République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1147-A
11. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et M. Nicole Castioni-Jaquet et Pierre-Alain Champod concernant le SCARPA. ( -) M1147
Mémorial 1997 : Développée, 6293. Adoptée, 6297.

La motion 1147, déposée par Mme Nicole Castioni-Jaquet et M. Pierre-Alain Champod concernant le Scarpa, a été adoptée par le Grand Conseil le 19 septembre 1997 et renvoyée à la même date au Conseil d'Etat.

Elle invite le Conseil d'Etat à tout entreprendre afin d'améliorer le fonctionnement du Scarpa, notamment en ce qui concerne :

la rapidité du traitement des dossiers ;

l'information aux bénéficiaires ;

les procédures de recouvrements auprès des débiteurs.

1. Rappel du contenu de l'activité du Scarpa selon la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires

La loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires, du 22 avril 1977 (ci après Larpa, a été votée par le Grand Conseil genevois à la suite de l'entrée en vigueur du nouveau droit fédéral de la filiation, notamment les articles 290 et 293 du Code civil suisse qui disposent :

Article 290 Recouvrement

Lorsque le père ou la mère néglige son obligation d'entretien, l'autorité tutélaire ou un autre office désigné par le droit cantonal aide de manière adéquate et gratuitement l'autre parent qui le demande à obtenir l'exécution des prestations d'entretien.

Article 293 Avances

2 Le droit public régit en outre le versement d'avances pour l'entretien de l'enfant lorsque les père et mère ne satisfont pas à leur obligation d'entretien.

Cette loi a été revue sur certains points en décembre 1982 et octobre 1985 et cela avait donné l'occasion au Grand Conseil de confirmer que la Larpa est une loi d'aide technique au créancier et non une loi sociale visant à substituer l'Etat au débiteur défaillant.

La Larpa a ainsi prévu une aide au recouvrement sans condition tant vis-à-vis des usagers majeurs que mineurs.

Elle a prévu des avances sans limite de revenus aux enfants et avec certaines limites de revenus à leurs parents (A noter que l'art. 293, al. 2 du Code civil n'obligeait pas le droit cantonal à prévoir des avances pour les parents). Ces avances ont pour but d'aider le créancier à se retourner dans une situation difficile, lui donner le temps de trouver les ressources nécessaires à la suite d'un divorce ou d'une séparation. Le mémorial repris et cité constamment par le Tribunal administratif souligne cette aide de caractère purement technique.

Les activités du Scarpa ainsi décrites induisent une activité administrative, comptable et de recouvrement complexe. Cette activité est encore rendue plus difficile par la disposition légale de l'article 11 Larpa qui prévoit : « Les avances cessent, lorsque le débiteur se trouve dans un état d'insolvabilité durable ». Il s'agit donc pour le Scarpa de déterminer à quel moment précis le débiteur qui ne s'acquitte pas régulièrement de son obligation, est réellement insolvable au sens de la loi et selon les conditions strictes établies par le Tribunal administratif qui intervient en cas de recours.

Personne n'a prévu, lors de la création du Scarpa en 1977, le développement des activités de ce service dû probablement tant à l'évolution du nombre de divorces qu'à la conjoncture économique qui s'est détériorée depuis le début des années 90. Dès cette date, le Scarpa a rencontré des difficultés toujours croissantes, tant dans la gestion des dossiers que dans le recouvrement auprès des débiteurs. Au printemps 1997, un nouveau directeur, chargé de mission, a été nommé au Scarpa. Economiste de formation, il s'est attaché à faire un inventaire de la situation ; cela lui a permis de se rendre compte que les méthodes appliquées par le personnel peu formé de ce service ne répondaient plus aux réalités administratives et comptables actuelles, que la structure même du Scarpa ne permettait pas de fonctionner de manière optimale. Il a ainsi été procédé à une réorganisation complète du service à laquelle nous reviendrons ci-dessous.

2. Résumé chiffré des activités du Scarpa

Avant toute considération sur les activités du Scarpa et le fonctionnement de celui-ci, il convient de se référer au tableau ci-dessous qui indique les activités de ce service.

Description

au 30.09.1998 soit pour 9 mois

1997

1996

Variation 96/97

A. Dossiers

Nb de dossiers débiteurs

2'598

2'541

2'272

11.84%

Dossiers contentieux

1'872

1'725

1'440

19.79%

Moyenne de dossiers par teneur de comptes

289

282

252

11.84%

B. Avances & pensions

Fr.

Fr.

Fr.

Avances annuelles versées

7'770'660

11'503'701

11'415'734

0.77%

Pensions annuelles comptabilisées

14'307'960

19'028'126

18'738'632

1.54%

C. Encaissements & versements

Fr.

Fr.

Fr.

Encaissements

8'207'660

9'828'233

9'259'689

6.14%

Versements

9'618'471

13'456'586

13'378'377

0.58%

D. Situation en capital

Fr.

Fr.

Fr.

Dette totale (après amortissement en 1996)

67'647'826

61'047'347

52'608'534

16.04%

dont dû à l'Etat

37'320'827

34'782'988

31'178'176

11.56%

E. Taux d'encaissement annuel

Par rapport à la dette totale

********

13.87%

13.80%

0.06%

Par rapport à la dette Etat

********

22.03%

21.33%

0.70%

3. Fonctionnement du Scarpa

Comme souligné très justement lors de la séance du Grand Conseil du 19 septembre 1997, la réalité du Scarpa est très diverse et permet, selon le point de vue auquel on se place, des interprétations diamétralement opposées de la prise en charge d'un même cas. Par essence, il ne peut en être autrement, dans la mesure où le Scarpa intervient systématiquement dans des situations conflictuelles. Il s'ensuit que dans une même situation, le débiteur pense que le Scarpa agit trop vite et le harcèle, tandis que la créancière considère que l'action du Scarpa est molle, inopérante et inefficace.

Il faut rappeler également que le service n'est qu'un maillon du système ; il dépend dans son activité d'une part, en amont, des décisions des tribunaux civils qui déterminent souverainement les pensions allouées, d'autre part, en aval, des décisions d'autres administrations (notamment de l'Office des poursuites et des faillites) ou des tribunaux pénal et administratif.

Le service agit notamment dans les limites fixées par la jurisprudence du Tribunal administratif. Le Scarpa n'a pas qualité pour se substituer à ces institutions. Il doit suivre les injonctions des tribunaux et les rythmes des administrations auxquelles il a affaire.

Outre les remarques sur le fonctionnement général du Scarpa et les souhaits des motionnaires désirant que tout soit entrepris pour améliorer celui-ci, les motionnaires s'inquiètent de trois points.

a) Rapidité de traitement des dossiers

Suite à la récente réorganisation du Scarpa, l'ouverture d'un dossier a pu être ramenée à deux mois, alors que dans les années 1994-1995, il fallait attendre de quatre à six mois. Ces deux mois constituent toutefois un délai incompressible, constitué par trois facteurs principaux :

l'obligation pour le Scarpa de vérifier auprès des instances judiciaires la validité des jugements remis (mention exécutoire, certificat de non appel, etc.) ;

le respect de la norme légale prévoyant l'ouverture du droit aux avances le mois suivant la signature de la convention (art. 5, al. 2 Larpa) ;

la faiblesse des ressources du Scarpa pour absorber aujourd'hui une moyenne de 40 nouvelles demandes par mois.

A noter qu'il n'est pas rare que le Scarpa doive mettre de côté des dossiers mal complétés par des requérants qui n'ont pas pu ou voulu remettre les documents adéquats exigés.

b) Informations aux mandant(e)s

Le Scarpa tient à disposition des mandant(e)s les informations relatives aux procédures en cours, conformément aux règles légales. Malgré leur surcharge constante, les collaborateurs du Scarpa sont appelés à fournir un effort particulier pour informer les mandant(e)s dès les premiers signes d'insolvabilité pouvant modifier leur droit aux avances. L'invite de la motion est particulièrement claire en ce domaine, mais on doit cependant relever que bien souvent les mandant(e)s se désintéressent totalement de la question, tant qu'ils/elles bénéficient d'une avance du Scarpa et malgré le fait que l'intervention de ce service est liée au non-paiement des pensions. Parallèlement, un temps considérable est passé pour réclamer et obtenir des informations, voire un simple changement d'adresse, ou des documents auprès des mandant(e)s. Le Scarpa se voit aujourd'hui dans l'obligation de pénaliser cette attitude, conformément à la loi (art. 12 Larpa). Par ailleurs, à l'instar d'autres administrations, le service est fréquemment confronté à un tourisme frontalier qu'il ne peut pas gérer.

c) Les procédures de recouvrement

Lors de la réorganisation du Scarpa et de toutes les procédures appliquées dans ce service, la procédure de recouvrement a fait l'objet d'une attention toute particulière. De cette procédure et de la bonne application de celle-ci dépendent en effet l'efficacité du service et le coût des prestations à charge de l'Etat.

Des directives strictes ont été mises sur pied, indiquant aux collaborateurs les démarches et délais à respecter dans chaque dossier. Une révision générale des dossiers ouverts a permis la réactivation de procédures en souffrance et la récupération de sommes importantes en faveur de l'Etat de Genève. Certains problèmes freinent toutefois l'amélioration des résultats :

La Larpa prévoit que le Scarpa doit tenter la conciliation des parties, mais elle ne prévoit en aucune manière la possibilité pour celui-ci d'ouvrir des transactions ou de modifier le montant de la créance. Le Scarpa se trouve donc face à des situations ingérables où le débiteur est à l'évidence incapable de verser une partie de la pension (celle-ci devrait être modifiée par jugement), alors que le Scarpa n'a pas compétence pour modifier cet état de fait.

De même, il n'est pas prévu de limite temporelle à l'intervention du Scarpa : celui-ci est obligé d'agir en recouvrement pendant de longs mois, voire années, contre des débiteurs notoirement insolvables, du fait des exigences posées par la jurisprudence du Tribunal administratif.

Par exemple, le dépôt d'une plainte pénale est une mesure exigée par le Tribunal administratif avant de confirmer la suppression des avances, lorsque le débiteur est déclaré insolvable. Outre le fait que la procédure pénale est longue, ce dépôt de plainte est souvent ressenti comme inutilement chicanier par le débiteur.

Les débiteurs à l'étranger font l'objet d'une remarque particulière dans l'exposé de la motion dont il est question ici. Il faut savoir qu'aujourd'hui, sur 150 requêtes déposées depuis 1990, aucun paiement n'est parvenu au Scarpa par l'entremise de la convention dite de New York régissant le recouvrement à l'étranger. Or, la loi, confirmée par le Tribunal administratif, oblige le canton de Genève à engager les moyens prévus dans la convention de New York. Là encore, les démarches du Scarpa demandent de l'énergie sans qu'aucun résultat ne puisse en être attendu.

4. Fonctionnement du Scarpa en général

Comme nous l'avons vu plus haut, le nouveau directeur du Scarpa chargé de la mission de faire un bilan des activités de ce service et d'organiser celui-ci avec des méthodes nouvelles, a ainsi préconisé une nouvelle organisation qui est entrée en vigueur à la fin du printemps 1998.

La direction a été renforcée par la présence d'un juriste-avocat à plein temps ; un superviseur contentieux et un superviseur gestion issus du personnel assument les contrôles des activités qui ont une incidence directe sur les prestations du service.

Des directives claires et précises ont été élaborées à l'intention des teneurs de comptes dont le nombre a été augmenté. Ils peuvent ainsi travailler de manière plus cohérente, plus efficace, mais aussi plus sereine et assurée.

Une formation ad hoc a enfin été élaborée par l'Office de formation du personnel de l'Etat. Elle est suivie par l'ensemble des collaborateurs du service pendant l'hiver 1998-1999. Les thèmes ont été choisis en fonction des besoins du personnel et de ceux du service.

Enfin, l'augmentation du volume d'affaires obligera le Scarpa à investir en moyens informatiques, sans quoi il ne sera pas possible d'assurer des prestations conformes.

Un rapport sur les effets de la réorganisation du Scarpa sur l'environnement chiffré du Scarpa a été remis à la Commission des finances du Grand Conseil pour la séance du 3 novembre 1998 (voir annexe).

5. Conclusion - vers la refonte de la Larpa

Il nous apparaît ainsi que, dans une première phase, un gros travail a été accompli pour permettre au Scarpa de fonctionner à nouveau normalement. L'amélioration des performances du service se fait d'ores et déjà sentir au niveau du recouvrement et de la diminution des pertes de l'Etat, ce qui paradoxalement provoque le mécontentement de certains citoyens-usagers.

Il n'en reste pas moins que certains problèmes ne trouvent pas de solution dans l'état actuel de la Larpa qui devrait être révisée, voire totalement refondue.

Le Département de l'instruction publique s'est d'ores et déjà attelé à cette tâche dans le sens suivant :

L'aide technique du Scarpa devrait se concentrer sur les créanciers qui en ont le plus besoin.

Les dispositions prévoyant la suppression des avances « en cas d'insolvabilité du débiteur » devraient être modifiées d'une part parce qu'elles induisent des démarches administratives lourdes et d'autre part, parce qu'elles ne servent l'intérêt de personne.

Il conviendrait ainsi de prévoir :

un système de recouvrement pour tous, comme c'est le cas actuellement,

un système d'avances nouveau : on pourrait imaginer de verser des avances à toute personne qui est au bénéfice d'une pension alimentaire pour l'année ou les dix-huit mois qui suivent la décision de séparation. Par la suite, les avances devraient soit cesser, soit n'être versées qu'aux personnes qui en ont réellement besoin.

Un projet de loi est à l'étude. Il sera présenté au Grand Conseil dans le courant de l'année 1999 et permettra à celui-ci d'examiner la manière la plus opportune d'améliorer le système genevois de versement d'aides aux bénéficiaires de prestations alimentaires.

Page 8

Page 9

Débat

Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Je voudrais brièvement remercier le Conseil d'Etat pour son rapport. Nous attendons, comme stipulé dans ledit rapport, le projet de loi qui devrait suivre, projet que nous étudierons avec attention.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.