République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7565-B
29. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les forêts (M 5 10). ( -) PL7565
 Mémorial 1997 : Projet, 586. Renvoi en commission, 629.
 Mémorial 1998 : Renvoi en commission, 4973.
Rapport de M. Roger Beer (R), commission de l'environnement et de l'agriculture

Bref rappel

Après avoir été présenté par le Conseil d'Etat lors de la séance du 24 janvier 1997, le projet de loi 7565 sur les forêts (M 5 10) a été traité par la Commission de l'environnement et de l'agriculture. Après plus de 10 séances d'étude, un premier rapport a été déposé le 9 juin 1998.

Lors de la séance du Grand Conseil du 25 septembre 1998, le rapporteur a demandé le renvoi en commission suite à de nouvelles demandes d'auditions concernant cette loi sur les forêts. En effet, la Chambre genevoise immobilière (CGI) a demandé, après la clôture des travaux, à être auditionnée par la Commission de l'environnement et de l'agriculture. Un représentant de la société de gymnastique et de sport Satus-Grütli-Genève a également sollicité une audition.

Enfin, parallèlement à ces démarches, le Conseil d'Etat et certains partis politiques entendaient également encore déposer des amendements en séance plénière. C'est donc pour éviter de longs débats techniques et souvent peu constructifs en séance plénière, que ce projet de loi est retourné en commission.

Sous la présidence de M. François Courvoisier, député, la Commission de l'environnement et de l'agriculture a réétudié le projet de loi 7565 sur les forêts à l'occasion des séances des 17 septembre, 8 et 15 octobre et 12 novembre 1998. M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAE), avec Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe, et M. André Joly, inspecteur cantonal des forêts, assistaient aux séances de la commission et participaient aux travaux, qui se sont parfois déroulés dans une ambiance tendue ! Qu'ils trouvent ici le témoignage de notre gratitude pour leur aide et leurs conseils aussi éclairés que compétents.

Enfin, pour compléter cette introduction, j'invite toutes les députées et tous les députés à se référer au rapport du 9 juin 1998 (annexé) pour les questions générales concernant ce projet de loi. Je m'en tiendrai donc ici aux auditions ainsi qu'aux travaux liés directement aux multiples nouveaux amendements...

Auditions

Audition de la Chambre genevoise immobilière (CGI), le 8 octobre 1998 : M. Max Muller, secrétaire général, et M. Julien Blanc, représentant des promoteurs et constructeurs genevois.

Les représentants de la Chambre genevoise immobilière craignent que l'application de cette loi ait un impact trop important sur la zone à bâtir, plus particulièrement en zone de villas. Ils déplorent également que les cordons boisés situés en bordure des cours d'eau soient assimilés à des forêts, avec pour conséquence la suppression de droits à bâtir. Selon eux, la combinaison de l'article 2 et de l'article 11 rendrait des dizaines d'hectares inconstructibles, notamment à cause de la distance (30 m) à respecter depuis la lisière forestière.

Malgré la conformité de ces prescriptions à la loi fédérale, les représentants des milieux immobiliers estiment qu'il faut trouver un équilibre entre l'intérêt public (protection de la nature) et les dommages à la propriété privée, puisqu'il devient de plus en plus difficile de bâtir.

Leurs craintes portent également sur les conséquences financières pour l'Etat de l'application d'une loi qui entraînerait l'expropriation matérielle de certaines parcelles. Cette expropriation pourrait entraîner, sur demande, le paiement d'une indemnité au propriétaire lésé.

Enfin, ils estiment également que la reconnaissance de la nature forestière d'un peuplement situé en zone de villas peut fortement perturber l'avenir d'une parcelle (inconstructibilité). Leurs revendications et leurs propositions d'amendement sont détaillées dans leur correspondance du 8 octobre 1998 (annexe N° 1).

Audition de la société de gymnastique et de sport Satus-Grütli-Genève : M. Carlo Milan, responsable technique des courses d'orientation.

Lors de son audition, M. Milan - qui explique qu'il est responsable technique de courses d'orientation - rappelle que les organisateurs et les participants sont conscients qu'ils doivent prendre toutes les mesures qui s'imposent pour protéger le milieu naturel, donc la forêt. Il émet toutefois de fortes réserves à l'égard de l'article 19, paragraphes 1 et 2.

Il estime que ces mesures sont en contradiction avec la garantie du libre accès aux forêts. Il conçoit qu'il faille demander une autorisation pour de grandes manifestations - plus de 500 personnes -, mais redoute devoir entreprendre de longues démarches administratives pour des entraînements ou des courses de moindre importance.

Il n'est pas opposé à demander l'accord des propriétaires, à condition toutefois que la décision finale incombe à l'inspecteur forestier, ceci afin d'éviter d'avoir à solliciter plusieurs départements. Il souligne enfin qu'à Genève, il n'existe que deux clubs qui pratiquent la course d'orientation pédestre et une course d'orientation de nuit. Ces manifestations se déroulent sur les trois sites suivants : les Granges de Malval (4 courses), Satigny (3 courses) et le terrain Jakob à Meyrin (1 course).

A sa correspondance du 17 juillet 1998.

Autres auditions

Malgré son audition lors de la première étude du projet de loi, le WWF a saisi le Grand Conseil, dans une correspondance du 17 juin 1998, d'un certain nombre de propositions d'amendements à la loi votée en commission (annexe N° 4). Dans sa réponse adressée aux députés le 25 juin 1998, M. le conseiller d'Etat Robert Cramer apporte des précisions aux différentes propositions d'amendements (annexe N° 5).

Suite à une proposition d'amendement du député John Dupraz - il désirait, pour des questions de contributions écologiques, que la surface minimale de la forêt soit relevée à 800 m2 -, la commission a encore auditionné M. Jean-Pierre Viani, directeur adjoint du Service cantonal d'agriculture, le 8 octobre 1998.

Dans une note très précise (annexe N° 6), M. Viani précise la différence entre le bosquet au sens de l'ordonnance fédérale sur les contributions écologiques et la législation forestière. Il démontre que des surfaces forestières nettement inférieures à 500 m2 (limite énoncée dans la loi proposée) peuvent également bénéficier des contributions écologiques. La problématique est identique avec la largeur minimale de 12 m. Au vu de ces explications, l'amendement sera retiré.

Aux différents commentaires de ces trois groupes d'intervenants s'ajoutent encore une série d'amendements proposés par la gauche et les Verts. Toutes ces modifications seront étudiées conjointement et les commissaires réussiront une synthèse qui donne la loi telle qu'elle est présentée ci-après.

Travaux de la commission : commentaires article par article

Pour des questions de commodités et de compréhension, seuls les articles et les alinéas amendés sont présentés et commentés. Lorsque les amendements proposés aux articles n'ont pas été retenus, il n'en est pas fait mention.

Art. 2 Définition de la forêt

4Il est dressé un cadastre des forêts, régulièrement tenu à jour. Ce cadastre a une valeur indicative; il est accessible au public.

 Commentaire : il est précisé que le cadastre des forêts est un outil de travail et qu'à ce titre, il présente une valeur indicative. Il ne peut être considéré comme instrument légal. Par ailleurs, les commissaires ont tenu à ce que ce document puisse être consulté par le public.

  L'ancien alinéa 5 de cet article se retrouve, amendé, à l'article 4.

 Vote :  adopté par 11 oui et 3 abstentions.

Art. 4 Constatation de la nature forestière et délimitation des forêts

1Quiconque prouve un intérêt digne d'être protégé peut demander à l'inspecteur cantonal des forêts (ci-après l'inspecteur) de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non. Les communes et les associations d'importance cantonale, qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites, ainsi qu'à la protection de l'environnement, ont également qualité pour déposer une telle demande.

2Il appartient à l'inspecteur rattaché au département compétent (ci-après le département), de procéder à la constatation de la nature forestière des terrains, de façon :

à déterminer si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ;

à dresser le cadastre des forêts ;

à permettre à l'autorité compétente de délimiter la zone des bois et forêts.

5Lorsque la constatation de la nature forestière est liée à une procédure en autorisation de construire, les deux procédures sont coordonnées.

 Commentaire : la notion énoncée à l'ancien alinéa 5 de l'article 2 se retrouve, logiquement, dans la section concernantla délimitation des forêts. Les commissaires entendent préciser qui est consulté en matière de reconnaissance forestière, à l'instar de la loi sur l'aménagement.

  L'ancien alinéa 1 devient l'alinéa 2, avec une simplification (l'inspecteur cantonal des forêts est devenu l'inspecteur).

  Les anciens alinéas 2 et 3 deviennent respectivement les alinéas 3 et 4.

  Le nouvel alinéa 5 précise que les procédures concernant différents départements, en l'occurrence des procédures relatives à la loi forestière et à la loi sur les constructions, doivent être coordonnées.

 Vote :  adopté par 5 oui, 3 non et 1 abstention (alinéa 1)

  adopté à l'unanimité (alinéa 2)

  adopté à l'unanimité (alinéa 5)

Art. 7 Compétence

2Les défrichements relevant de la compétence du canton sont autorisés par le département.

 Commentaire : la modification de cet alinéa est purement rédactionnelle et permet de se rapprocher davantage du texte de la loi fédérale.

 Vote :  adopté à l'unanimité.

Art. 8 Compensations des défrichements

1Tout défrichement doit être compensé en nature, sur le territoire du canton, le plus proche possible de la zone défrichée ou dans un site comparable, en épargnant les surfaces agricoles privilégiées ou les zones d'une grande valeur écologique ou paysagère.

 Commentaire : les commissaires entendent préciser que la compensation doit s'effectuer le plus près possible du lieu du défrichement.

 Vote :  adopté par 6 oui, 4 non et 1 abstention.

Article 9 Taxe de compensation

1A titre exceptionnel, en l'absence de compensation en nature de même valeur, le département fixe le montant de la taxe. Celle-ci doit correspondre à la somme exigible pour les compensations prévues à l'article 8.

 Commentaire : l'adjonction de « à titre exceptionnel » est reprise de la loi fédérale.

 Vote :  amendement adopté par 6 oui, 3 non et 1 abstention.

Art. 11 Constructions à proximité de la forêt

1L'implantation de constructions à moins de 30 mètres de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l'article 4 de la présente loi, est interdite.

2Le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement peut, après consultation du département, de la commune, de la Commission des monuments, de la nature et des sites et de la Commission des forêts, accorder des dérogations pour :

des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination ;

des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes ;

des constructions respectant l'alignement fixé par un plan d'affectation du sol en force au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi ou s'inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 mètres au moins de la lisière de la forêt et qu'elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière.

3L'octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu'à la sécurité de ces derniers et des installations; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l'entretien de la lisière et de compensations, au sens des articles 8 et 9 de la présente loi.

 Commentaire : Dans la note marginale, le terme « forêt» remplace la zone des bois et forêts.

  La distance de 30 m se réfère à la lisière des forêts, selon la constatation de la nature forestière ( art. 4).

  L'alinéa 2 définit très précisément la compétence du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement qui accorde des dérogations, après consultation du département (celui de l'intérieur, de l'environnement, de l'agriculture et de l'énergie) et des différentes instances concernées.

 Vote :  adopté par 8 oui, 4 non et 2 abstentions.

Art. 13 Constructions et installations forestières

1Les constructions et installations forestières, tels que refuges forestiers, routes forestières, au sens de l'art. 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, sont soumises aux autorisations nécessaires, ainsi qu'au préavis de l'inspecteur.

2L'autorisation de construire n'est octroyée que si les constructions et installations sont nécessaires à la mise en valeur des fonctions de la forêt et pour autant qu'une implantation hors de la forêt ne soit pas envisageable.

 Commentaire : à l'alinéa 1, les commissaires ont rajouté les routes forestières.

  A l'alinéa 2, il est précisé qu'avant de construire en forêt, il faut envisager une implantation hors forêt.

 Vote :  adopté par 8 oui, 6 non et 1 abstention.

Art. 14 Constructions et installations non-forestières

2Les installations nécessaires à une exploitation agricole de surfaces forestières, les ruchers et les équipements de loisirs sont soumis aux autorisations nécessaires, ainsi qu'au préavis de l'inspecteur.

 Commentaire : il est précisé que l'inspecteur préavise les autorisations nécessaires aux diverses installations.

 Vote :  adopté par 9 oui et 6 abstentions.

Art. 15 Exploitations préjudiciables et pacage

2Si des circonstances importantes le justifient, une telle exploitation peut être autorisée. Elle est soumise au préavis de l'inspecteur, ainsi qu'aux autorisations nécessaires, lesquelles imposent des conditions et des charges.

 Commentaire : la procédure d'autorisation dépendant de la Police des constructions est précisée. Ces autorisations sont soumises au préavis de l'inspecteur. En fait, il s'agit d'une adaptation aux modifications des articles 13 et 14.

 Vote :  adopté par 9 oui, 4 non et 1 abstention.

Article 20 Activités de sports et de loisirs

1Les activités de sports et de loisirs sont autorisées pour autant qu'elles ne nuisent pas à la conservation du milieu forestier et à sa tranquillité, notamment celle de la faune. Seules les activités de sports et de loisirs exercées à pied sont autorisées en dehors des chemins.

 Commentaire : il est précisé que seules les activités exercées à pied sont autorisées en dehors des chemins.

 Vote :  adopté à l'unanimité.

Art. 62 Infractions

1Celui qui contrevient aux dispositions de la présente loi et de son règlement d'application sera puni de l'amende jusqu'à 60 000 F.

4La poursuite des contraventions mentionnées à l'alinéa 1 se prescrit par 5 ans. Les articles 71 et 72 du Code pénal suisse, du 21 décembre 1937, sont applicables par analogie, la prescription absolue étant de 7 ans et demi.

 Commentaire : le montant de 60 000 F. est conforme à la loi fédérale et correspond aux montants prévus dans la loi sur les constructions et installations diverses du 4 avril 1988.

  La disposition de l'alinéa 4 est reprise par analogie à celle existant dans la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites.

 Vote :  adopté par 10 oui et 4 abstentions.

Art. 63 Recours à la Commission de recours de la loi sur les constructions

2Les communes et les associations d'importance cantonale, qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites, ainsi qu'à la protection de l'environnement, ont qualité pour recourir.

3Les requêtes, les décisions et les autorisations délivrées en vertu des articles 4, al. 2, lit a, al. 3 et al. 4, articles 7, 11, 13, 14, al. 2 et 15, al. 2 et 3 de la présente loi sont publiées dans la Feuille d'avis officielle, avec indication des voies de recours.

 Commentaire : les alinéas 2 et 3 précisent les diverses modalités de recours. De même, il est précisé quelles requête, décision et autorisation doivent être publiées dans la Feuille d'Avis Officielle, avec indication des voies de recours.

 Vote : alors que l'alinéa 2 est adopté à l'unanimité, l'alinéa 3 recueille 10 oui et 3 abstentions.

Art. 66 Exécution

Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi. Il veille notamment à la mise à jour régulière du plan de zones en fonction des décisions prises par l'inspecteur en vertu de l'article 4 de la présente loi.

 Commentaire : la mise à jour régulière du plan de zone en fonction de la reconnaissance forestière a semblé nécessaire.

 Vote :  adopté par 10 oui et 4 abstentions.

Art. 67 Clause abrogatoire

La loi sur les forêts publiques et privées, du 2 juillet 1954, est abrogée.

 Commentaire : les anciens articles 67 et 68 ont été inversés : la clause abrogatoire est placée avant l'entrée en vigueur.

 Vote :  adopté à l'unanimité.

Art. 68 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

 Commentaire : idem art. 67.

 Vote :  adopté à l'unanimité.

Art. 69 Dispositions transitoires

La Commission cantonale consultative des forêts reste en fonction jusqu'au 31 décembre 1999.

 Commentaire : un projet de loi visant le regroupement de différentes commissions est actuellement à l'étude. Dans l'attente du vote de cette nouvelle loi, cet article prolonge l'existence de la Commission cantonale consultative des forêts (jusqu'au 31 décembre 1999).

 Vote :  adopté par 9 oui, 1 non et 3 abstentions.

 Enfin, l'ancien article 69 (modification à une autre loi) devient le nouvel article 70.

Conclusion

Au terme de ce second passage en commission, les députés de la Commission de l'environnement et de l'agriculture acceptent le projet de loi 7565 sur les forêts (M 5 10) par 10 oui (3 S, 3 AdG, 2 Ve, 2 R), contre 4 non (3 L, 1 DC).

En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le vote des commissaires et à adopter la présente loi sur les forêts.

Annexes:

N° 1 Chambre genevoise immobilière (CGI) (8 octobre 1998)

N° 2 Course d'orientation genevoise Satus (17 juillet 1998)

N° 3 Lettre de M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, à M. Carlo Milan

 (28 juillet 1998)

N° 4 Lettre du WWF au Grand Conseil (17 juin 1998)

N° 5 Lettre de M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, aux députés

 (25 juin 1998)

N°6 Relation entre la législation forestière et l'ordonnance fédérale

 sur les contributions écologiques

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ANNEXE 7

Secrétariat du Grand Conseil

Date de dépôt: 9 juin 1998Messagerie

PL 7565-A

Rapportde la Commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les forêts (M 5 10)

Rapporteur: M. Roger Beer

Mesdames etMessieurs les députés,

Introduction

C'est lors de la séance du 24 janvier 1997 que le projet de loi 7565 sur les forêts (M 5 10) est renvoyé sans débat à la Commission de l'environnement et de l'agriculture. Afin de se faire une idée plus précise de la forêt genevoise, la commission effectue une visite dans les bois de la Versoix le jeudi 23 octobre 1997, sous la présidence de M. David Revaclier, député.

M. Claude Haegi, alors conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales. Jean-Michel Mascherpa et Jean-Claude Landry, codirecteurs de la direction de l'environnement, et de Mme Anne-Catherine Desprez, directrice du service de la protection de la nature et du paysage, participe à ce transport sur place, sous la houlette de M. André Joly, inspecteur cantonal des forêts.

Suite aux élections de l'automne de 1997, la Commission de l'environnement et de l'agriculture, sous la présidence de M. François Courvoisier, député, étudie ce projet les 20 et 27 novembre 1997, 11 décembre 1997, 8, 15 et 29 janvier 1998, 5 et 12 février 1998, 5 et 26 mars 1998. Le vote final a lieu le 2 avril 1998. M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAE), participe largement aux travaux de la commission sur ce projet de loi.

Enfin, M. André Joly, inspecteur cantonal des forêts, et Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe, assistent également aux travaux. Ils répondent aux multiples questions des commissaires. Quant à Henriette Maire, elle rédige les procès-verbaux des séances. Que ces différentes personnes soient chaleureusement remerciées pour leur collaboration bienveillante, judicieuse et efficace.

Objet du projet de loi

Après la Conférence de Rio en 1992, la gestion durable des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité sont plus que jamais les deux préoccupations majeures de notre époque. Avec l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, de la nouvelle loi fédérale sur les forêts (LFO) et de son ordonnance, ces thèmes se retrouvent, évidemment, au centre des préoccupations de cette nouvelle législation forestière.

Cette législation, moderne et actuelle, remplace l'ancienne loi sur la police des forêts, qui date du début du siècle (1902). Tout en visant les mêmes objectifs que les textes précédents, la LFO entend maintenir la capacité fonctionnelle de la forêt en mettant sur le même plan ses fonctions protectrice, sociale et économique.

La conservation des forêts garde tout son sens qualitatif, mais elle élargit sérieusement son étendue qualitative (pour plus de détails, voir l'exposé des motifs du projet de loi 7565 dans le Mémorial N° 4/I, 53e législature 1997, pages 606 et suivantes).

Cette loi fédérale sur les forêts est une loi-cadre. Les cantons sont invités à édicter leurs dispositions d'exécution dans les cinq ans suivants l'entrée en vigueur. Nous sommes donc encore dans les temps !

La loi genevoise actuelle date de 1954. A l'époque, il s'agissait d'assurer la police des forêts et de favoriser la restauration des massifs. Cette loi a rempli sa fonction, efficacement complétée qu'elle est par diverses dispositions cantonales en matière de protection de la nature (lois sur la faune, sur la protection des monuments, de la nature et des sites, etc.).

La nouvelle loi cantonale sur les forêts permet une révision complète de la législation. Afin d'assurer la conformité du droit forestier genevois avec le droit fédéral, il est nécessaire d'élargir le champ d'application de la loi en y incluant notamment les notions d'économie du bois et de prestations immatérielles de la forêt. En résumé, cette nouvelle loi d'application doit promouvoir l'équilibre judicieux entre les bienfaits que procure la forêt, la sauvegarde du milieu forestier ainsi que la mise en valeur d'un matériau noble, le bois.

Cette nouvelle loi définit une conception directrice forestière qui devra répondre aux besoins futurs de notre société en permettant de développer une politique forestière cohérente, basée sur le long terme. Elle énonce des prescriptions d'aménagement et de gestion qui ont pour but de défendre les intérêts publics propres aux forêts, de plus consignés dans un plan directeur forestier liant les autorités.

Le projet de loi vise également à soutenir, notamment sur le plan technique, les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, responsables de la gestion de leur forêt. Pour permettre la réalisation des buts de la loi, il faut assurer un bon entretien au patrimoine sylvestre.

De même, l'accroissement de la fonction récréative et d'accueil ainsi que le rôle significatif que joue la forêt en tant qu'espace voué à la biodiversité nécessitent quelques contraintes ! La conservation du milieu forestier, en maints endroits déjà en péril, rend par exemple indispensable la limitation du trafic motorisé ou de manifestations ludiques.

Enfin, tout en fixant les grands principes garantissant à long terme une conservation optimale de l'aire forestière et de ses différentes fonctions, cette nouvelle loi forestière cantonale réserve une mention toute particulière au maintien de la chênaie, élément caractéristique du paysage genevois, mais en voie de disparition sur le territoire national.

Cette chênaie genevoise exprime au mieux la biodiversité locale. Elle mérite une attention et une aide soutenues. De cette manière, sa pérennité et une production du bois de qualité seront assurées.

Bref historique

Lors de la première séance, M. André Joly, inspecteur cantonal des forêts, rappelle, au cours d'une conférence agrémentée de diapositives, l'histoire de la forêt helvétique et de sa législation.

La loi fédérale est la conséquence d'énormes inondations survenues au milieu du siècle dernier, inondations résultant essentiellement du pillage du bois des forêts de montagne à des fins industrielles, notamment pour faire fonctionner des fours à fer. Les forêts de montagne sont sérieusement endommagées. L'érosion et les dégâts qui en découlent sensibilisent la population et le monde politique à la nécessité de la conservation des forêts.

Dès le début du siècle, les forêts de montagne sont placées sous la haute surveillance de la Confédération. Le but principal de cette législation fédérale (1902) est de stopper le recul des forêts. Un siècle plus tard, la surface forestière a augmenté d'environ 4 % et atteint aujourd'hui près de 30 % de la surface du pays (1,2 mio ha). Parallèlement, la quantité de bois accumulé en forêt a également augmenté.

A Genève, malgré les effets du plan Wahlen - une époque (1939-45) qui a vu diminuer la surface forestière au profit des surfaces agricoles ! -, de la construction de l'aéroport comme de l'autoroute de contournement, la surface forestière a peu bougé. Les compensations n'ont pas manqué ! Aujourd'hui, la forêt couvre environ 10 % du canton (3000 ha). Plus de la moitié de cette surface appartient à l'Etat ou aux communes.

En fait, il s'agit de "; réveiller nos belles forêts aux bois dormants, assoupies depuis un demi-siècle et se remettre au boulot " (citation de Christian Vellas, dans la "; Tribune de Genève " du 2 mars 1998). C'est surtout la forêt privée - qui couvre 44 % de la surface -, qui a été laissée à l'abandon. Même les forêts appartenant à l'Etat (46 %) et aux autres collectivités (10 %) ne sont vraiment exploitées que depuis une vingtaine d'années. Ces interventions produisent par année quelque 5000 stères de bois destinés principalement aux cheminées !

Le traitement particulier de la chênaie genevoise en taillis - qui voulait que tous les arbres fussent rasés après 25 ans ! - a empêché le développement de gros arbres. Ces taillis fournissaient essentiellement du bois de feu.

D'ailleurs, c'est peut-être les faibles dimensions des arbres de ces massifs forestiers genevois qui ont entraîné l'appellation de bois que l'on retrouve sur les cartes topographiques (bois de Chancy, bois de Versoix, bois de Jussy, etc.). Depuis la dernière guerre, les coupes rases sont toutefois bannies. Les arbres vieillissent et grossissent. Aujourd'hui, on peut décemment parler de forêts...

M. Joly rappelle également que la forêt bénéficie d'un statut particulier unique : le libre accès aux forêts est garanti et tout le monde peut aller en forêt et y cueillir des fruits et des baies selon l'usage local ! Ce statut s'applique aussi bien aux forêts privées que publiques.

Même si aujourd'hui le rôle de la biodiversité (protection de l'environnement et de la nature) et de la fonction sociale a gagné en importance, la fonction de production de bois ne doit pas être oubliée. Il est intéressant de noter que la production de la forêt suisse permettrait d'exploiter chaque année et de façon soutenue près de 7 millions de mètres cubes de bois, ce qui permettrait de construire 117 000 maisons familiales.

En fait, la capitalisation du bois - conséquence d'une exploitation insuffisante, ce qui veut dire que l'intérêt du capital n'a pas été prélevé systématiquement ! - a entraîné le vieillissement de 85 % des surfaces. Les réserves sont d'autant plus importantes que les coupes de bois se raréfient.

Enfin, même si à Genève la production de bois joue un rôle secondaire, ce matériau occupera un rôle prédominant au XXIe siècle. Matière première renouvelable et non polluante, le bois possède un caractère écologique très large tant d'un point de vue calorifique (chauffage), pour la construction (charpentes, etc.) que pour sa facilité d'élimination. De manière globale, l'exploitation du bois et son utilisation accrue produiront des postes de travail intéressants et nécessaires.

En fait, le problème du bois peut se résumer en deux chiffres : en 1940, le traitement d'un mètre cube de bois représentait 30 heures ¼ de travail. Aujourd'hui, l'exploitation de la même quantité de bois ne nécessite plus que 2 heures ¾ !

Auditions

Différentes associations ou groupements ont demandé à être auditionnés sur ce projet de loi. La commission a donc procédé à ces divers entretiens. Pour autant qu'ils ont été fournis aux commissaires, les documents élaborés par les représentants des associations ou groupements sont annexés au présent rapport dans leur intégralité.

Audition du GIFORGE, le Groupement des ingénieurs forestiers de Genève, du 11 décembre 1997 : MM. Eric Matthey, président, et Philippe Steinmann, secrétaire.

Le président du Groupement, M. Eric Matthey, par ailleurs ancien inspecteur cantonal des forêts du canton de Genève, explique que le GIFORGE regroupe plus de 30 ingénieurs forestiers dipl. EPFZ genevois. Cette association a été créée suite au travail du groupe d'experts associés à la préparation du projet de loi sur les forêts genevoises.

M. Matthey remet aux membres de la commission un texte (annexe N° 1) exposant le point de vue du GIFORGE. Il rappelle également qu'en mars 1997, la Chambre romande des ingénieurs forestiers indépendants (CRIFOR) a également adressé sa prise de position concernant cette nouvelle loi forestière cantonale à l'ancien président de la commission de l'agriculture et de l'environnement (annexe N° 2).

Suite à l'annonce de M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, M. Eric Matthey, au nom du GIFORGE, dit sa satisfaction et sa reconnaissance de voir le terme "; forêts " réintroduit dans l'intitulé du service qui en a la charge, à savoir, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage, au DIAE.

Les deux représentants du GIFORGE confirment que la nouvelle loi forestière cantonale poursuit, en les actualisant, les objectifs des précédentes lois forestières. Après la prise en compte du rôle protecteur de la forêt - surtout suite aux ravages des torrents en montagne au siècle dernier ! -, la loi de 1902 entend d'abord assurer une protection très contraignante de la surface forestière.

Les effets sont positifs puisqu'aujourd'hui, l'état de la forêt n'a plus rien à voir avec ce qu'il était naguère. Forte de cette évolution, la nouvelle loi encourage la conservation de la forêt sans pour autant se limiter à une déclaration de bonnes intentions. Les buts sont clairs :

assurer la protection du milieu forestier ;

conserver les forêts et garantir leurs fonctions protectrice, sociale et économique ;

promouvoir l'économie forestière et du bois ;

exécuter et compléter la loi fédérale sur les forêts et son ordonnance.

En ce qui concerne la surface minimale proposée (800 m2), elle se justifie dans la mesure où les bosquets de moindre étendue sont protégés par d'autres législations (loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, règlement sur la protection des arbres, etc.), dont l'application relève du même service que celui s'occupant des forêts.

Enfin, à une question concernant la distance de construction à partir de la forêt, M. Matthey répond qu'il estime que les 25 m. proposés par la loi sauvegardent suffisamment la forêt. Cette distance se justifie notamment par la faible hauteur des arbres genevois. De plus, la marge de manoeuvre, compte tenu de l'exiguïté du territoire genevois, lui semble suffisante avec 25 m.

Les deux représentants du GIFORGE insistent encore sur la mention que la loi fait en faveur du chêne. Cette essence, genevoise par excellence, nécessite des interventions particulières, notamment pour la régénération des peuplements épuisés par une surexploitation ancienne.

De même, la prise en compte du milieu naturel d'un point de vue global, en juxtaposant les différentes fonctions de la forêt dans un souci de complémentarité active est assurée par ce projet de loi. Celui-ci réalise un bon équilibre entre les volontés de conservation de l'espace forestier, de protection de la nature, de production ligneuse et d'utilisation de la forêt pour les loisirs. La forêt genevoise, première intéressée, s'y retrouve fort bien !

Audition de Pro Natura - Genève, l'Association genevoise pour la protection de la nature, du 11 décembre 1997 : M. François Dunand, président.

M. François Dunand remet aux commissaires un texte qui explique la position de Pro Natura - Genève. Il explique les différentes propositions d'amendements que ce texte comporte. Il salue tout particulièrement la prise en compte, dans la planification forestière, d'un aménagement du territoire tenant effectivement compte des valeurs naturelles.

Dans cette optique et pour une meilleure protection de la lisière forestière, M. Dunand estime que l'abaissement de la limite de construction de 30 à 25 m. n'est pas acceptable. De même, en ce qui concerne la constatation de la nature forestière, il pense que 20 ans c'est trop ! Il ne comprend pas que le canton de Genève choisisse la limite supérieure dans la marge que suggère la législation fédérale (entre 10 à 20 ans).

De plus, une remarque importante est faite au sujet des lisières. Pour Pro Natura, les lisières devraient bénéficier d'une mention et d'une protection particulières. La plupart des remarques de l'Association genevoise pour la protection de la nature s'inscrivent dans une meilleure protection du milieu naturel et d'une plus grande précision de la description des interventions autorisées.

Ainsi, la protection qualitative - et pas seulement quantitative ! - devrait encore être encouragée et développée davantage. La limitation des atteintes au milieu forestier, notamment par l'exercice de différents sports ou loisirs, doit être surveillée de plus près. La tranquillité du milieu forestier reste un objectif incontournable.

Audition du WWF - Genève, du 8 janvier 1998 : Mme Françoise Chappaz, secrétaire régionale.

En fait, la position du WWF sur le projet de loi sur les forêts a fait l'objet d'une première correspondance du 9 décembre 1997 (annexe N° 4).

Dans cette lettre, Mme Françoise Chappaz demande expressément aux députés de conserver la limite de 30 m. pour l'implantation de constructions aux abords de la forêt. A l'instar de Pro Natura, le WWF pense qu'une zone tampon plus importante est nécessaire pour des raisons biologiques.

D'une manière générale, cette zone tampon a tendance à diminuer à cause du rapprochement des constructions. De même, avec des constructions trop proches de la forêt, le risque existe que le propriétaire demande l'abattage d'arbres pour des raisons d'ensoleillement, par exemple. Pour le WWF, les lisières et les zones tampons mériteraient des articles spécifiques complémentaires aux spécifications concernant la distance de construction.

Le WWF souhaiterait que la limitation à l'accès aux forêts soit plus stricte. Les manifestations prohibées par souci de tranquillité devraient être précisées. De même, le WWF est très sensible aux routes forestières. La desserte actuelle lui semble presque trop importante. La réflexion de Françoise Chappaz s'inspire du document intitulé "; moins de routes, plus de forêts ".

Le WWF ne s'oppose pas à l'exploitation forestière en vue de la production de bois. Toutefois, l'adjonction d'un alinéa sur la certification du bois serait souhaitable. Le WWF, tout en reconnaissant que l'entretien des forêts genevoises est satisfaisant, tient absolument au principe d'une exploitation durable.

Finalement, cette loi convient au WWF. Mme Chappaz espère que dans la pratique, les forces nécessaires seront dégagées pour faire respecter les volontés exprimées par les différents articles de la loi. Elle pense notamment aux usages abusifs qui peuvent perturber la tranquillité de la forêt (vélos, chiens, etc.).

Audition de la Chambre genevoise d'agriculture (CGA), du 8 janvier et du 26 mars 1998 : M. Neil Ankers, directeur, et M. Jacques Bocquet, secrétaire.

M. Ankers rappelle que la Chambre genevoise d'agriculture. Cette association veille à la promotion de l'intérêt de ses membres.

Par rapport à la loi forestière, M. Ankers souligne qu'en un siècle, la surface forestière du pays a augmenté de plus de 30 %. A Genève, l'augmentation oscille - selon les sources ! - de 20 à 40 %. Pour la Chambre genevoise d'agriculture, entre 1980 et 1992, les surfaces boisées se sont accrues de 0,5 %, tandis que les surfaces agricoles utiles diminuaient de 0,9 %.

Dans un canton urbain toutefois, la pression sur la forêt existe. Comme la loi fédérale est efficace, cette pression est reportée sur d'autres zones, en particulier sur la zone agricole. Pour la Chambre genevoise d'agriculture, la surface forestière genevoise n'est pas en péril, contrairement à la zone agricole qui, elle, subit une pression constante.

En fait, la CGA ne conteste pas ce projet de loi. Elle souhaite toutefois que les autorités fassent preuve de la même volonté lorsqu'il s'agira de mettre en place une loi cantonale sur l'agriculture en application de la loi fédérale sur l'agriculture actuellement en élaboration !

Ensuite, M. Ankers rappelle que la Chambre genevoise d'agriculture a eu l'occasion de s'exprimer sur ce projet de loi lors de la consultation, avant que le projet de loi lui-même ne soit proposé par le Conseil d'Etat au Parlement. Malgré les remarques formulées à l'époque, la Chambre genevoise d'agriculture entend rappeler un certain nombre de remarques contenues dans le texte de son intervention (annexe N° 5).

Depuis 1993, les agriculteurs ont la possibilité de planter des haies et de bénéficier d'un dédommagement de la Confédération. A partir de 1996, le canton renforce l'attrait de cette mesure en accordant sa propre contribution. A la fin 1996, 290 000 m2 de haies et bosquets ont été plantés ou maintenus grâce à ces mesures. Ces dernières ne sont toutefois garanties que pour les 10 prochaines années suivant la plantation.

Il est évident que le succès d'une telle opération dépend de la possibilité, si le dédommagement tombe, d'enlever ces haies après 10 ou 15 ans. Si l'on supprime cette possibilité, l'agriculteur ne plantera plus de nouvelles haies. D'où l'importance, pour la Chambre genevoise d'agriculture, que les haies ne soient pas couvertes par la loi sur les forêts.

C'est pourquoi, la CGA, à l'article 2, alinéa 3, souhaite que la lettre b) se limite aux "; haies situées en zone agricole " et que le reste de la phrase soit supprimé. Il est répondu aux agriculteurs que cette précision rappelle justement que ces haies bénéficient de mesures de protection en tant que compensation écologique. Et la fin de la phrase permet précisément d'éviter de soumettre certains massifs boisés à la définition de la forêt qui figure au début de la loi.

Une autre remarque de la Chambre genevoise d'agriculture concerne le problème des clairières. En considérant ces clairières comme forêts, la question des surfaces d'assolement (SDA) doit être posée. Certaines clairières peuvent constituer des prés humides entretenus par des agriculteurs, même en forêt. M. Ankers regrette par ailleurs que cette notion de clairière ne bénéficie d'aucune définition juridique.

Etant donné que le but recherché par la clairière est de favoriser l'effet de lisière, il faudrait maintenir ces clairières sous forme non boisée. Cela devrait figurer dans la loi, d'autant plus s'il s'agit d'une clairière classée en surface d'assolement.

En matière de défrichement, la CGA souhaite que les compensations de défrichement se fassent dans la même zone. S'il y a défrichement ou construction d'une maison, la compensation doit intervenir dans la zone villa. M. Ankers reconnaît que cette logique ne peut s'appliquer partout. Elle ne concerne pas les défrichements nécessaires à l'aéroport ou aux voies ferroviaires, par exemple !

En reconnaissant que l'élaboration d'un plan directeur reste l'un des éléments essentiels de la loi, la Chambre genevoise d'agriculture suggère que les propriétaires soient consultés. M. Ankers encourage les autorités à opter pour une loi qui assure une gestion durable du patrimoine forestier dans un esprit participatif, sans pour autant entamer une zone agricole déjà très convoitée.

A la question d'un député, M. Ankers répond que l'exploitation d'une pépinière ne peut pas être soumise à la loi forestière. En effet, si les pépinières devaient être considérées comme forêt, il ne serait plus possible de produire des arbres.

La distance entre la forêt et les constructions est également évoquée par la Chambre genevoise d'agriculture. Pour M. Ankers, une distance de 20 m. est amplement suffisante, compte tenu du type d'arbres qui pousse dans les forêts genevoises. Il lui semble en effet que cette distance est prévue tant pour protéger la forêt que les constructions.

En matière de construction en forêt, les agriculteurs souhaiteraient également un assouplissement pour permettre, par exemple, l'aménagement de cabanes destinées aux ruminants pâturant des prés humides, des clairières ou d'autres espaces de divagation des rivières.

Enfin, tout en rappelant qu'il comprend les impératifs de la protection des forêts, le directeur de la Chambre genevoise d'agriculture trouve nécessaire de décider des priorités, notamment dans l'affectation des zones ! Il rappelle aux commissaires que le projet de renaturation des rivières va lui aussi affecter la zone agricole.

Etant donné que quelques zones agricoles se trouvent en forêt - plusieurs hectares, semble-t-il ! -, une compensation de ces zones pourrait être demandée. D'une manière générale, M. Ankers invite les autorités à encore mieux tenir compte de la zone agricole dans toute planification.

Audition de l'Association des communes genevoises (ACG), du 8 janvier 1998 : MM. Patrice Plojoux, vice-président, et Alain Rütsche, secrétaire général adjoint.

M. Plojoux rappelle que l'Association des communes genevoises a été associée à l'élaboration de cette loi et qu'elle a donc déjà pu faire valoir ses remarques. M. Plojoux cite un courrier du 7 octobre 1997 ; l'ACG y a fait savoir que ce projet de loi lui convenait.

En ce qui concerne les autorisations délivrées pour les manifestations (article 20, alinéa 2), l'Association des communes genevoises désirait que les communes soient associées aux décisions. A la satisfaction de l'ACG, il a été répondu à cette requête dans le projet de loi.

Interrogé sur la limite de 25 m. pour les constructions, M. Plojoux confirme que cette distance lui semble raisonnable, puisque cela limite l'emprise sur les terres agricoles. Il précise encore que cette distance correspond à la hauteur des arbres de la forêt genevoise qui ne sont pas trop grands. Ainsi, M. Plojoux ne voit pas d'avantages à augmenter cette distance à 30 m.

Discussion de la commission

Suite à ces différentes auditions, les commissaires ont entamé la discussion sur le projet de loi proprement dit. La vision globale de ce projet de loi est appréciée. Tout l'espace forestier est pris en compte. Non seulement les arbres dans leur entité, mais également les différents éléments particulièrement riches et variés que les diverses facettes naturelles de l'espace forestier peuvent abriter, comme les clairières, les milieux humides ou, au contraire, les endroits séchards.

Une des principales caractéristiques de cette réforme législative consiste d'ailleurs à intégrer des notions récentes comme celles du développement durable. La pérennité de la forêt, une exigence déjà ancrée dans la législation au siècle dernier, est placée au même niveau que les multiples fonctions de la forêt (protectrice, sociale et économique). L'intangibilité de la surface forestière en est aujourd'hui encore le corollaire visible.

Certains commissaires insisteront pour que les lisières fassent l'objet d'une mention particulière. D'autres rappelleront que ces diverses zones tampons sont d'ores et déjà considérées comme de la forêt et donc protégées à ce titre.

Le régime restrictif de défrichement - qui postule une interdiction absolue de déboiser - n'est pas remis en cause. Les conditions relativement strictes pour déroger à cette interdiction se justifient parfaitement. Un défrichement visant à améliorer la biodiversité en mettant en valeur certaines prairies ou en permettant la régénération du chêne, peut être autorisé.

Même si la forêt doit rester accessible à tous en tant que lieu de délassement, la volonté d'un certain équilibre n'est pas combattue. Promeneurs, "; vététistes ", cavaliers ou autres utilisateurs, nécessitent parfois une certaine canalisation. En effet, des zones trop atteintes ou extrêmement précieuses sur le plan biologique doivent rester interdites d'accès. Les autorités compétentes disposent d'une marge d'appréciation et de manoeuvre relativement importante.

Dans l'élaboration du plan directeur et des autres mesures d'intervention, les commissaires s'accorderont pour demander une meilleure consultation des communes et des propriétaires concernés. La politique actuelle du service forestier, notamment dans la création de pistes cavalières, de sentiers didactiques ou de parcours sportifs, passe par l'information et la concertation. Finalement, la législation proposée ne fait qu'entériner et officialiser une procédure déjà en vigueur.

Enfin, les députés se sont longuement entretenus de l'exploitation du bois. En tant que rapporteur et tout particulièrement comme ingénieur forestier, je tiens à relever combien j'ai apprécié qu'il n'a jamais été question de ne plus exploiter la forêt genevoise. Au contraire, la reconnaissance de ce patrimoine naturel en tant que fournisseur de bois n'est pas remise en cause.

Cette réalité est réjouissante et mérite d'être soulignée. En effet, la valorisation du bois, ce matériau vivant, noble et renouvelable, restera un élément fondamental de l'environnement construit de l'homme.

La nouvelle loi forestière prévoit donc une utilisation durable du bois. Ce que les forestiers et autres professionnels de la sylviculture appelaient jusqu'à aujourd'hui "; rendement soutenu " se retrouve dans le développement durable, formule commune depuis le Sommet de Rio en 1992.

A la satisfaction de tous, la nouvelle loi prévoit cette exploitation du bois dans le cadre d'une politique favorisant les énergies renouvelables ainsi que dans celui de l'utilisation du bois pour la construction. Le soutien au développement de la filière bois est donc ancré dans la loi.

Les députés discuteront de la notion de lisières comme de celle des clairières. Par souci de protection de la nature, les lisières bénéficieront d'une protection accrue. En revanche, les clairières resteront partie intégrante de la forêt. Même si elles créent effectivement des entités écologiques et paysagères intéressantes dont la pérennité n'est assurée que par un traitement agricole.

A défaut d'une reconnaissance politique de chaque entité, la mixité de l'exploitation profite à la biodiversité en milieu forestier au sens large. L'exploitation de la forêt est prônée par divers articles. Des encouragements pourront être entrepris dans ce sens : mesures financières et regroupement de propriétaires.

La mise en valeur de la production de bois sera également facilitée. Ainsi, plusieurs communes utilisent déjà des copeaux (Collex-Bossy, Confignon, Grand-Saconnex, etc.). Dans l'établissement de ces différents objectifs qu'il faut assigner à la forêt, l'information deviendra un instrument de travail important et incontournable.

En résumé, cette nouvelle loi permet de mieux réglementer la fréquentation qui pourrait devenir anarchique des bois genevois, tout en encourageant leur exploitation. La loi préconise le relevé d'un cadastre forestier - en fait, c'est une notion qu'il faut officialiser ! - tout en renforçant l'interdiction de défricher.

En paraphrasant encore Christian Vellas dans la "; Tribune de Genève " (2 mars 1998), la devise de cette nouvelle loi pourrait être: mieux aimer, mieux protéger, mieux aider et mieux exploiter !

Conclusion

Au terme de ces travaux, la Commission de l'environnement et de l'agriculture accepte le projet de loi 7565 sur les forêts (M 5 10), ainsi modifié, par 12 voix (3S, 2R, 2DC, 2 Ve, 3AdG) et 3 abstentions (L).

En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le vote des commissaires et à adopter la présente loi sur les forêts.

Annexes :

No 1: Groupement des ingénieurs forestiers de Genève (GIFORGE)

No 2: Chambre romande des ingénieurs forestiers indépendants (CRIFOR)

No 3: Pro Natura (Association genevoise pour la protection de la nature)

No 4: WWF - Section Genève

No 5: Chambre genevoise d'agriculture (CGA)

page 74

Premier débat

M. Roger Beer (R), rapporteur. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de faire une brève remarque liminaire avant d'ouvrir ce débat.

En consultant le Mémorial - ce fameux reflet vivant et historique de nos débats ! - j'ai relu les discussions concernant la votation de la loi forestière actuelle. Celle que nous allons remplacer par notre prochain vote.

En fait, tout a commencé en 1952, avec une interpellation suite à quelques remous au service des forêts. L'inspecteur cantonal des forêts a alors démissionné. Il a été remplacé quelque temps par un inspecteur vaudois qui est venu à la rescousse des forêts genevoises.

C'est finalement le 10 avril 1954 que le Conseil d'Etat propose une nouvelle loi forestière. Il s'agit du projet de loi 1906. La loi actuelle porte le numéro 7565. Ce chiffre élevé illustre bien toute l'activité législative du parlement ! Le 19 juin 1954, soit à peine plus de deux mois après, les travaux de commission sont terminés et le rapport des M. Jacques Micheli tient sur quelques pages. Il sera voté le 2 juillet de la même année, soit trois mois après la présentation par le Conseil d'Etat. Notons que cette loi a permis de gérer les forêts pendant cinquante ans.

Aujourd'hui, la forêt rencontre évidemment bien d'autres problèmes ; elle fait l'objet d'un débat beaucoup plus large et suscite de nombreuses sollicitations. Cette réalité a été tout particulièrement illustrée lors de l'hiver catastrophique que nous venons de vivre en montagne. Le manteau forestier alpin a réellement joué un rôle protecteur essentiel. Comme en 1887, lors de la votation de la première loi forestière fédérale, l'importance de nos massifs forestiers n'a pas besoin d'être rappelée. A l'époque, la création de la loi forestière faisait suite à des inondations extraordinaires.

La loi actuelle a connu une autre histoire. La préparation de cette loi fut plus longue, et le vote final en commission a été l'aboutissement de nombreux soubresauts.

En fait, cette loi forestière illustre parfaitement la problématique du développement de nos travaux parlementaires, en temps et en quantité. En janvier 1997, le Conseil d'Etat présente le projet de loi 7565 sur les forêts. La commission de l'environnement et de l'agriculture y passe plus de dix séances et un premier rapport est déposé en juin 1998, soit dix-huit mois plus tard. Malgré tout ce temps, tous les intéressés n'ont pas été informés et certains groupements ont sollicité de nouvelles auditions.

Pour répondre à ces demandes, le Grand Conseil accepte de renvoyer ce premier rapport à la commission de l'environnement et de l'agriculture en septembre 1998. Et, finalement, après quatre séances, après les auditions demandées et de multiples amendements, la commission se détermine sur la loi, la vote et permet la rédaction d'un deuxième rapport.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez sur vos pupitres ce second et, j'espère, dernier rapport sur ce projet de loi du Conseil d'Etat sur les forêts.

Enfin, après ces travaux et nos différentes séances de commission, je tiens à remercier mes collègues de la commission pour l'intérêt qu'ils ont manifesté pour ces travaux et, bien sûr, pour leur engagement en faveur de la forêt.

Permettez-moi simplement d'ajouter que cette forêt produit, même à Genève, une des plus anciennes matières premières indigènes, écologiques et renouvelables. De ce fait, la loi forestière que nous allons voter ce soir s'inscrit parfaitement dans la logique très actuelle du développement durable.

Mme Janine Berberat (L). Monsieur le président, je réagis peut-être un peu tard, mais je pensais que vous faisiez lire les lettres automatiquement quand la lecture en avait été demandée. Je vous prie donc formellement de lire la lettre de la Chambre de commerce, de la CGI et de la FMB, datée du 23 mars.

Le président. Je vous remercie, Madame la deuxième vice-présidente, de bien vouloir procéder à la lecture de cette lettre.

Annexe lettre C938

2

M. Jean-François Courvoisier (S). Tout d'abord, je veux remercier notre collègue Roger Beer pour son excellent rapport. Si ce projet de loi sur les forêts ne semblait pas poser trop de problèmes politiques, il est tout de même rapidement apparu quelques divergences entre les agriculteurs pour lesquels le maintien d'un sapin semble devoir ruiner leur exploitation et les écologistes pour lesquels la destruction d'un buisson de ronces représente un crime envers la nature. Les propriétaires fonciers s'inquiètent aussi de ne pas pouvoir construire des villas ou des bâtiments agricoles plus près des forêts.

Comme l'a dit le rapporteur son premier rapport a été déposé le 9 juin, mais à la suite d'une lettre du WWF demandant plusieurs amendements et des demandes d'auditions tardives, nous avons en septembre dernier demandé le renvoi de ce projet en commission, afin d'éviter de trop longs débats en plénière. Le projet de loi tel qu'il vous est proposé aujourd'hui tient compte, dans la mesure du possible, de toutes les remarques que la commission a reçues après le dépôt du premier projet. Si la majorité de la commission a décidé de l'adopter, c'est parce que les commissaires qui depuis de nombreux mois ont travaillé sur ce projet ont admis la nécessité d'aboutir.

C'est pourquoi il est indispensable de l'adopter aujourd'hui ; le contraire signifierait que notre régime parlementaire est incapable de prendre une décision qui s'impose dans l'intérêt de tous les habitants de notre canton.

M. Alain Etienne (S). Ce projet de loi, nous l'attendions tous. Il réactualise une loi entrée en vigueur le 12 août 1954. La loi qui va être votée est bonne, car elle tient compte du milieu forestier en tant que milieu naturel et elle met en évidence les trois fonctions de la forêt mentionnées dans la loi fédérale : fonction de protection, fonction sociale, fonction économique ; elle répond ainsi aux critères du développement durable.

Nous avons pris soin en commission de définir la forêt avec précision. Genève est un petit canton et la pression sur le milieu forestier est grande. Il était alors normal de chercher à la protéger au mieux.

Nous avons parlé des haies et nous avons encore une fois pu constater à quel point ce thème est sensible. Qu'en est-il, en effet, de la protection de tous ces éléments naturels tels que haies, bosquets, cordons boisés ? A Genève, nous dit-on, nous avons de la chance, car tout ce qui touche aux espaces verts, au sens large du terme, est traité par le même département et le principe de la sauvegarde en matière d'arbres domine. Je compte sur le département pour veiller à la préservation de tous ces éléments naturels dispersés sur notre territoire.

Il a aussi été question des lisières. Nous savons que ce milieu est important du point de vue biologique. Bien que les avis divergent sur la question, les intérêts de leur préservation ont été pris en compte, autant que possible dans la loi. Certains veulent voir dans les lisières un milieu artificiel qui n'intéresse pas le forestier. Mais nous savons bien aujourd'hui qu'un grand nombre de nos milieux actuels dits «naturels ou semi-naturels» sont des milieux créés par l'homme, maintenu grâce à lui et riches d'une grande diversité biologique. Si je peux comprendre qu'un agriculteur ne souhaite pas de lisières, puisqu'il veut garder son terrain pour le cultiver, il est de la responsabilité du forestier de gérer sa forêt de manière à favoriser les lisières. Il suffit de faire reculer les grands arbres de quelques mètres ! Quant à la crainte des propriétaires fonciers concernant l'avancée considérée comme dramatique de la forêt, notamment en milieu urbain, le seul remède pour éviter l'expropriation matérielle tant évoquée reste également l'entretien des bords de ces cordons boisés. J'encourage le département à engager une vaste campagne de sensibilisation concernant l'entretien de ces lisières.

Les grands ensembles forestiers du canton participent également à la mise en réseau des éléments naturels. J'avais évoqué ce souci en commission, mais, sauf erreur, le rapport ne le mentionne pas. A l'heure où l'on parle beaucoup de réseaux de communication, il est aussi important pour le bon fonctionnement de notre écosystème de favoriser aussi des routes écologiques !

En ce qui concerne le chapitre de la planification forestière, je me réjouis de voir aboutir le plan directeur forestier, les plans sectoriels ainsi que les plans de gestion, car c'est là que se trouvent véritablement les éléments de protection. Je fais confiance au Conseil d'Etat pour veiller à une bonne application de la loi.

Le groupe socialiste vous prie de bien vouloir accepter ce projet de loi dans son ensemble.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Voilà encore un projet de loi qui a fait de nombreux allers et retours entre la commission de l'environnement et la séance plénière, tout comme le précédent projet. Ces allers et retours traduisent les négociations qu'il a fallu entreprendre entre les divers milieux concernés pour aboutir, enfin, à une loi qui tienne compte des exigences des uns et des autres, sans nuire à la protection des forêts. C'est donc un véritable vent de démocratie qui souffle sur le département - dirait-on - et sur la commission.

C'est pourquoi nous sommes surpris de voir que de nouveaux amendements sont présentés, alors même que certains d'entre eux ont déjà fait l'objet de longues discussions en commission. Il arrive tout de même un moment où il faut bien prendre une décision.

Le fait que Genève soit un canton-ville a joué un grand rôle dans le choix des critères de définition de la forêt. En effet, la fourchette proposée par l'ordonnance fédérale traduit la grande diversité des cantons suisses. Nous avons opté, en commission, pour des valeurs intermédiaires afin de tenir compte de la nécessité des niches forestières dans le canton tout en étant réceptifs aux critiques des milieux agricoles notamment. Il est clair que d'un point de vue strictement environnemental nous aurions fort bien pu être plus rigides et choisir les critères les plus sévères de l'ordonnance fédérale, mais nous avons été d'accord de lâcher du lest. Aujourd'hui, nous sommes donc absolument opposés à toute modification visant à diminuer encore la protection de la forêt.

Il faut relever ici que la limite d'implantation des constructions en bordure de forêts, qui a été maintenue à 30 m et que nous vous proposons de maintenir à 30 m, a pour objectif premier de protéger la forêt et ses hôtes de la pression grandissante de l'urbanisation sur les milieux naturels. C'est pourquoi nous refuserons cette proposition si elle est faite selon les remarques de la CGI.

Nous avons également été réceptifs à certaines critiques des propriétaires, puisque nous avons accepté des dérogations supplémentaires à la limite d'implantation des constructions.

Le projet de loi tel que voté par la commission permet d'optimiser la protection des bois et des forêts regroupés dans la loi sous le terme «forêts» ainsi que des lisières. Cette protection est indispensable au maintien et au développement de la diversité de la faune et de la flore dans notre canton, qui est, comme nous le savons, fortement urbanisé.

Certains éléments n'ont pas été fixés dans ce projet de loi mais devront figurer dans le règlement, telle que la limitation d'accès à certains secteurs de la forêt pour éviter une trop grande fragmentation du milieu ou les itinéraires cyclistes et cavaliers, pour éviter leurs divagations néfastes pour la faune et la flore.

C'est pourquoi ce projet de loi nous convient en l'état, et nous vous proposons de l'accepter tel quel.

M. John Dupraz (R). Je suis très heureux d'entendre que la représentante des Verts soit satisfaite de ce projet de loi. Ce serait bien le comble si ce n'était pas le cas, avec un ministre chargé des forêts qui appartient à votre groupe !

Cela dit, la forêt dans notre pays, contrairement à d'autres pays n'est absolument pas menacée. Elle fait l'objet d'une protection totale depuis le début du siècle, ce qui lui a permis de s'agrandir de plus de 100 000 hectares, durant ce laps de temps. La forêt en Suisse, et plus particulièrement à Genève, souffre de sous-exploitation. En effet, les arbres sont comme les êtres vivants : ils naissent, ils croissent, ils se développent et ils meurent. Et si l'homme n'intervient pas pour enlever les vieux arbres morts et faire place aux plus jeunes, eh bien, la forêt dépérit.

Le drame n'est pas d'avoir des projets de lois qui donnent des directives, le drame c'est que l'exploitation de la forêt n'est économiquement pas rentable. Moi-même - je parle maintenant en tant que propriétaire de bois - j'ai trouvé un copain qui a bien voulu, avec mon aide et l'aide de mes employés, entretenir la forêt. C'est un gros travail : non seulement il n'est pas lucratif mais il coûte. L'entretien de la forêt est un acte responsable vis-à-vis des personnes qui viendront après nous et c'est continuer le travail de ceux qui nous ont précédés. Nous devons entretenir la nature et préserver notre environnement.

Certes, cette loi nous donne satisfaction. La protection des forêts ne dépend pas des règles qui sont fixées, comme, par exemple, d'autoriser la construction à 25 ou 30 m des forêts. Elle dépend bien davantage de l'attitude et du comportement des êtres humains à son égard. Les propriétaires de bois, l'Etat ou les privés, doivent les entretenir. Comme l'a dit tout à l'heure Mme Romaneschi, ceux qui utilisent la forêt comme zone de loisirs représentent le plus grand danger. C'est pourquoi il faut canaliser ces loisirs dans cet espace naturel.

La forêt dans un canton-ville a bien plus d'importance qu'en zone de montagne, parce que, comme la zone agricole, c'est un poumon de verdure pour la population. A mon avis, l'Etat de Genève porte un intérêt tout particulier à l'entretien et au maintien de la forêt. Il faudrait transmettre cet esprit de responsabilité chez les privés. Cela peut se faire par des journées d'action comme cela a été le cas l'année dernière, sous l'égide du Conseil d'Etat et de l'ensemble des responsables de la forêt, pour informer les personnes, les éduquer, leur expliquer que la forêt n'est pas une autoroute et qu'on ne peut pas y circuler à vive allure. La forêt est un espace naturel qui se respecte, qui se cultive et dans lequel on ne peut pas faire n'importe quoi.

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical votera ce projet de loi. Nous voterons l'amendement portant sur la limite de 25 m, car nous pensons que ce n'est pas un élément essentiel pour la protection de la forêt. Construire à 25 ou 30 m, je le répète, ne va rien changer. Il faut surtout éduquer la population à respecter la forêt, car c'est un espace naturel qui mérite ce respect.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose d'arrêter là nos travaux. Nous les reprendrons à 20 h 30.