies par le SLORC pour la Convention et, en particulier, pour avoir contesté le rôle dirigeant prévu pour le Tatmadaw (l'armée). Dans son rapport à la Commission des droits de l'homme de février 1995 (E/CN.4/1995/65), le Rapporteur spécial déclarait qu'il ne pouvait « s'empêcher d'estimer que, vu la composition de l'assemblée des délégués (seul un délégué sur sept a été élu aux élections de 1990), vu les restrictions qui leur ont été imposées (pratiquement aucune liberté de réunion, aucun droit d'imprimer et de distribuer des tracts ou de s'exprimer librement), et vu les lignes directrices qui devaient être suivies strictement (y compris le principe concernant le rôle dirigeant du Tatmadaw), la Convention nationale ne paraît pas créer les conditions nécessaires au rétablissement de la démocratie, par un respect total de la volonté du peuple telle qu'elle s'est exprimée lors des élections démocratiques de 1990 ».
Il est à noter que Daw Aung Sang Suu Kyi, Secrétaire générale de la NLD, lauréate du Prix Nobel de la Paix 1991, libérée en juillet 1995 de l'assignation à résidence qui lui était imposée depuis 1989, a déclaré publiquement que la Convention nationale était absolument inadmissible. En effet la NLD n'a eu droit qu'à 15 pour cent des sièges à la Convention nationale, bien qu'elle en ait remporté plus de 80 pour cent aux élections de 1990. Il est de ce fait paradoxal que le SLORC prétende que la Convention visait à permettre aux représentants élus d'élaborer une nouvelle Constitution. En novembre 1995, les délégués de la NLD se sont retirés de la Convention, de sorte que celle-ci ne présente plus le moindre lien, aussi ténu soit-il, avec les élections de 1990.
Il convient de relever que, selon des sources issues de l'opposition, le SLORC a commencé, peu après l'opération « coup de poing » lancée en mai 1996 contre la NLD, à faire pression sur les parlementaires-élus de ce parti pour qu'ils démissionnent de leur siège de parlementaires et du parti lui-même. Des agents de renseignement de l'armée auraient menacé et harcelé les parlementaires élus, leur disant que s'ils ne démissionnaient pas, ils perdraient leur emploi, eux et les membres de leur famille. Au début du mois de septembre 1996, 20 parlementaires-élus de la NID auraient démissionné.
Arrestations en rapport avec le congrès de la NLD (26-28 mai 1996)
Selon diverses sources, une vague d'arrestations de parlementaires-élus de la NLD a commencé le 20 mai 1996. Ainsi 258 militants de la NLD ont été détenus, et parmi eux 235 parlementaires-élus, dont 91 ont été identifiés par Amnesty International.
Informations concernant de nouvelles arrestations intervenues depuis décembre 1996
Selon Amnesty International, deux autres parlementaires-élus, Saw Oo Reh de l'Etat Kayan Loiks et Hia Min du district de Tenasserim ont été arrêtés les 15 et 19 novembre 1996, respectivement. Saw Oo Reh a été condamné à l'issue d'un procès qui a eu lieu le 29 novembre et le 18 décembre 1996 à 17 ans d'emprisonnement en vertu de la loi sur les associations illégales, de la loi de 1962 sur les imprimeries et les maisons d'édition et de la loi de 1950 sur l'état d'urgence.
Evolution en 1997
Du 22 au 26 mai 1997, la NID avait prévu une réunion pour célébrer l'anniversaire de sa victoire électorale de 1990. Ceci s'est traduit par une nouvelle vague d'arrestations, y compris de parlementaires-élus de la NLD. Lorsque près de 80 membres de la NLD et des représentants des ambassades des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie et d'Italie se sont rassemblés en quatre lieux différents dans la matinée du 27 mai, on leur a dit qu'aucune demande officielle n'avait été présentée en vue de la tenue de pareilles réunions et ils ont été invités à quitter les lieux. Les autorités n'ont procédé à aucune arrestation. Elles n'avaient d'autre objectif que de faire régner la loi et l'ordre.
Than Nyein, député-élu de la commune de Kyauktan, et May Win Myint, députée-élue de Mayangone, auraient été arrêtés par des agents des services de renseignements militaires les 28 et 29 octobre 1997, respectivement, avec plusieurs autres responsables de la NLD, après que ces agents eurent saisi des documents en leur possession. Ces arrestations auraient eu lieu lorsque la NLD a tenté de tenir une réunion le 28 octobre en vue de réorganiser sa section des jeunes de Mayangone. Les sources craignent que ces personnes ne s'exposent à des mauvais traitements pendant leur détention.
Conclusion
Lors de sa 67e session (septembre 1994), le Comité a soumis de nouveau le cas au Conseil interparlementaire. Le Conseil a estimé que la Convention nationale convoquée par le SLORC le 9 janvier 1993 ne saurait en aucun cas être considérée comme une mesure allant dans le sens de la restauration de la démocratie. Il a réitéré son souhait d'envoyer une mission au Myanmar.
Lors de sa 156e session (avril 1995), le Conseil interparlementaire s'est à nouveau déclaré indigné par le fait que les autorités de l'Union du Kyanmar continuent à se soustraire au verdict des urnes, soulignant qu'il y a là une violation du principe consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme selon lequel « la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ». Le Conseil demeure profondément préoccupé par la situation des parlementaires maintenus en détention et a exprimé le souhait de connaître leurs conditions actuelles de détention ainsi que les perspectives de libération. Enfin, il a instamment prié les autorités du Myanmar d'accepter l'envoi d'une mission de l'Union interparlementaire.
Le Conseil interparlementaire, lors de sa 158e session (avril 1996), n'a pu que réaffirmer son indignation du fait que l'Union du Myanmar continue à se soustraire au verdict des urnes. Par ailleurs, le Conseil s'est déclaré alarmé par les allégations concernant le traitement qui aurait été infligé aux députés-élus pour avoir essayé d'entrer en contact avec le Rapporteur spécial de l'ONU sur le Myanmar et indigné à l'idée qu'ils pourraient avoir été jugés en vertu de la loi de 1950 sur l'état d'urgence pour avoir tenté d'entrer en contact avec le Rapporteur spécial de l'ONU, ainsi qu'ils en ont le droit.
Le Conseil interparlementaire, à sa 160e session (avril 1997), a réitéré son indignation du fait que les autorités de l'Union du Myanmar continuent à se soustraire au verdict des urnes du 27 mai 1990, et a considéré que la Convention nationale avait pour but de prolonger et de légitimer le pouvoir militaire contre la volonté du peuple telle qu'elle s'est exprimée par les élections de 1990. Le Conseil a prié instamment les autorités de libérer immédiatement et sans condition tous les députés-élus encore détenus, de garantir leur intégrité physique et de veiller, comme elles en ont le devoir, à ce que soit respecté leur droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association.
Exprimant de nouveau son indignation de ce que les autorités de l'Union du Myanmar continuaient à se soustraire au verdict des urnes du 27 mai 1990, le Comité, à sa 80e session (janvier 1998), les a engagées à prendre les mesures nécessaires pour instaurer un véritable processus de transition vers la démocratie et remettre le pouvoir aux représentants démocratiquement élus en 1990. Il s'est déclaré par ailleurs scandalisé de voir que les autorités semblaient persister dans leur politique d'arrestation des parlementaires-élus qui n'avaient fait que chercher à exercer leurs droits et libertés fondamentaux et a instamment prié les autorités de les libérer immédiatement et sans condition.
Evolution en 1998
Lors du Congrès de la NLD, tenu à Rangoon du 25 au 27 mai 1998, une résolution a été adoptée dans laquelle il était demandé à l'autorité militaire de convoquer le Parlement élu lors des élection du 27 mai 1990 dans un délai de trois mois.
Bien avant que ce délai arrive à expiration une vague d'arrestations a frappé le mouvement de la NLD. Ainsi, de fin juin à fin août 1998, 197 parlementaires-élus ont été arrêtés.
De nouvelles arrestations, début octobre 1998, ont porté le nombre des parlementaires-élus incarcérés à 203.
Pour tous ces motifs, nous vous demandons Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette résolution et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Régis de Battista (S). Cette résolution, présentée par toute une série de députés de ce Grand Conseil, fait suite à une longue liste : le Tibet, les Kurdes, les réfugiés du Kosovo...
Il est important de souligner que 80% des sièges du parlement de la Birmanie ont été obtenus légalement après une élection législative qui a eu lieu le 27 mai 1990. Cette élection a représenté une victoire pour la Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par la fameuse Mme Aung San Suu Kyi, lauréate du Prix Nobel de la paix en 1991. Malheureusement, cette victoire de la démocratie n'a pas du tout été appréciée par la dictature militaire mise en place, suite à un coup d'Etat en 1962, et cette dernière refuse d'appliquer le résultat de ces élections libres et régulières.
Depuis lors - il faut le dire et le répéter avec force et résolution - le peuple birman subit une oppression militaire inacceptable, qui ne respecte en aucune manière les règles élémentaires de la démocratie qui nous sont si chères ici en Suisse.
C'est la raison pour laquelle je vous prie, au nom de mon groupe, de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(400)
« Solidarité parlementaire avec la Birmanie (Myanmar) »
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
que la Birmanie a accédé à l'indépendance en 1947 ;
que depuis 1962 le pays est régi par une dictature militaire ;
que des élections législatives générales, organisées en mai 1990 et unanimement jugées libres et régulières, ont attribué le 82 % des sièges à la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), dirigée par Aung San Suu Kyi (lauréate du Prix Nobel de la Paix 1991) ;
que cette dernière a été frappée par une mesure d'assignation à résidence surveillée pendant six ans et que, la mesure levée en juillet 1995, elle n'a jamais pu se déplacer librement dans son propre pays et se trouve encore aujourd'hui isolée par des barrages militaires ;
qu'encore au cours du mois de juillet 1998, Aung San Suu Kyi a été sévèrement restreinte dans ses déplacements et reconduite de force à son domicile ;
les différentes résolutions adoptées par le Comité des droits de l'homme, des parlementaires de l'Union interparlementaire, suite au grand nombre de parlementaires-élus emprisonnés ;
que les parlementaires-élus en mai 1990 sur les listes de la NLD qui ont pu s'échapper à l'étranger ont constitué un gouvernement en exil appelé « National Coalition Government Union of Burma » (NCGUB) dirigé actuellement par le Dr Sein Win ;
les différentes résolutions adoptées par la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies ainsi que celles adoptées par l'Assemblée générale de l'ONU ;
le rôle que la République et canton de Genève se doit de jouer dans le concert international en particulier en cette année commémorant le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
invite le Conseil d'Etat
à recevoir officiellement, lors de son prochain passage à Genève, la délégation du NCGUB et son Premier ministre ;
à recommander aux autorités fédérales d'intercéder auprès du gouvernement militaire abusivement au pouvoir pour qu'il entame de véritables négociations avec les cadres de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), y compris sa Secrétaire générale Aung San Suu Kyi ;
à recommander aux autorités fédérales d'entamer un dialogue officiel avec le gouvernement en exil (NCGUB) ;
à accorder un appui à la représentation du NCGUB lors de ses séjours sur notre sol, notamment pendant les sessions de la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies.