République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1233-A
12. Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes Marie-Françoise de Tassigny, Fabienne Bugnon, Marie-Thérèse Engelberts, Janine Hagmann, Jeannine de Haller et Alexandra Gobet concernant l'intégration de la profession d'éducatrices et d'éducateurs du jeune enfant dans la future HES santé sociale. ( -) M1233
Mémorial 1998 : Développée, 5769. Renvoi en commission, 5777.
Rapport de Mme Véronique Pürro (S), commission de l'enseignement supérieur

Sous la présidence de M. René Longet, les membres de la Commission de l'enseignement supérieur ont consacré trois séances, les 4 et 11 février ainsi que le 4 mars 1999, à l'examen de la motion 1233.

Ont participé à la séance du 4 février 1999, consacrée à l'audition de représentantes de la profession de la petite enfance, MM. Eric Baier, secrétaire adjoint au DIP et Martin Kasser, directeur adjoint, HES-SO.

La séance du 11 février 1999 a été réservée à l'audition de Mmes Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat et Marie-France Anex, directrice du Centre d'enseignement des professions de la santé et de la petite enfance (CEPSPE), ainsi que de M. Martin Kasser.

La commission a pu bénéficier de la présence de M. Eric Baier lors de la séance du 4 mars 1999.

Les commissaires remercient M. Jean-Luc Constant, procès-verbaliste, pour l'excellente tenue des notes de séances.

Rappel

Déposée en septembre 1998 par une députée de chaque parti représenté au Grand Conseil, la motion 1233 a pour objet l'intégration de la formation des éducateurs-trices du jeune enfant dans la future HES santé sociale. Les auteures de la motion, soucieuses du maintien du niveau élevé de ladite formation dans notre canton et ayant eu connaissance qu'une décision relative à la définition des filières reconnues dans le cadre des HES santé sociale doit intervenir prochainement, n'entendent pas que cette profession soit dévalorisée par une éventuelle exclusion de la future HES santé sociale.

Audition de Mmes Francine Koch et Lucienne Calame de l'Association genevoise des directeurs-trices de crèches (AGDC), Anne-Marie Von Arx-Vernon et Valérie Buchs de la Commission consultative de la petite enfance (CCPE) et Sandra Haidinger de l'Association genevoise des éducatrices du jeune enfant (AGEJE)

La profession d'éducateurs-trices du jeune enfant : une profession en constante évolution

Au fil des ans, les missions des institutions de la petite enfance se sont passablement diversifiées et complexifiées, allant bien au-delà de la simple garde d'enfants d'antan. Parmi les nouvelles missions figurent ainsi notamment l'accompagnement des enfants en tant qu'individus, la préparation de leur entrée dans le milieu scolaire, un travail de prévention et de dépistage, l'accompagnement des familles dans l'éducation de leurs enfants et l'accueil des enfants en âge préscolaire. Dans ce sens, les professionnels-elles de la petite enfance sont de plus en plus amenés à travailler en étroite collaboration avec des professionnels-elles de niveau universitaire, tels que des pédiatres, des psychologues, etc.

Les besoins et les attentes des parents se sont aussi considérablement modifiés. Aujourd'hui, les institutions de la petite enfance représentent pour eux, non seulement un lieu de garde, mais aussi et surtout un lieu d'intégration, de soutien, de repère et de référence.

Qu'il s'agisse enfin, par exemple, de l'augmentation des difficultés familiales (divorces, familles monoparentales, etc.), du développement des temps de travail partiels ou encore de l'attention accrue portée aux problèmes de l'enfant (par exemple la maltraitance), la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant est amenée à s'adapter aux nouveaux besoins et aux exigences d'une société de plus en plus complexe.

La formation des éducateurs-trices du jeune enfant : une formation exigeante

De manière résumée, l'éducateur-trice du jeune enfant a pour tâche de prendre en charge, individuellement ou collectivement, des enfants - dès leur naissance et jusqu'à l'âge de 6 ans - et de mener auprès d'eux des actions éducatives propres à répondre à leurs besoins spécifiques ainsi qu'à favoriser leur développement et leur épanouissement sur les plans physique, affectif, cognitif et social.

Actuellement la durée de la formation de base délivrée par le CEPSPE est de trois ans à plein temps. Pour y être admis, les candidats-es doivent être âgés de 18 ans révolus et être en possession soit d'une maturité gymnasiale ou professionnelle, soit, sous certaines conditions, d'un diplôme de culture générale genevois ou d'une formation jugée équivalente. Sur plus de 100 candidats-es, seul-e-s 25 sont retenu-e-s sur la base de critères précis et stricts. L'enseignement offert porte sur l'acquisition de compétences réparties dans cinq domaines : la connaissance de l'enfant et de son développement, la famille, la santé et les soins, l'éducation préscolaire ainsi que l'identité professionnelle.

Pour répondre à l'évolution de la situation ainsi qu'à celle des connaissances enregistrées dans le domaine de l'enfance, la formation des éducateurs-trices du jeune enfant a dû s'adapter et augmenter ses exigences. La formation a ainsi intégré de nombreux éléments pluridisciplinaires comme la pédagogie, la psychologie, la sociologie ou la santé. La formation s'est par ailleurs dotée d'une formation continue dans le cadre du centre de formation continue de l'Institut d'Etudes Sociales. A en croire son succès, cette formation continue répond à un véritable souci d'adaptation et de perfectionnement des professionnels-elles.

L'importance de la reconnaissance de la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant comme filière de la future HES santé sociale

Plusieurs raisons motivent la reconnaissance de la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant comme filière de la future HES santé sociale. Parmi elles, relevons la nécessité de ne pas dévaloriser le haut niveau actuel de la formation, le besoin d'assurer une cohérence des formations du social et de la santé et de garantir des passerelles entre les différents secteurs, l'importance de pouvoir maintenir une formation continue pluridisciplinaire, indispensable à l'exercice de la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant et enfin, l'intérêt de promouvoir dans le futur une mobilité professionnelle dans un système de formation eurocompatible.

Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, cheffe du Département de l'instruction publique (DIP)

Mme Brunschwig Graf précise en premier lieu que la discussion relative à la sélection des filières HES se fait à l'échelle nationale. Un canton n'est ainsi pas en mesure de reconnaître à lui seul une profession en terme de filière.

La cheffe du DIP relève la difficulté de la discussion, liée principalement à la diversité des situations cantonales. Ainsi par exemple, dans certains cantons les professions de la santé et du social ne relèvent pas du domaine tertiaire supérieur, comme c'est le cas dans le canton de Genève.

Au niveau des travaux et discussions en cours, Mme Brunschwig Graf précise que quinze professions sont examinées dans la perspective d'un diplôme HES et évoque la typologie globale des professionnels-elles santé-social. Dans le cadre de cette dernière, trois catégories ont été définies ; « l'agir encadré », correspondant au niveau secondaire II de type CFC, « l'agir autonome », correspondant au niveau tertiaire non HES, et « l'agir expert », correspondant au niveau HES. Pour chacune de ces catégories, des critères ont été formulés afin de définir à laquelle d'entre elles appartiennent les professions examinées. Selon eux, les aides familiales, les assistants-es dentaires, les assistants-es en pharmacie et les aides soignantes appartiendraient à la catégorie « l'agir encadré », alors que les infirmiers-ères, les sages-femmes, les hygiénistes dentaires, les podologues, les physiothérapeutes, les laborantins-es médical et les assistants-es médicaux appartiendraient à la catégorie « l'agir autonome ». A ce stade de la réflexion, aucun exemple de profession de la catégorie « agir expert » ne peut nous être présenté. Seuls les critères retenus pour cette dernière catégorie sont connus. Au niveau de ces derniers, relevons l'autonomie dans l'exercice de l'activité professionnelle, la maîtrise de situations problématiques, complexes et peu structurées dans un domaine pouvant comprendre plusieurs secteurs d'activité, ainsi que la participation à la réflexion et le travail interdisciplinaire.

Concernant le choix des futures filières HES, M. Kasser précise que des critères, acceptés et reconnus par toutes et tous, ont également été retenus et sont appliqués à toutes les professions. Ces critères portent par exemple sur le cadre légal et la reconnaissance des titres, le descriptif de l'offre de formation et les types de qualification professionnelle. La valorisation de certains éléments, comme la recherche appliquée, la formation d'experts-es, l'évaluation de la qualité d'une profession, peut aussi être prise en compte.

S'agissant enfin de la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant, aucune réponse définitive n'a pour l'instant été présentée. Seule une position de principe à été communiquée, réponse qui laisse pour l'instant entendre que la petite enfance ne sera pas inscrite en tant que filière.

Discussion de la commission

Les auditions des professionnelles de la petite enfance ont révélé aux commissaires l'importance de la motion pour l'avenir de la profession d'éducateurs-trices du jeune enfant.

Les commissaires, conscients du fait que la décision n'appartient pas au seul canton de Genève et de la diversité des situations cantonales, relèvent toutefois la nécessité de traiter toutes les professions à pied d'égalité et, dans cette perspective, d'admettre que la formation actuelle des éducateurs-trices du jeune enfant mérite pleinement d'être intégrée dans la future HES santé sociale. En effet, comme nous l'avons rappelé précédemment, une non-intégration dans cette dernière aurait des conséquences préjudiciables. Il est de notre responsabilité de reconnaître la portée des missions de cette profession, le rôle croissant qu'elle est appelée à jouer dans notre société et son développement futur.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés-ées, en conclusion de leurs travaux, par 10 voix pour (2 AdG, 2 DC, 1 L, 2 S, 2 R, 1 Ve) et 2 abstentions (L), les membres de la Commission de l'enseignement supérieur vous recommandent d'approuver la motion 1233.

Débat

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Les auditions en commission ont été très révélatrices du haut niveau de compétence des professions de la petite enfance à Genève. Or, la non-reconnaissance de cette filière pourrait faire basculer cette profession dans la simple garde d'enfants. La sécurité de l'enfant est un enjeu suffisamment important pour que les instances de décision des HES le prennent en compte. La plupart des pays européens, comme la France ou l'Italie, accordent à la profession d'éducatrices ou d'éducateurs une formation de niveau tertiaire. Cette prise de position est confirmée par toutes les recherches en matière de développement du jeune enfant, qui soulignent l'importance capitale des acquis précoces. Il nous paraît donc indispensable que Genève, pays de Piaget, de la Maison des petits, fasse pression pour que cette profession maintienne son niveau de qualité. Mais je suis sûre que notre conseillère d'Etat saura être une bonne avocate pour défendre cette cause et trouver dans l'organisation des HES, ou en parallèle, une place valorisante et justifiée pour cette formation !

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1233)

concernant l'intégration de la profession d'éducatrices et d'éducateurs du jeune enfant dans la future HES santé sociale

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la mise en place d'une HES santé sociale romande ;

que la formation d'éducatrices et d'éducateurs du jeune enfant se situe à Genève dans le secteur des professions de la santé ;

l'importance d'une formation de haut niveau pour une profession dont la mission s'est complexifiée ces dernières années ;

invite le Conseil d'Etat