République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 18e séance
IU 671
M. Laurent Moutinot. Je vous remercie, Monsieur Hiler, de cette interpellation qui me permet de vous donner un certain nombre d'informations sur cette tragédie et sur les questions qu'elle pose.
Première question de M. Hiler : par qui l'Etat de Genève est-il représenté ? L'Etat de Genève est actionnaire et a donc participé financièrement à la construction du tunnel du Mont-Blanc. La structure d'exploitation de ce tunnel est très compliquée. Il existe, au bas de la pyramide, deux sociétés d'exploitation, l'une italienne qui gère la moitié du tunnel, l'autre française qui en gère l'autre moitié. Dans la société italienne, la Ville de Genève est représentée par Mme Jacqueline Burnand, et l'Etat de Genève par moi-même. Dans la société française, la Ville de Genève est représentée par M. Michel Rossetti, et le canton par M. Claude Haegi. Au-dessus de ces deux sociétés existe un comité commun, dans lequel siègent Mme Burnand et M. Haegi. Enfin, une commission internationale chapeaute le tout, dans laquelle nous ne sommes pas représentés et où seules sont présentes la France et l'Italie, qui assurent la véritable direction du tunnel.
Vous avez demandé quelles étaient les responsabilités et s'il y avait des risques pénaux, notamment pour les administrateurs. En début de législature, lorsque le Conseil d'Etat m'a désigné pour représenter le canton dans la société italienne, j'ai demandé un rapport sur la sécurité. Il m'a été fourni par M. Tropiano, directeur exécutif de la société. A la lecture de ce rapport, rien ne permettait de conclure à une quelconque déficience des systèmes de sécurité. En tant qu'administrateur, à aucun moment non plus, mon attention n'a été attirée sur un risque s'agissant de la sécurité du tunnel. J'ai interpellé les autres administrateurs genevois des deux sociétés : ils sont exactement dans la même situation. Ils m'ont en outre précisé qu'à aucun moment l'une ou l'autre des sociétés n'a refusé un crédit qui aurait été proposé, relatif à des investissements en matière de sécurité.
L'enquête, comme vous le savez, n'est de loin pas terminée. Toutefois, le rapport provisoire du ministère de l'intérieur et du ministère de l'équipement, des transports et du logement français, du 13 avril 1999, conclut provisoirement en disant ceci : «L'analyse des conditions d'alerte et de la mobilisation des moyens de secours ne révèle pas a priori de situation anormale, ni de défaut grave d'organisation.» Une enquête pénale est effectivement en cours, mais, compte tenu des explications que je viens de vous donner, il ne semble pas que la responsabilité des administrateurs puisse être engagée.
Enfin, vous avez posé la question de savoir quelles étaient les positions que nous allions prendre en ce qui concerne l'avenir du tunnel. Je crois que la première réponse se trouve à l'article 36 de la Constitution fédérale, qui stipule que «la Confédération protège la zone alpine contre les effets négatifs du trafic de transit» et que sa politique tend à ce que les trafics transalpins s'effectuent par le rail. C'est le fondement de la politique suisse et les administrateurs genevois des deux sociétés l'ont rappelé.
Cela étant, il n'empêche que ce tunnel a une importance considérable pour la vallée de Chamonix, pour le val d'Aoste et même, plus largement, pour le Piémont et pour Genève. Sa réouverture s'impose donc, mais évidemment pas sans conditions de sécurité notamment, ni sans choix s'agissant de qui pourra traverser le tunnel. Il est un peu cynique de le dire, mais il convient manifestement de profiter de l'émotion causée par cette tragédie pour reposer très clairement la question du trafic ferroviaire à travers les Alpes. La France est sensible à cette question, mais je ne vous cache pas que la politique italienne des transports n'est pas vraiment axée sur le trafic ferroviaire, pour ne pas dire plus. Nous devons, par conséquent, à la fois soutenir la réouverture du tunnel dans des conditions raisonnables de sécurité, et insister pour que fondamentalement le trafic alpin, conformément à ce que dit notre Constitution fédérale, passe par le rail.
Il me semble, Monsieur le député, que les questions que vous avez posées mériteraient des développements plus importants. Je suis prêt, cas échéant, à vous donner d'autres indications, que je ne peux développer dans le cadre d'une interpellation urgente. Je termine en précisant que dans ce dossier, dès la tragédie, le Conseil d'Etat a demandé une réunion d'urgence des conseils d'administration des deux sociétés, que je me suis personnellement rendu à Rome pour cette séance et que M. Haegi s'est rendu à Paris. En l'occurrence, M. Haegi et moi-même travaillons, je m'en félicite, en excellente collaboration.
Cette interpellation urgente est close.