République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 19e séance
P 1220-A
La Commission des pétitions a étudié la pétition 1220 lors de ses séances des 16 et 23 novembre 1998, sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, puis celle de M. Louis Serex. Les procès-verbaux ont été tenus par M. Lionel Ricou.
La pétition, munie d'environ mille signatures, a pour objectif de solliciter les autorités cantonales et municipales pour soutenir moralement et matériellement la mise en oeuvre d'un projet de centre multiculturel et populaire des communautés kurdes et turques de Genève.
Le texte complet de la pétition, le descriptif du projet ainsi que son budget sont annexés en fin du présent rapport.
Audition des pétitionnaires (16 novembre)
MM. Demik Sönmez, Yucel Yuce, Ali Garip, et Ali Sarikaya
Les pétitionnaires précisent que la principale nature de la demande est d'ordre financier ou de mise à disposition de locaux. L'un des objectifs de ce centre est de faciliter l'intégration des jeunes Turcs et Kurdes. Les pétitionnaires souhaitent disposer d'un centre comparable à l'Université albanaise avec, en plus, un restaurant.
Actuellement, sur une population d'environ 1 800 ressortissants turcs et kurdes à Genève, cinquante à soixante d'entre eux se réunissent régulièrement. Ils disposent d'un local de 60 m2 dont le loyer mensuel s'élève à Fr. 1 015.-.
Le projet prévoit des activités culturelles et sociales en proposant entre autres aux jeunes la connaissance de leur propre culture mais aussi en développant des liens socio-culturels avec les populations suisse et étrangères. M. Sönmez explique qu'il existe deux cultures dans le quotidien de la nouvelle génération : à la maison, la culture de l'origine des parents, à l'extérieur, la culture de notre pays. Sans lien de transition entre ces deux cultures, M. Sönmez estime qu'il y aura une génération de perdue et le but général d'un tel centre est d'éviter cela.
D'autres facettes révélées du projet sont la sensibilisation de cette communauté à la démocratie, aux droits de l'homme, à la protection de l'environnement et à la paix.
Matériellement, selon le budget présenté, cette réalisation nécessite des locaux d'une surface de 250 à 300 m2 et un financement de Fr.133 000.- dont Fr. 73 000.- de charges annuelles de fonctionnement.
Les pétitionnaires n'ont aucun contact et par conséquent aucun soutien avec leur consulat à Genève. Par contre, ils estiment que dans les pays démocratiques, ce sont les députés qui doivent agir et que si ce projet ne peut être réalisé, les députés seront responsables de « la génération de perdue », phénomène expliqué auparavant.
Discussion et vote (23 novembre)
L'origine du statut de Genève ville internationale s'est fondée entre autres sur la reconnaissance des principes de liberté individuelle et d'acceptation d'autrui qui ont permis l'intégration de communautés étrangères. Cet esprit d'ouverture a permis la création et le développement d'une multitude de mouvements communautaires et associatifs des plus divers sans obligatoirement avoir recours aux ressources de la collectivité. Il est d'ailleurs probable que l'autonomie financière et les ressources bénévoles sont des facteurs favorisant la pérennité d'une association. Quoi qu'il en soit, ni l'Etat, et précisons puisqu'ils ont été directement mis en cause, ni les parlementaires ne sauraient avoir de responsabilité dans l'incapacité d'une association à mettre sur pied un tel projet dans l'hypothèse du refus d'une allocation des deniers publics.
Ceci dit, les députés réalisent parfaitement la situation que vit une jeune génération d'immigrés qui est confrontée à deux cultures différentes. La recherche de sa propre identité est sans aucun doute un facteur de stabilité et de bien-être social. Par le projet envisagé, les pétitionnaires contribuent à cette recherche de soi-même et dans ce sens, ils doivent être moralement encouragés.
Si la recherche de son identité est importante chez l'individu, notre société a également besoin d'une reconnaissance d'un mode de vie commun. C'est le rôle de l'Etat, qui notamment dans le cadre des programmes scolaires, doit permettre la participation de toutes les communautés étrangères à notre mode de vie en acceptant à chaque fois que cela est possible les différences de chacun.
Enfin, dans un contexte où la mauvaise situation des finances publiques peut remettre en question des tâches prioritaires de l'Etat, les députés ne peuvent être favorables à la demande des pétitionnaires.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous propose par 9 voix (1 S, 2 Ve, 2 DC, 2 R, 2 L) et 4 abstentions (2 S, 2 AdG) de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignements.
Pétition(1220)
pour le soutien à un projet de centre multiculturel et populaire
Mesdames etMessieurs les députés,
L'association la « Maison populaire de Genève » est une association turque et kurde de défense des droits de l'homme et de promotion d'activités sociales et culturelles pour les communautés kurdes et turques de Genève. Elle fonctionne depuis 1994 dans ce canton et sert aussi à promouvoir les échanges et les contacts entre ces communautés et l'ensemble des résidents de Genève.
L'association regroupe de nombreuses personnes membres de ces communautés, notamment de très nombreux jeunes et elle organise toutes sortes d'activités pour les familles et les enfants. Elle a notamment comme projet la création d'un centre multiculturel et populaire qui représente pour elle l'étape suivante du développement de ses activités. Ce centre devrait contribuer à permettre aux habitants turcs et kurdes de Genève de connaître et de faire vivre leur propre culture, de développer leurs connaissances sociales et culturelles ainsi que de créer des contacts et des échanges avec l'ensemble des autres habitants de la Ville et du canton, ceci dans un esprit de promotion de la démocratie et des droits de l'homme.
Les activités du centre projeté comportent des cours de danses folkloriques, du théâtre, la mise en place d'une bibliothèque, d'une garderie d'enfants, etc.
Les signataires de la présente pétition demandent aux autorités genevoises d'apporter leur soutien moral et matériel à la mise en oeuvre de ce projet.
N.B. : 1 000 signatures
Maison populaire de Genève, M. Demir Sönmez,42, rue de Lyon, case postale 1141, 1211 Genève 1
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Débat
Le président. Madame Rielle, vous avez la parole.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Fehlmann Rielle, Monsieur le président !
Je relèverai brièvement que, depuis le moment où la commission a discuté de la pétition, le projet de la Maison populaire a évolué. En effet, les représentants de la Maison populaire ont revu leurs prétentions à la baisse, notamment en ce qui concerne le budget prévu initialement. Ils sont aussi en train de négocier des locaux au sein de la Maison des associations, ce qui leur permettra de mieux s'intégrer au sein du mouvement associatif et, partant, au sein de la cité. De plus, je crois savoir que la commission des pétitions du Conseil municipal de la Ville a accueilli favorablement l'idée d'un soutien financier à la Maison populaire, étant précisé que le Conseil municipal n'a pas encore délibéré à ce sujet. Enfin, et bien qu'il ait donné une réponse négative quant à un soutien financier à la Maison populaire, le Conseil d'Etat a néanmoins relevé l'importance de cette maison pour le travail de rapprochement entre les communautés kurde et turque.
Aussi, au vu de ces éléments nouveaux, nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin de donner un signe positif à cette association.
Le président. La parole n'est plus demandée. Je soumets à vos suffrages la proposition de Mme Fehlmann Rielle de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Cette proposition est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette proposition est rejetée par 34 non contre 33 oui.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.