République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 17e séance
M 1275 et objet(s) lié(s)
c) Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les lieux d'hébergement pour les requérants d'asile sont hélas insuffisants, malgré les efforts importants consentis par l'Association genevoise des centres d'accueil pour les requérants d'asile (AGECAS), chargée de l'accueil de ceux-ci durant les 12 premiers mois de séjour et par l'Hospice général, après une année de séjour.
Il en résulte que 350 requérants d'asile à charge de l'AGECAS sont aujourd'hui hébergés dans des abris de la protection civile. S'il faut être reconnaissant aux communes d'avoir mis ces abris à disposition, il est inacceptable que des êtres humains soient confinés pendant des semaines, voire des mois, dans de tels locaux.
Il devient donc URGENT de trouver des locaux d'habitation offrant un minimum de confort pour ces personnes.
C'est donc avec une grande satisfaction que les motionnaires ont appris que l'Organisation de recherche et de technique (ORT) a accepté de vendre les bâtiments dont elle est propriétaire à Anières et qu'un accord a pu être trouvé avec cette commune, ce qui permettrait d'accueillir 300 requérants, ce d'autant plus que la Confédération a accepté de financer l'acquisition de ces bâtiments pour un montant de 4,4 millions de francs et de les rénover pour un coût de 7 millions de francs.
C'est par contre avec inquiétude que les motionnaires ont appris que cet excellent accord, négocié par le président de l'AGECAS, risquait d'être remis en cause par l'Etat, qui voudrait renégocier ce qui a été accepté à la fois par l'ORT et par la Confédération, laquelle assure le financement de l'opération. En effet, il faudrait tout d'abord éviter que notre canton perde le bénéfice d'une subvention fédérale dont le versement n'est jamais garanti à terme. D'autre part, l'ORT, qui s'était désistée au dernier moment, il y a une dizaine d'années lors d'une première tentative d'achat (bien plus cher !) de ces bâtiments, pourrait également revoir sa position. Enfin, la remise en cause de l'accord a pour conséquence que le Conseil de l'ORT (qui risque de refuser de modifier ses conditions) ne pourra en débattre qu'au mois de juin, alors qu'il y a urgence à trouver des lieux d'hébergement pour les requérants.
A ce sujet, les bâtiments d'Anières sont, hélas, insuffisants pour répondre aux besoins. En effet, l'AGECAS devra accueillir de nouveaux requérants en plus des 350 qui sont déjà dans des abris. Faudra-t-il ouvrir de nouveaux abris ? ! Par ailleurs, l'Hospice général a un manco de 400 lits. C'est donc au minimum 800 lits supplémentaires qu'il faudra trouver.
A cet égard, le Conseil d'Etat se doit d'examiner parmi les nombreux locaux vides qui existent à Genève, lesquels pourraient servir provisoirement pour le logement de requérants d'asile.
Les motionnaires savent que les deux institutions précitées pourraient transformer à bon compte l'ancienne usine Glaxo, sise 46, rue des Acacias, qui permettrait d'accueillir environ 300 requérants et qui est située à proximité immédiate du centre d'enregistrement des requérants géré par la Confédération. Le financement de l'opération est assuré.
Certes, cette ancienne usine est située dans une zone industrielle, mais c'est une des rares zones industrielles bénéficiant d'un statut mixte. Si les motionnaires souhaitent, de manière générale, que les terrains et les bâtiments industriels conservent leur affectation, ils considèrent néanmoins qu'une dérogation peut se justifier pour des besoins d'utilité publique, notamment en matière de logements répondant à un besoin urgent (ce qui est le cas en l'espèce). Cette dérogation pourrait être accordée à titre provisoire, pour une durée qui devrait être de l'ordre de 10 ans, pour permettre l'amortissement des investissements.
Cette solution aurait aussi l'avantage de faciliter le retour de ce bâtiment à son affectation initiale, lorsque le surplus de locaux sur le marché se sera résorbé.
Dans le même ordre d'idées, il faudrait examiner quels terrains de réserve pourraient être mis provisoirement à disposition pour des pavillons provisoires, ce qui aurait également l'avantage de diminuer la pression sur ces terrains au profit de projets ne correspondant pas au but pour lesquels ceux-ci ont été acquis.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ferez bon accueil à cette motion.
(M 1281)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il n'est pas nécessaire de rappeler la situation qui prévaut dans les Balkans. A quelques centaines de kilomètres de la Suisse, la guerre et ses drames humains ont pris place depuis plus d'un mois.
En annonçant le 9 avril dernier qu'il admettait provisoirement les réfugiés du Kosovo, le Conseil fédéral paraissait avoir compris la gravité de la situation. Le 12 avril, c'était au tour de la majorité des cantons de se déclarer favorable à l'hébergement des Kosovars auprès de leurs proches en Suisse. Le même jour, le conseiller fédéral Arnold Koller recommandait non seulement l'accueil des femmes et des enfants des Kosovars de Suisse, mais également celui de leur frères et soeurs.
Le geste de Ruth Dreifuss, qui a ramené en Suisse une trentaine de réfugiés, a renforcé l'image d'un Conseil fédéral sensible au désastre de la guerre des Balkans, et déterminé à assurer une aide de la Suisse. Les espoirs de milliers de réfugiés, engendrés par cet acte symbolique et ces déclarations, semblent pourtant ne pas avoir trouvé leur contrepartie dans la réalité.
En effet, plus d'un mois après le début de la guerre, on ne compte plus les cas de Kosovars de Suisse n'ayant pas pu héberger leurs proches en raison de tracasseries administratives. L'Université populaire albanaise a d'ailleurs fustigé "; l'incompréhension " de l'Office fédéral des réfugiés (ODR) qui a refusé de considérer 63 demandes de requérants d'asile kosovars désireux de faire venir en Suisse des membres de leur famille, dont des épouses, des enfants et des personnes malades.
Aujourd'hui, des mesures exceptionnelles doivent être prises. La Suisse doit absolument renforcer les voies d'accueil officielles, au risque sinon de laisser se développer des filières de passeurs, avec tous les trafics (drogue, prostitution) qui y sont liés, et dans lesquels peuvent être conduits les réfugié-e-s.
C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat d'intervenir rapidement auprès des autorités fédérales afin de poursuivre l'aide sur place, d'accueillir des réfugiés victimes du conflit en Suisse, et de favoriser et de soutenir le regroupement familial (au sens large) de personnes qui ont dû fuir leur pays et qui souhaitent rejoindre des proches en Suisse.
Au niveau cantonal, nous demandons au Conseil d'Etat de prendre rapidement des mesures pour simplifier les démarches des ressortissants des Balkans domiciliés à Genève et qui souhaitent faire venir des proches, victimes du conflit.
Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion.
Rapport de la commission des finances
(PL 7995-A, PL 7996-A, PL 7997-A)
PL 7995-A
Le 31 mars 1999, la Commission des finances a réexaminé brièvement le projet de loi 7995, qu'elle avait déjà accepté à l'unanimité en septembre 1998. Ce projet de loi prévoyait de subventionner l'UPA (Université populaire albanaise) en prenant l'argent sur la part revenant à l'Etat du droit des pauvres. Le refus du budget a entraîné la mise au frigo de ce projet, mais le Conseil d'Etat, considérant à juste titre que ce projet de loi 7995 n'était pas le motif essentiel du refus populaire, s'est permis de le représenter tel quel, en changeant simplement son numéro. En effet, l'UPA déploie une activité essentielle pour l'intégration des Albanais à Genève, une communauté de 8000 âmes, qui a bien besoin de s'intégrer et qui utilise abondamment les cours d'appui de français, le préapprentissage en réparation d'appareils ménagers, la cafétéria, les rencontres culturelles et les autres activités diverses. La situation actuelle au Kosovo justifie d'autant plus les activités de l'UPA, raison pour laquelle la Commission des finances n'a pas hésité, elle l'a de nouveau accepté à l'unanimité. La présentation de ces projets de lois était faite par M. G.-O. Segond, assisté de son bras droit M. Vallotton, et le procès-verbal était pris par Mme Monin.
Les comptes de l'UPA figurent à la fin de l'exposé des motifs du projet de loi 7995.
PL 7996-A
Dans la foulée et lors de la même séance, la Commission des finances a voté à l'unanimité 2 autres projets de lois, eux aussi lois de subventionnement, eux aussi financés par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat. Raison pour laquelle le rapporteur a décidé de ne faire qu'un seul rapport pour les trois projets, par simplification et pour économiser les deniers publics.
L'Association de la Maison de Montbrillant s'occupe de sourds adultes. Elle a été créée en 1997, parce que les services sociaux et médicaux avaient constaté un manque dans ce domaine particulier, pour des gens qui sont sourds, mais qui ont aussi des problèmes psychiques ou d'autres handicaps. Cette association permet d'héberger des sourds qui ne peuvent pas vivre seuls. Les comptes et budget figurent à la fin de l'exposé des motifs. L'OFAS verse une subvention fédérale de 467 000 F par an, le canton de 340 000 F par an.
PL 7997-A
Cette subvention a suscité une seule question, de M. Clerc, qui se demandait pourquoi cette fondation était de droit privé ? Le réponse de M. G.-O. Segond est que l'OFAS ne subventionne que des associations de droit privé. De surcroît, la question centrale semble être celle du contrôle (qui fait partie du CA ?) bien plus que celle du statut (droit public ou droit privé).
Cette unique question une fois posée, la commission a accepté ce projet de loi de subventionnement à l'unanimité, comme les deux précédents.
Les sommes allouées varient selon les années, la fondation a en effet réalisé un plan à long terme, comprenant des investissements variables selon les années, en mobilier et en matériel.
Au vu de ce qui précède, la Commission des finances vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ces trois projets de lois.
(PL 8063)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Devant les événements tragiques qui se déroulent au Kosovo, en République fédérale de Yougoslavie et dans les pays limitrophes, c'est-à-dire aux portes de notre pays, et face à l'impuissance qui est aujourd'hui la nôtre d'aider à mettre un terme à ce conflit et de remédier à ses causes, le Conseil d'Etat vous propose de faire un geste qui est en votre pouvoir immédiat : exprimer la solidarité active de Genève à l'égard de toutes les victimes de ces événements en contribuant à soulager leurs souffrances.
Le 7 avril 1999, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, né dans notre ville en 1863, a lancé aux Etats un appel pressant, d'un montant de 150 millions de francs, pour pouvoir faire face aux besoins humanitaires considérables provoqués par ce conflit dans les Balkans. Vous trouverez en annexe le texte de cet appel, qui décrit bien l'ampleur et la diversité des besoins à couvrir.
Le Conseil d'Etat vous propose de répondre à cet appel par une contribution de 1 million de francs à prélever sur la part 1999 du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Le Conseil d'Etat vous remercie de faire bon accueil au présent projet de loi : même s'il ne peut que rester modeste par rapport à l'immensité des besoins, il n'en est pas moins significatif de notre volonté de solidarité.
Premier débat
M. Pierre-Alain Champod (S). J'interviendrai plus précisément sur la proposition de motion 1281 et la commenterai brièvement.
Il n'est pas nécessaire d'insister sur les événements dramatiques qui se déroulent dans les Balkans, les médias en parlent abondamment. Cette motion concerne la réaction des autorités fédérales par rapport à cette situation.
Au Kosovo, nous sommes en présence d'une politique de ségrégation ethnique d'une violence inouïe, engendrant des souffrances et un déplacement de population d'une ampleur extraordinaire. Face à cette situation tout à fait exceptionnelle, l'attitude de la Confédération nous inquiète et nous révolte. Pourtant, au début du mois d'avril, le Conseil fédéral avait donné l'impression de prendre conscience de la gravité de la situation et annonçait des mesures adaptées aux circonstances. En effet, la Suisse a rapidement été opérationnelle dans les camps de réfugiés et nous ne pouvons que féliciter la Confédération d'avoir mis en oeuvre les moyens nécessaires à cette action. De plus, le Conseil fédéral annonçait, toujours au début avril, qu'il accordait l'admission provisoire collective pour l'ensemble des réfugiés de la Kosove séjournant en Suisse ; il suspendait les renvois et annonçait qu'il favoriserait le regroupement familial. Par ailleurs, la présidente de la Confédération, Mme Ruth Dreifuss, se rendait dans les camps de réfugiés en Macédoine et ramenait une trentaine de personnes qui avaient de la parenté en Suisse.
Hélas, ce grand pas en avant a été suivi d'une multitude de petits pas en arrière ! En effet, quelques jours après, nous apprenions que le regroupement familial serait limité aux ascendants et descendants. Puis, encore quelques jours plus tard, nous apprenions que seuls les permis B et C pourraient bénéficier dudit regroupement familial - ce qui n'est que la stricte application de la loi et n'a rien à voir avec la situation exceptionnelle qui prévaut dans les Balkans aujourd'hui.
Ensuite, les journaux nous ont informés de l'attitude bureaucratique des représentants de la Suisse, notamment à Skopje en Macédoine. De nombreuses personnes établies en Suisse depuis plusieurs années ont tenté de faire venir des proches parents se trouvant dans les camps en Macédoine. Un exemple relevé par la presse : un père de trois enfants, dont l'épouse était décédée dans l'exode, veut faire venir ses trois filles près de lui en Suisse. Réponse des représentants suisses : d'accord pour les deux plus jeunes filles, mais l'aînée, qui est majeure depuis quelques mois, ne pourra pas venir puisque les mesures ne concernent que les mineurs ! Dans les cas où les conditions étaient remplies, les représentants suisses précisaient qu'il faudrait patienter six à huit semaines, le temps de faire les démarches !
Ce bureaucratisme est inadmissible et on peut se poser la question de savoir si notre pays est capable de tirer les leçons de l'Histoire. Nous venons, au cours de ces dernières années, de nous pencher douloureusement sur l'attitude de la Suisse à l'égard des juifs durant la Guerre 39-45. Comment, dans vingt ou cinquante ans, les historiens interpréteront-ils l'attitude bureaucratique de l'Office des réfugiés dans cette affaire ?
La communauté des Albanais du Kosovo est importante en Suisse, car cette région a été, pendant de nombreuses années, un pays de recrutement de main-d'oeuvre et notamment de saisonniers. Les membres de cette communauté, depuis quelques mois, se mobilisent pour avoir des nouvelles de leurs parents ; avec l'aide des oeuvres d'entraide et, à Genève, de l'Université populaire albanaise, la communauté collecte des renseignements et dépose des demandes de regroupement à l'Office fédéral des réfugiés. Ce dernier met toutes les demandes reçues dans un carton et les retourne à l'UPA ! Comment peut-on traiter avec un tel mépris une communauté vivant les heures les plus noires de son histoire ? Les mêmes renseignements ont été transmis au HCR qui, lui, a remercié l'UPA et les autres oeuvres d'entraide pour leur précieuse collaboration.
Dans le même temps où les autorités suisses ont cette attitude restrictive, la population de ce pays fait preuve d'un élan de solidarité magnifique. La Chaîne du bonheur recueille plusieurs millions et les collectes de vivres et de vêtements organisées dans différents endroits donnent des résultats tout à fait exceptionnels.
Le but de cette motion est donc de transmettre un message de notre parlement à l'autorité fédérale, de lui dire que nous souhaitons, d'une part, qu'elle continue l'aide indispensable et urgente sur place et, d'autre part, qu'elle permette à des personnes originaires des Balkans se trouvant en Suisse de faire venir et d'héberger des proches se trouvant dans les camps de réfugiés. La Suisse certes ne pourra pas accueillir tous les réfugiés se trouvant dans les camps, mais, compte tenu de l'importance de la communauté albanaise du Kosovo en Suisse, elle doit en accueillir. L'expérience zurichoise d'hébergement chez des proches est positive. Alors, pourquoi faut-il obliger les personnes qui viendront en Suisse de passer une période dans les centres d'accueil ? Pourquoi ne pas leur permettre de rejoindre directement leurs proches ? Lorsqu'on a vécu des situations aussi dramatiques que ces hommes et ces femmes qui ont vécu l'exil forcé, n'est-il pas plus agréable de se retrouver auprès de proches, plutôt que dans l'anonymat des abris de la protection civile ?
Enfin, en plus de toutes ces raisons qui concernent la dignité humaine, deux autres raisons militent en faveur de l'accueil chez les proches. La première est la nécessité de ne pas rompre le fragile équilibre existant en Macédoine. Ce pays ne peut accueillir sur son territoire des dizaines de milliers de réfugiés sans risquer de sombrer dans un état de guerre. La seconde est que les gens qui ont des proches dans les camps se débrouilleront pour les faire venir par tous les moyens. S'ils n'y arrivent pas par les voies officielles, ils utiliseront les voies non officielles, c'est-à-dire qu'ils auront recours aux passeurs, aux différentes mafias qui sont à l'oeuvre dans cette région et qui sont aussi à l'oeuvre dans notre pays. Et, s'ils ne peuvent verser l'argent du passage là-bas, les réfugiés qui viendront devront le rembourser une fois arrivés en Suisse. Or, le moyen de rembourser, on le connaît : c'est l'enrôlement de ces personnes dans des trafics divers, notamment ceux de la drogue auxquels se livrent les membres de cette mafia dans notre pays.
C'est aussi pour cette raison que la motion demande un regroupement familial au sens large. Le meilleur moyen d'éviter qu'un jeune de 19 ans échappe à la tentation de gagner illégalement de l'argent est de le placer chez ses parents ou, à défaut, chez un proche, chez un oncle par exemple. Dans les familles du Kosovo, les aînés ont encore une autorité et une influence importantes sur les grands adolescents et les jeunes adultes, en tout cas bien plus importantes que ce n'est le cas dans nos familles. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter cette motion, qui a reçu le soutien de la grande majorité des groupes présents dans ce parlement.
Mme Nelly Guichard (PDC). Quelle que soit notre envie d'agir, de réagir par rapport à un conflit qui dure, non pas depuis quelques semaines mais depuis de nombreuses années, nous n'avons pas prise sur le sujet. Ce n'est ni de la compétence du Grand Conseil, ni dans ses possibilités. Nous ne pouvons qu'atténuer les conséquences des atrocités commises envers la population civile, et notre rôle humanitaire se situe sur ce plan-là.
Cela dit, nous ne pouvons plus, alors que les réfugiés affluent dans les camps, nous contenter de proposer nos bons offices. Jouer un rôle de médiateur, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Le canton de Genève a pris des mesures, je m'en réjouis et j'espère que ces mesures positives cantonales ne se heurtent pas à la lourdeur de l'administration fédérale : pas besoin d'exporter notre lourdeur administrative jusque dans les camps de Tirana ou de Skopje, elle est déjà bien assez étouffante par ici !
Ce que nous avons pu lire ces derniers jours, ce que nous avons entendu aussi, ne confirme que trop dramatiquement ce que je voudrais vous relater ici - car c'est par des exemples concrets qu'on peut le mieux appréhender ces réalités.
Voici dix jours, n'y tenant plus, un jeune Albanais vivant et travaillant à Genève a pris son billet d'avion pour la Macédoine, dans l'optique d'aller y rechercher son père dans un camp de réfugiés. Je m'abstiendrai ici de décrire la vie dans ce camp ! Il y a effectivement retrouvé son père, pas très âgé mais malade, et durant une semaine il a fait les démarches sur place, il s'est démené pour obtenir l'autorisation d'emmener chez lui, à Genève, son père, qui avait autrefois travaillé cinq ans en Suisse. Eh bien, malgré son entregent, sa courtoisie, malgré le fait que deux frères de son père ont la nationalité genevoise, travaillent, habitent à Genève avec leur famille, il est revenu désespéré et seul ! On a même réussi à lui dire qu'il faudrait vraisemblablement qu'il attende plusieurs mois, voire l'automne, pour que lui-même et sa jeune épouse puissent héberger son père ici.
Quand les tracasseries administrative prennent le pas sur le bon sens et annihilent tout esprit humanitaire, nous ne pouvons que dire notre plus profonde déception, notre totale désapprobation. Comme le préopinant, nous souhaitons aussi que le regroupement familial puisse se faire dans de meilleures conditions et dans des délais un peu plus raisonnables que ceux que l'on a avancés à ce jeune homme.
M. Michel Halpérin (L). Le groupe libéral des Chambres fédérales a salué, car nous avions tous vibré, les politiques nouvelles de la Confédération, illustrées par la visite de Mme Dreifuss sur place, dans les camps de réfugiés. C'est dire que, comme Mme Guichard et comme M. Champod, nous souhaitons que la Suisse de l'an 2000 ne s'identifie pas avec celle des années 1940, s'agissant de sa politique à l'égard des réfugiés.
Cela dit, si notre parlement avait su, dans les mois qui viennent de s'écouler, faire preuve - comme quelques-uns d'entre nous l'y avait invité - d'une forme de modération dans l'expression et dans la formulation des débats relatifs aux droits de l'homme, nous aurions pu aujourd'hui prendre position avec un crédit non entamé. A la lecture de la presse de ces derniers jours, il est en effet avéré, comme l'a dit M. Champod tout à l'heure, que l'Office fédéral des réfugiés fait faire marche arrière à la politique annoncée par le Conseil fédéral. Mais j'ai eu l'occasion de le dire hier à M. Champod en tête à tête : nous avons un problème de crédibilité dans ce parlement, parce que nous sommes d'un tempérament volatile et inflammable et que celui-ci nous a conduits à perdre de notre crédibilité.
Cette motion, que nous ne combattrons naturellement pas et que la plupart d'entre nous, sur les bancs du groupe libéral, voteront, n'apportera rigoureusement pas l'ombre du commencement d'un début de soulagement à un seul réfugié kosovar ! Pas un seul ne verra son destin s'améliorer par notre démarche, parce que nos démarches ne sont plus crédibles. Et elles ne le sont plus, parce que nous avons éteint notre crédit.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai déposé un projet de loi, qui sera traité lors d'une de nos prochaines séances, visant à ce que dorénavant nous envoyions ces sujets relatifs aux droits de l'homme, qu'ils concernent Genève, la Suisse ou l'étranger - je dis Genève et la Suisse, parce qu'il y en a aussi ici - que nous les envoyions à une commission ad hoc qui nous permette de travailler sérieusement sur ces sujets qui méritent notre attention sérieuse. Ceci afin que nous cessions d'avoir la réputation, à Berne et ailleurs, d'être une bande d'éructifs qui ne sont capables de fonctionner qu'au coup de coeur et qui n'ont pas encore trouvé le moyen de faire fonctionner ensemble le coeur et la tête !
Ce soir, le groupe libéral ne s'opposera pas à cette motion et la soutiendra probablement telle qu'elle est, sans demander qu'elle soit renvoyée en commission puisque cette commission n'est pas encore créée, mais je vous le dis : elle ne servira à rien ! Je ne sais pas si elle vous fait du bien, à vous qui en êtes les auteurs, mais à moi, elle me fait du mal, car je ne supporte pas l'idée que nous nous satisfassions d'un essai dont nous savons qu'il n'aboutira à rien. Et j'espère, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de loi libéral concernant les droits de l'homme, qui vise à doter Genève d'une vraie politique parlementaire des droits de l'homme, recevra un accueil digne de son ambition, lorsqu'il sera soumis à votre attention.
Le président. La parole n'est plus demandée. Nous passons au vote de ces motions et projets de lois.
M 1275
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1275)
concernant l'hébergement des requérants d'asile
Vu le besoin urgent de centres d'hébergement pour les requérants d'asile placés dans des centres de protection civile ;
vu l'appui financier accordé par la Confédération dans ce domaine ;
le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite le Conseil d'Etat
M 1281
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1281)
pour l'accueil et le regroupement familial des réfugiés de la guerre dans les Balkans
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
la situation exceptionnelle résultant de la guerre dans les Balkans ;
l'afflux massif de réfugiés du Kosovo dans les pays limitrophes ;
les conditions de vie précaires dans les camps de réfugiés ;
la probabilité que cette situation de crise dure plusieurs mois, voire des années ;
la présence d'une communauté importante d'albanais du Kosovo à Genève
invite le Conseil d'Etat
A intervenir auprès des autorités fédérales pour que la Confédération prenne rapidement des mesures afin :
de poursuivre l'aide indispensable et urgente sur place
d'accueillir des réfugiés victimes du conflit des Balkans en Suisse
de favoriser et de soutenir le regroupement familial (au sens large) de personnes qui ont dû fuir leur pays et qui souhaitent rejoindre des proches en Suisse quel que soit le statut de ces derniers.
de tenir compte des liens de parenté lors de l'attribution des réfugiés aux cantons, afin de permettre aux réfugiés d'être accueillis par des proches.
Au niveau cantonal à :
prendre rapidement des mesures pour simplifier les démarches des ressortissants des Balkans domiciliés à Genève et qui souhaitent faire venir des proches, victimes du conflit.
PL 7995, 7996, 7997
Ces projets sont adoptés en trois débats, par article et dans son ensemble.
Les lois sont ainsi conçues :
Loi(7995)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement de 210 000 F est accordée à l'Association de l'Université populaire albanaise pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget et aux comptes, à la rubrique 84.99.00.365.19 pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
Loi(7996)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement de 340 000 F est accordée à l'Association de la Maison de Montbrillant pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.365.18 pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
Loi(7997)
accordant une subvention annuelle de fonctionnement à la Fondation pour l'hébergement des personnes handicapées psychiques (FHP)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement est accordée à la Fondation pour l'hébergement des personnes handicapées psychiques (FHP) comme suit :
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget de fonctionnement dès 1999 sous la rubrique 84.99.00.365.20 pour les exercices 1999, 2000, 2001 et 2002.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
PL 8063
Préconsultation
Le président. Nous passons au projet de loi 8063, accordant une subvention au CICR en faveur des victimes de la guerre du Kosovo. Je vous propose de le traiter en discussion immédiate.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi
(8063)
accordant une subvention de 1 000 000 F au Comité international de la Croix-Rouge pour son action en faveur des victimes de la guerre du Kosovo
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
décrète ce qui suit :
Article 1
1 Une subvention de 1 000 000 F est accordée au Comité international de la Croix-Rouge comme contribution de la République et canton de Genève à l'Appel intégré du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour faire face à la crise dans les Balkans.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part 1999 du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Article 2
Un rapport circonstancié sur l'utilisation de ces fonds sera fourni en temps utile par le Comité international de la Croix-Rouge.